17 novembre 2022
Cour d'appel de Grenoble
RG n° 21/00372

Ch. Sociale -Section B

Texte de la décision

C9



N° RG 21/00372



N° Portalis DBVM-V-B7F-KWWS



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SARL DEPLANTES & CAMERINO AVOCATES ASSOCIEES



la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 17 NOVEMBRE 2022





Appel d'une décision (N° RG 18/00508)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 18 décembre 2020

suivant déclaration d'appel du 15 janvier 2021





APPELANTE :



S.A. SOITEC prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par Me Sofia CAMERINO de la SARL DEPLANTES & CAMERINO AVOCATES ASSOCIEES, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Lionel PARAIRE de la SELEURL GALION, Société d'avocats, avocat plaidant au barreau de PARIS







INTIMEE :



Mme [YT] [B] née [Z]

Née le 13 février 1988 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE







COMPOSITION DE LA COUR :



LORS DU DÉLIBÉRÉ :



M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,





DÉBATS :



A l'audience publique du 14 septembre 2022,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport, et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, en présence de Mme AL TAJAR Rima,Greffière stagiaire conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;





Puis l'affaire a été mise en délibéré au 17 novembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.



L'arrêt a été rendu le 17 novembre 2022.




EXPOSE DU LITIGE':



Le 21 août 2012, Mme [YT] [Z], épouse [B], et la société anonyme Soitec ont conclu un contrat à durée déterminée dont le terme était fixé au 22 février 2013. Le poste était celui d'opérateur de production niveau II, échelon 1, coefficient 170 de la convention collective de la métallurgie de l'Isère et des Hautes-Alpes.



Le 16 février 2015, après plusieurs contrats à durée déterminée, Mme [B] a régularisé avec la société Soitec un contrat à durée indéterminée pour un poste et une classification identiques aux précédents contrats.



Les horaires étaient ceux de l'équipe de VSD nuit.



Le 20 décembre 2015, Mme [BO], déléguée du personnel, a informé par courriel M. [L] [O], membre de la direction, Mme [KJ] [I], du service du personnel, et M. [D] [SM], responsable d'équipe VSD nuit, d'évènements qui s'étaient produits entre le 11 et le 13 décembre 2015, concernant deux opératrices, Mmes [B] et [SB], pour des propos échangés entre elles.



Le 15 janvier 2016, aux termes d'une réunion extraordinaire du comité d'hygiène et de sécurité de l'entreprise dont l'ordre du jour était « retour sur propos ' discriminatoires ' », il était préconisé d'inviter les deux salariées à échanger avec l'équipe encadrante pour faire redescendre la pression entre elles.



Le 09 février 2016, par email, Mme [B], alors en arrêt de travail, a sollicité Mme [I] pour que soit organisé un entretien qui s'est tenu le 12 février 2016.



Dans un courrier du 16 mars 2016, l'inspecteur du travail, M. [HS], a écrit à la société Soitec qu'au vu des éléments rapportés par Mme [B], elle est susceptible d'avoir fait l'objet de propos inadmissibles voire discriminatoires.



Par courrier du 03 mai 2017, Mme [B] s'est vue convoquer à un entretien préalable à la mise en 'uvre d'une mesure disciplinaire, fixé au 11 mai 2017.



Par lettre recommandée du 1er juin 2017, Mme [B] s'est vu notifier une mise à pied disciplinaire en raison d'un refus d'exécuter des consignes de travail le 08 avril 2017 et pour avoir demandé à un membre de son équipe de badger pour elle, le 23 avril 2017. La sanction a été fixée au 23 juin 2017.



Le 18 novembre 2017, par courriel, M. [E] [P], superviseur de l'équipe 5, a informé la direction d'une altercation verbale survenue entre Mmes [S] [R] et [B].



Par courriel du 03 décembre 2017, par mail, l'employeur a indiqué à Mme [B] qu'il travaillait sur diverses options pour permettre aux deux salariées de travailler dans de bonnes conditions et qu'il n'était pas envisagé qu'elle change d'équipe et de zone.



Par courriel du 05 janvier 2018, l'employeur a expliqué, en définitive, à Mme [B], qu'il prévoyait de les changer toutes les deux d'équipe.



Par courriels des 06 et 08 janvier 2018, Mme [B] a fait part à son employeur du fait qu'elle était ouverte à une médiation avec Mme [R] et faisait part de son incompréhension concernant le maintien de la décision de la changer d'équipe.



Le 09 janvier 2018, Mme [B] a été placée en arrêt de travail.



En suite d'autres échanges entre les parties, l'employeur a répondu, le 08 mars 2018, qu'il considérait avoir pris toutes les mesures nécessaires pour apaiser la situation et que chacune des deux salariées avait besoin de retrouver des relations de travail correctes par le biais d'un changement d'équipe.



Par requête en date du 07 juin 2018, Mme [YT] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble, section industrie, à l'encontre de la SA Soitec, à l'effet de voir dire qu'elle a été victime de harcèlement moral, que son employeur a manqué à son obligation de sécurité et d'exécution loyale du contrat de travail. Elle a en particulier sollicité l'annulation de la mise à pied disciplinaire du 01 juin 2017 et le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse. Elle a également formé une demande indemnitaire au titre de la perte d'une chance de pouvoir bénéficier d'actions de la société Soitec.



La société Soitec a conclu au rejet de l'ensemble des prétentions adverses.



Le 11 juillet 2018, le Dr [HG], médecin du travail Soitec, à la suite d'une visite de reprise, a déclaré Mme [B] « inapte définitif à son poste de travail. Pas de possibilités médicales de reclassement. ».



Le 12 juillet 2018, par lettre recommandée, la SA Soitec a convoqué Mme [B] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 20 juillet 2018.



Le 20 juillet, par courriel, Mme [B] a écrit à son employeur qu'elle ne pourrait pas se rendre à l'entretien en raison de son état de santé, qui ne lui permettait plus de se rendre sereinement sur le site.



Par courrier du 24 juillet 2018, la SA Soitec a notifié à Mme [B] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.





