24 novembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-20.442

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C201211

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 24 novembre 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1211 F-D

Pourvoi n° D 21-20.442




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 NOVEMBRE 2022

M. [T] [E], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-20.442 contre l'arrêt rendu le 20 avril 2021 par la cour d'appel de Besançon (première chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les sept moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [E], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société mutuelle assurance des travailleurs mutualistes, et après débats en l'audience publique du 11 octobre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 20 avril 2021), M. [E] a été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré par la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (l'assureur). Un tribunal de grande instance a liquidé son préjudice en retenant qu'en raison de sa faute, son droit à indemnisation était limité à 60 %.

2. Alléguant une aggravation de son état de santé, M. [E] a assigné l'assureur, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône (la caisse), devant un tribunal de grande instance afin d'obtenir la réparation de son préjudice.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, le deuxième moyen, le quatrième moyen, pris en sa troisième branche et le sixième moyen, réunis

Enoncé des moyens

3. Par son premier moyen, pris en sa première branche, M. [E] fait grief à l'arrêt de lui allouer, au titre des dépenses de santé actuelles, la seule somme de 4 980,74 euros, et, en conséquence, de limiter l'indemnité globale lui revenant au titre de son préjudice d'aggravation à la somme de 101 776,07 euros, alors « que, selon l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 dans sa rédaction issue de l'article 25, IV, de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, les recours subrogatoires des tiers payeurs contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge à l'exclusion des préjudices à caractère personnel et, conformément à l'article 1252 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; qu'en ce cas, cette dernière peut exercer ses droits contre le responsable par préférence au tiers payeur subrogé ; qu'il en résulte que, dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat ; que, pour fixer à la somme de 4 980,74 euros le montant de l'indemnisation revenant à M. [E] au titre des dépenses de santé actuelles, l'arrêt a retenu qu'étaient justifiées les seules dépenses au titre de la franchise à hauteur de 72,50 euros et au titre des cannes et de la prothèse à hauteur de 18 788,24 euros, que devait être imputée sur le montant total de ces dépenses les débours exposés pour le compte de la victime par la caisse primaire d'assurance maladie soit la somme de 10 559,50 euros, ce dont elle a déduit qu'après application du partage de responsabilité, la somme revenant à M. [E] s'élevait à 4 980,74 euros (8 301,24 x 60 %) ; qu'en statuant ainsi, en appliquant la limitation du droit à indemnisation de la victime sur le solde resté à sa charge après déduction des prestations versées par la caisse primaire d'assurance maladie, la cour d'appel a méconnu le droit de préférence de la victime et, par conséquent, violé l'article 31, alinéa 2, de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de l'article 25, IV, de la loi du 21 décembre 2006. »

4. Par son deuxième moyen, M. [E] fait grief à l'arrêt de refuser de lui allouer une somme au titre de la perte des gains professionnels actuels, et, en conséquence, de limiter l'indemnité globale lui revenant au titre de son préjudice d'aggravation à la somme de 101 776,07 euros, alors « que, selon l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 dans sa rédaction issue de l'article 25, IV, de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, les recours subrogatoires des tiers payeurs contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge à l'exclusion des préjudices à caractère personnel et, conformément à l'article 1252 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; qu'en ce cas, cette dernière peut exercer ses droits contre le responsable par préférence au tiers payeur subrogé ; qu'il en résulte que, dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat ; que, pour refuser d'allouer une somme à M. [E] au titre de la perte de gains professionnels actuels, l'arrêt a retenu que ce poste de préjudice s'élevait à la somme de 18 078,13 euros, qu'après partage, il devait être fixé à 10 846,88 euros et qu'il y avait donc lieu d'imputer sur cette dernière somme le montant de 15 541,36 euros correspondant au total des indemnités journalières reçues de la caisse primaire d'assurance maladie, ce dont elle a déduit que M. [E] n'était légitime à percevoir aucune somme au titre de ce poste ; qu'en accordant ainsi la priorité au tiers payeur sur l'indemnité due par l'assureur quand elle était au contraire tenue, en vertu du droit de préférence de la victime, d'attribuer à celle-ci la part de préjudice non réparé par les indemnités journalières nonobstant la limitation de son droit à indemnisation dans la seule limite de l'indemnité due par l'assureur, la cour d'appel a méconnu l'article 31, alinéa 2, de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de l'article 25, IV, de la loi du 21 décembre 2006. »

