24 novembre 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 22/04295

Pôle 6 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2



ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04295 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFRJ3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mars 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/03735





APPELANT



Monsieur [O] [B]

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représenté par Me Vincent RIBAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010



INTIMÉE



S.E.L.A.S. LA SCALA

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 84 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame LAGARDE Christine, conseillère, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur FOURMY Olivier, Premier président de chambre

Madame ALZEARI Marie-Paule, présidente

Madame LAGARDE Christine, conseillère



Greffière lors des débats : Mme CAILLIAU Alicia



ARRÊT :

- contradictoire



- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile



- signé par Olivier FOURMY, Premier président de chambre et par CAILLIAU Alicia, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.














EXPOSÉ DU LITIGE



La société La Scala (ci-après la 'Société') est un laboratoire de biologie médicale privé implanté sur plusieurs sites à [Localité 6] et en région parisienne.



Une « convention d'exercice libéral » (ci-après la 'Convention') a été conclue entre M. [O] [B] et la Société, le 2 janvier 2017 stipulant notamment que ce dernier exercerait les fonctions de biologiste médical sur le site du laboratoire de biologie médicale situé [Adresse 2] et qu'il relève du statut social de travailleur non salarié.



Par courrier du 4 mai 2018, la Société a notifié à M. [B] la « résiliation de la convention d'exercice libéral » en application de l'article 4 de la convention « à effet dans un délai de trois mois ».



Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 mars 2019, le conseil de M. [B] a informé la Société de ce que ce qu'il allait saisir le conseil de prud'hommes en vu de requalification de la Convention de son client, en contrat de travail.



Le 3 mai  2019, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris à cette fin et par jugement en date du 24 mars 2022, le conseil de prud'hommes de Paris, statuant sur la compétence, a rendu la décision suivante :

« Se déclare incompétent et invite les parties à mieux se pourvoir auprès du Tribunal Judiciaire de Paris.

Dit que l'instance est suspendue jusqu'à expiration du délai d'appel de 15 jours, en application des articles 83 et 84 du code de procédure civile.

Réserve les dépens ».



M. [B] a interjeté appel le 8 avril 2022 et a été autorisé à assigner à jour fixe.



PRÉTENTIONS DES PARTIES



Par dernières conclusions transmises par RPVA le 17 octobre 2022, M. [B] demande à la cour de :

« Vu les articles L. 8221-5 du code du travail, L. 1221-10, L. 3243-2 du Code du travail, L. 1221-1 du Code du travail

Vu l'article 515 du CPC

- infirmer le jugement rendu le 24 mars 2022 en ce que le Conseil s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal judiciaire de Paris

Statuant à nouveau

- requalifier le contrat d'exercice libéral en contrat de travail

- Juger que Monsieur [B] et la société LA SCALA étaient liés par un contrat de travail

- Dire que le CPH de [Localité 6] était compétent pour connaître du litige

Vu l'article 88 du CPC,

- Evoquer le fond du litige

- condamner la SELAS LA SCALA à payer à Monsieur [O] [B] au paiement des sommes suivantes :

- 52 500 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé

- 25 000 euros au titre du remboursement des charges sociales et subsidiairement condamner la société LA SCALA à régler les cotisations sociales pour la période du 1er janvier 2017 au 4 septembre 2018.

- 52 600 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2885 euros au titre du solde de l'indemnité de préavis

- 3828.12 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour privation des repos journaliers et hebdomadaires



Dire que ces condamnations seront assorties de l'intérêt au taux légal à compter du jour de la réception de la convocation devant le Conseil

Ordonner la capitalisation des intérêts

- Ordonner la délivrance sous astreinte des bulletins de paie pour la période de janvier 2017 à mai 2018, certificat de travail, attestation pôle emploi sous astreinte de 100 euros par jour de retard

- condamner la SELAS LA SCALA à payer à Monsieur [O] [B] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du CPC, et aux entiers dépens ».



