14 novembre 2022
Cour d'appel de Nancy
RG n° 21/02686

1ère Chambre

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile



ARRÊT N° /2022 DU 14 NOVEMBRE 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02686 - N° Portalis DBVR-V-B7F-E3Z7



Décision déférée à la Cour : jugement du tribunal judiciaire de NANCY,

R.G.n° 20/01102, en date du 06 octobre 2021,



APPELANTE :

S.A.R.L. EXPERTIS'IMMO, prise en la personne de son représentant légal, pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 4]

Représentée par Me Virginie BARBOSA de la SCP TERTIO AVOCATS, avocat au barreau de NANCY



INTIMÉS :

Madame [K] [E]

née le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 6] (54)

domiciliée [Adresse 1]

Représentée par Me Fabrice GOSSIN substitué par Me Eric HORBER de la SCP FABRICE GOSSIN ET ERIC HORBER, avocats au barreau de NANCY



Monsieur [S] [R]

né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 6] (54)

domicilié [Adresse 1]

Représenté par Me Fabrice GOSSIN substitué par Me Eric HORBER de la SCP FABRICE GOSSIN ET ERIC HORBER, avocats au barreau de NANCY





COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Septembre 2022, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller, chargée du rapport,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;



A l'issue des débats, le Président a annoncé que l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 07 Novembre 2022, en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Puis, à cette date, le délibéré a été prorogé au 14 Novembre 2022.

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 14 Novembre 2022, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;








EXPOSÉ DU LITIGE



Monsieur [S] [R] et Madame [K] [E] épouse [R], ci-après dénommés les époux [R], ont, aux termes d'un acte authentique en date du 25 octobre 2018, acquis sur Mesdames [P] et [H] un immeuble sis à [Adresse 5].



La SARL Expertis'Immo, chargée par les venderesses de la réalisation du diagnostic amiante, a établi un rapport le 22 juin 2018 concluant à l'absence d'amiante.



À l'occasion de travaux de réhabilitation engagés par les époux [R], de l'amiante a été détectée dans un fourreau dans lequel passent les conduites de chauffage, les contraignant à faire procéder au désamiantage de leur bien et engendrant un surcoût tenant au prix du diagnostic avant travaux (1080 euros) et au coût du désamiantage (9952,68 euros).





Par acte d'huissier du 20 mai 2020, les époux [R] ont fait assigner la société Expertis'Immo devant le tribunal judiciaire de Nancy aux fins de voir :

Vu l'article 1240 du code civil,

- condamner la sociéte Expertis'Immo à payer aux époux [R] la somme de 11032 euros en principal, outre 3000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance,

- dire n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- condamner la société Expertis'Immo à payer aux époux [R] 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.



Par jugement réputé contradictoire du 6 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Nancy a :

- condamné la société Expertis'Immo à payer à Monsieur et Madame [R] la somme de 12734,19 euros à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 1240 du code civil,

- condamné la société Expertis'Immo à payer à Monsieur et Madame [R] la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Expertis'Immo aux dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.



Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé que le rapport diagnostic amiante établi par la société Expertis'Immo le 22 juin 2018 préalablement à la vente du bien immobilier aux époux [R], concluant à l'absence d'amiante, est erroné et qu'il apparaît dès lors que la société Expertis'Immo a commis une faute dans la mission à elle confiée par les vendeurs, laquelle engage sa responsabilité délictuelle envers les époux [R], tiers au contrat, pour le préjudice subi par eux résultant de son erreur de diagnostic. En conséquence, le tribunal a condamné la société Expertis'Immo à payer aux demandeurs la somme de 12734,19 euros représentant les coûts de diagnostic avant chantier et de désamiantage.





Par déclaration reçue au greffe de la cour, sous la forme électronique, le 10 novembre 2021, la SARL Expertis'Immo a relevé appel de ce jugement.



Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 13 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL Expertis'Immo demande à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil de :

- infirmer la décision du tribunal judiciaire de Nancy du 6 octobre 2021 et par conséquent,

- débouter les époux [R] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner les époux [R] à verser à la société Expertis'Immo la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner les époux [R] à verser à la société Expertis'Immo la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d'appel sous la forme électronique le 28 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, les époux [R] demandent à la cour de :

- dire recevable mais mal fondé l'appel de la société Expertis'Immo,

- débouter la société Expertis'Immo de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy en date du 6 octobre 2021 en ce qu'il a :

* condamné la société Expertis'Immo à payer aux époux [R] la somme de 12734,19 euros à titre de dommages et intérêts en application des dispositions de l'article 1240 du code civil,

* condamné la société Expertis'Immo à verser la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- condamner la société Expertis'Immo à verser 5000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Expertis'Immo aux entiers dépens de l'appel.



La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 19 juillet 2022.



L'audience de plaidoirie a été fixée le 12 septembre 2022 et le délibéré au 7 novembre 2022. Puis, à cette date, le délibéré a été prorogé au 14 Novembre 2022.






MOTIFS DE LA DÉCISION :



Vu les dernières conclusions déposées par la société Expertis'Immo le 13 juin 2022 et par les époux [R] le 28 avril 2022 et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l'article 455 du code de procédure civile ;



Vu la clôture de l'instruction prononcée par ordonnance du 19 juillet 2022 ;





* Sur la responsabilité délictuelle de la SARL Expertis'Immo.



