29 novembre 2022
Cour d'appel de Montpellier
RG n° 20/03606

5e chambre civile

Texte de la décision

Grosse + copie

délivrées le

à















COUR D'APPEL DE MONTPELLIER



5e chambre civile



ARRET DU 29 NOVEMBRE 2022



Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/03606 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OVMN





Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 DECEMBRE 2019

TRIBUNAL D'INSTANCE DE SETE

N° RG 11-18-0602





APPELANTE :



Madame [X] [D] épouse [N]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe CALAFELL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant







INTIMES :



Monsieur [L] [R]

né le 12 Janvier 1961 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1] et actuellement

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représenté par Me Aurélie ANDRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/010062 du 16/09/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)



Madame [J] [W] épouse [R]

née le 12 Juin 1963 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 1] et actuellement

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Aurélie ANDRE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/010063 du 16/09/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)





Ordonnance de clôture du 03 Octobre 2022 révoquée avant l'ouverture des débats par une nouvelle ordonnance de clôture du 24 octobre 2022.



COMPOSITION DE LA COUR :





En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 OCTOBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Emmanuel GARCIA, Conseiller, chargé du rapport.



Ce(s) magistrat(s) a (ont) rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre

Madame Nathalie AZOUARD, Conseiller

M. Emmanuel GARCIA, Conseiller



Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON





ARRET :



- contradictoire ;



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;



- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Mme Estelle DOUBEY, Greffier.
















*

* *















EXPOSE DU LITIGE



Le 8 novembre 2013, [G] [D] a donné à bail à [L] [R] et [J] [W], épouse [R], un appartement de type T4, dans un immeuble situé sur la commune de [Localité 5], moyennant un loyer initial de 760 euros, provision sur charges comprise.



Le 21 décembre 2015, suite à des impayés, l'indivision [D], venant aux droits de la bailleresse décédée, a fait délivrer aux locataires un commandement de payer la somme de 2 283,55 euros, représentant les loyers et charges dus, outre 154,76 euros correspondant au coût de l'acte, visant la clause résolutoire, sans réponse des locataires.



A partir de 2015, plusieurs désordres relatifs à des traces d'humidité dans le logement ont été constatés et un diagnostic établi le 10 mai 2016 par Pact Hérault a confirmé qu'ils étaient dus à des problèmes d'étanchéité de la terrasse, située au-dessus de l'appartement.



En 2017, les bailleurs ont fait procéder aux travaux de réfection de la toiture.



Le 26 janvier 2017, Pact Hérault a constaté que le logement n'était pas impropre à l'usage d'habitation et que seule une meilleure utilisation des lieux serait nécessaire.



Le 5 avril 2017, Pact Habitat a constaté que le logement était décent et rappelé notamment que l'appartement devait être régulièrement aéré et ventilé.



Le 10 mai 2017, le juge des référés du tribunal d'instance de Sète, saisi par les bailleurs aux fins de voir prononcer la résiliation du bail, a relevé notamment l'existence d'une contestation sérieuse tant sur la demande d'expulsion que sur la demande en paiement de l'arriéré locatif, outre l'existence de désordres relatifs à la décence du logement et aux travaux de réparations.



Le 12 février 2018, Urbanis a qualifié le logement de non-décent suite à l'apparition de nouveaux désordres.



Parallèlement, les époux [R] ont saisi le juge des référés aux fins d'être autorisés à suspendre le paiement des loyers jusqu'à complète réalisation des travaux de conformité, sous astreinte, et, le 20 juin 2018, une mesure d'expertise a été ordonnée, dont le rapport a été déposé le 16 avril 2019.



Le 3 septembre 2018, les consorts [D] ont fait assigner les époux [R] aux fins de voir constater la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire, ordonner leur expulsion, les voir condamner au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle et à leur payer la somme de 25 044,22 euros au titre des loyers impayés.



