24 novembre 2022
Cour d'appel de Versailles
RG n° 22/02907

14e chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80F



14e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 24 NOVEMBRE 2022



N° RG 22/02907





- N° Portalis DBV3-V-B7G-VFAX



AFFAIRE :



S.A.S. KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE





C/

[F] [I]









Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 04 Avril 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Versailles



N° RG : 22/00214



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 24.11.2022

à :











Me Sophie ROJAT, avocat au barreau de VERSAILLES





Me Mathilde CAUSSADE, avocat au barreau de Versailles



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



S.A.S. KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]



Assistée de Me Fabrice LAFFON de l'AARPI FOURNIER LABAT-SIBON ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0172 -



Représentant : Me Sophie ROJAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 427





APPELANTE

****************





Monsieur [F] [I]

né le 29 Septembre 1969 à [Localité 5] (91)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]



Assisté de : Me Matthieu BARBÉ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0440 -



Représentant : Me Mathilde CAUSSADE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 168





INTIME

****************





Composition de la cour :



L'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Octobre 2022, Madame Nicolette GUILLAUME, Président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :



Madame Nicolette GUILLAUME, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,



qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT


EXPOSE DU LITIGE



La SAS Konica Minolta Business Solutions France (KMBSF) exerce une activité de vente, location et maintenance de matériels bureautiques et informatiques (y compris logiciels) et de vidéosurveillance à travers différents réseaux de distribution, ainsi que de développement, audit et formation.



M. [F] [I] a été embauché par KMBSF avec un contrat de travail à durée indéterminée le 2 août 1999 et une reprise d'ancienneté au 15 janvier 1998. Son dernier poste était celui de « Directeur de la Relation Client ». Il avait un statut de cadre-dirigeant et il était également membre du Comité Exécutif (COMEX) depuis 2010, percevant une rémunération mensuelle brute moyenne d'un montant de 17 930,43 euros.



Son licenciement pour faute grave lui a été notifié le 28 juillet 2021 par lettre recommandée avec accusé de réception, au motif de carences dans la direction de ses collaborateurs de nature à altérer leur état de santé physique et mental dans un contexte de réorganisation de l'entreprise, mais aussi de graves erreurs susceptibles d'entraîner un préjudice pour KMBSF.



M. [F] [I] a contesté son licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception le 6 septembre 2021.



Dans la perspective de saisir le conseil de prud'hommes, il a déposé une requête le 3 décembre 2021 puis une autre le 17 décembre 2021 devant le président du tribunal judiciaire de Versailles, fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, aux fins de saisie de documents au siège de KMBSF.



Par ordonnance rendue le 3 décembre 2021, puis par une ordonnance rendue le 20 décembre 2021, le président du tribunal judiciaire de Versailles a accueilli ces requêtes.



Les opérations de constat ont été réalisées le 2 février 2022 par Maître [H], huissier de justice.



Saisi par acte d'huissier de justice délivré le 15 février 2022 par la société Konica Minolta Business Solutions France à M. [I], par ordonnance contradictoire rendue le 21 avril 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles a :

- rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance rendue sur requête le 20 décembre 2021,

- condamné la société Konica Minolta Business Solutions France à payer à M. [I] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.



Par déclaration reçue au greffe le 26 avril 2022, la société Konica Minolta Business Solutions France a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, sauf sur la condamnation de KMBSF aux dépens.



Dans ses dernières conclusions déposées le 29 juillet 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Konica Minolta Business Solutions France (KMBSF) demande à la cour, au visa des articles 145, 496 et 497 du code de procédure civile, de :

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 21 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Versailles ;

statuant à nouveau,



à titre principal

- rétracter l'ordonnance rendue le 20 décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Versailles à la requête de M. [I] ;



à titre subsidiaire

- rétracter l'ordonnance rendue le 20 décembre 2021 en ce qu'elle a ordonné une communication de pièces sur une période courant du 1er janvier 2020 au 28 juin 2021 ;

en conséquence,

- juger qu'elle remettra les documents suivants :

- l'ensemble des mails reçus et envoyés par M. [F] [I] depuis son adresse professionnelle [Courriel 7] entre le 24 septembre 2020 et le 28 juin 2021 ;

- les comptes rendus du COMEX pour la période comprise entre le 24 septembre 2020 et le 28 juin 2021 ;

- tous les pré-rapports, rapports et/ou notes de service concernant la restructuration Order to Cash ;