Par jugement en date du 18 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':



- dit n'y avoir lieu à annulation de la mise à pied disciplinaire,

- dit et jugé que Mme [YT] [B] a été victime de harcèlement moral,

- dit et jugé que la SA Soitec n'a pas respecté ses obligations de prévention et de sécurité de résultat,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [YT] [B] aux torts de la SA Soitec, à la date du 24 juillet 2018,

- dit et jugé que cette résiliation s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné en conséquence la SA Soitec à verser à Mme [YT] [B] les sommes suivantes :

- 10 000,00 € net à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 4 500,00 € net à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations de prévention et de sécurité de résultat,

- 5 226,38 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 522,64 € brut de congés payés afférents au préavis,

- 13 000,00 € net d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 200,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que les sommes à caractère salarial bénéficient de l'exécution provisoire de droit, nonobstant appel et sans caution, en application de l'article R. 1454-28 du code du travail, étant précisé que ces sommes sont assorties des intérêts de droit à compter du jour de la demande et que la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire à retenir est de 2 613,19 €,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus,

- débouté Mme [YT] [B] de ses autres demandes,

- débouté la SA Soitec de sa demande reconventionnelle,

- condamné la SA Soitec aux dépens.





La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusé de réception signé à une date indéterminée pour Mme [YT] [B], l'accusé de réception de la société Soitec n'étant pas parvenu au greffe.



Par déclaration en date du 15 janvier 2021, la société Soitec a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.





La société Soitec s'en est rapportée à des conclusions remises le 01 juillet 2022 et demande à la cour d'appel de':

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Jugé que Madame [YT] [B] avait été victime de harcèlement moral ;

- Jugé que la société Soitec n'avait pas respecté son obligation de prévention et de sécurité de résultat;

- Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [YT] [B] aux torts de la société Soitec a la date du 24 juillet 2018 ;

- Jugé que cette résiliation s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamné le société Soitec à verser à Mme [YT] [B] les sommes suivantes :

-10 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

-4 500 euros net à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations de prévention et de sécurité de résultat ;

-5 226,38 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-522,44 euros brut de congés payés de préavis ;

-13 000 euros net d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-1 200 euros au titre de |'article 700 du code de procédure civile.



Et, statuant à nouveau :

Dire et juger que les différents griefs allégués par Mme [YT] [B] à l'encontre de la société Soitec sont infondés ou non établis ;



En conséquence :

-infirmer le jugement entrepris et débouter Mme [YT] [B] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

Débouter Mme [YT] [B] de l'ensemble de ses demandes au titre de son appel incident ;

Ordonner le remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire ;

Condamner Mme [YT] [B] à verser à la société Soitec la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.





Mme [YT] [B] s'en est rapportée à des conclusions transmises le 05 janvier 2022 et demande à la cour d'appel de':



CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Dit et jugé que Mme [B] a été victime de harcèlement moral,

- Dit et jugé que la SA Soitec n'a pas respecté ses obligations de prévention et de sécurité de résultat,

- Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [B] aux torts de la SA Soitec, à la date du 24 juillet 2018,

- Condamné en conséquence la SA Soitec à verser à Mme [B] les sommes suivantes :

- 5 226,38 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 522,64 € bruts de congés payés afférents au préavis,

- 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la SA Soitec de sa demande reconventionnelle,

- Condamné la SA Soitec aux dépens.

L'INFIRMER pour le surplus et, statuant à nouveau,

CONDAMNER la société Soitec à verser à Madame [B] les sommes suivantes :

- 15 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi en suite du harcèlement moral dont elle a été victime,

- 15 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi en suite de la violation par l'employeur de ses obligations de prévention et de sécurité.

ANNULER la mise à pied disciplinaire notifiée le 1 er juin 2017 à Mme [B] ;

CONDAMNER en conséquence la société Soitec à verser à Mme [B] les sommes suivantes:

-165,90 € bruts à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied d'un jour ouvré le 23 juin 2017;

-16,59 € bruts au titre des congés payés afférents ;

-1 000 € nets à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi ;

CONDAMNER la société Soitec à verser à Mme [B] les sommes suivantes, que la cour confirme le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, ou qu'elle l'infirme et juge que l'inaptitude et le licenciement subséquent procèdent du comportement fautif de l'employeur :

à titre principal, 32 000 € nets, à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

à titre subsidiaire, 32 000 € nets, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNER en tout état de cause la société Soitec à verser à Mme [B] la somme de 25 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la perte de chance de bénéficier gratuitement en 2020 et 2021 de ses actions Soitec;

CONDAMNER la société Soitec à verser à Mme [B] 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

DEBOUTER la société Soitec de l'intégralité de ses demandes.

ASSORTIR les condamnations des intérêts de droit.





Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées.



La clôture a été prononcée le 07 juillet 2022.





EXPOSE DES MOTIFS':



Sur la demande de remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire et les demandes présentées comme indéterminées':



D'une première part, la société Soitec ne peut qu'être déclarée irrecevable en sa demande tendant à voir ordonner le remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire, dès lors que le présent arrêt vaut d'ores et déjà titre exécutoire au titre d'éventuelles condamnations que Mme [B] pourrait devoir restituer'; ce qui de surplus n'est pas le cas en l'espèce au vu des motifs ci-dessous développés sur le fond au regard des prétentions de l'appelante principal et de l'appel incident de la société Soitec.



D'une seconde part, outre que la société Soitec ne développe aucun moyen de droit qui empêcherait Mme [B] de solliciter des sommes nettes de charges sociales au titre de prétentions indemnitaires relatives à l'exécution du contrat de travail et ce alors que l'ensemble des demandes sont chiffrées, la cour d'appel ne peut que constater qu'elle n'est saisie au dispositif des conclusions de l'intimée d'aucune fin de non-recevoir tirée du caractère allégué comme indéterminé de certaines demandes de l'appelante au visa des articles 4 et 954 du code de procédure civile.





Sur le harcèlement moral et la mise à pied disciplinaire notifiée le 01 juin 2017':



L'article L.1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.





L'article L.1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.



L'article 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.



Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.



La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.



Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.



Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.



Il n'est en outre pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.



A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.



L'article L 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral :

Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le



candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.



Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.



Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.



Dans la rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016, le salarié doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.