Les époux [R] ont demandé le débouté de l'ensemble des demandes des consorts [D] en invoquant une exception d'inexécution et, à titre reconventionnel, que leur responsabilité soit engagée au titre de l'indécence du logement et qu'ils soient condamnés à le mettre en conformité sous astreinte, avec suspension du paiement des loyers jusqu'à réalisation des travaux. Ils ont demandé la condamnation des bailleurs à les reloger pendant deux mois et à leur payer la somme de 6 500 euros au titre du déménagement et réaménagement, la somme de 23 870,98 euros en réparation de leur préjudice de jouissance subi, la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral, 10 000 euros à titre de dommages et intérêts et 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Le jugement rendu le 4 décembre 2019 par le tribunal d'instance de Sète énonce dans son dispositif :




Constate la résiliation du bail conclu le 8 novembre 2013 par l'effet de la clause résolutoire à compter du 22 février 2016 ;

Condamne solidairement les époux [R] au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus en cas de non résiliation du bail à compter du 22 février 2016 et jusqu'à la libération des lieux, selon conditions habituelles ;

Condamne solidairement les époux [R] à payer à l'indivision [D] la somme de 25 044,22 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayées arrêtée au 30 septembre 2019 ;

Déclare le logement loué indécent ;

Constate que les consorts [D] ont été défaillants dans leur obligation légale de délivrer un logement décent ;

Déboute l'indivision [D] de sa demande tendant à l'expulsion des occupants.

Condamne l'indivision [D] à procéder aux travaux nécessaires pour rendre le logement décent dans un délai de quatre mois à compter de la signification de la présente décision, et ce sous astreinte de 10 euros par jour de retard et ainsi à reprendre l'étanchéité thermique dans les deux chambres, modifier le raccordement des bouches VMC, traiter l'étanchéité des parois de douches et réparer la cloison du placard du WC, reprendre l'étanchéité de la terrasse et du logement mitoyen et reprendre dans l'ensemble l'empoutrellement du salon ;

Suspend le paiement des indemnités d'occupation à compter de la signification de la présente décision et jusqu'à complète réalisation des travaux ci-dessus précisés ;

Condamne l'indivision [D] à payer aux époux [R] la somme de 6 500 euros au titre du déménagement-réaménagement, de 17 531,33 euros au titre du préjudice de jouissance subi jusqu'en septembre 2019 inclus et la somme de 3 000 euros au titre de leur préjudice moral ;

Déboute les époux [R] de leur demande à titre de dommages et intérêts ;

Ordonne la compensation entre la créance de l'indivision [D] et les créances des époux [R] ;

Condamne l'indivision [D] à payer aux époux [R] la somme de 2 107,11 euros hors intérêts légaux ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Dit que chaque partie supporte la moitié des dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire.




Le jugement expose que l'état des lieux d'entrée du 8 novembre 2013 fait état d'un logement en bon état général en relevant seulement des traces noires sur les murs du hall d'entrée et du séjour. Il relève, en se fondant sur les divers rapports rendus et sur le rapport d'expertise, qu'il est démontré que plusieurs désordres touchent l'appartement. Il constate que si, au départ, les désordres étaient mis sur le compte de l'usage du poêle à pétrole par les locataires, ils ont persisté malgré son retrait. Le jugement expose que les rapports établissent que le gros 'uvre du logement ne protège pas les locaux contre les ruissellements d'eau sous forme d'humidité et que les dispositifs de ventilation sont défectueux. Le logement ne répond donc pas aux caractéristiques de décence au sens de l'article 2 du décret du 30 janvier 2002. Le rapport d'expertise démontre également que le gros 'uvre du logement ne protège pas les locaux contre le ruissellement d'eau sous forme d'infiltrations en raison d'une étanchéité défectueuse, ce qui rend le logement également non conforme aux caractéristiques de décence. Il en est de même pour le plancher qui a été endommagé par l'humidité et des insectes, ce qui présente un risque important pour la sécurité des locataires.



