23 novembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-18.951

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO01256

Texte de la décision

SOC.

OR



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 novembre 2022




Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1256 F-D

Pourvoi n° G 21-18.951




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 NOVEMBRE 2022

1°/ M. [U] [B], domicilié [Adresse 2],

2°/ le syndicat CGT PSA, dont le siège est [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° G 21-18.951 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige les opposant à la société PSA automobiles, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [B] et du syndicat CGT PSA, après débats en l'audience publique du 5 octobre 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte au syndicat CGT PSA du désistement de son pourvoi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 mars 2021), M. [B] a été engagé, le 23 septembre 1991, par la société Peugeot Citroën Automobile, devenue la société PSA automobiles (la société), en qualité d'agent professionnel. Le contrat de travail était régi par la convention de la métallurgie de la région parisienne.

3. Le 27 juin 2015, l'employeur a notifié au salarié une mise à pied disciplinaire de deux jours. Le 5 novembre 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin de contester cette sanction. Par la suite, il s'est vu notifier deux autres mises à pied disciplinaires les 8 juillet et 16 novembre 2016. Convoqué, le 22 novembre 2016, à un entretien préalable en vue de son licenciement, le salarié a, le 7 décembre 2016, été licencié pour faute grave.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, ni sur le troisième moyen, qui est irrecevable.


Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ses dispositions relatives au harcèlement moral au titre de la violation de l'obligation de prévention de harcèlement moral, alors « que l'employeur est tenu de l'obligation d'assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des salariés, dont l'obligation de prévention de harcèlement moral est l'une des expressions ; que cette obligation se distingue de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du code du travail; qu'en déboutant le salarié de sa demande d'indemnisation du manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral, en conséquence de l'absence de tout élément laissant présumer un harcèlement moral, quand il lui appartenait d'examiner si l'employeur avait pris les mesures pour prévenir le harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-4, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail dans leur version en vigueur. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1152-4 du code du travail :

6. L'obligation de prévention du harcèlement moral, qui résulte de ce texte, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle.

7. Pour débouter le salarié de sa demande relative à la prévention d'actes de harcèlement moral, l'arrêt retient qu'en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée, que la demande relative à la prévention des actes de harcèlement moral doit par conséquent être rejetée.

8. En statuant ainsi, alors que le salarié faisait valoir dans ses conclusions qu'il avait dénoncé le 21 juillet 2016 auprès de son employeur des agissements de harcèlement, sans réaction de celui-ci, et formait devant la cour d'appel une demande de dommages- intérêts distincte pour violation de l'obligation de prévention du harcèlement moral, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [B] de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de prévention de harcèlement moral, l'arrêt rendu le 11 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-deux.








MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [B], le syndicat CGT PSA

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [B] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ses dispositions relatives au harcèlement moral, d'AVOIR dit que son licenciement repose sur une faute grave et de l'AVOIR débouté de ses demandes au titre de la nullité du licenciement.

1° ALORS QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui un harcèlement moral, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral, le juge ne pouvant les apprécier séparément ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a examiné les uns après les autres les éléments fournis par le salarié, retenant que la notification de trois mises à pied disciplinaires dans une période de 18 mois, dont seulement deux ont été annulées, ne permettait pas de retenir qu'elles procèderaient d'un harcèlement (arrêt attaqué p. 13 dernier § et 14, § 1), que les attestations de ses collègues seraient trop imprécises (arrêt attaqué p. 14, § 3), et que sa lettre dénonçant un harcèlement moral ne pouvait valoir à titre de preuve (arrêt attaqué p. 14, §4) et a considéré qu'« en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'[était] pas démontrée » (arrêt attaqué p.14, § 5) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu son office et a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail.

2° ALORS QU'en matière prud'homale, la preuve est libre ; qu'en écartant sans l'avoir examiné le courrier du 21 juillet 2016, par lequel le salarié a contesté sa mise à pied du 8 juillet 2016, et dénonçant un harcèlement moral, aux motifs que nul peut se constituer de preuve à lui-même (arrêt attaqué p. 14, § 4), quand il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié invoqués au soutien du harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail.

3° ALORS QUE le comportement du salarié n'excuse pas des agissements de harcèlement moral à son encontre ; qu'en écartant le harcèlement moral, par motifs à les supposer adoptés, tirés de ce que le salarié aurait systématiquement adopté « un comportement manifestant son insubordination et le manque de respect des consignes, des hiérarchies et des règles d'organisation du travail » (jugement entrepris p. 4, § 6), la cour d'appel a statué par motifs impropres à exclure le harcèlement moral et a violé l'article L. 1152-1 du code du travail.



DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Monsieur [B] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ses dispositions relatives au harcèlement moral au titre de la violation de l'obligation de prévention de harcèlement moral.

ALORS QUE l'employeur est tenu de l'obligation d'assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des salariés, dont l'obligation de prévention de harcèlement moral est l'une des expressions ; que cette obligation se distingue de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du code du travail ; qu'en déboutant le salarié de sa demande d'indemnisation du manquement à l'obligation de prévention du harcèlement moral, en conséquence de l'absence de tout élément laissant présumer un harcèlement moral, quand il lui appartenait d'examiner si l'employeur avait pris les mesures pour prévenir le harcèlement moral, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-4, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail dans leur version en vigueur.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire au premier)

Monsieur [B] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement reposait sur une faute grave et de l'AVOIR débouté de ses demandes d'indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

ALORS QUE lorsque les faits reprochés au salarié sont en rapport ou découlent de l'altération de son état de santé, ils ne sont pas constitutifs d'une faute grave ; que la cour d'appel a constaté que le salarié avait « fait une crise de nerfs qui l'a[vait] amené à être pris en charge par les pompiers et conduit à l'infirmerie » (arrêt attaqué p. 15, § 5), où il a prononcé des menaces de mort, à l'encontre de sa hiérarchie, et a estimé que ce comportement était constitutif d'une faute grave ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses constatations que le comportement litigieux était survenu en rapport avec une crise de nerf, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.

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