La seule obligation du salarié est d'établir la matérialité des faits précis et concordants, à charge pour le Juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l'état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.



L'article 1 de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 énonce que':

«'La discrimination inclut :

1° Tout agissement lié à l'un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant'».



Il s'en déduit que le harcèlement discriminatoire est une forme de discrimination prohibée et se trouve constituée, y compris en présence d'un seul élément de fait.



En espèce, Mme [B] n'établit pas la matérialité de faits/éléments de fait suivants':

- aucune pièce n'est visée dans les conclusions à l'appui de l'allégation de la salariée selon laquelle un groupe de discussion Facebook a été ouvert dans lequel elle est souvent évoquée, ses collègues se demandant comment la faire craquer et la pousser la faute et celle relative à une augmentation, de manière concomitante, de sa charge de travail après l'incident de noël 2016



- l'échange de courriels internes du 8 avril 2017 entre les salariés de l'équipe, dont M. [B], et M. [SM], alors superviseur, ne permet aucunement d'en déduire, comme elle le soutient dans ses écritures, que M. [SM] aurait monté délibérément en épingle une réponse qu'elle a faite au sujet des temps de pause dès lors que le courriel de la salariée, qui fait un certain nombre de reproches à son supérieur, évoquant un problème de confiance, est le dernier, chronologiquement, de ceux produits et que les précédents de son supérieur ne la visent pas personnellement. Il ne peut davantage être déduit de cet échange de courriels que M. [SM] aurait refusé tout entretien sollicité par la salariée



- il ne ressort aucunement de manière évidente et certaine, à la lecture du courriel du 20 janvier 2018 adressé par Mme [R] à M. [F], que dans la phrase «'A la suite j'ai pris pleins de commentaire dans le vestiaire, à cause de gros connards, non à une cause d'une grosse connasse'», l'expéditrice du message ait ainsi visé Mme [B] dans la mesure où cette dernière n'est évoquée que par la suite dans le message.



En revanche, elle objective la matérialité des faits/éléments de fait suivants':

- elle verse aux débats un courriel du 20 décembre 2015 de Mme [W], déléguée du personnel, aux termes duquel il est évoqué une difficulté lors du passage de consignes entre les équipes E5 et E3 ayant donné lieu à un entretien entre les deux salariées, Mme [B] et une autre salariée dénommée [T] (Mme [T] [SB]) avec leurs superviseurs respectifs, MM. [SM] et [KV], le 13 décembre 2015, au cours duquel la salariée a dit, en parlant de Mme [B] en sa présence et sans réaction des supérieurs hiérarchiques, M. [KV] estimant qu'il s'agissait d'un non-évènement': «'on dirait le quartier'» «'quand je te vois là, je vois que tu sais parler, finalement je pense qu'on pourrait travailler ensemble si tu parlerais comme çà en salle blanche, tu as l'air de quelqu'un de bien malgré tout'». Le délégué du personnel juge les propos tenus comme discriminatoires. La réalité de l'incident entre les deux salariées ainsi que les propos échangés sont corroborés par un procès-verbal d'une réunion extraordinaire du CHSCT du 15 janvier 2016 faisant suite à une enquête menée par cette institution avec un enquêteur de la direction, concluant à une absence de volonté mal-intentionnée ou discriminatoire alors que le CHSCT considère qu'il y a bien eu discrimination prohibée. Des propositions conjointes sont énoncées avec des restitutions aux salariés et superviseurs concernés et une préconisation de formation du management pour ce type de cas. Par courriel du 9 février 2016, Mme [B] a sollicité de l'employeur une demande d'information et d'entretien expliquant n'avoir eu aucun retour sur l'incident, expliquant vivre mal la situation et précisant que cela avait dégradé son état de santé de sorte qu'elle a été en arrêt maladie du 15 janvier au 15 février 2016. L'employeur a accédé à la demande de la salariée et un compte-rendu de l'entretien du 12 février 2016 a été fait, par courriel, par Mme [U], partenaire RH, exposant notamment qu'il était attendu sa reprise pour lui faire un retour et qu'«'après avoir échangé nos connaissances respectives des faits, nous en avons conclu qu'il y avait eu des propos inacceptables qui n'avaient pas été recadrés en temps voulus, beaucoup de maladresses, et des non-dits qui avaient augmenté l'incompréhension de part et d'autre.'». L'employeur lui a également annoncé «'une sensibilisation de l'ensemble du personnel sur toutes les formes de discrimination (')'» et un renforcement de l'accompagnement des managers sur ces problématiques. Mme [B] a également produit un courrier de l'inspection du travail du 16 mars 2016 (erreur matérielle de date visant l'année 2018), demandant des explications à l'employeur et faisant suite au courriel de la salariée du 9 février 2016, l'administration rappelant à l'employeur l'article L 1132-1 du code du travail sur la prohibition des discriminations.



Mme [B] verse enfin aux débats un courriel du 1er mai 2017, postérieur dès lors de plus d'une année aux faits discriminatoires allégués, par lequel elle a informé Mme [ZE], supérieur hiérarchique, du fait que M. [SM], superviseur la décrivait comme une «'brebis galeuse'» et évoquant la volonté de la direction de la «'virer'»



- il est produit une attestation de M. [G], un autre salarié, faisant état en substance de tensions grandissantes dans l'équipe depuis noël 2016, Mme [B] étant prise en grippe par une partie des autres salariés, dont l'une dénommée [S] (Mme [R]), le superviseur ayant considéré lors d'un entretien que Mme [B] étant à l'origine de la dégradation des relations de travail. Le témoin a également précisé avoir vu pleurer Mme [B] en salle blanche et avoir décidé d'alerter un élu du CHSCT, M. [H].

