17 novembre 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 19/11948

Pôle 6 - Chambre 7

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022



(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11948 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBB5N



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Octobre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/06833





APPELANT



Monsieur [C] [J]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Sophia DAOUDI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0733





INTIMEE



EPIC RATP

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Sophie MALTET, avocat au barreau de PARIS, toque : R062





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, et Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :



Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller



Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY





ARRET :



- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre et par Joanna FABBY,Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.


FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :



M. [C] [J] a été engagé par la REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (ci-après la RATP) par contrat à durée indéterminée du 3 avril 1984, en qualité d'agent stagiaire et plus spécifiquement d'attaché technique de 2ème catégorie. Il occupait, au dernier état de la relation contractuelle, le poste de coordinateur de domaine MOE Informatique, niveau Cadre, au sein du département des Systèmes d'Information et de Télécommunication (SIT).



Il percevait une rémunération brute mensuelle moyenne de 5.923,74 euros.



La relation de travail est régie par le statut du personnel de la RATP qui emploie plus de dix salariés.



M. [J] a fait l'objet d'une condamnation par le tribunal correctionnel de Paris le 12 avril 2016, à un emprisonnement délictuel de trois mois avec sursis et au paiement d'une amende de 10 000 euros, confirmée par la cour d'appel de Paris le 8 novembre 2017, pour avoir accédé frauduleusement à tout ou partie d'un système de traitement automatisé des données.



Par courrier en date du 5 mars 2018, le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à la révocation, lequel était fixé à la date du 20

mars 2018.



A la suite de celui-ci, le conseil de discipline a été saisi en application du titre XII du statut du personnel de la RATP.



L'audience disciplinaire, au cours de laquelle le salarié a présenté un mémoire en défense, s'est

tenue le 11 avril 2018.



M. [J] a été révoqué par décision du 16 avril 2018.



Aux termes de la lettre de révocation de M. [J], il lui est reproché les faits suivants :

'Vous avez utilisez les outils et accès mis à votre disposition dans le cadre professionnel à des fins personnelles, et afin de nuire à une association par des actes de malveillance.

Vous avez été condamné par le Tribunal correctionnel de Versailles et confirmé par la Cour d'appel de Versailles par un arrêt du 08 novembre 2017 pour avoir accédé de manière frauduleuse et à partir d'un ordinateur de la RATP, à un système de traitement automatisé des données dans le cadre de votre activité associative à trois mois d'emprisonnement avec sursis et au paiement d'amendes.

Cette situation est inacceptable notamment par le fait que vous êtes un agent cadre du département des Systèmes d'Information et de Télécommunication de la RATP et qu'à ce titre, vous avez un devoir d'exemplarité en matière d'utilisation des technologies de l'information et de la communication.

En outre, le caractère public de votre condamnation et la mention de l'usage frauduleux « depuis un ordinateur de la RATP » ont contribué à dégrader l'image de votre département et de l'entreprise.

Par ailleurs, votre comportement et votre fonction en tant que cadre du département SIT qui consiste à être garant pour l'entreprise de la sécurité des SI et de la protection des données personnelles entraîne une rupture de confiance que l'entreprise vous accordait'.



Par assignation en date du 11 juillet 2018, M. [J] contestant sa révocation, a fait citer la RATP devant la formation des référés du conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir sa réintégration.



Par décision rendue le 12 septembre 2018, le conseil a rejeté l'action en considérant qu'il n'y avait pas lieu à référé.



M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris au fond le 14 septembre 2018 aux fins d'obtenir notamment sa réintégration et à défaut une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



Par jugement contradictoire du 30 octobre 2019, le conseil de prud'hommes a débouté M. [J] [C] de la totalité de ses demandes, débouté la RATP de ses demandes reconventionnelles et condamné M. [J] au paiement des entiers dépens.



Par déclaration du 2 décembre 2019, M. [J] a relevé appel de ce jugement.



Selon ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 31 mai 2022, M. [J] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 30 octobre 2019 des chefs du jugements critiqués ;

- juger que sa révocation le 16 avril 2018 est abusive à titre principal ou dépourvue de cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire ;

par conséquent :

- proposer à la société RATP sa réintégration au sein de ses effectifs avec toutes les conséquences financières en découlant ;

à défaut de réintégration :

- condamner la société RATP à lui verser les sommes suivantes :

17 771,22 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1 777,12 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents ;

62.525,07 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

à titre principal, la somme de 200.000 euros en application de l'article 1780 du code civil ;

à titre subsidiaire, la somme de 118.474,80 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail ;

en tout état de cause :

- condamner la société RATP à lui verser la somme de 5.923,74 euros à titre de dommages et intérêts du fait des circonstances brutales et vexatoires de la rupture ;

- juger que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de la société à comparaître devant le bureau de jugement, à titre de réparation complémentaire en vertu des dispositions de l'article 1153-1 du code civil ;

- juger qu'il sera fait application de l'article 1154 du code civil et ordonner la capitalisation des intérêts ;

- condamner la société RATP à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société RATP aux entiers dépens de l'instance.