- tous les éléments relatifs à l'intervention de M. [I] lors de la formation « Parcours Identité Managériale » du 18 février 2021 ;

- la copie des données concernant uniquement M. [I], à l'exclusion de toute autre, du registre Covid 19 que chaque personne présente au siège de [Localité 6] devait émarger en arrivant le matin pendant la pandémie et l'obligation de télétravail, entre le 16 mars 2020 et le 28 juin 2021 ;



en tout état de cause,

- débouter M. [I] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. [I] au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [I] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Sophie Rojat, en application de l'article 699 du code de procédure civile,



Dans ses dernières conclusions déposées le 29 juillet 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [I] demande à la cour, au visa des articles 145 et 493 du code de procédure civile, de :

- débouter la société Konica Minolta Business Solutions France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 21 avril 2022 par le tribunal judiciaire de Versailles confirmant l'ordonnance du 20 décembre 2021 ;

- condamner la société Konica Minolta Business Solutions France au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant de la procédure d'appel ;

- condamner la société Konica Minolta Business Solutions France aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- préciser et ordonner expressément que les dépens d'instance comprennent les frais d'huissier et de sapiteur exposés pour la récupération des éléments sollicités.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2022.




MOTIFS DE LA DÉCISION :



Sur la régularité de la signification de l'ordonnance sur requête



KMBSF sollicite l'infirmation de l'ordonnance dont appel.



Elle relève que ni la requête initiale ni l'ordonnance corrélative du 3 décembre 2021 ne lui ont été signifiées en contradiction avec l'article 495 alinéa 3 du code de procédure civile.



Elle indique qu'elle ne s'est ainsi vu signifier le 2 février 2022 qu'une requête 'aux fins de modification d'une ordonnance 493 cpc' et une ordonnance rendue le 20 décembre 2021 dont on comprend à la lecture de la requête modificative qui y fait expressément référence, que cela fait suite à une première requête et une précédente ordonnance rendue le 3 décembre 2021 qui n'ont jamais été signifiées.



Elle soutient que cette irrégularité lui cause nécessairement un préjudice puisqu'elle n'a pris connaissance de la procédure non contradictoire engagée par M. [S] dans sa plénitude que le 15 mars 2022, date à laquelle il a communiqué la requête et l'ordonnance initiale ayant servi de fondement à l'ordonnance du 20 décembre 2021.



M. [I] qui au contraire demande la confirmation de l'ordonnance attaquée, rétorque que la démonstration d'un grief s'agissant d'un vice de forme, n'est pas faite.



Il ajoute que l'ordonnance rendue le 3 décembre 2021 ne fait pas corps avec celle rendue le 20 décembre 2021, et qu'elle n'avait donc pas à être signifiée. Il précise que cette ordonnance datée du 3 décembre 2021 n'était susceptible d'aucune exécution en l'absence de possibilité de s'adjoindre le concours d'un sapiteur comme de la force publique. Il indique que l'huissier n'avait besoin de se fonder que sur l'ordonnance du 20 décembre 2021, régulièrement signifiée, pour mener à bien sa mission.



Sur ce,



Il est d'abord observé que si KMBSF fait état d'une présentation tronquée des faits par M. [I] qui se serait aussi exonéré de la communication de pièces probantes au juge des requêtes, elle n'en tire pas de conséquence juridique. Les développements de M. [I] à cet égard en page 5 de ses conclusions, sont donc sans objet.



Sur la question posée, l'article 495 du code de procédure civile dispose que : 'L'ordonnance sur requête est motivée.

Elle est exécutoire au seul vu de la minute.

Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée.'



Il est constant que la requête déposée le 17 décembre 2021, comme l'ordonnance rendue le 20 décembre suivant ont seules été remises en copie à KMBSF en application de ce texte.



Il sera retenu que bien que la requête déposée le 17 décembre 2021 soit intitulée ' requête aux fins de modification d'une ordonnance 493 cpc', il convient quant à son contenu, d'appliquer l'article 494 du code de procédure civile selon lequel : 'La requête est présentée en double exemplaire. Elle doit être motivée. Elle doit comporter l'indication précise des pièces invoquées.

Si elle est présentée à l'occasion d'une instance, elle doit indiquer la juridiction saisie.

En cas d'urgence, la requête peut être présentée au domicile du juge'.



