9 novembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-21.856

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO01154

Texte de la décision

SOC.

BD4



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 novembre 2022




Rejet


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1154 F-D

Pourvoi n° V 20-21.856




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022

La société Casa France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], ayant un établissement [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 20-21.856 contre les arrêts rendus les 20 septembre 2012, 12 juin 2014, 12 décembre 2017 et 22 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [V] [I], domiciliée [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Casa France, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [I], après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 septembre 2020), Mme [I] a été engagée à compter du 3 février 1994 par la société Casa, devenue la société Casa France, en qualité de responsable de magasin.

2. Elle a été licenciée pour motif économique le 9 décembre 2010.

3. Par arrêt du 12 juin 2014, la cour d'appel a reconnu à la salariée la qualification de cadre et ordonné la régularisation de l'intéressée auprès des organismes de retraite des cadres, a fixé cette reconnaissance à compter du 1er janvier 1998, et condamné la société à lui payer les rappels de salaire correspondants, avec délivrance de bulletins de paie conformes à la décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée des dommages-intérêts pour perte du droit à la retraite, alors « qu'un rappel de salaires dû sur plusieurs mois peut figurer sur un seul bulletin de paie établi lors de son paiement ; qu'en retenant, pour accorder à la salariée des dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir sa retraite de cadre complète, qu'il appartenait à la société Casa France d'établir un bulletins de paye rectificatif par année afin de permettre à la salariée de faire valoir ses droits auprès de l'ARRCO, la cour d'appel a violé l'article L. 3243-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause. »


Réponse de la Cour

6. Il résulte de l'article L. 3243-2 du code du travail que lorsque l'employeur est condamné au versement d'un rappel de salaire dû sur plusieurs mois, ce rappel peut figurer sur un seul bulletin de paie établi lors de son paiement, pourvu qu'il comporte les mentions prescrites par les articles R. 3243-1 et suivants et qu'il indique à quelle période précise se rapporte chacune des créances faisant l'objet d'un versement unique.

7. La cour d'appel, après avoir constaté qu'une précédente décision avait ordonné à la société de régulariser la situation de la salariée auprès de l'organisme de retraite des cadres et de lui remettre des bulletins de paie conformes, a relevé que l'intéressée justifiait que la délivrance à l'occasion de chacun des versements effectués pour régulariser la situation, de deux bulletins de salaire qui cumulaient le montant des salaires dus sur plusieurs années, l'avait empêchée de faire valoir l'intégralité de ses droits auprès de l'organisme de retraite concerné.

8. Elle en a déduit qu'en raison du refus de la société de lui délivrer les éléments permettant un calcul exact de ses droits à la retraite, la salariée avait ainsi subi une perte de chance de percevoir sa retraite de cadre complète et en a souverainement apprécié l'étendue.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Casa France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Casa France et la condamne à payer à Mme [I] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Casa France

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Casa France FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que le licenciement pour motif économique de Mme [V] [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de l'AVOIR en conséquence condamnée à payer à Mme [I] la somme de 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR ordonné le remboursement par la société Casa France des indemnités de chômage versées à Mme [I] dans la limite de six mois d'indemnité,

1/ ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'il résulte de l'arrêt (p. 4) que les parties ont soutenu oralement à l'audience les moyens développés dans leurs conclusions ; que les écritures d'appel de Mme [I] ne comportaient aucun moyen pris de l'insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ; qu'en relevant d'office l'insuffisante motivation du licenciement de la salariée pour juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans inviter les parties à faire valoir leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2/ ALORS QU'interdiction est faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la lettre de licenciement de Mme [I] justifiait son licenciement par « la fermeture pour motif économique du magasin Casa de Brie Comte Robert où vous travaillez en qualité de responsable de magasin, et par là même, par la suppression de votre poste », détaillait les résultats médiocres de ce point de vente, et ajoutait que « Nous n'avons donc eu d'autre choix que de cesser l'activité de cet établissement du fait de la réalité et du sérieux des causes économiques qui viennent d'être rappelées. Il est important en outre de rappeler qu'eu égard aux conditions de fonctionnement de l'entreprise, la poursuite d'exploitation d'établissements déficitaires obère les résultats de l'entreprise dans son ensemble. Cette nécessaire réorganisation s'impose d'autant plus que notre société se situe sur un secteur d'activité extrêmement concurrentiel et justifie la mise en place de cette mesure afin d'anticiper des difficultés prévisibles et d'éviter des licenciements ultérieurs en nombre plus important » ; que la lettre de licenciement faisait ainsi état d'une réorganisation de l'entreprise impliquant la fermeture du magasin de Brie Comte Robert afin de prévenir des difficultés économiques ; qu'en affirmant que la lettre de licenciement invoquait « la seule situation économique de l'établissement de Brie Comte Robert, sans référence aucune à des difficultés économiques de l'entreprise SAS Casa France ou au groupe auquel elle appartient », la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement, en violation du principe susvisé ;

3/ ALORS QUE la lettre de licenciement qui allègue une suppression de poste résultant de la fermeture d'un établissement énonce un motif économique suffisant ; qu'il appartient au juge d'apprécier si celle-ci est justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques ou par la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ; qu'en jugeant que le licenciement de Mme [I] était dépourvu de cause réelle et sérieuse au seul motif que la lettre de licenciement qui mentionnait la cessation d'activité du magasin Casa de Brie Comte Robert et la suppression du poste de la salariée ne comportait aucune indication sur la situation économique de la société Casa ni du secteur d'activité du groupe auquel elle appartenait, au lieu de rechercher si cette fermeture d'établissement procédait d'une cause économique, la cour d'appel, qui a méconnu son office, a violé les articles L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société Casa France FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à Mme [I] la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de droit à la retraite,

ALORS QU'un rappel de salaires dû sur plusieurs mois peut figurer sur un seul bulletin de paie établi lors de son paiement ; qu'en retenant, pour accorder à la salariée des dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir sa retraite de cadre complète, qu'il appartenait à la société Casa France d'établir un bulletins de paye rectificatif par année afin de permettre à la salariée de faire valoir ses droits auprès de l'ARRCO, la cour d'appel a violé l'article L. 3243-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause.

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