Par dernières conclusions transmises par RPVA le 12 octobre 2022, la Société à la cour de :

« Il est demandé à la Cour de recevoir la société LA SCALA en ses fins et conclusions,

Y faisant droit,

I. Sur l'absence de contrat de travail entre monsieur [O] [B] et la societe la scala et l'incompetence du conseil de prud'hommes de paris

Vu les articles 74 et 100 du Code de procédure civile,

Vu l'article L 1411-1 du Code du travail

Constater que Monsieur [O] [B] et la société LA SCALA sont liés contractuellement par une convention d'exercice libéral ;

Constater l'absence de contrat de travail entre Monsieur [O] [B] et la société LA SCALA ;

En conséquence,

Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de PARIS du 24 mars 2022 qui s'est déclaré incompétent et a invité les parties à se pourvoir auprès du Tribunal Judiciaire de PARIS

II. A titre subsidiaire, sur l'évocation du fond litige

Si par extraordinaire, la Cour devait estimer que Monsieur [O] [B] est lié à la société LA SCALA par un contrat de travail, il lui est demandé de :

Constater que rien ne justifie que la société LA SCALA soit privée d'un double degré de juridiction et qu'une solution définitive soit rendue en évoquant le fond du litige

Dire n'y avoir lieu à évoquer le fond du litige

III. A titre infiniment subsidiaire, sur le fond, sur les conséquences de la requalification de la convention d'exercice libéral en contrat de travail

Si par extraordinaire et dans l'hypothèse où la Cour devait estimer que Monsieur [O] [B] est lié à la société LA SCALA par un contrat de travail et devait évoquer le fond du litige, il lui est demandé :

1/ Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

- De constater que la société LA SCALA ne s'est nullement soustraite intentionnellement à ses obligations en matière de déclaration préalable à l'embauche et remise de bulletins de paie ;

- En conséquence, de débouter Monsieur [O] [B] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

2/ Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Si la rupture de contrat est considérée comme sans cause réelle et sérieuse :

- D'appliquer le barème de l'article L 1253-3 du Code du travail ;

- En conséquence, de limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à un mois de salaire ;

3/ Sur la demande au titre d'un solde de l'indemnité de préavis

- De constater que Monsieur [O] [B] a perçu l'intégralité de son préavis ;

- En conséquence, de débouter Monsieur [O] [B] de sa demande au titre d'un solde de l'indemnité de préavis ;

4/ Sur la demande au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

Si la rupture de contrat est considérée comme sans cause réelle et sérieuse :

- De limiter l'indemnité de licenciement à un montant de 2 066,79 euros ;

5/ Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect des repos journaliers et hebdomadaires

5.1 A titre principal



- De juger les demandes de dommages et intérêts pour non respect des repos journaliers et hebdomadaires irrecevables ;

- En conséquence, de débouter Monsieur [O] [B] de cette demande ;

5.2 A titre subsidiaire

Si la Cour de céans juge cette demande recevable :

- De juger que Monsieur [O] [B] n'a pas été privé de ses temps de repos ;

- En conséquence, de débouter Monsieur [O] [B] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des repos journaliers et hebdomadaires ;

6/ Sur la demande de remboursement des charges sociales

- Juger que la requalification du contrat d'exercice libéral en contrat de travail ne peut être rétroactive ;

- De constater que Monsieur [O] [B] ne produit aucune pièce justificative concernant les charges sociales dont il s'est acquitté ;

- En conséquence, de débouter Monsieur [O] [B] de sa demande de remboursement des charges sociales ;

7/ Sur la délivrance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, des bulletins de paie pour la période de janvier 2017 à mai 2018

- De constater que Monsieur [O] [B] était affilié auprès des organismes sociaux en qualité de travailleur indépendant ;

- Juger que la requalification du contrat d'exercice libéral en contrat de travail ne peut être rétroactive ;

- En conséquence, de débouter Monsieur [O] [B] de sa demande de délivrance de bulletins de paie pour la période de janvier 2017 à mai 2018,

- En conséquence, de débouter Monsieur [O] [B] de sa demande de voir condamnée la société LA SCALA au paiement des cotisations sociales pour la période litigieuse

IV. En tout état de cause

Débouter Monsieur [O] [B] de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner Monsieur [O] [B] à verser à la société LA SCALA une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC compte tenu des frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour assurer sa défense dans le cadre de la présente instance ;

Condamner Monsieur [O] [B] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC ».