5. Par son quatrième moyen, pris en sa troisième branche, M. [E] fait grief à l'arrêt de refuser de lui allouer une somme au titre des dépenses de santé futures, et, en conséquence, de limiter l'indemnité globale lui revenant au titre de son préjudice d'aggravation à la somme de 101 776,07 euros, alors « que selon l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 dans sa rédaction issue de l'article 25, IV, de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, les recours subrogatoires des tiers payeurs contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge à l'exclusion des préjudices à caractère personnel et, conformément à l'article 1252 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; qu'en ce cas, cette dernière peut exercer ses droits contre le responsable par préférence au tiers payeur subrogé ; qu'il en résulte que, dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat ; que, pour refuser d'allouer une somme à M. [E] au titre des dépenses de santé futures, l'arrêt a retenu que ce poste de préjudice s'élevait à la somme de 375 862,72 euros, qu'après partage, il devait être fixé à 225 517,63 euros et qu'il y avait donc lieu d'imputer sur cette dernière somme le montant de 253 974,92 euros correspondant au total des débours définitifs avancés par la caisse primaire d'assurance maladie, de sorte que M. [E] n'était légitime à percevoir aucune somme au titre de ce poste ; qu'en accordant ainsi la priorité au tiers payeur sur l'indemnité due par l'assureur quand elle était au contraire tenue, en vertu du droit de préférence de la victime, d'attribuer à celle-ci la part de préjudice non réparé par les prestations sociales nonobstant la limitation de son droit à indemnisation dans la seule limite de l'indemnité due par l'assureur, la cour d'appel a méconnu l'article 31, alinéa 2, de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de l'article 25, IV, de la loi du 21 décembre 2006. »

6. Par son sixième moyen, M. [E] fait grief à l'arrêt de refuser de lui allouer une somme au titre de l'incidence professionnelle, et, en conséquence, de limiter l'indemnité globale lui revenant au titre de son préjudice d'aggravation à la somme de 101 776,07 euros, alors « que, selon l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 dans sa rédaction issue de l'article 25, IV, de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, les recours subrogatoires des tiers payeurs contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge à l'exclusion des préjudices à caractère personnel et, conformément à l'article 1252 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; qu'en ce cas, cette dernière peut exercer ses droits contre le responsable par préférence au tiers payeur subrogé ; qu'il en résulte que, dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat ; que, pour refuser d'allouer une somme à M. [E] au titre de l'incidence professionnelle, l'arrêt a retenu que ce poste de préjudice s'élevait à la somme de 150 000 euros, qu'après partage, il devait être fixé à 90 000 euros et qu'il y avait donc lieu d'imputer sur cette dernière somme le montant de 91 088,84 euros correspondant à la rente viagère servie par la caisse primaire d'assurance maladie, de sorte que M. [E] n'était légitime à percevoir aucune somme au titre de ce poste ; qu'en accordant ainsi la priorité au tiers payeur sur l'indemnité due par l'assureur quand elle était au contraire tenue, en vertu du droit de préférence de la victime, d'attribuer à celle-ci la part de préjudice non réparé par les prestations sociales nonobstant la limitation de son droit à indemnisation dans la seule limite de l'indemnité due par l'assureur, la cour d'appel a méconnu l'article 31, alinéa 2, de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de l'article 25, IV, de la loi du 21 décembre 2006. »

Réponse de la Cour

Recevabilité des moyens

7. L'assureur conteste la recevabilité des moyens. Il soutient que les critiques sont contraires à la thèse soutenue par M. [E] devant la cour d'appel.