Mme [ED], qui a travaillé selon un contrat à durée déterminée pour la société Soitec, a confirmé le fait que Mme [B] était prise à partie par certains membres de l'équipe, en citant des prénoms ([VP], [S], [A], [C], [X] et [D] [SM]), que leur but était de la pousser à la sortie et que Mme [S] [R] lui avait dit à plusieurs reprises que pour avoir un «'CDI'» il ne fallait pas rester avec [YT]



- il est versé aux débats un courrier du 1er juin 2017, adressé par l'employeur à la salariée, la sanctionnant d'une mise à pied à titre disciplinaire d'un jour, dont elle demande par ailleurs l'annulation, aux motifs d'un refus d'exécution d'une consigne le 8 avril 2017 et d'avoir demandé à un salarié de bagder à sa place le 23 avril 2017



- M. [N] [M], opérateur de production dans l'entreprise Soitec, a témoigné du fait que, le 18 novembre 2017, il échangeait avec Mme [B] sur des personnes extérieures à l'entreprise, cette dernière lui répondant, «'de toutes façons c'est tous des fils de pute'»'; ce que Mme [R], arrivant sur ces entrefaits, a pris pour elle, montant le ton à l'égard de Mme [B] en la menaçant, les supérieurs étant ensuite arrivés, le témoin précisant que Mme [R], à ses yeux, faisait tout pour envenimer le conflit, ayant notamment dit en juillet, lors d'une médiation dans l'équipe, ne pas vouloir faire d'effort ni même dire bonjour par politesse. Par ailleurs, M. [G] a attesté que Mme [B] avait été 'prise en grippe' par une partie de l'équipe et notamment par Mme [R], avec laquelle il dit avoir eu une forte altercation fin mai/début juin 2017, celle-ci lui ayant hurlé dessus, mimé le geste de le gifler, l'ayant insulté, menacé d'en parler à son mari et précisant qu'il venait, à cause de cette salariée, la peur au ventre.



Il est produit des échanges de courriels de décembre 2017/janvier 2018, entre Mme [B] et M. [Y], partenaire RH, mettant en évidence qu'il est envisagé, suite à l'altercation qui a eu lieu le 18 novembre 2017 entre elle et Mme [R], de changer les deux salariées de service pour apaiser les tensions'; proposition que Mme [B] n'approuve pas dans la mesure où cela reviendrait à en conclure qu'elle est à l'origine du problème, renvoyant la responsabilité à Mme [R]. Une médiation est également proposée, l'employeur notant que Mme [B] a finalement donné son accord pour y participer. Il résulte d'échanges de courriels ultérieurs de mars 2018 que l'employeur a maintenu sa décision de changer de services les deux salariées nonobstant l'opposition de Mme [B] se plaignant des conditions dans lesquelles cette mesure est prise et revenant sur le fait que Mme [R] avait immédiatement refusé la médiation et était, quant à elle, satisfaite à la décision prise.



La salariée met en évidence que ce changement contraint de service s'est accompagné d'un arrêt maladie la concernant à compter du 9 janvier 2018. La veille, dans un courriel à son employeur, elle a écrit en post scriptum, exprimant une souffrance au travail et le sentiment de subir une injustice : «'je ne comprends pas ce qu'il m'arrive. Vous m'imposez un changement d'équipe sur la base d'accusations dont vous refusé de m'en expliquer les motifs, et dont vous dites reposer sur des ressentis. En France même les plus grands criminels, dispose d'un droit d'information et de défense, pour moi il en est autrement'Vous m'imposer un changement d'équipe car [S] refuse une médiation' Finalement je suis tributaire de la décision de [S], pas de la votre. Pourquoi tant d'acharnement'' Vous ne me l'avez pas demandé, mais si vous m'aviez sollicité pour vous soucier de mes ressentis au même titre que ceux de [S], je vous aurez répondu, que sur E5 je me sent bien (hors cas [S]) mais que la situation avec [S] bien que difficile 'j'ai le sentiment d'avoir la corde au cou, mais d'avoir un tabouret sur lequel tenir' et que je vis le changement d'équipe 'comme si vous veniez du bout des pieds de faire tomber le tabouret'''».



Il est versé aux débats le dossier médical de la salariée mettant en lumière qu'une visite a eu lieu le 12 janvier 2018, suite à des propos évoquant un passage à l'acte, à la médecine du travail, lors de laquelle elle a dit se sentir mise à l'écart par une collègue et ne pas souhaiter changer d'équipe, le médecin du travail préconisant qu'elle revoit son médecin pour prolonger son arrêt. Le médecin du travail a écrit, le 22 janvier 2018, au médecin traitant, précisant que Mme [B] présentait un syndrome anxio-dépressif lié à un conflit au travail, exprimant une volonté de passage à l'acte agressif, considérant qu'elle n'était pas en situation de reprendre le travail et qu'un arrêt maladie d'au moins trois semaines était nécessaire.



L'ensemble de ces faits/éléments de fait laissent présumer, supposer l'existence d'un harcèlement moral dès lors qu'ils sont susceptibles de se rattacher à des faits de harcèlement discriminatoire, de traduire une ambiance de travail particulièrement dégradée avec des tensions entre Mme [B] et d'autres salariés, dont deux successivement en particulier et des difficultés avec son supérieur hiérarchique direct ainsi que d'impliquer que l'avenir professionnel de la salariée, dans l'entreprise à tout le moins, ait pu être compromis par une décision de changement de poste auquel la salariée s'opposait faisant suite aux conflits entre salariés avec, en définitive, un arrêt de travail aboutissant à une déclaration d'inaptitude définitive et un licenciement subséquent.







La société Soitec n'apporte pas les justifications suffisantes permettant d'écarter le harcèlement moral présumé/supposé en ce que':

- concernant l'incident du 13 décembre 2015, si l'employeur établit suffisamment avoir accompli les diligences nécessaires pour que l'inspecteur du travail, averti par la salariée, puisse avoir accès aux informations recueillies par le CHSCT, il ne saurait être déduit des éléments produits par l'employeur et notamment du rapport d'enquête de cette institution qu'il n'y a pas eu de harcèlement discriminatoire dès lors que la réalité des propos tenus à l'égard de Mme [B] par Mme [SB] est avérée, que le comportement des supérieurs hiérarchiques qui ne sont pas seulement restés passifs mais ont pour l'un qualifié l'incident de non-évènement était objectivement inadapté, que le caractère discriminatoire des propos est certain dès lors qu'il convient aussi de se placer du point de vue de celui ou celle qui les reçoit et non, d'après les explications a postériori subjectives de leur auteure, et que surtout, l'employeur a lui-même admis, lors d'un entretien du 12 février 2016, que des propos inacceptables avaient été tenus. Le moyen tenant au fait qu'il s'agit d'un incident isolé est inopérant dès lors qu'il s'agit d'une situation de harcèlement discriminatoire ne requérant pas une répétition des faits