Il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées et visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Sur le rejet des conclusions signifiées le 18 octobre 2022 à 16h12



Sur ce,



Aux termes de l'article 15 du code de procédure civile, « les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de faits sur lesquels eues fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense ».



L'article 16 du code de procédure civile dispose que «  le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations  ».





Les conseils des parties se sont présentés à l'audience et le conseil de l'appelant a sollicité un renvoi pour pouvoir répondre aux conclusions qui ont été signifiées le 18 octobre 2022.

M. [B] a interjeté appel par déclaration du 8 avril 2022 et, après y avoir été autorisé, a assigné à jour fixe la Société le 22 avril 2022, le conseil de cette dernière s'étant constitué le 23 avril 2022, les conclusions d'appel ayant été dénoncées le 25 avril 2022.

Les parties ont été avisées dès le 11 mai 2022 de ce que l'affaire serait plaidée le 19 octobre 2022 à 9 heures 30.

La cour relève que la Société a fait le choix de conclure pour la première fois le 12 octobre 2022, une semaine avant la date des plaidoiries annoncée après un silence de plus de cinq mois après les conclusions de l'appelant. En agissant ainsi, elle a laissé un temps très contraint à M. [B] pour transmettre de nouvelles écritures et s'est exposée à un risque de réplique, ce qui a été le cas le 17 octobre 2020, risque de réplique qu'il lui appartient d'assumer, sans mettre son adversaire dans la situation de ne pouvoir répondre à ses conclusions du 18 octobre 2022.

La cour rejette en conséquence ces conclusions signifiées tardivement qui ne permettent pas le respect du contradictoire sans retarder le cours de la procédure.



Sur les pièces communiquées par M. [B] lors de l'audience numérotées 39, 40 et 41



Sur ce,



Aux termes de l'article 135 du code de procédure civile, « le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile ».



La cour ne peut qu'écarter des débats les nouvelles pièces communiquées par M. [B] en cours de plaidoiries.



Sur l'appel compétence



M. [B] soutient que le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître du litige au motif que la présomption de non-salariat des biologistes, est renversée par le fait que, tant la Convention, que le mode de réalisation de son activité présentent les caractéristiques d'un contrat de travail pour les raisons suivantes :

- il existe un lien de subordination au motif qu'il ne disposait d'aucune autonomie, recevait de véritables instructions et ne disposait d'aucun pouvoir de gestion ;

- il ne disposait d'aucune autonomie ni indépendance dans l'exercice de ses fonctions de biologiste, et n'était titulaire d'aucun mandat en matière de dépenses, de gestion du personnel, de gestion courante de la société ;

- la direction lui fixait, notamment, son temps de travail, ses astreintes, ses congés payés et de ses absences ;

- il était rémunéré de manière fixe et forfaitaire, à hauteur de 8 750 euros « brut » par mois sans émission de facture de la Société ;

- il ne possédait aucune action de la Société et n'exerçait aucun mandat social, ni aucun pouvoir décisionnaire ;

- il était dans une situation de dépendance économique et d'exclusivité consacrée à la Société et exerçait dans le cadre d'une activité unilatéralement organisée, tant par le choix du lieu de travail, que par celui des moyens mis à sa disposition, dans le cadre de la politique générale qu'elle a définie tant en matière médicale que technique, économique, fiscale ou sociale, il n'avait aucune autonomie « tant en responsabilité qu'en réalisation » ;

- le recours au statut social des travailleurs non-salariés par la Société constitue une fraude aux dispositions du code de la santé publique et du code du travail ;

- le statut de travailleur non-salarié est utilisé par la Société pour répondre aux dispositions de l'article L. 6223-6 du code de la santé publique qui impose aux sociétés exploitant des laboratoires médicaux d'avoir au moins un associé par site.





En réponse, la Société soutient que :

- M. [B] était indépendant et était inscrit en qualité de travailleur indépendant notamment auprès de l'Urssaf et de la Caisse d'Assurance Vieillesse des Pharmaciens ;

- la détention du capital n'est pas un critère déterminant de l'absence ou non d'un lien de subordination ;

- il n'existe pas de pouvoir de sanction à l'égard de M. [B] puisque c'est l'Ordre national des pharmaciens qui est chargé d'assurer le respect des devoirs professionnels énoncés dans le code de la santé publique et des devoirs déontologiques ;

- la rémunération de M. [B] n'était pas automatiquement versée à la même date que les autres salariés du site de [Localité 7], et le montant forfaitaire de la rémunération mensuelle n'est pas considéré comme un élément caractérisant à lui seul l'existence d'un contrat de travail ;

- M. [B] disposait d'une très grande autonomie dans l'exercice de son activité de biologiste médical sur le site de [Localité 7] concernant notamment son temps de présence ou le planning de ses gardes.