Le jugement constate que les consorts [D] ont bien respecté les formalités propres aux demandes d'expulsion et de résiliation du bail. Il expose que lorsque les bailleurs ont fait délivrer aux locataires le commandement de payer visant la clause résolutoire, ils ne respectaient pas leur obligation de délivrance d'un logement décent mais qu'il n'est pas établi que les locataires se soient déjà manifestés auprès d'eux en ce sens. Il n'est donc pas démontré que la mise en 'uvre de la clause résolutoire soit intervenue de mauvaise foi, outre le fait que les parties s'assurent à considérer que le logement n'était pas totalement inhabitable à cette période. La résiliation du bail est constatée mais le jugement ne prononce pas l'expulsion du fait de caractère indécent actuel du logement.



Concernant la demande au titre des impayés de loyers, le jugement constate que chaque partie produit un décompte locatif différent. Pour tenir compte de l'allocation logement des époux [R], le jugement tient compte du montant fixé dans les courriers en provenance de la CAF. Les époux [R] ne justifient pas des sommes qu'ils retiennent dans leur décompte au titre des APL et qui sont en contradiction avec lesdits courriers. Ils ne démontrent donc pas les retenues opérées par la CAF ou les versements intervenus qu'ils allèguent.



Le jugement relève que les époux [R] demandent une dispense de la réalisation d'un état des lieux de sortie compte tenu de l'état du logement, sans préciser de fondement juridique de leur demande et alors que le constat d'indécence du logement ne justifie pas d'une dispense à ce titre. Le jugement constate que les locataires ont mis en demeure les bailleurs de mettre en conformité le logement et que ces derniers ne justifient aux débats d'aucun travaux réalisés à l'exception de ceux de la toiture en 2017, qui ne sont pas contestés. Il est démontré que les bailleurs ont procédé à l'étaiement du plancher préconisé par l'expert mais également qu'ils n'ont fait réaliser aucun autres travaux. Les bailleurs ont donc manqué à leur obligation de délivrance et d'entretien à l'égard des locataires. Il convient donc de les condamner à réaliser les travaux nécessaires et de suspendre le paiement du loyer jusqu'à leur exécution. Concernant les frais de déménagement, le jugement constate que l'expert a retenu une durée des travaux d'un mois pour laquelle l'appartement devra être vide. Il était nécessaire de déménager l'ensemble des meubles puisque les travaux vont porter sur deux chambres, la salle de bains et les WC ainsi que le séjour et éventuellement la cuisine, ce qui pourrait dégrader l'ensemble des meubles. Concernant le relogement, le jugement constate que les bailleurs démontrent qu'ils ont accompli toutes diligences pour reloger les locataires mais que ces derniers ont refusé les logements proposés sur la même commune. Les bailleurs ont également proposé de décaler les travaux hors périodes estivales pour trouver une solution de relogement plus facilement. Le jugement relève que les locataires n'ont pas transmis les avis d'imposition de leurs deux enfants majeurs à la commission DALO, qui devait les aider à rechercher un logement social.



Le jugement expose que les époux [R] ont subi un trouble de jouissance du fait des désordres du logement. Il relève que les locataires produisent aux débats cinq ordonnances médicales établissant que leur fils bénéficie d'un traitement pour l'asthme et que leur fille présente des symptômes de bronchite aiguë à répétition dans un contexte d'asthme et qu'elle doit éviter d'être hébergée dans un endroit avec moisissure. Le lien entre l'asthme et les conditions du logement est ainsi établi sans que l'état du logement ne puisse être considéré comme l'unique cause. Le jugement expose que la surfacturation électrique n'est pas démontrée par les locataires puisqu'ils ne fournissent aucun élément de comparaison.



[X] [D], pour le compte de l'indivision, a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 27 août 2020.



La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 3 octobre 2022.



Les dernières écritures pour l'indivision [D] ont été déposées le 25 septembre 2020.



Les dernières écritures pour les époux [R] ont été déposées le 24 décembre 2020.



Le 14 octobre 2022, l'indivision [D] a demandé l'irrecevabilité des conclusions des intimés au motif qu'ils ne précisaient pas leur domicile dans leurs conclusions.



Le 19 octobre 2022, le conseil des époux [R] a communiqué leur nouvelle adresse, sur la commune de [Localité 8].



En conséquence, par conclusions des 19 et 21 octobre 2022, l'indivision [D] a présenté de nouvelles conclusions indiquant qu'elle renonçait à poursuivre l'irrecevabilité de la constitution de l'avocat pour le compte des intimés et leur expulsion.



