9 novembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-13.066

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO01171

Texte de la décision

SOC.

BD4



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 novembre 2022




Cassation


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1171 F-D

Pourvoi n° M 21-13.066




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022

Mme [H] [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 21-13.066 contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, prud'hommes), dans le litige l'opposant à la société Loxam, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [Y], de Me Haas, avocat de la société Loxam, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 23 octobre 2020), Mme [Y] a été engagée par la société Hertz équipement France le 9 novembre 2005, en qualité d'attachée commerciale et occupait, depuis le 1er juillet 2012, les fonctions de responsable gestion consommable et produits annexes sous la hiérarchie directe du directeur général de la société.

2. Le 1er janvier 2016, la société Loxam a absorbé la société Hertz équipement France.

3. La salariée a saisi, le 14 avril 2016, la juridiction prud'homale pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes.

4. Après avoir été licenciée par lettre du 12 juillet 2016, elle a formé des demandes subsidiaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur et en conséquence de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que lorsque le contrat de travail est transféré à la suite d'un changement d'employeur, aucune modification du contrat de travail autre que le changement d'employeur ne peut être imposée ; qu'en jugeant quela salariée avait intégré, à la suite de l'absorption de la société, une entreprise d'une taille significativement plus importante et qu'elle n'était pas en mesure dans ce contexte de prétendre à des responsabilités équivalentes à celles qu'elle exerçait précédemment, la cour d'appel a violé les articles L 1221-1 et L 1224-1 du code du travail ;

2°/ qu'un salarié n'est tenu d'exercer que les fonctions qui ont été contractuellement convenues ; que la cour d'appel a dit que la salariée n'était pas en mesure de prétendre pouvoir bénéficier de responsabilités équivalentes et jugé qu'une partie des activités pouvait être supprimée, sans rechercher si ces changements entraînaient un changement de qualification et par conséquent une modification du contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, elle a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour
Vu les articles 1134 devenu les articles 1103 et 1104 du code civil, L. 1221-1 et L. 1224-1 du code du travail :
6. Il résulte de l'article L. 1224-1 du code du travail qu'en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, les contrats de travail en cours subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise dans les conditions mêmes où ils étaient exécutés au moment de la modification.
7. Pour débouter la salariée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, l'arrêt retient qu'elle a intégré, à la suite de l'absorption de la société Hertz équipement France par la société Loxam, une entreprise d'une taille significativement plus importante et ne peut, dans ce contexte, prétendre à des responsabilités équivalentes à celles qu'elle exerçait précédemment ni refuser la hiérarchie de la directrice des ventes de la société Loxam.
8. Il énonce également que, dans le cadre du transfert et lorsque le poste de responsable des consommables et produits annexes lui a été proposé le 26 février 2016, par un avenant comprenant une fiche de poste précise, les éléments de son contrat de travail ont été préservés en termes d'intitulé de poste, de coefficient, de rythme de travail, de rémunération et ajoute que la comparaison des fiches de poste fait apparaître que l'essentiel des activités qui avaient été confiées à la salariée précédemment lui était maintenu, même si d'autres avaient déjà été attribuées à des salariés de la société Loxam, la création d'un niveau hiérarchique supplémentaire étant justifiée par la taille de la nouvelle entreprise.
9. Il en conclut que le poste proposé à la salariée n'impliquait pas de modification de son contrat de travail.
10. En statuant ainsi alors qu'elle avait constaté que la salariée s'était vu imposer une réduction de ses responsabilités et la suppression d'une partie de ses fonctions, ce dont il résultait que l'employeur avait procédé à une modification du contrat de travail qu'elle était en droit de refuser, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le premier moyen, pris en ses troisième et cinquième branches

Enoncé du moyen

11. La salariée fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 3°/ que, dans ses conclusions, la salariée faisait valoir non seulement que la société avait modifié unilatéralement la partie variable de sa rémunération, mais également qu'elle n'avait pas versé ce qu'elle lui devait pour l'année 2016 au titre de cette rémunération variable ; qu'en ne répondant aucunement à ce chef de conclusions pourtant déterminant de la solution du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que, dans ses conclusions, la salariée faisait valoir l'isolement dont elle avait été l'objet ; qu'en ne répondant pas à ce chef de conclusion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

12. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

13. Pour débouter la salariée de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, l'arrêt retient que la structure de sa rémunération n'était pas modifiée et que l'intéressée a refusé de réaliser des missions qui lui étaient confiées par sa responsable hiérarchique et était absente à partir du 25 mars 2016.

14. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la salariée qui soutenait, d'une part, que la société avait modifié unilatéralement la partie variable de sa rémunération et n'avait pas versé cette rémunération variable au titre de l'année 2016 et, d'autre part, qu'elle avait fait l'objet d'un isolement, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Portée et conséquence de la cassation

15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt déboutant la salariée de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail entraîne la cassation du chef de dispositif disant que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et la déboutant de ses demandes à titre subsidiaire, qui s'y rattachent par un lien
de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société Loxam aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Loxam et la condamne à payer à Mme [Y] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par le président, en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux, et par Mme Piquot, greffier de chambre, en remplacement du greffier empêché.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme [Y]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Madame [H] [Y] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur et en conséquence de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ALORS en premier lieu QUE lorsque le contrat de travail est transféré à la suite d'un changement d'employeur, aucune modification du contrat de travail autre que le changement d'employeur ne peut être imposée ; qu'en jugeant que Madame [Y] avait intégré, à la suite de l'absorption de la société, une entreprise d'une taille significativement plus importante et qu'elle n'était pas en mesure dans ce contexte de prétendre à des responsabilités équivalentes à celles qu'elle exerçait précédemment, la cour d'appel a violé les articles L 1221-1 et L 1224-1 du code du travail ;

ALORS en deuxième lieu QU'un salarié n'est tenu d'exercer que les fonctions qui ont été contractuellement convenues ; que la cour d'appel a dit que la salariée n'était pas en mesure de prétendre pouvoir bénéficier de responsabilités équivalentes et jugé qu'une partie des activités pouvait être supprimée, sans rechercher si ces changements entraînaient un changement de qualification et par conséquent une modification du contrat de travail ; qu'en statuant ainsi, elle a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 1221-1 du code du travail ;

ALORS en troisième lieu QUE dans ses conclusions, la salariée faisait valoir non seulement que la société avait modifié unilatéralement la partie variable de sa rémunération, mais également qu'elle n'avait pas versé ce qu'elle lui devait pour l'année 2016 au titre de cette rémunération variable ; qu'en ne répondant aucunement à ce chef de conclusions pourtant déterminant de la solution du litige, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS en quatrième lieu QUE le courrier de la société Loxam intitulé « Evolution de votre système de rémunération variable », en date du 29 juin 2016, précisait à l'adresse de la salariée « Nous vous confirmons l'évolution du système de rémunération variable auquel vous êtes éligible » ; qu'en affirmant pourtant que la structure de la rémunération n'était pas modifiée, la cour d'appel a dénaturé ce courrier, en violation de l'article 1134 du code civil et du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;

ALORS en cinquième lieu QUE dans ses conclusions, la salariée faisait valoir l'isolement dont elle avait été l'objet ; qu'en ne répondant pas à ce chef de conclusion, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Madame [H] [Y] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de voir dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et par conséquent de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ALORS QUE lorsque le contrat de travail est transféré à la suite d'un changement d'employeur, aucune modification du contrat de travail autre que le changement d'employeur ne peut être imposée ; qu'en jugeant que Madame [Y] avait intégré, à la suite de l'absorption de la société, une entreprise d'une taille significativement plus importante et qu'elle n'était pas en mesure dans ce contexte de prétendre à des responsabilités équivalentes à celles qu'elle exerçait précédemment, pour en conclure que le licenciement pour faute était fondé, la cour d'appel a violé les articles L 1224-1, L 1221-1 et L 1232-1 du code du travail ;

ALORS QUE les fonctions qui peuvent être imposées sont celles qui ont été contractuellement convenues : que la cour d'appel a jugé qu'une partie des attributions de la salariée pouvait être supprimée et qu'elle ne pouvait prétendre à conserver des responsabilités équivalentes, sans rechercher si l'ensemble de ces changements entraînait une modification de la qualification ; qu'en statuant ainsi, elle a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 1221-1 du code du travail ;

ALORS QU'en matière disciplinaire, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par l'employeur et par le salarié et que si un doute subsiste, il profite au salarié ; que pour dire que les faits n'étaient pas prescrits car le refus de la salariée s'était poursuivi à une période où la salariée n'était plus en arrêt de travail, la cour d'appel a affirmé que Madame [H] [Y] ne verse pas aux débats son ou ses arrêts de travail, que le bulletin de paie du mois d'avril 2016 produit par l'employeur mentionne une absence pour maladie du 08 au 11 avril et du 29 au 31 avril et que celui de mai n'avait pas été communiqué ; qu'en statuant ainsi, elle a fait peser sur la salariée la charge de la preuve que l'arrêt de travail n'était plus en cours et n'a pas fait de surcroît profiter à la salariée le doute sur l'issue de cette preuve ; qu'elle a par conséquent violé l'article L 1332-4 du code du travail ;

ALORS QUE les juges ne peuvent modifier l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions respectives des parties, fixées par l'acte introductif d'instance et les conclusions en défense ; qu'il n'était aucunement soutenu par la société Loxam que l'arrêt de travail n'avait pas couru jusqu'au prononcé du licenciement ; qu'en retenant que la preuve n'était pas rapportée que l'arrêt de travail courait jusqu'au prononcé du licenciement, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du Code de procédure civile.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.