8. Cependant, M. [E] n'ayant pas invoqué devant la cour d'appel les modalités de calcul du recours de la caisse, les moyens ne peuvent pas être contraires à la thèse soutenue devant les juges du fond.

9. Les moyens sont, dès lors, recevables.

Bien-fondé des moyens

Vu les articles 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue de l'article 25, IV, de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 :

10. Selon ces textes, les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel et, conformément à l'article 1252, devenu 1346-3, du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales. En ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée, et il en résulte que, dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat.

11. En premier lieu, pour retenir que la somme revenant à la victime au titre des dépenses de santé actuelles s'élève à 4 980,74 euros, l'arrêt énonce que ce poste de préjudice doit être fixé à la somme de 18 788,24 euros, dont il convient de déduire les débours exposés par la caisse, soit la somme de 10 559,50 euros.

12. Il fait ensuite application du partage de responsabilité sur le solde, soit sur la somme de 8 301,24 euros.

13. En second lieu, pour refuser d'allouer à la victime une somme au titre de la perte des gains professionnels actuels, des dépenses de santé futures et de l'incidence professionnelle, l'arrêt constate que ces postes de préjudice doivent être fixés aux sommes respectives de 18 078,13 euros, 375 862,72 euros et 150 000 euros.

14. Il énonce, encore, qu'en application du partage de responsabilité, le préjudice de la victime s'élève, pour ces trois postes, aux sommes respectives de 10 846,88 euros, 225 517,63 euros et 90 000 euros.

15. Il déduit ensuite de ces sommes, poste par poste, la totalité des débours définitifs de la caisse qui s'élèvent aux sommes respectives de 15 541,36 euros, 253 974,92 euros et 91 088,84 euros.

16. Il en conclut qu'il ne revient aucune somme à la victime au titre de ces trois postes de préjudice.

17. En statuant ainsi, alors que le droit de préférence de la victime sur la caisse impliquait de fixer l'indemnité allouée au titre du poste de chaque préjudice sans tenir compte des prestations versées par cette dernière, de déterminer la dette du tiers responsable en faisant application du partage de responsabilité, puis d'allouer à la victime ce qui lui restait dû, poste par poste, après déduction des prestations ayant partiellement réparé chacun de ces postes mais dans la limite des indemnités mises à la charge du tiers responsable, et enfin d'accorder le solde, le cas échéant, à la caisse, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes et la condamne à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [E]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Monsieur [T] [E] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de lui avoir alloué, au titre des dépenses de santé actuelles, la seule somme de 4.980,74 euros et d'avoir, en conséquence, limité l'indemnité globale lui revenant au titre de son préjudice d'aggravation à la somme de 101.776,07 euros ;

Alors, d'une part, que, selon l'article 31 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 dans sa rédaction issue de l'article 25 IV de la loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006, les recours subrogatoires des tiers payeurs contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge à l'exclusion des préjudices à caractère personnel et, conformément à l'article 1252 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; qu'en ce cas, cette dernière peut exercer ses droits contre le responsable par préférence au tiers payeur subrogé ; qu'il en résulte que, dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat ;

que, pour fixer à la somme de 4.980,74 euros le montant de l'indemnisation revenant à Monsieur [E] au titre des dépenses de santé actuelles, l'arrêt a retenu qu'étaient justifiées les seules dépenses au titre de la franchise à hauteur de 72,50 euros et au titre des cannes et de la prothèse à hauteur de 18.788,24 euros, que devait être imputée sur le montant total de ces dépenses les débours exposés pour le compte de la victime par la caisse primaire d'assurance maladie soit la somme de 10.559,50 euros, ce dont elle a déduit qu'après application du partage de responsabilité, la somme revenant à Monsieur [E] s'élevait à 4.980,74 euros (8.301,24 x 60 %) ;

qu'en statuant ainsi, en appliquant la limitation du droit à indemnisation de la victime sur le solde resté à sa charge après déduction des prestations versées par la caisse primaire d'assurance maladie, la cour d'appel a méconnu le droit de préférence de la victime et, par conséquent, violé l'article 31 alinéa 2 de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de l'article 25 IV de la loi du 21 décembre 2006 ;