- l'employeur admet lui-même dans ses conclusions (page n°14) que suite à un incident dans la nuit du 24 au 25 décembre 2016 ayant consisté pour certains salariés à avoir pris une pause de 6 heures, qui n'a pas été traité par M. [SM], supérieur hiérarchique, l'employeur précisant que Mme. [B] avait informé le responsable des ressources humaines de cette infraction aux règles de pause, une partie de l'équipe avait fait l'objet de fortes pressions. L'employeur admet nécessairement, quoiqu'il s'en défende, que pendant plusieurs mois à tout le moins jusqu'en mai 2017, Mme [B] comme d'autres salariés de l'équipe, ont subi des conditions de travail dégradées à raison du comportement d'autres salariés mais encore d'une réaction inadaptée de leur supérieur hiérarchique'; ce qui caractérise en soi une situation de harcèlement moral, la société Soitec ne pouvant déduire du fait qu'elle allègue avoir pris des mesures quand l'encadrement supérieur a été averti que le harcèlement moral n'aurait pas existé antérieurement ou soutenir que Mme [B] n'aurait pas été affectée par cette situation alors même qu'il ressort des propres pièces de l'employeur que l'ambiance délétère de travail affectait toute l'équipe et que l'employeur a indiqué dans la lettre de licenciement de M. [SM] «'il est apparu à ce moment-là (NDR visite de Mme [ZE] du 29 avril 2017) que [NY] [B] et certains de ses collègues faisaient l'objet d'une forte pression par d'autres membres de l'équipe, créant ainsi une ambiance globale délétère'».



Le caractère particulièrement dégradé des relations de travail au sein de l'équipe de Mme [B], qui n'a d'ailleurs pas été la seule victime de comportements et propos inadaptés d'autres membres de l'équipe, ressort ainsi des lettres de licenciement disciplinaire notifiées par l'employeur à divers salariés en juin 2017, dont M. [SM]



- concernant la mise à pied disciplinaire du 1er juin 2017, le grief tenant au refus d'exécuter une consigne d'emballer des lots n'est pas suffisamment démontré par les pièces produites par les parties, l'employeur ne visant, dans ses conclusions, en définitive, que la sanction disciplinaire en elle-même avec le fait contesté par la salariée qu'elle aurait contrevenu à une consigne ferme de M. [J] puis de M. [SM], alors que ceci ne ressort en définitive que des allégations de l'employeur sur des propos qu'aurait tenus la salariée lors de l'entretien préalable du 11 mai 2017, qui ne sont corroborés par aucune pièce visée par la société Soitec, comme une attestation de l'un ou l'autre des supérieurs hiérarchiques ou un écrit émanant de la salariée. Quant au fait d'avoir demandé à l'un de ses collègues de badger à sa place, le 23 avril 2017, le manquement est avéré puisque reconnu par la salariée. Pour autant, sans même qu'il soit nécessaire d'analyser les moyens respectifs des parties sur la licéité du système de badgeage, force est de constater que la sanction disciplinaire d'une mise à pied disciplinaire d'un jour est jugée disproportionnée au vu du contexte dans lequel cette faute a été commise.

Il ressort en effet du courrier de licenciement disciplinaire de M. [SM] que ce dernier avait durablement et à de multiples reprises commis des manquements élémentaires dans ses responsabilités de management d'équipe, allant notamment jusqu'à donner l'impression de cautionner le manquement commis par plusieurs salariés, dans la nuit du 24 au 25 décembre 2016, de prendre une pause de 6 heures au cours de laquelle de l'alcool a été consommé. La gravité de la faute commise par Mme [B], qui n'établit certes pas matériellement qu'une tolérance existait à ce titre dans l'entreprise, est dès lors fortement atténuée par le fait qu'elle se trouvait alors soumise à un management direct particulièrement déficient, de l'aveu même de l'employeur, qui a décidé de licencier disciplinairement M. [SM], de manière concomitante à la sanction disciplinaire contestée par Mme [B], par courrier également du 1er juin 2017.



Il s'ensuit qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et d'annuler la mise à pied disciplinaire du 1er juin 2017, qui ne saurait en conséquence servir de justification étrangère à tout harcèlement moral mais participe au contraire de celui-ci. Il est alloué à Mme [B] un rappel de salaire de 165,90 euros bruts au titre de la mesure exécutée le 23 juin 2017, outre 16,59 euros bruts au titre des congés payés afférents, ainsi que la somme de 1000 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi.



- s'agissant de l'altercation du 18 novembre 2017 entre Mme [B] et Mme [R], l'employeur établit certes suffisamment par le courriel du 18 novembre 2017 de M. [P], superviseur de production de l'équipe E 5, que la version du déroulement des faits soutenue par Mme [B], appuyée en cela par le témoignage de M. [M] selon laquelle l'insulte qu'elle a proférée «'tous des fils de pute'» aurait visé des gens extérieurs à l'entreprise, sans qu'ils ne soient au demeurant identifiés, est pour le moins peu vraisemblable alors que la salariée parlait plus vraisemblablement de personnes de l'entreprise par l'emploi de l'adverbe «'ici'» dans les propos rapportés par M. [P] de Mme [B], et que de surcroît, Mme [B] a manifestement répondu à la provocation de Mme [R].



Pour autant, ainsi qu'il est vu ensuite dans les motifs de la décision relatifs à l'obligation de sécurité de l'employeur, celui-ci a, certes, pris certaines mesures mais largement insuffisantes non seulement pour prévenir mais encore mettre fin à la réalisation effective du risque psycho-social résidant dans une ambiance de travail objectivement et significativement dégradée pendant de nombreux mois au sein de l'équipe de travail de Mme [B], que cette dernière a certes pu alimenter au moins de manière isolée lors de l'incident du 18 novembre 2017, mais dont elle a, pour l'essentiel, été victime depuis la fin de l'année 2015 et ce jusqu'à son arrêt de travail du 09 janvier 2018 ayant débouché sur sa déclaration d'inaptitude définitive sans possibilité de reclassement à raison de son état de santé et à la notification de son licenciement le 24 juillet 2018.