Vu l'article 1240 du code civil dont il résulte que la faute commise par un contractant dans l'exécution de sa mission engage, vis-à-vis des tiers aux contrats, sa responsabilité pour les dommages subis par eux et résultant de sa faute,



La responsabilité du diagnostiqueur ne se trouve engagée que lorsque le diagnostic n'a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l'art et qu'il se révèle erroné (Ch. mixte, 8 juillet 2015, pourvoi n° 13-26.686, Bull. 2015, Ch. Mixte, n° 3).



L'article R 1334-20 du code de la santé publique applicable au 20 juin 2018 énonce que la mission consistant dans l'établissement d'un état mentionnant la présence ou, le cas échéant, l'absence de matériaux ou produits de la construction contenant de l'amiante en vue de la vente d'un immeuble bâti 'consiste à :

1° rechercher la présence des matériaux et produits de la liste A accessibles sans travaux destructifs

2° identifier et localiser les matériaux et produits qui contiennent de l'amiante

3° Evaluer l'état de conservation des matériaux et produits contenant de l'amiante'.





En l'espèce, la SARL Expertis'Immo s'est vu confier par les vendeurs du bien immobilier acquis par les époux [R] la réalisation du diagnostic amiante avant vente à la suite duquel elle a établi un rapport d'absence d'amiante.



Il est établi par les pièces au dossier que l'immeuble présentait des matériaux amiantés au niveau d'un fourreau par lequel circulaient des conduites de chauffage, celui-ci étant enfoui sous le sol de l'habitation mais dont les intimés précisaient qu'il était accessible par un regard situé dans l'entrée. L'assureur de la SARL Expertis'Immo estimait pour sa part qu'il était nécessaire d'ouvrir une trappe en béton et proposait la réalisation d'une expertise amiable, qui a été refusée par les intimés (pièce 2 appelant).

Il ressort des photographies versées aux débats (pièce 7 appelant) que la trappe ouvrant un regard sur les canalisations pouvait être manipulée sans atteinte au bâtiment et que son ouverture ne peut donc être qualifiée d'opération destructrice (la trappe étant déposée sur les photographies sans aucune trace visible de dégradation sur elle-même comme sur le sol sur lequel elle reposait). En revanche, les intimés, comme le soulève à juste titre l'appelant, n'ont pas versé de pièce - notamment le rapport établi avant travaux, le devis des travaux de désamiantage ne comportant pour sa part aucune précision suffisante - permettant de déterminer précisément dans quels matériaux se trouvait l'amiante et où ceux-ci étaient localisés, ce qui était la seule manière de caractériser si l'ouverture de la trappe permettait à elle-seule de les repérer ou non. En effet, aucune faute ne peut être reprochée au diagnostiqueur si le repérage des matériaux amiantés nécessitait de procéder à des tests invasifs, que ce soit si l'amiante se trouvait à l'intérieur des tuyaux visibles à l'ouverture de la trappe ou dans des matériaux situés à l'intérieur du fourreau et non visibles depuis le regard.

Dès lors, les intimés ne démontrant pas que les matériaux amiantés pouvaient être repérés sans travaux destructifs n'établissent pas une faute à la charge du diagnostiqueur.



Il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de débouter les époux [R] de leurs demandes contre le diagnostiqueur.





** Sur la demande d'indemnisation pour procédure abusive.



Vu les articles 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil,

L'exercice de voies de droit ne dégénère en abus susceptible de mettre en jeu la responsabilité civile de son titulaire qu'en cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol ; le seul mal-fondé des prétentions n'est pas suffisant à établir un abus de droit.



En l'espèce, la société appelante a formé sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive dans son deuxième jeu de conclusions à hauteur d'appel, suite à la réplique des intimés exposant leur moyen de défense sur la question des travaux destructifs, qui leur avait été opposée judiciairement pour la première fois dans les premières conclusions de l'appelant. Le fait de faire valoir ses moyens de défense sur un point nouvellement soulevé n'est pas constitutif d'une faute, sauf circonstances particulières qui ne sont en l'espèce pas établies. Les autres moyens de fait soulevés à l'appui de la demande de dommages-intérêts sont relatifs à des événements antérieurs à l'engagement de la procédure et ne peuvent être invoqués à l'appui d'une demande formée postérieurement au premier jeu de conclusions.



Il convient en conséquence de débouter l'appelante de sa demande.





*** Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.



Il convient d'infirmer le jugement qui a condamné la SARL Expertis'Immo, dont la responsabilité n'est pas établie, aux dépens et au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens de première instance devant être mis à la charge des époux [R].



La nécessité d'un appel s'expliquant par la défaillance en première instance de la SARL Expertis'Immo, il convient de dire que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel et de débouter chacune de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS :



LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe,



Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Nancy du 6 octobre 2021 en ce qu'il a condamné la SARL Expertis'Immo aux dépens et au paiement de 12734,19 euros de dommages-intérêts et de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



Statuant à nouveau,



Déboute Monsieur [S] [R] et Madame [K] [E] épouse [R] de leur demande de dommages-intérêts,



Condamne Monsieur [S] [R] et Madame [K] [E] épouse [R] aux dépens de première instance,



Déboute Monsieur [S] [R] et Madame [K] [E] épouse [R] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance,



Y ajoutant,



Déboute la SARL Expertis'Immo de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,



Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel,



Rejette les demandes de la SARL Expertis'Immo d'une part et de Monsieur [S] [R] et Madame [K] [E] épouse [R] d'autre part au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés à hauteur d'appel.



Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.









Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-



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