Alors, d'autre part et en tout état de cause, que, les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ;

que, pour fixer à la somme de 4.980,74 euros le montant de l'indemnisation revenant à Monsieur [E] au titre des dépenses de santé actuelles, la cour d'appel a approuvé les premiers juges d'avoir retenu qu'en l'absence de production d'un justificatif de la nécessité médicale du port de bas de contention et de la pose d'un pied procarve renforcé, il convenait de rejeter les prétentions correspondantes ;

qu'en statuant ainsi, sans analyser les certificats médicaux que produisait Monsieur [E] en appel (en pièces n°31 et 197) et qui établissaient la nécessité pour la victime de porter des bas de contention au cours de la période précédant la consolidation, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Monsieur [T] [E] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir refusé de lui allouer une somme au titre de la perte de gains professionnels actuels et d'avoir, en conséquence, limité l'indemnité globale lui revenant au titre de son préjudice d'aggravation à la somme de 101.776,07 euros ;

Alors que, selon l'article 31 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 dans sa rédaction issue de l'article 25 IV de la loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006, les recours subrogatoires des tiers payeurs contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge à l'exclusion des préjudices à caractère personnel et, conformément à l'article 1252 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; qu'en ce cas, cette dernière peut exercer ses droits contre le responsable par préférence au tiers payeur subrogé ; qu'il en résulte que, dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat ;

que, pour refuser d'allouer une somme à Monsieur [E] au titre de la perte de gains professionnels actuels, l'arrêt a retenu que ce poste de préjudice s'élevait à la somme de 18.078,13 euros, qu'après partage, il devait être fixé à 10.846,88 euros et qu'il y avait donc lieu d'imputer sur cette dernière somme le montant de 15.541,36 euros correspondant au total des indemnités journalières reçues de la caisse primaire d'assurance maladie, ce dont elle a déduit que Monsieur [E] n'était légitime à percevoir aucune somme au titre de ce poste ;

qu'en accordant ainsi la priorité au tiers payeur sur l'indemnité due par l'assureur quand elle était au contraire tenue, en vertu du droit de préférence de la victime, d'attribuer à celle-ci la part de préjudice non réparé par les indemnités journalières nonobstant la limitation de son droit à indemnisation dans la seule limite de l'indemnité due par l'assureur, la cour d'appel a méconnu l'article 31 alinéa 2 de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de l'article 25 IV de la loi du 21 décembre 2006.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Monsieur [T] [E] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de lui avoir alloué, au titre du déficit fonctionnel temporaire, la seule somme de 10.713,75 euros et d'avoir, en conséquence, limité l'indemnité globale lui revenant au titre de son préjudice d'aggravation à la somme de 101.776,07 euros ;

Alors qu'aux termes du rapport d'expertise du Docteur [P] du 6 janvier 2017 (p.18 in fine et p.19 in limine), le déficit fonctionnel temporaire total était constitué de deux périodes : une période d'hospitalisations mais également une période de confinement à domicile du 23 décembre au 31 décembre 2010 avec impossibilité d'effectuer les actes élémentaires de la vie courante ; qu'en ne retenant du rapport que la période d'hospitalisations pour déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire total et en occultant ainsi la période de confinement à domicile du 23 au 31 décembre 2010 pour limiter le déficit fonctionnel total à 152 jours, la cour d‘appel, qui s'est ainsi livrée à une lecture incomplète du rapport d'expertise du Docteur [P], l'a dénaturé par omission et ainsi violé l'article 1103, anciennement 1134, du code civil.