Il s'ensuit que par certaines inactions et mesures insuffisantes, l'employeur a contribué à la perpétuation d'une ambiance de travail dégradée au sein de l'équipe relevant incontestablement de la qualification de harcèlement moral et ce, jusqu'à l'arrêt maladie du 09 janvier 2018 de Mme [B] ayant conduit, quelques mois plus tard, à la fin de son contrat de travail par une déclaration d'inaptitude définitive à son poste et à tout emploi dans la société et un licenciement subséquent.





Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que Mme [B] a été victime de harcèlement moral et lui a alloué à ce titre la somme de 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts, les premiers juges ayant fait une exacte appréciation de la réalité et de l'étendue du préjudice subi, le surplus de la demande étant rejeté.





Sur l'obligation de sécurité':



D'une première part, l'employeur a une obligation s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L. 4121-1 et L 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.





D'une seconde part, l'article L4121-1 du code du travail énonce que :

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et (version avant le 24 septembre 2017': de la pénibilité au travail) (version ultérieure au 24 septembre 2017': y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1);

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.



L'article L4121-2 du code du travail prévoit que :

L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.



L'article L 4121-3 du même code dispose que :

L'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe.



A la suite de cette évaluation, l'employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement.



Lorsque les documents prévus par les dispositions réglementaires prises pour l'application du présent article doivent faire l'objet d'une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat après avis des organisations professionnelles concernées.



L'article R.4121-1 du code du travail précise que :

L'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3.

Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement, y compris ceux liés aux ambiances thermiques.



L'article R.4121-2 du même code prévoit que :

La mise à jour du document unique d'évaluation des risques est réalisée :

1° Au moins chaque année ;

2° Lors de toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, au sens de l'article L. 4612-8 ;

3° Lorsqu'une information supplémentaire intéressant l'évaluation d'un risque dans une unité de travail est recueillie.





L'article R.4121-4 du code du travail prévoit que :

Le document unique d'évaluation des risques est tenu à la disposition :

1° Des travailleurs ;

(version avant le 1er janvier 2018': 2° Des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou des instances qui en tiennent lieu) ; (version après le 1er janvier 2018': 2° Des membres de la délégation du personnel du comité social et économique)

3° Des délégués du personnel ;

4° Du médecin du travail ;

5° Des agents de l'inspection du travail ;

6° Des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale ;

7° Des agents des organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail mentionnés à l'article L. 4643-1 ;

8° Des inspecteurs de la radioprotection mentionnés à l'article L. 1333-17 du code de la santé publique et des agents mentionnés à l'article L. 1333-18 du même code, en ce qui concerne les résultats des évaluations liées à l'exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants, pour les installations et activités dont ils ont respectivement la charge.



Un avis indiquant les modalités d'accès des travailleurs au document unique est affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail. Dans les entreprises ou établissements dotés d'un règlement intérieur, cet avis est affiché au même emplacement que celui réservé au règlement intérieur.



D'une troisième part, l'article L. 1152-4 du code du travail énonce que':

L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Les personnes mentionnées à l'article L. 1152-2 sont informées par tout moyen du texte de l'article 222-33-2 du code pénal.



En l'espèce, il résulte du compte-rendu de l'enquête du CHSCT suite à l'incident entre Mme [B] et Mme [SB] que le co-enquêteur, représenté par la direction, a conclu que «'la tentative de conciliation entre les opératrices et leur superviseur n'a certes pas permis d'obtenir l'apaisement escompté (...)'» et que des propositions sont faites, notamment une préconisation de «'formation du management pour ce type de cas (conflit entre personne, incompatibilité d'humeur, discrimination, harcèlement')'»).



Dans cette perspective, dans un courriel du 17 février 2016, soit deux jours après la réunion extraordinaire du CHSCT qui s'est tenue le 15 janvier 2016, l'employeur a informé Mme [B] qu'il s'était engagé à réaliser «'une sensibilisation de l'ensemble du personnel sur toutes les formes de discrimination, afin de rappeler combien la tolérance est indispensable sur le lieu de travail pour le bien-être de tous'».



Mme [B] met en évidence que, lors de son entretien annuel s'étant tenu le 19 novembre 2016 mené par M. [ZE], elle s'est plainte de «'difficultés relationnelles qui ont touché toute l'équipe et qui m'ont affecté dans mon travail sur la deuxième partie de l'année'».



Par courriels du 5 mai 2017 et surtout du 6 décembre 2017, la salariée a évoqué auprès de son employeur la dégradation de son état de santé, éprouvant de l'anxiété, de la difficulté à trouver du sommeil, précisant avoir fait l'objet de harcèlement moral pendant des mois à raison du fait qu'elle a été prise à partie par une partie de l'équipe et qu'elle doit désormais «'porter le licenciement de quatre personne sur le dos et le licenciement de [K] sur la conscience'». Elle demande à son employeur à «'pouvoir travailler tranquillement aux OGM sans avoir de contact avec [S]. Et que les provocations cessent.'».



En réponse, l'employeur ne justifie pas suffisamment avoir pris les mesures nécessaires et utiles au titre de son obligation de sécurité, en particulier pour prévenir le harcèlement moral dans l'entreprise.



Certes, la société Soitec met en évidence qu'à la suite de l'alerte résultant de l'incident non traité de manière adaptée entre Mmes [SB] et [B], elle a collaboré activement à l'enquête du CHSCT.



Toutefois, les pièces n°45 et 46 de l'employeur, qui sont des présentations power point sur le recrutement des opérateurs de production en juin 2017 et un e-learning bonne conduite, ont certes trait à la question des discriminations mais la société Soitec n'apporte aucun élément sur les personnes, en particulier dans l'encadrement de l'équipe de Mme [B], qui ont effectivement bénéficié de cette sensibilisation. Il s'ensuit que l'employeur ne justifie pas avoir tenu son engagement de sensibiliser son personnel d'encadrement et l'ensemble du personnel à la question des discriminations prohibées.