Sur ce,



En application de l'article L.1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs et les salariés qu'ils emploient.



L'article L. 8221-6 1 du code du travail prévoit :

« Est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui même ou par le contrat les définissant avec son donneur d'ordre ».



L.8221-6 du code du travail dispose :

« I.- Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ;

2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l'article L. 214-18 du code de l'éducation ou de transport à la demande conformément à l'article 29 de la loi n°82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs ;

3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ;

II.- L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci. (...) ».



Il en résulte une présomption simple de non salariat pour M. [B], qui exerce une activité de biologiste médical aux termes d'une convention précisant qu'il relève du statut social de travailleur non salarié, qui peut être renversée par la preuve contraire.



En droit, la relation de travail suppose l'existence d'un lien de subordination caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur.

La charge de la preuve du contrat de travail incombe à celui qui s'en prévaut et la preuve de l'existence d'un contrat de travail peut être rapportée par tous moyens.



La convention prévoit sans ambiguïté, l'exercice de l'activité de biologiste médical au sein du laboratoire exploité par la Société, selon le statut de travailleur non salarié. Il y est précisé notamment, que les litiges relatifs au présent contrat sont soumis avant tout recours à la conciliation confiée à un membre de la section G de l'ordre national des pharmaciens.

Il n'est pas contesté en outre, que sur saisine de M. [B], le conseil national de l'ordre des pharmaciens a rendu un procès-verbal de « conciliation médiation » du 4 juillet 2019, aux termes duquel il a été conclu à une absence d'accord amiable.



Le conseil de prud'hommes a précisé avoir constaté que M. [B] « s'était inscrit et cotisait à l'Urssaf en qualité de travailleur indépendant, ainsi qu`a la caisse de retraite des pharmaciens, et ce pendant toute la durée de ses activités dans la Société, sans aucune contestation de sa part ».



Ces constatations sont conformes aux termes de la Convention qui stipule la « (prise) en charge personnellement ( par M. [B] de) ses cotisations obligatoires et facultatives de toute nature notamment URSSAF, sécurité sociale, retraite, retraite complémentaire, CSG, CRDS », la cour rappelant que la rémunération mensuelle n'est pas un élément caractérisant à lui seul l'existence d'un contrat de travail.



Le conseil de prud'hommes a précisé en outre à juste titre, que l'obligation qui était faite d'un associé par site en application de l'article L. 6223-6 du code de la santé publique était respectée, mais que surtout cette disposition créée par ordonnance du 13 janvier 2010 a été annulée par décision du Conseil d'Etat n° 337396 du 23 décembre 2010.



Aux termes de l'article L. 6222-6 du code de la santé publique, « sur chacun des sites, un biologiste du laboratoire doit être en mesure de répondre aux besoins du site et, le cas échéant, d'intervenir dans des délais compatibles avec les impératifs de sécurité des patients. Pour assurer le respect de cette obligation, le laboratoire doit comporter un nombre de biologistes au moins égal au nombre de sites qu'il a créés. Le biologiste assumant la responsabilité du site doit être identifiable à tout moment », et tel était le cas de l'appelant qui devait répondre aux besoins du site de [Localité 7].



L'article L. 6223-6 du code de la santé publique dispose en sa version applicable au litige :

« Le nombre de biologistes médicaux en exercice au sein d'un laboratoire de biologie médicale détenant une fraction du capital social et travaillant au moins un mi-temps dans le laboratoire est égal ou supérieur au nombre de sites de ce laboratoire » .



La Société soutient pertinemment que s'il doit exister au sein du laboratoire autant d'associés que de sites, il n'existe pas d'obligation à ce que chaque associé soit attaché à un site en particulier.