Il fait valoir en substance que son employeur l'a sanctionné au-delà du délai de deux mois prévu à l'article L.1332-4 du code du travail, ce qui rend sa révocation sans cause réelle et sérieuse ; que l'absence de célérité dans la mise en oeuvre du licenciement prive également celui-ci de cause réelle et sérieuse, la RATP ayant attendu pour engager la procédure 1 mois et 5 jours après la connaissance des faits, période durant laquelle il a été maintenu en poste ; enfin, que les faits reprochés ne sont pas établis et en tout état de cause que la sanction est disproportionnée au regard notamment de son ancienneté.



Selon ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 10 juin 2022, la RATP demande à la cour de confirmer le jugement dans l'intégralité de ses dispositions, de débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes et y ajoutant de le condamner à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.



Elle rétorque notamment qu'elle n'a eu connaissance de la réalité, de la nature et de la gravité des faits reprochés qu'à la date du 31 janvier 2018 par la communication de la condamnation définitive de M. [J] et que la procédure de révocation a respecté les délais du code du travail ainsi que du statut de son personnel ; que la révocation de M. [J] est bien fondée au regard de la gravité des faits commis sur son lieu et temps du travail, en utilisant les outils et les connaissances mis à sa disposition au préjudice d'un tiers ; que la révocation est proportionnée à la gravité de la faute, nonobstant l'absence d'antécédent disciplinaire du salarié, M. [J] étant cadre au sein de la Direction de l'informatique et devant veiller à la sécurité des réseaux et à l'éthique de leur utilisation par les salariés.



Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.



L'instruction a été déclarée close le 1er juin 2022.




MOTIFS



Sur la prescription des faits



Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.



Le délai de deux mois ne court qu'à compter du moment où l'employeur a eu une connaissance exacte et complète des faits reprochés, mais, lorsque les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il lui appartient de prouver qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites.



L'article 148 du statut du personnel de la RATP reprend le même principe en ces termes 'aucune mesure disciplinaire ne peut être prononcée à raison d'un manquement à la discipline survenu plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire, sauf, notamment, si ce fait était inconnu de la Régie'.



En premier lieu, le salarié soutient que la RATP a été informée des faits litigieux dès le 17 avril 2012, dans le cadre de l'enquête pénale préliminaire menée à son encontre, puisque le Procureur de la République a pris des réquisitions en vue d'identifier l'utilisateur de l'adresse IP 193.104.162.7, auteur de la connexion du 11 février 2011 à 11h23.



Or, comme le soutient à juste titre la RATP, le procès verbal de réquisition de l'Officier de Police Judiciaire en charge du dossier du 17 avril 2012, seule pièce communiquée à l'employeur, ne mentionnait pas le nom de M. [J] et les seuls termes de la mission, à savoir 'Agissant dans le cadre d'une affaire diligentée pour abus de confiance et accès frauduleux au sein d'un traitement automatisé de données, bien vouloir effectuer la mission ci-après qui ne saurait être différée sans nuire au bon déroulement de l'enquête.

Identifier le compte de l'utilisateur de l'adresse IP 193.104.162.7, auteur de la connexion du vendredi 11 février à 11h23 (')', ne permettaient ni n'établir l'existence d'une infraction, ni d'imputer une faute au salarié.



De même, si pour répondre à la réquisition, la RATP a recherché l'utilisateur d'une de ses adresses IP, il n'en ressort pas pour autant qu'elle ait diligenté une 'enquête interne' lui permettant de déterminer le caractère délictuel de la connexion du vendredi 11 février 2011. Sa connaissance postérieure de la mise en examen du salarié dans le cadre de l'instruction judiciaire ouverte au tribunal de grande instance de Versailles n'est également pas de nature, à elle seule, à caractériser des faits fautifs, étant relevé que la nature même des faits pour lesquels M. [J] a été ultérieurement condamné a nécessité des investigations techniques.