En outre, l'employeur produit quelques extraits de son document unique d'évaluation des risques professionnels, notamment ceux spécifiques à l'unité à laquelle Mme [B] appartenait, dont il ne ressort aucune évaluation des risques psycho-sociaux et, par voie de conséquence, d'actions à mettre en 'uvre pour les prévenir et en cas de réalisation, d'y mettre fin.



Enfin, l'employeur justifie avoir mis en 'uvre une enquête [V] d'octobre 2015 à mars 2016 et surtout avoir eu recours, à partir de l'été 2017, à un cabinet spécialisé d'audit afin de réaliser un diagnostic relatif à l'ambiance de travail objectivement dégradée au sein de l'équipe à laquelle appartenait la salariée et de trouver des solutions.



Le rapport du 5 septembre 2017 de la médiatrice, présenté à la réunion ordinaire du CHSCT du 25 septembre 2017, a mis en évidence que «'les personnes étaient sous le choc des évènements passés mais rassurées sur la capacité à réagir de la direction tout en regrettant que les solutions n'aient pas été identifiées avant. Maintenant les différentes personnes souhaitent aller de l'avance. Certaines personnes montraient des signes de souffrance au travail avec des consultations vers le médecin du travail ou personnel. Suite à la session collective de fin août, il est remonté une amélioration de l'ambiance mais aussi une crainte de retour d'une personne actuellement en arrêt. Un retour collectif a été fait par la médiatrice le 09 septembre': présentation des résultats du questionnaire, de l'audit, et pistes de prévention. Il a été annoncé également qu'une personne (un dénommé [C]) ne reviendrait pas dans l'équipe MTBE E5 à son retour d'arrêt. Des pistes de modification de l'équipe sont en cours de réflexion par le management et les RH. La commission de suivi se réunira pour faire un point au plus tard en fin d'année, plus tôt en cas de nécessité.'».



Il apparaît cependant que le rapport fait également état, sans autre précision, du fait que «'d'autres tensions sont aussi à noter entre d'autres membres de l'équipe'». Il résulte implicitement mais nécessairement des explications de la société Soitec dans le cadre de ses conclusions d'appel que les salariés concernés étaient en réalité, à tout le moins, Mmes [B] et [R] puisque l'employeur soutient avoir rempli son obligation de sécurité en changeant les deux salariées d'équipe, de sorte que le climat et l'ambiance se sont notablement améliorés au vu du compte-rendu du 8 mars 2018 réalisé dans le cadre de la mission de médiation.



Il est toutefois observé qu'au jour où le rapport du cabinet spécialisé a été présenté au CHSCT, l'altercation du 18 novembre 2017 entre Mmes [B] et [R] n'avait pas encore eu lieu, de sorte qu'il existe une incohérence chronologique dans les justifications apportées par l'employeur quant au fait qu'il a, selon lui, rempli son obligation de sécurité.



Surtout, l'employeur n'a jamais assumé auprès de Mme [B] que la décision prise de changement d'équipe à son égard et concernant Mme [R] s'inscrivait, en réalité, dans le cadre de son pouvoir de direction, en réaction au fait que Mme [B] avait également une part de responsabilité dans l'altercation du 18 novembre 2017.



Au contraire, il ressort du courriel de Mme [I], responsable RH, à Mme [B] du 7 mars 2017, que la mesure est présentée à Mme [B] uniquement comme une déclinaison de son obligation de sécurité, la responsable indiquant expressément pour répondre à la salariée se prévalant du fait que ce changement d'équipe qu'elle ressent comme une injustice et auquel elle s'oppose, est assimilable à du harcèlement moral, qu'il ne s'agit aucunement d'une sanction disciplinaire.



En ne justifiant d'aucune mesure préventive pour apaiser les tensions qu'il savait persistantes en septembre 2017 notamment entre Mmes [B] et [R] afin de prévenir au maximum le cas échéant un nouvel incident entre ces salariées qui s'est finalement produit le 18 novembre 2017, soit 2 mois après, et surtout, en refusant d'assumer son pouvoir de direction et le cas échéant de sanction ou au moins de mise en garde à l'égard de Mme [B], qui avait manifestement une part de responsabilité dans l'altercation du 18 novembre 2017 en ayant tenu des propos insultants et grossiers dans le cadre d'une conversation avec un collègue sur son lieu de travail, avec un manque suffisant de discrétion pour que Mme [R] les entende et en prenne le prétexte pour provoquer une dispute, la société Soitec ne saurait considérer qu'elle a pris une mesure nécessaire et adaptée à l'égard de Mme [B], qui a vécu le changement d'équipe comme une véritable injustice, entraînant une dégradation significative de son état de santé, puis sa déclaration d'inaptitude et son licenciement subséquent.



Le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est d'autant plus patent qu'il savait l'ambiance dégradée depuis de très nombreux mois au sein de l'équipe, que Mme [B] avait auparavant été victime de propos discriminatoires de la part d'une collègue de travail, n'ayant pas été traités de manière adaptée par la hiérarchie directe et n'ayant pas donné lieu au respect par l'employeur de ses engagements pris ensuite à l'égard du CHSCT et de la salariée et dès lors qu'il n'est justifié d'aucune politique préventive des risques psycho-sociaux, la société Soitec ayant tout au plus démontré avoir mis en 'uvre certaines mesures, qui se sont avérées insuffisantes, pour tenter de ramener de la sérénité au sein d'une équipe de travail dont l'ambiance était objectivement devenue délétère, soit après que le risque se soit réalisé.



En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société Soitec n'a pas respecté son obligation de prévention et de sécurité, le cas échéant au titre du harcèlement moral et a alloué à ce titre la somme de 4500 euros nets en réparation du préjudice subi, les premiers juges ayant fait une exacte appréciation de la réalité et du préjudice subi, le surplus de la demande à ce titre étant rejeté.





Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail':



Conformément aux articles 1224 et suivants du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté peut demander au juge la résolution du contrat.



Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée.



En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, sauf si le salarié a été licencié dans l'intervalle de sorte qu'elle produit alors ses effets à la date de l'envoi de la lettre de licenciement.



Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail et pour répondre à cette définition, les manquements invoqués par le salarié doivent non seulement être établis, mais ils doivent de surcroît être suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.



En l'espèce, les manquements de l'employeur présentent un degré de gravité ayant empêché la poursuite du contrat de travail dès lors que Mme [B] a été victime de harcèlement moral dont les conséquences péjoratives sur son état de santé ont perduré jusqu'à son licenciement pour inaptitude notifié le 24 juillet 2018.



Il convient, en conséquence, faisant application de l'article L. 1152-3 du code du travail, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [B] aux torts de la société Soitec mais par infirmation du jugement entrepris de dire que cette résiliation judiciaire, intervenue dans un contexte de harcèlement moral, produit les effets d'un licenciement nul à la date du 24 juillet 2018.





Sur les prétentions financières afférentes à la rupture du contrat de travail':



Premièrement, dès lors que la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur, peu important que la salariée n'ait pas été apte à exécuter son préavis, elle a droit par confirmation du jugement entrepris à une indemnité compensatrice de préavis de 5226,38 euros bruts, outre 522,64 euros bruts au titre des congés payés afférents.



Deuxièmement, au visa des articles L 1235-3-1 et L 1235-3-2 du code du travail, au jour de la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul, Mme [B] avait plus de 4 ans d'ancienneté et un salaire de l'ordre de 2 600 euros bruts.



Il convient, en conséquence, de condamner, au vu du préjudice subi, la société Soitec à lui verser par réformation du jugement entrepris la somme de 32 000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, ladite indemnité étant soumise à cotisations sociales sous diverses conditions énoncées à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.



D'une troisième part, Mme [B] établit qu'elle a accepté, le 22 mai 2018, soit avant l'échéance du 30 mai 2018, le bénéfice d'un droit à recevoir 138 actions Soitec dans le cadre du plan «'reconnaissance du passé'» et 42 actions dans le cadre du plan «'reconnaissance de l'ancienneté'», soit avant la rupture du contrat de travail au 28 juillet 2018.



Elle démontre qu'elle a ainsi perdu une chance certaine d'avoir pu se voir attribuer de manière définitive les actions à la date du 29 mars 2020 dans la mesure où était stipulée une condition de présence dans l'entreprise au 28 mars 2020.



La rupture injustifiée imputable à l'employeur est directement à l'origine de cette perte de chance qui doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.



L'employeur ne développe pas de moyen critique au fait que l'action était cotée, en 2020, à 56,70 euros l'unité mais uniquement un moyen de défense pertinent tenant au fait que Mme [B] ne peut prétendre à la totalité de l'avantage que lui aurait procuré l'attribution de ces actions si la chance s'était réalisée, étant relevé que la valorisation à ce cours de 151 actions correspond à la somme de 8 561,70 euros et non à 25 000 euros, tels que demandés par Mme [B].





La perte de chance est évaluée à 80 %, en tenant compte du fait qu'il y a un aléa sur la date à laquelle la salariée aurait revendu ses actions, Mme [B] ne produisant aucun élément sur l'évolution du cours de l'action Soitec après le 29 mars 2020, l'employeur ne développant pour autant aucun moyen en défense à ce titre et ne prétendant pas que celle-ci aurait ensuite pu chuter de manière brutale.



Mme [B] ne pouvait prétendre, en revanche, aux attributions d'actions dans le cadre du 3ème volet PAT dès lors que la communication du 30 juillet 2018 fait état d'une décision du conseil d'administration du jeudi précédent, soit du 26 juillet 2018, à une date où le contrat de travail était déjà rompu de manière définitive.



Infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société Soitec à payer à Mme [B] la somme de 6 849,36 euros nets à titre de perte d'une chance d'avoir pu bénéficier d'actions attribuées par la société, le surplus des prétentions de ce chef étant rejeté.





Sur les demandes accessoires':



L'équité commande de confirmer l'indemnité de procédure de 1 200 euros allouée par les premiers juges et d'accorder une indemnité complémentaire de procédure de 1 500 euros à Mme [B] en cause d'appel.



Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.



Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, confirmant le jugement entrepris et y ajoutant, il convient de condamner la société Soitec, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.





PAR CES MOTIFS';



La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi';



DÉCLARE irrecevable la société Soitec en sa demande tendant à condamner Mme [B] à lui rembourser les sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris



CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a':

- dit et jugé que Mme [YT] [B] a été victime de harcèlement moral,

- dit et jugé que la SA Soitec n'a pas respecté son obligation de prévention et de sécurité

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [YT] [B] aux torts de la SA Soitec, à la date du 24 juillet 2018,

- condamné en conséquence la SA Soitec à verser à Mme [YT] [B] les sommes suivantes:

- 10 000 € net à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 4 500 € net à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations de prévention et de sécurité de résultat,

- 5 226,38 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 522,64 € brut de congés payés afférents au préavis,

-1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SA Soitec de sa demande reconventionnelle,

- condamné la SA Soitec aux dépens.



L'INFIRME pour le surplus,



Statuant à nouveau et y ajoutant,



ANNULE la mise à pied disciplinaire notifiée par la société Soitec le 1er juin 2017 à Mme [B]



DIT que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul



CONDAMNE la société Soitec à payer à Mme [B] les sommes suivantes':

- cent soixante-cinq euros et quatre-vingt-dix centimes (165,90 euros) bruts à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire exécutée le 23 juin 2017

- seize euros et cinquante-neuf centimes (16,59 euros) bruts au titre des congés payés afférents

- mille euros (1 000 euros nets) à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi à raison de la sanction disciplinaire injustifiée notifiée le 1er juin 2017

- trente-deux mille euros (32 000 euros) bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

- six mille huit cent quarante-neuf euros et trente-six centimes (6 849,36 euros) nets à titre de dommages et intérêts pour perte d'une chance d'avoir pu acquérir des actions de la société Soitec



DÉBOUTE Mme [B] du surplus de ses prétentions au principal



CONDAMNE la société Soitec à payer à Mme [B] une indemnité complémentaire de procédure de 1500 euros



REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile



CONDAMNE la société Soitec aux dépens d'appel.





Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



La Greffière Le Président

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.