QUATRIÈME MOYEN DE CASSATION

Monsieur [T] [E] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir refusé de lui allouer une somme au titre des dépenses de santé futures et d'avoir, en conséquence, limité l'indemnité globale lui revenant au titre de son préjudice d'aggravation à la somme de 101.776,07 euros ;

Alors, d'une part, que dans ses conclusions d'appel (p.21 in fine), Monsieur [E] attirait l'attention de la cour d'appel sur le fait que les soins prodigués à l'aide du Laroxyl et de la crème de type Akilortho l'avaient été dès la première consolidation, soit à la date du 31 décembre 2011, de sorte qu'il y avait lieu de retenir, pour chiffrer les dépenses de santé futures, comme date de consolidation, le 31 décembre 2011 et d'appliquer aux arrérages à échoir un coefficient de rente viagère de 40,886 ; qu'en se bornant à retenir, comme date de consolidation, le 31 janvier 2016 et à appliquer aux arrérages à échoir un coefficient de capitalisation de 35,232, sans répondre à ce moyen des conclusions d'appel de l'exposant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, qu'aux termes du rapport d'expertise (p.22), il était indiqué que « la prothèse [était] à remplacer tous les 3 à 5 ans, l'emboiture et le revêtement esthétique avec son bas de recouvrement deux fois plus souvent » ; que les bas de contention figuraient donc, de manière claire et précise, parmi les prescriptions de l'expert ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a dénaturé le rapport d'expertise et ainsi violé l'article 1103, devenu 1134, du code civil ;

Alors, enfin et en tout état de cause, que, selon l'article 31 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 dans sa rédaction issue de l'article 25 IV de la loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006, les recours subrogatoires des tiers payeurs contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge à l'exclusion des préjudices à caractère personnel et, conformément à l'article 1252 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; qu'en ce cas, cette dernière peut exercer ses droits contre le responsable par préférence au tiers payeur subrogé ; qu'il en résulte que, dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat ;

que, pour refuser d'allouer une somme à Monsieur [E] au titre des dépenses de santé futures, l'arrêt a retenu que ce poste de préjudice s'élevait à la somme de 375.862,72 euros, qu'après partage, il devait être fixé à 225.517,63 euros et qu'il y avait donc lieu d'imputer sur cette dernière somme le montant de 253.974,92 euros correspondant au total des débours définitifs avancés par la caisse primaire d'assurance maladie, de sorte que Monsieur [E] n'était légitime à percevoir aucune somme au titre de ce poste ;

qu'en accordant ainsi la priorité au tiers payeur sur l'indemnité due par l'assureur quand elle était au contraire tenue, en vertu du droit de préférence de la victime, d'attribuer à celle-ci la part de préjudice non réparé par les prestations sociales nonobstant la limitation de son droit à indemnisation dans la seule limite de l'indemnité due par l'assureur, la cour d'appel a méconnu l'article 31 alinéa 2 de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de l'article 25 IV de la loi du 21 décembre 2006.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

Monsieur [T] [E] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande au titre de la perte de gains professionnels futurs et d'avoir, en conséquence, fixé l'indemnité globale lui revenant au titre de son préjudice d'aggravation à la seule somme de 101.776,07 euros ;

Alors, d'une part, que, pour débouter la victime de sa demande d'indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs, la cour d'appel a relevé que, selon les avis d'imposition communiqués, Monsieur [E] percevait, en 2009, avant la première aggravation, un salaire moyen net mensuel de 652 euros et, en 2013, avant la seconde, un salaire moyen net mensuel de 1.215 euros, que, postérieurement à sa consolidation, l'intéressé avait perçu, dans le cadre de contrats d'insertion à durée déterminée, en qualité d'ouvrier qualifié, un salaire brut mensuel de 1.529 euros pour un poste à plein temps et ce, jusqu'en mars 2017, que, s'il avait ensuite été déclaré inapte à ce poste et été admis au bénéfice de l'aide au retour à l'emploi de mars à juillet 2017 selon les justificatifs produits, il s'abstenait de justifier de sa situation de revenus professionnels depuis lors ; qu'en statuant ainsi, bien qu'il résulte de ces constatations que Monsieur [E] avait subi une perte de gains professionnel futurs, la cour d'appel n'en a pas tiré les conséquences légales et a, en conséquence, violé l'article 3 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;

