16 novembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-18.527

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C300800

Titres et sommaires

BAIL RURAL - Bail à ferme - Preneur - Décès - Continuation du bail au profit du conjoint - Participation à l'exploitation - Condition

En application de l'article L. 411-34, alinéa 1, du code rural et de la pêche maritime, en cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint participant à l'exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès, peu important qu'il n'ait acquis la qualité de conjoint que peu de temps avant son décès

Texte de la décision

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 novembre 2022




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 800 FS-B

Pourvoi n° X 21-18.527




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2022

1°/ Mme [K] [Y], veuve [O], domiciliée [Adresse 2],

2°/ M. [H] [O], domicilié [Adresse 6],

3°/ Mme [S] [O], épouse [B], domiciliée [Adresse 1],

4°/ Mme [A] [O], épouse [V], domiciliée [Adresse 5],

ont formé le pourvoi n° X 21-18.527 contre l'arrêt rendu le 6 mai 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2ème chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [M] [W], veuve [O],

2°/ à M. [P] [O], domicilié [Adresse 3],

3°/ à M. [R] [O], mineur représenté par sa mère Mme [M] [W],

domiciliés tous trois [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Maunand, conseiller doyen, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [K] [Y], de M. [H] [O], et de Mmes [S] et [A] [O], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [M] [O], et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents M. Maunand, conseiller doyen rapporteur, MM. Jacques, Boyer, Mme Grandjean, conseillers, Mme Djikpa, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Mme [K] [Y], veuve [O], M. [H] [O], Mme [S] [O] et Mme [A] [O] (les consorts [O]) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. [P] et [R] [O].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 6 mai 2021), par acte du 28 mars 1991, les consorts [O] ont, en leur qualité respective d'usufruitière et de nus-propriétaires, donné à bail rural à [J] [O], des bâtiments à usage d'exploitation et d'habitation, ainsi que diverses parcelles.

3. [J] [O] est décédé le 10 février 2018, laissant pour lui succéder son épouse, Mme [M] [W], veuve [O], et leurs deux enfants, [P] et [R] [O], ce dernier étant mineur.

4. Par requête du 11 juillet 2018, les consorts [O] ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de voir constater leur refus de la continuation du bail par les ayants droit du preneur et obtenir leur expulsion, et ont, par exploit du 12 juillet 2018, notifié à Mme [M] [W], veuve [O] et à ses enfants, une résiliation du bail en application de l'article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime.

5. Après une mise en demeure infructueuse, les consorts [O], ont, par une seconde requête du 16 novembre 2018, saisi le tribunal d'une demande de résiliation du bail pour défaut de paiement des fermages.

6. Par requête du 23 août 2018, Mme [M] [W], veuve [O] et MM. [P] et [R] [O] ont saisi le tribunal en contestation de la résiliation du bail notifiée le 12 juillet précédent.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé


7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. Les consorts [O] font grief à l'arrêt de dire que Mme [M] [W], veuve [O] peut bénéficier du statut de preneur du bail dont son conjoint était titulaire et de rejeter leur demande de résiliation du bail, alors « qu'au décès du preneur, le bail rural se poursuit au profit de la personne ayant participé à l'exploitation pendant un temps suffisant, en qualité de conjoint, de partenaire d'un pacte civil de solidarité, d'ascendant ou de descendant ; que la participation qui peut être prise en compte est exclusivement celle réalisée en qualité de conjoint, de partenaire, d'ascendant ou de descendant, à l'exclusion de toute participation antérieure à l'acquisition d'une telle qualité ; que dès lors, les juges du fond, qui avaient constaté que Mme [M] [W] n'avait épousé le preneur que 49 jours avant son décès, ne pouvaient refuser de rechercher si cette durée était suffisante et prendre en considération une participation à l'exploitation antérieure au mariage ; qu'ils ont ainsi violé l'article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel a énoncé que, selon l'article L. 411-34, alinéa 1er, du code rural et de la pêche maritime, en cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint, du partenaire avec lequel il est lié par un pacte de solidarité, de ses ascendants et de ses descendants participant à l'exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès.

10. Ayant constaté que Mme [M] [W], veuve [O] était l'épouse de [J] [O] au jour de son décès et souverainement retenu qu'elle avait participé de manière régulière et effective aux travaux de l'exploitation depuis plus de cinq ans avant celui-ci, elle en a exactement déduit qu'elle pouvait bénéficier, à compter du 10 février 2018, du statut de preneur du bail dont son conjoint était titulaire, peu important qu'elle n'ait acquis la qualité de conjoint que peu de temps avant son décès.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [K] [Y], veuve [O], M. [H] [O], Mme [S] [O] et Mme [A] [O] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [K] [Y], veuve [O], M. [H] [O], Mme [S] [O] et Mme [A] [O] et les condamne à payer à Mme [M] [W], veuve [O] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-deux.







MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour les consorts [O]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Mme [K] [Y], M. [H] [O], Mme [S] [O] et Mme [A] [O] reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme [M] [W] veuve [O] pouvait bénéficier du statut de preneur du bail dont son conjoint était titulaire et ce, à compter du 10 février 2018, et d'avoir rejeté leur demande de résiliation du bail ;

ALORS QU'au décès du preneur, le bail rural se poursuit au profit de la personne ayant participé à l'exploitation pendant un temps suffisant, en qualité de conjoint, de partenaire d'un pacte civil de solidarité, d'ascendant ou de descendant ; que la participation qui peut être prise en compte est exclusivement celle réalisée en qualité de conjoint, de partenaire, d'ascendant ou de descendant, à l'exclusion de toute participation antérieure à l'acquisition d'une telle qualité ; que dès lors, les juges du fond, qui avaient constaté que Mme [M] [W] n'avait épousé le preneur que 49 jours avant son décès, ne pouvaient refuser de rechercher si cette durée était suffisante et prendre en considération une participation à l'exploitation antérieure au mariage ; qu'ils ont ainsi violé l'article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Mme [K] [Y], M. [H] [O], Mme [S] [O] et Mme [A] [O] reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté leur demande de résiliation du bail ;

1- ALORS QUE le juge doit respecter et faire respecter le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, le moyen tiré de l'existence de raisons sérieuses et légitimes justifiaient le non-paiement des fermages, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.

2- ALORS QU'il revient à celui qui invoque des raisons sérieuses et légitimes de ne pas s'acquitter des fermages d'en démontrer la réalité ; qu'en retenant néanmoins qu'il n'était pas démontré que les propriétaires bailleurs aient jamais réclamé à [J] [O] de son vivant les fermages, la cour d'appel a mis à la charge des bailleurs la démonstration de l'absence de raison sérieuse et légitime de ne pas s'acquitter des fermages et a ainsi violé les articles 1353 du code civil et L. 411-31 du code rural.

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