Il s'évince de cette analyse que M. [B] ne peut donc valablement soutenir que le fait de ne pas être associé entraîne la requalification de la Convention en contrat de travail.



Surtout, la cour relève que M. [B] ne démontre pas l'existence d'un lien de subordination avec la Société.

En effet, il ressort de mails échangés que M. [B] informe la Société de ce qu'il va prendre des congés et des dates choisies.

Si, ensuite, la Société lui demande d'avoir des informations sur son planning de remplacement dans l'hypothèse où il maintient son souhait de vacances, ces éléments ne sont pas incompatibles avec l'exigence d'un minimum d'information et d'organisation pour assurer le fonctionnement du laboratoire, et en tout état de cause sont insuffisants à caractériser un lien de subordination.

Il en est de même, pour les propositions de planning émanant de la Société pour assurer les gardes ce qui est conforme à un besoin d'organisation au sein de la société compte tenu de son activité pour permettre la continuité des soins.



De même, si la Convention prévoit une possibilité de rupture en cas de suspension ou d'interdiction d'exercice, cet élément ne saurait caractériser un pouvoir de sanction de la Société, alors que ces sanctions relèvent des pouvoirs de l'autorité ordinale.



Aussi, tout comme le premier juge, l'a constaté, aucune pièce produite aux débats ne démontre que la Société a donné des instructions relatives à l'exécution de ses missions de directeur du laboratoire.

En revanche, il ressort de mails de la directrice d'une maison médicalisée que M. [B] prenait des décisions, sans en référer à la Société, en indiquant ne plus vouloir venir faire de prélèvements sur les résidents et qu'il allait leur adresser une autre personne pour ce faire.



La cour n'a pas relevé de documents qui pourraient s'analyser en menaces de sanctions ou en l'exercice du pouvoir disciplinaire.

Les seuls échanges faisant état de difficultés dans l'exécution de la mission de M. [B] sont relatifs au fait que la Société a reproché à M. [B] d'avoir laissé fonctionner le site de [Localité 7] sans la présence d'un biologiste et sans avoir averti pour organiser son absence, et d'avoir fermé le site sans en avoir informé un biologiste.

Or, ces échanges ne caractérisent ni l'expression d'un pouvoir disciplinaire ni davantage un pouvoir de direction, alors qu'ils concernent le règlement du laboratoire, ses horaires d'ouverture, et les conditions d'exercice de l'activité exigeant la présence d'un biologiste sur site, et ce dans un souci de la bonne organisation du laboratoire.



A cet égard, la Convention ne prévoyait aucun horaire de travail, ce qui n'était pas contesté par M. [B] qui dans un mail du 27 septembre 2017 indiquait à la gérante de la Société « Je suis le directeur du laboratoire doté d'un statut de dirigeant indépendant et non salarié donc, je ne suis donc soumis à aucune exigence d'horaires ; ma mission est l'organisation optimale du laboratoire, sa bonne administration et la qualité des soins délivrés aux patients.

En outre, ma convention d'exercice ne stipule aucune obligation d'horaires ».



Il est justifié encore de « propositions de planning de garde », et que ces plannings pouvaient être modifiés en cas d'indisponibilité de l'appelant.



Il résulte des considérations qui précèdent, et ce sans qu'il soit nécessaire de suivre davantage les parties dans le détail de leur argumentation, que l'ensemble des éléments apportés par M. [B] sont insuffisants à démontrer l'existence d'un lien de subordination caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, de sorte qu'il échoue à renverser la présomption de non salariat.



Le jugement déféré sera confirmé.



Sur la demande d'évocation



Eu égard au sens de la décision cette demande est devenue sans objet.



Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile



M. [B], qui succombe sera condamné aux dépens d'appel et à payer à l'intimée une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sera débouté de sa demande à ce titre.









PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,



Rejette les conclusions signifiées le 18 octobre 2022 par la société La Scala ;



Ecarte des débats les pièces communiquées par M. [O] [B] numérotées 39, 40 et 41 ;



Confirme le jugement du 24 mars 2022 du conseil de prud'hommes de Paris ;



Y ajoutant,



Condamne M. [O] [B] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;



Condamne M. [O] [B] à payer à la société La Scala la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le déboute de sa demande à ce titre.



La greffière, Le président,

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