Du constat d'un commun accord des parties et afin de recevoir ces dernières conclusions des appelants, la cour a décidé, par ordonnance séparée, de rabattre l'ordonnance de clôture à la date de l'audience, soit au 24 octobre 2022.



Le dispositif des écritures pour l'indivision [D] énonce, en ses seules prétentions :




Infirmer la décision déférée ;

Débouter les époux [R] de leurs demandes, fins et conclusions ;

Condamner les occupants à payer intégralement les sommes échues au titre des loyers et des charges jusqu'au mois de février 2016 ;

Fixer l'indemnité d'occupation au prix du loyer ;

Débouter les époux [R] de leurs demandes, fins et conclusions ;

Les condamner à 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise.




[X] [D] rappelle que le preneur d'un bail locatif ne peut de son propre chef suspendre le paiement des loyers. Elle soutient que les époux [R] ont cessé de payer les loyers et ce malgré le commandement de payer qui leur sera délivré. Elle souligne que les locataires chauffent le bien avec un poêle qui dégage beaucoup de vapeur, ce qui n'est pas autorisé par le bail et cause des désordres. [X] [D] ajoute que dans le jugement dont appel, le bail a été résilié mais que les locataires, désormais occupants sans droit ni titre, se sont maintenus dans les lieux.



Le bail est résilié à compter du 22 février 2016, ce qui ne donne aucun titre aux époux [R] à compter de cette date pour venir demander des réparations aux propriétaires. Les occupants n'étant plus locataire, leurs demandes sont sans objet. En tout état de cause, la bailleresse fait valoir que le rapport des services d'Urbanis du 12 février 2018 intervient alors que les époux [R] sont désormais occupants sans droit ni titre, il n'y a donc plus lieu d'analyser la situation de la décence du logement. Le premier juge a donc conclu de manière contradictoire puisque la résiliation du bail a été prononcée à une date antérieure à la question de l'indécence.



[X] [D] souligne que les époux [R] ont cessé de payer les loyers et les indemnités d'occupation depuis plusieurs années et qu'ils se sont maintenus dans les lieux malgré leur prétendue indécence. La résiliation du bail à partir de 2016 fait obstacle à la condamnation des bailleurs à effectuer des travaux ainsi qu'à l'octroi d'une quelconque indemnité aux époux [R], a fortiori une réduction de loyers qu'ils ne payaient pas.



[X] [D] soutient que l'indivision dont elle fait partie doit avancer des frais non compris dans les dépens, et ce, sans percevoir de loyers et avec l'obligation d'effectuer des travaux. Le comportement des preneurs serait abusif.



Subsidiairement, elle fait valoir que le premier juge a ordonné l'exécution provisoire, notamment pour les travaux, sans prévoir l'hypothèse où les preneurs se maintenaient dans les lieux et empêchaient ainsi leur exécution.



Le dispositif des écritures pour les époux [R] énonce :




Confirmer la décision déférée en ce qu'elle a reconnu l'indécence du logement, jugé que l'indivision [D] a été défaillante dans leur obligation légale de délivrer un logement décent, débouté l'indivision [D] de leur demande tendant à l'expulsion des occupants, condamné l'indivision à la réalisation des travaux ainsi qu'aux frais du déménagement-réaménagement, jugé l'existence d'un préjudice de jouissance et d'un préjudice moral subi par les intimés et ordonné la compensation des créances ;

Débouter l'appelant de sa demande d'expulsion des occupants, de sa demande d'indemnité d'occupation et de ses plus amples demandes formulées à l'encontre des époux [R] ;

Confirmer la décision déférée sur la condamnation des bailleurs s'agissant de la mise en conformité du logement et condamner l'indivision [D] à procéder à la mise en conformité du logement sur la base des prestations prévues par la société Compan ;

Suspendre les paiements du loyer jusqu'à complète réalisation des travaux de mise en conformité, compte tenu de l'indécence du logement ;

Infirmer la décision déférée s'agissant du relogement de la famille [R] durant les travaux ;

Condamner l'indivision [D] à les reloger dans un logement identique pour une durée de deux mois ;

Condamner l'indivision [D] au paiement de la somme de 6 500 euros au titre du déménagement/réaménagement évalué par l'expert ;

Infirmer la décision déférée s'agissant du montant des loyers impayés retenus.