Ces requêtes et ordonnances datées des 17 décembre 2021 et 20 décembre suivant, étant motivées dans des termes très exactement similaires aux précédentes, le requérant n'ayant fait qu'ajouter une motivation supplémentaire dans la seconde requête sur la nécessité d'une deuxième ordonnance pour pallier les difficultés d'exécution de la première, la seconde requête comportant également l'indication précise des pièces invoquées, la requête déposée le 17 décembre 2021, comme l'ordonnance rendue le 20 décembre suivant se suffisent à elles-mêmes.



Il n'était donc nullement nécessaire que le requérant fasse signifier la requête déposée le 3 décembre précédent ainsi que l'ordonnance qui s'en est suivie, datée du même jour.



Aucune irrégularité de signification ne peut donc entraîner la rétractation de l'ordonnance rendue le 20 décembre 2021 et l'ordonnance attaquée sera confirmée en ce qu'elle a jugé à ce titre.



Sur la nécessité de déroger au principe de la contradiction



KMBSF conteste la motivation de l'ordonnance rendue le 20 décembre 2021 à cet égard. Elle rappelle que l'intimé licencié pour faute grave, a fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire, ce qui par hypothèse supposait qu'il soit empêché d'accéder à des documents professionnels.



Elle indique que M. [I] ne l'a jamais mise en demeure préalablement à cette procédure sur requête, de lui communiquer les pièces litigieuses.



Elle précise que son ancien salarié a pu récupérer ses effets personnels.



Elle ajoute que l'ampleur des investigations sollicitées dans leur durée d'exécution et sur la période concernée, justifie la tenue d'un débat contradictoire.



Pour M. [I] qui sollicite au contraire la confirmation de l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a jugé de ce chef, il existait bien un risque, au jour où le président a statué, d'un refus de KMBSF de lui transmettre ou fasse disparaître les messages qui lui seraient utiles contenus dans sa boîte mail. Il affirme qu'il devait donc s'assurer, justement en raison de son éviction brutale, de l'intégrité et de l'exhaustivité des éléments, notamment de ces courriels envoyés et reçus, dans un souci d'efficacité de conservation des preuves dans la perspective d'un procès équitable, et d'effet de surprise que seule une ordonnance non contradictoire permettait.



Il soutient qu'il s'est vu, lors de son entretien préalable mais aussi ultérieurement, le 30 juillet 2021, refuser d'accéder à sa boîte aux lettres électronique, à l'inverse d'autres collègues licenciés également.



Il insiste sur la résistance déployée par KMBSF lors du déroulement des opérations de saisie et sur son 'acharnement procédural actuel', pour justifier la dérogation au principe du contradictoire.



Sur ce,



L'article 493 du code de procédure civile dispose que : « L'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ».



Les mesures d'instruction prévues à l'article 145 du code de procédure civile ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement.



Le juge saisi d'une demande de rétractation statue sur les mérites de la requête en se prononçant, au besoin d'office, sur sa motivation ou celle de l'ordonnance. Il est nécessaire que soient exposés de manière explicite les motifs justifiant le non-recours à une procédure contradictoire. Cette motivation doit s'opérer in concreto et ne peut pas consister en une formule de style.



La cour souligne tout d'abord que personne ne peut se prévaloir des conditions de réalisation des opérations de constat réalisées (durée, ampleur de la saisie), telles qu'autorisées par l'ordonnance sur requête.



Par ailleurs, dans la perspective d'un procès équitable devant le conseil de prud'hommes, une mise à pied conservatoire et un licenciement pour faute lourde, dans la mesure où ils sont contestés, ne forment pas d'obstacle à une recherche de preuve de la part du salarié et à sa requête fondée sur l'article 145 du code de procédure civile, peu importe que la charge de la preuve de la justification d'un tel licenciement repose sur l'employeur.



En conséquence, aucune des parties ne pourra être suivie dans son argumentation dans chacune de ces deux directions.



L'ordonnance vise la requête et les pièces qui y sont jointes, ce qui vaut adoption implicite des motifs figurant dans la requête.



Il résulte de la requête datée du 17 décembre 2020 que l'intimé tout en précisant qu'il entendait saisir le conseil de prud'hommes pour contester son licenciement, mais que les preuves de ses allégations étaient entre les mains de son employeur, justifie le caractère non contradictoire de l'ordonnance sollicitée en indiquant :

« Compte tenu d'un tel comportement, il est à craindre, comme cela a pu être le cas dans des dossiers préalables, que l'employeur ne procède rapidement à la « perte », l'effacement et la destruction de mails pouvant être compromettant, ou encore de modifier certains mails, et ce d'autant plus compte tenu de la position hiérarchique très élevée de Monsieur [I] au sein

de l'entreprise avant son licenciement.