En second lieu, le salarié fait valoir que sa condamnation pénale a été prononcée à l'audience publique du 8 novembre 2017 et qu'à cette date, tout un chacun était alors présumé avoir connaissance de la décision rendue, puisque l'audience était publique et qu'ainsi, la date de prononcé de l'arrêt constitue bien le point de départ en matière disciplinaire, lequel expirait le 8 janvier 2018, avant l'engagement de la procédure initiée le 5 mars 2018.



Or, comme retenu par le conseil de prud'hommes, la RATP n'était pas partie civile au procès engagé à l'encontre de M. [J] et ce n'est qu'après avoir reçu copie de l'arrêt de la Cour d'Appel de Versailles adressé le 31 janvier 2018, comme en atteste la mention du greffier, que la RATP a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits fautifs reprochés au salarié.



Aucune prescription n'est donc encourue puisque la procédure de révocation a été engagée le 5 mars 2018 soit dans le délai de deux mois.



Sur le bien fondé de la rupture



La faute grave, privative de l'indemnité de licenciement et du préavis, est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence d'une telle faute, et le doute profite au salarié.



Sur la preuve des faits reprochés



Les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé. L'autorité de la chose jugée au pénal s'étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef de dispositif prononçant la décision.



Il s'en déduit que si le juge répressif a constaté l'existence d'une infraction intentionnelle et retenu la culpabilité de la personne poursuivie, le juge civil est tenu de retenir, à propos des mêmes faits, l'existence d'une faute.



En l'occurrence, M. [J] a été définitivement condamné par la cour d'appel de Versailles le 8 novembre 2017 pour avoir à [Localité 7], courant 2009 et 2010, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, accédé frauduleusement à tout ou partie d'un système de traitement automatisé des données, au préjudice de l'Association Solidarité Enfants du Beslan.



L'arrêt rappelle le contexte des faits, à savoir le départ fin 2009 de M. [J] de l'Association Solidarité Enfants du Beslan dont il était le vice président à la suite de différends avec le Président M. [O] et sa création d'une association ayant le même objet dénommée France Europe Beslan.



La cour relève dans sa décision le constat qu'en février 2012 un mail adressé sur la boîte de messagerie de M. [O] : '[Courriel 5]' a été redirigé vers une seconde adresse qui lui était inconnue '[Courriel 6]' ; que M. [J] a reconnu avoir créée cette adresse le 7 mai 2010 et que, s'il niait les faits d'accès frauduleux à la messagerie de M. [O], il avait seul les compétences techniques nécessaires pour associer informatiquement ces deux adresses en s'introduisant au préalable dans la boîte de messagerie de celui-ci pour en modifier les paramètres de manière à rediriger automatiquement les courriels reçus vers une autre adresse. S'agissant des investigations menées par les enquêteurs sur le compte mail yahoo, il était mentionné que celui-ci avait été modifié le 11 février 2011 à partir de l'adresse IP 193.104.162.7 appartenant à la RATP.



Si M. [J] affirme dans le cadre de l'instance prud'homale s'être contenté de consulter depuis son ordinateur de la RATP, à une seule reprise et durant un temps qui n'est pas déterminé, la boîte mail [Courriel 6], qui lui était personnelle, il ressort des développements qui précèdent que le salarié a ainsi utilisé son outil de travail, à savoir un ordinateur de la RATP, pour accéder au compte qu'il avait créé '[Courriel 6]' lequel a permis un accès frauduleux à la messagerie d'un tiers, faits qualifiés pénalement et pour lesquels il a été définitivement condamné.



Ainsi, la décision du juge pénal s'impose et la matérialité des faits reprochés au salarié ne peut être remise en cause, ni par le rapport d'expertise informatique dont il se prévaut dans l'instance prud'homale et qui avait déjà été communiqué au juge pénal, ni par l'allégation de fautes professionnelles de son conseil, qui auraient généré pour lui une perte de chance d'obtenir une décision de relaxe.



Enfin, le moyen selon lequel M. [J] ayant déjà fait l'objet d'une condamnation, il ne peut se voir sanctionner une seconde fois en application de l'adage non bis in idem est inopérant, puisque outre le fait que ce principe n'a vocation à s'appliquer que pour un même ordre juridictionnel, les faits retenus caractérisent à la fois une infraction pénale et une faute commise par le salarié à l'égard de son employeur dans le cadre de l'exécution du contrat.



Les faits reprochés par l'employeur, à savoir l'utilisation des outils et accès mis à la disposition de M. [J] dans le cadre professionnel à des fins personnelles et afin de nuire à une association par des actes de malveillance, sont donc établis.