Alors, d'autre part et en tout état de cause, que l'auteur d'un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables ; que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable ; que, pour refuser à Monsieur [E] toute indemnisation de son préjudice, la cour d'appel a relevé que, si la victime démontrait avoir bénéficié le 27 juin 2017 par la MDPH du territoire de Belfort d'un accord pour un séjour au Centre de réadaptation de Mulhouse (pré-orientation) afin de lui permettre de définir un projet professionnel adapté à son handicap, elle n'apportait aucun élément démontrant qu'elle avait honoré cette proposition ni quelles suites elle avait permises ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime.

SIXIÈME MOYEN DE CASSATION

Monsieur [T] [E] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir refusé de lui allouer une somme au titre de l'incidence professionnelle et d'avoir, en conséquence, limité l'indemnité globale lui revenant au titre de son préjudice d'aggravation à la somme de 101.776,07 uros ;

Alors que, selon l'article 31 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 dans sa rédaction issue de l'article 25 IV de la loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006, les recours subrogatoires des tiers payeurs contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge à l'exclusion des préjudices à caractère personnel et, conformément à l'article 1252 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été indemnisée qu'en partie ; qu'en ce cas, cette dernière peut exercer ses droits contre le responsable par préférence au tiers payeur subrogé ; qu'il en résulte que, dans le cas d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat ;

que, pour refuser d'allouer une somme à Monsieur [E] au titre de l'incidence professionnelle, l'arrêt a retenu que ce poste de préjudice s'élevait à la somme de 150.000 euros, qu'après partage, il devait être fixé à 90.000 euros et qu'il y avait donc lieu d'imputer sur cette dernière somme le montant de 91.088,84 euros correspondant à la rente viagère servie par la caisse primaire d'assurance maladie, de sorte que Monsieur [E] n'était légitime à percevoir aucune somme au titre de ce poste ;

qu'en accordant ainsi la priorité au tiers payeur sur l'indemnité due par l'assureur quand elle était au contraire tenue, en vertu du droit de préférence de la victime, d'attribuer à celle-ci la part de préjudice non réparé par les prestations sociales nonobstant la limitation de son droit à indemnisation dans la seule limite de l'indemnité due par l'assureur, la cour d'appel a méconnu l'article 31 alinéa 2 de la loi du 5 juillet 1985, dans sa rédaction issue de l'article 25 IV de la loi du 21 décembre 2006.

SEPTIEME MOYEN DE CASSATION

Monsieur [T] [E] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande au titre du préjudice d'agrément et d'avoir, en conséquence, fixé l'indemnité globale lui revenant au titre de son préjudice d'aggravation à la seule somme de 101.776,07 euros ;

Alors que le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs ; que ce poste de préjudice inclut la limitation de la pratique antérieure ;

que, pour écarter l'existence d'un préjudice d'agrément, la cour d'appel a constaté, tant par motifs propres qu'adoptés, qu'il n'existait aucune impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer ses activités sportives sous réserve de disposer de prothèses spécifiques adaptées et qu'une indemnisation de telles prothèses lui avait été accordée au titre des dépenses de santé futures ;

qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, sans rechercher, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si, depuis l'aggravation de son état à l'origine de l'amputation trans-tibiale dont elle avait fait l'objet, la victime qui devait désormais porter des prothèses spécifiques pour exercer ses activités sportives antérieures n'était pas désormais limitée dans cette pratique, ne pouvant plus, en raison d'une plus grande fatigabilité, la poursuivre avec la même intensité, ni espérer atteindre le même niveau de performances qu'auparavant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime.

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