Il en va de même des rapports COMEX, des éléments mentionnant l'intervention de Monsieur

[I] sur une formation management au sein de l'entreprise, des mails matinaux ou tardifs ou

rédigés le week-end, dont Monsieur [I] entend éventuellement se prévaloir pour solliciter

le règlement d'heures supplémentaires, idem s'agissant du registre Covid19 d'entrée et sortie

du personnel du siège social pour la même période ».



Par de tels motifs, M. [I] a donc suffisamment caractérisé les circonstances nécessitant de déroger au principe de la contradiction par rapport au contexte dénoncé.



Sur l'existence d'un motif légitime



KMBSF insiste sur l'inutilité de la mesure au regard de la charge de la preuve qui lui incombe de la faute de son salarié.



Elle indique que ne peut être envisagée la recherche des preuves qu'elle entend produire à son bénéfice dans le cadre du procès devant le conseil de prud'hommes puisqu'elle n'a pas l'obligation de se préconstituer un dossier.



M. [S] sollicite le bénéfice de la saisie au motif que sinon, seule KMBSF disposerait de tous ses courriels professionnels et personnels pour la période litigieuse dont elle pourrait user seule à sa guise dans le cadre de la procédure (notamment en sélectionnant ceux pouvant justifier ses allégations), sans que lui-même ne puisse de son côté les utiliser pour assurer sa défense.



Il précise par rapport aux reproches qui lui sont faits relatifs à la dégradation des relations avec ses collaborateurs que, s'il était en charge du projet Order to Cash, seules les RH étaient responsables du PSE et que la détérioration de la situation entre l'année 2020 à 2021 pour l'ensemble des salariés s'explique par une mauvaise gestion des départs liés à ce plan par la directrice des ressources humaines.



Sur ce,



Selon l'article 145 du code de procédure civile : 's'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé'.



Le juge, saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile et tenu d'apprécier au jour où il statue les mérites de la requête, doit s'assurer de l'existence d'un motif légitime, au jour du dépôt de la requête initiale et à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui, à ordonner la mesure probatoire.



Il résulte de ce texte que le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer le bien-fondé de l'action en vue de laquelle elle est sollicitée ou l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est destinée à les établir, mais qu'il doit toutefois justifier de la véracité des éléments rendant crédibles les griefs allégués et plausible le procès en germe.



Outre son caractère légitime, la mesure d'instruction visant à améliorer la situation probatoire du requérant, son utilité pour la recherche ou la conservation des preuves doit également être établie, étant souligné que sont sans incidence sur l'appréciation des mérites de la requête, les résultats de l'exécution des mesures sollicitées.



Il sera également rappelé qu'il appartient au requérant de justifier de ce que sa requête était fondée, et non au demandeur à la rétractation de rapporter la preuve qu'elle ne l'est pas.



Or en l'espèce, il est constant que M. [I] a été mis à pied à titre conservatoire le lundi 28 juin 2021 à 11h, après 24 ans d'ancienneté, sans possibilité d'accéder à sa boîte aux lettres électronique (ses pièces 4 et 12), alors que son licenciement était fondé sur des insuffisances professionnelles qu'il entend contester. Il sera retenu que des courriels y figurant peuvent servir l'une ou l'autre des parties dans l'hypothèse d'un procès en germe devant le conseil de prud'hommes tel qu'il est envisagé. Il est constant que, sans les mesures d'investigation critiquées, seul l'employeur en dispose.



Plus concrètement, sachant qu'il est notamment reproché à M. [I] une carence dans la direction de ses collaborateurs de nature à altérer leur état de santé physique et mental dans un contexte de réorganisation de l'entreprise, il est retenu qu'il lui sera utile pour contester le motif de son licenciement, de produire des courriels attestant de la qualité des échanges avec ses subordonnés et de la cause d'une dégradation de la situation des salariés de l'entreprise.



Enfin, M. [I] ne limitant pas ses investigations à la recherche des preuves que compterait produire son adversaire, la jurisprudence (CA Limoges 13 septembre 2004) est inopérante.



Dans ces conditions, le motif légitime est caractérisé et la mesure est utile.