Condamner le bailleur au paiement de la somme de 20 739,74 euros au titre du préjudice de jouissance subi par les époux [R] depuis le mois de janvier 2015 au mois de juin 2019, soit la somme de 23 870,98 euros à parfaire ;

Ordonner la compensation des créances ;

Condamner le bailleur au paiement de la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral et de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts ;

Condamner l'indivision [D] au paiement de la somme de 5 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.




Les époux [R] soutiennent que le logement loué est indécent. Ils font valoir au soutien de leurs allégations, tant le rapport d'expertise que leurs plaintes au sujet des infiltrations, rapidement après leur entrée dans les lieux. Selon eux, les premiers travaux n'ont été réalisés qu'en 2017, après plusieurs mises en demeure et sans mettre fin aux désordres. Ces infiltrations ont en outre endommagé la solidité du plancher déjà mise à mal par la présence d'insectes xylophages. Les époux [R] ajoutent que l'expert relève également des traces d'humidité dans le logement.



Les époux [R] avancent que les désordres du logement sont des vices cachés qui ont compromis leur usage des lieux. Les vices ont été cachés par les travaux réalisés par les consorts [D]. L'expert note que le logement ne satisfait pas en tous points aux exigences de l'article 2 du décret du 30 janvier 2002, sur les points 1, 3 et 5, et qu'il existe un risque pour la sécurité des occupants. Les locataires estiment qu'il convient de les dispenser de l'état des lieux de sortie compte tenu de l'état du logement dont les bailleurs sont seuls responsables.



Les époux [R] contestent la demande d'expulsion formulée par les bailleurs en se fondant sur l'ordonnance du 10 mai 2017 rendue par le tribunal d'instance de Sète et sur l'indécence des lieux loués.



Les époux [R] demandent la réalisation des travaux préconisés par l'expert. Ils soutiennent que l'expert a prévu que pendant deux mois la maison devait être vide de meubles et d'occupants. Les désordres affectant le logement engagent la responsabilité des bailleurs en leur qualité de bailleurs mais aussi au titre de leur qualité de bailleurs professionnels du bâtiment. Les locataires ajoutent qu'ils n'ont eu aucune proposition de relogement à part des propositions de F3, ce qui ne correspond pas à leurs besoins.



Concernant les impayés de loyers, les époux [R] soutiennent que la CAF a supprimé le versement des APL en raison de l'indécence du logement. Ils ajoutent qu'ils ont suspendu le paiement des loyers à compter de décembre 2016 et que les APL étaient de 354,98 euros pour un loyer total de 764,04 euros. Ils ajoutent qu'ils ont réglé le mois d'avril 2017 et qu'en novembre 2017 le loyer a été augmenté à la somme de 770,84 euros. Ils estiment donc qu'en avril 2019, les impayés s'élevaient à 10 808,04 euros une fois déduction faite des APL versées directement aux bailleurs et non à 22 187,36 euros. Les locataires font valoir que les décomptes des bailleurs et le leur sont équivalents, si ce n'est que celui des bailleurs actent une augmentation de loyer en novembre 2018 alors même que le logement était indécent.



Les époux [R] font valoir qu'ils n'ont pas pu jouir paisiblement du logement et ce depuis le 1er trimestre 2015. L'état des lieux d'entrée ne fait état d'aucun désordre et laissait présager un logement sain. L'article 1721 du code civil prévoit que le bailleur doit garantir le locataire des vices cachés existant au jour de la signature du bail et ceux qui apparaîtraient postérieurement. Les locataires ajoutent que l'un des membres de l'indivision est professionnel du bâtiment et ne peut ignorer les défauts de conformité du logement.