Sur le délai restreint et la qualification de la faute



La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en 'uvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués, dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.



La RATP fait valoir que l'arrêt de la cour d'appel ayant été envoyé le 31 janvier 2018, il a été reçu au plus tôt le 2 février 2018 et que la convocation a été adressée dans le mois qui a suivi, soit le 5 mars. Pour expliquer ce délai, l'employeur précise avoir analysé la portée de cette condamnation et échangé en interne, avant de décider d'engager la procédure disciplinaire.



Comme le soutient M. [J], après réception de la décision pénale, aucune vérification supplémentaire n'était nécessaire pour avoir une parfaite connaissance des faits litigieux et le délai d'un mois pour engager la procédure disciplinaire ne peut être qualifié de restreint, d'autant que le salarié affirme sans être démenti avoir bénéficié d'un libre accès à son ordinateur et au réseau informatique jusqu'à la veille de son licenciement.



Il en découle que la faute grave ne peut être retenue.



Pour autant, les faits fautifs reprochés au salarié caractérisent une cause réelle et sérieuse de rupture du contrat et même si M. [J] a, en 34 années au sein de l'entreprise, fait l'objet de divers avancements, il occupait lors des faits le poste de Coordinateur de domaine MOE Informatique au statut Cadre et en cette qualité, il se devait au premier chef de respecter les règles de sécurité informatique et de ne pas utiliser, même à une reprise, l'outil informatique mis à sa disposition pour un usage frauduleux.



Aucune disproportion n'est donc avérée et les demandes pour licenciement abusif ou sans cause réelle et sérieuse seront rejetées.



Sur les demandes pécuniaires



La faute grave n'étant pas retenue, M. [J] peut prétendre au paiement de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité compensatrice de préavis.



Aux termes du Titre IV du statut du personnel et annexes de la RATP, intitulé «Cessation des fonctions», un agent commissionné dispose d'un préavis de trois mois, lorsque ce dernier appartient aux autres catégories de personnel que celles du personnel d'exécution et de maîtrise.



M. [J] qui était classé au statut cadre est donc bien fondé dans sa demande en paiement de la somme de 17 771,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 1 777,12 euros au titre des congés payés afférents.



En application des articles L.1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement d'un montant égal à 1/4 du salaire par année d'ancienneté jusqu'à 10 ans et à 1/3 de salaire au delà.



Il lui sera par conséquent allouée la somme de 62.525,07 euros, selon le calcul détaillé du salarié non contesté par la RATP.



S'agissant de la demande de dommages et intérêts du fait des circonstances brutales de la rupture, la cour rappelle qu'indépendamment de l'existence ou non d'une cause réelle et sérieuse, les circonstances dans lesquelles la rupture du contrat a été prononcée peuvent caractériser une faute causant un préjudice distinct qui doit être indemnisé.



Pour établir des circonstances vexatoires, M. [J] ne peut utilement se prévaloir de la durée entre les faits litigieux et la rupture de la relation de travail, soit 7 ans, puisque la cour a retenu que l'employeur avait agi dans le délai de prescription après avoir eu une connaissance complète des faits reprochés au salarié par la lecture de l'arrêt de condamnation.



En second lieu, une faute ayant été retenue, il ne peut pas plus être reproché à la RATP d'avoir remis en cause les qualités et l'intégrité professionnelle du salarié de manière 'infondée et fallacieuse'.



Enfin, la procédure prévue par le statut du personnel de la RATP a été respectée avec notamment l'audition du salarié par le conseil de discipline qui a émis un avis.



La demande de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire du contrat de travail sera donc rejetée.



Sur les demandes accessoires



Conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne. Les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.



La RATP qui est condamnée devra supporter les dépens et participer aux frais irrépétibles engagés par le salarié.



PAR CES MOTIFS



La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,



INFIRME le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris du 30 octobre 2019, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages et intérêts du fait des circonstances brutales et vexatoires de la rupture ;



Statuant à nouveau et y ajoutant :



DIT que la faute grave n'est pas établie ;



DIT que la révocation de M. [J] du 16 avril 2018 est fondée sur une cause réelle et sérieuse;



CONDAMNE la RATP à verser à M. [C] [J] les sommes suivantes :



17 771,22 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1 777,12 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

62 525,07 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



DIT que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne ;



ORDONNE la capitalisation des intérêts dûs pour une année entière ;



CONDAMNE la RATP aux dépens de première instance et d'appel.





La greffière, La présidente.

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