Sur les mesures ordonnées



KMBSF insiste sur le fait que la mesure d'instruction susceptible d'être ordonnée doit être proportionnée avec l'objectif poursuivi, circonscrite et limitée dans le temps.



Elle sollicite la rétractation de l'ordonnance sur requête au motif que la période visée est trop large puisqu'elle concerne 18 mois d'échanges de courriels.



Elle entend faire valoir que la lettre de licenciement ne vise pas de griefs sur une telle période.



Elle demande à titre subsidiaire, le cantonnement de l'ordonnance rendue sur requête à une période commençant le 8 janvier 2021, date de la signature du PSE, et sa rétractation pour le surplus.



Pour en justifier, elle fait état du mauvais management de ses équipes par M. [I] et rappelle les termes de la lettre de licenciement.



Elle ajoute que c'est en considération des attributions de M. [I] et de sa présence au sein du Comité Exécutif, qu'il a été chargé de réfléchir à une nouvelle organisation pour l'entreprise (« Order to Cash ») ayant conduit à la mise en 'uvre d'un PSE signé le 8 janvier 2021qu'il a dès lors lui-même 'bâti'.



M. [S] indique au contraire, qu'il a besoin des courriels sur la période comprise entre le 1er janvier (début de lancement du projet Order to Cash et date du début des échanges à ce sujet) et le 24 septembre 2020 (début des discussions du PSE) car l'interconnexion entre ce projet et la volonté de la direction de mettre en 'uvre un PSE, serait l'une des causes principales de son licenciement. Il refuse en conséquence même, le cantonnement de la mesure.



Il entend faire valoir la mauvaise gestion des départs liés au PSE par la Directrice des Ressources Humaines.



Sur ce,



Au sens de l'article 145, les mesures légalement admissibles sont celles prévues par les articles 232 à 284-1 du code de procédure civile et elles ne doivent pas porter une atteinte disproportionnée aux intérêts légitimes du défendeur.



En l'espèce, il n'est pas discuté que la mesure ordonnée est circonscrite dans le temps, l'ordonnance ayant limité les recherches à la période comprise entre le 1er janvier 2020 et le 28 juin 2021, notamment pour la récupération des courriels.



Il est tout aussi constant que M. [I] était en charge du projet Order to Cash dont il était 'le responsable' et 'le responsable de la réorganisation des fonctions' induite par ce projet.



Il lui est reproché une 'impréparation', une 'absence d'anticipation', forcément préalable au projet.



Il lui est notamment reproché de ne pas avoir 'identifié les collaborateurs détenant le savoir-faire de l'Order to Cash' et de ne pas avoir 'préparé les évolutions de fonctions de (ses) collaborateurs' et d'avoir 'confondu, dès la conception du projet, le métier de la logistique avec celui de la chefferie de projet'. (cf lettre de licenciement).



Or il n'est pas démenti que le projet Order to Cash faisait partie des missions de M. [I] de l'année 2020 (sa pièce 13) ; le début des échanges au sujet de ce projet qui pourraient éventuellement infirmer la version présentée par l'employeur pour justifier le licenciement pour faute et la mise à pied, peut donc dater du 1er janvier 2020, de sorte que les investigations sur la période comprise entre cette date et le 28 juin 2021 sont suffisamment justifiées.



Dans ces conditions, la mission de l'huissier de justice telle qu'elle a été définie par le juge des requête apparaît proportionnée à l'objectif poursuivi ; il n'y a donc pas lieu de rétracter l'ordonnance sur requête rendue le20 décembre 2021 ni de cantonner les mesures d'investigation.



Sur les demandes accessoires



L'équité commande de faire droit à la demande de l'intimé présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; l'appelante sera condamnée à lui payer à ce titre la somme de 4 000 euros.



Partie perdante, l'appelante sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; elle supportera les dépens d'appel conformément à l'article 695 du code de procédure civile, y compris les frais d'huissier et de sapiteur exposés en exécution de l'ordonnance sur requête.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,



Confirme l'ordonnance rendue le 21 avril 2022,



Y ajoutant,



Condamne la société Konica Minolta Business Solutions France à payer à M. [I] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Dit que les dépens seront supportés par la société Konica Minolta Business Solutions France conformément à l'article 695 du code de procédure civile.



Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Nicolette GUILLAUME, président, et par Madame Élisabeth TODINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le greffier, Le président,

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.