Les époux [R] estiment qu'ils subissent également un préjudice moral en raison de l'attitude des bailleurs. Ils font valoir qu'ils ont vécu avec leurs enfants dans un logement humide et affecté par des moisissures ayant aggravé l'asthme d'un de leur enfant et ayant déclenché de l'asthme chez leurs deux autres enfants. Ils ajoutent que leur déménagement pour les travaux va les contraindre à se réorganiser pour les déplacements et les trajets scolaires. Ils avancent qu'ils ont également subi une surfacturation d'EDF sur les dernières années, liée aux entrées d'air et à la mauvaise isolation du logement.



Ils contestent vouloir battre monnaie et sollicitent la réparation de leur entier préjudice. Ils estiment avoir rempli leur obligation d'entretien du logement et qu'aucun désordre ne leur est imputable. Les époux [R] ajoutent que les bailleurs multiplient les procédures à leur encontre dans l'unique but de les expulser sans réaliser les travaux de mise en conformité.




MOTIFS



1. Sur la mise en 'uvre de la clause résolutoire et ses conséquences



En application des articles 7 et 24 de la loi du 6 juillet 1989, et ainsi que relevé par le premier juge, le bail liant les parties comprend une clause résolutoire dont l'acquisition a été activée par la délivrance d'un commandement de payer le 21 décembre 2015, demeuré infructueux. Le non paiement des loyers n'est pas contesté par les parties dans le délai de deux mois de ce commandement.



Pour justifier l'absence de régularisation du loyer, les époux [R] ont invoqué le caractère indécent du logement pris à bail.



Selon l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation.



Selon l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant.



Seule l'inhabitabilité du logement est susceptible de faire obstacle à la résiliation du bail.



Or, les époux [R] ne s'en prévalent pas et les désordres rapportés par eux ne relèvent pas d'un tel critère.



Aussi, il convient de constater, comme l'a justement fait le premier juge, que la clause résolutoire a produit son plein effet le 22 février 2016.



Si le premier juge a considéré que le caractère indécent du logement en litige le rendait impropre à l'habitation, ce qui lui faisait en conséquence interdiction de prononcer 1'expu1sion des occupants, la cour constate que les consorts [D] ne demandent plus l'expulsion des époux [R], la cour comprenant des derniers messages RPVA qu'ils avaient quitté le logement en litige, sans qu'il ne soit indiqué à quelle date.



2. Sur la condamnation des consorts [D] à procéder aux travaux nécessaires pour rendre le logement décent



Après avoir rappelé que l'article 20-1 du 6 juillet 1989 permettait au locataire, si le logement loué ne satisfaisait pas aux critères de décence, de demander au propriétaire sa mise en conformité, sans qu'il ne soit porté atteinte à la validité du contrat en cours, le premier juge a condamné les consorts [D] à procéder aux travaux nécessaires pour rendre le logement décent.



Or, comme ils le soutiennent justement, dès lors que le contrat a été résilié au 22 février 2016, les époux [R] ne pouvaient plus se maintenir dans les lieux au-delà de cette date, pour ne plus disposer de leurs droits de locataires, et le tribunal ne pouvait pas condamner les consorts [D] à procéder aux travaux nécessaires pour rendre le logement décent dès lors que le contrat de location liant les parties avait été résilié du fait du constat de l'acquisition de la clause résolutoire.



Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné sous astreinte les consorts [D] à procéder aux travaux nécessaires pour rendre le logement décent et a suspendu le paiement des indemnités d'occupation jusqu'à complète réalisation de ces travaux.



En revanche, les époux [R] sont en droit de demander à être indemnisés au motif de l'indécence du logement pris à bail, pour la période antérieure à la date du 22 février 2016.





3. Sur l'indécence du logement pendant le temps du bail d'habitation



Le premier juge a indiqué dans sa décision que l'état des lieux d'entrée du 8 novembre 2013 faisait état d'un logement en bon état général et qu'il n'était pas contesté qu'à partir de 2015, différents désordres avaient été relevés, relatifs à des traces d'humidité, et qu'un diagnostic établi par Pact Hérault, le 10 mai 2016, avait confirmé la corrélation de ces désordres avec l'étanchéité de la terrasse située au-dessus de l'appartement et avait conclu à la nécessité de procéder à la réfection des revêtements dégradés, de les traiter contre l'humidité et la moisissure, de réparer la ventilation de la salle de bain et d'installer une ventilation en cuisine afin de créer des amenées d'air frais dans le logement.



Le premier juge a retenu que les bailleurs avaient fait procéder aux travaux de réfection de la toiture, courant le premier trimestre 2017, en indiquant qu'il était établi que Pact Hérault avait constaté, le 26 janvier 2017, que le logement n'était pas impropre à l'usage d'habitation et que seule une meilleure utilisation des lieux serait nécessaire ainsi qu'il résultait d'un certificat de conformité du logement, en ajoutant que ce constat était confirmé par le rapport émis par Pact Habitat le 5 avril 2017, aux termes duquel il était constaté que le logement était décent, les travaux préconisés ayant été réalisés, tout en relevant l'absence de détecteurs de fumée et le fait que l'usage du poêle à pétrole augmentait le taux d'humidité de l'air suite à la vapeur d'eau dégagée par l'appareil et dégageait des produit polluants, potentiellement toxiques. Pact Habitat rappelait que l'appartement devait être régulièrement aéré et ventilé, que l'entretien courant du logement relevait du locataire et qu'une meilleure utilisation des lieux serait nécessaire.



Ainsi, outre le fait que les époux [R] ne peuvent se prévaloir d'une indécence du logement pris à bail au-delà du 22 février 2016, puisque occupants sans droit ni titre à compter de cette date, il est établi que celui-ci était décent lors de l'entrée dans les lieux et que s'il avait été constaté des traces d'humidité à compter de 2015, les bailleurs avaient été diligents en procédant à des travaux de réfection de la toiture.



En conséquence, les époux [R] ne pouvant se prévaloir d'une indécence du logement pris à bail, le jugement dont appel sera infirmé en ce qu'il a condamné l'indivision [D] à leur payer la somme de 6 500 euros au titre du déménagement-réaménagement, de 17 531,33 euros au titre du préjudice de jouissance subi jusqu'en septembre 2019 inclus et la somme de 3 000 euros au titre de leur préjudice moral.



Il en résulte également que le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné l'indivision [D] à payer aux époux [R] la somme de 2 107,11 euros, hors intérêts légaux, après compensation.



4. Sur les demandes en paiement formées par l'indivision [D]



Statuant à nouveau, les époux [R] seront condamnés à payer à l'indivision [D], qui en justifie, la somme de 3 809,55 euro correspondant au montant total des sommes dues au titre des loyers et charges échus au 22 février 2016.



L'indemnité d'occupation due par les époux [R], depuis cette date jusqu'à leur départ effectif du logement en litige, sera fixée à la somme de 763 euros, soit le montant du loyer et charges au 1er février 2016.



5. Sur les prétentions indemnitaires formées par les époux [R]



En conséquence de ce qui précède, notamment de ce qu'ils ne peuvent se prévaloir d'une indécence du logement pendant le temps du bail d'habitation, les époux [R] seront déboutés de leurs prétentions indemnitaires.



6. Sur les dépens et les frais non remboursables



Le jugement sera infirmé en ce qui concerne les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.



Les époux [R] seront condamnés aux dépens de l'instance.



Les époux [R] seront en outre condamnés à payer à l'indivision [D] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;



INFIRME le jugement rendu le 4 décembre 2019 par le tribunal d'instance de Sète, en toutes ses dispositions ;



Statuant à nouveau,



CONDAMNE les époux [R] à payer à l'indivision [D] la somme de 3 809,55 euro correspondant au montant total des sommes dues au titre des loyers et charges échus au 22 février 2016 ;



FIXE les montant de l'indemnité d'occupation due par les époux [R], à compter du 22 février 2016 jusqu'à leur départ effectif du logement en litige, à la somme mensuelle de 763 euros ;



CONDAMNE les époux [R] à payer à l'indivision [D] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE les époux [R] aux dépens de l'instance.



Le greffier, Le président,

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