27 octobre 2022
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 21/10676

Chambre 1-6

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-6



ARRÊT AU FOND

DU 27 OCTOBRE 2022



N° 2022/389







N° RG 21/10676



N° Portalis DBVB-V-B7F-BH2AV







[U] [A]





C/



S.A. G.M.F.

Caisse CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU -RHONE















Copie exécutoire délivrée

le :

à :



-Me Karine TOUBOUL-ELBEZ



-SELARL LESCUDIER & ASSOCIES



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 28 Juin 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 20/01462.





APPELANT



Monsieur [U] [A]

Assuré [XXXXXXXXXXX02]

né le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 6] (TUNISIE)

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 4]



représenté et assisté par Me Karine TOUBOUL-ELBEZ, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Aude BOUCHER, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.





INTIMEES



S.A. G.M.F.,

demeurant [Adresse 3]



représentée et assistée par Me Wilfrid LESCUDIER de la SELARL LESCUDIER & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, postulant et plaidant.



Caisse CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES-DU -RHONE,

Assignation portant signification de conclusions en date du 10/11/2021 à personne habilitée,

demeurant '[Adresse 5]



Défaillante.





*-*-*-*-*





COMPOSITION DE LA COUR



L'affaire a été débattue le 13 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.



La Cour était composée de :



Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Madame Anne VELLA, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère



qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2022.



ARRÊT



Réputé contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Octobre 2022,



Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***

















































Exposé des faits et de la procédure



Le 4 août 2013, vers 19 h10, M. [U] [A], qui circulait au volant d'un deux-roues sur une avenue en sens unique, a été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule conduit par M. [J] et assuré auprès de la société garantie mutuelle des fonctionnaires (société GMF).



Il a été expertisé par les docteurs [M] et [S], experts désignés par son assureur, la société mutuelle assurance des instituteurs de France (société MAIF) et la société GMF.



Contestant les conclusions des experts amiables, M. [A] a saisi le juge des référés afin d'obtenir la désignation d'un expert judiciaire.



Par ordonnance du 28 mai 2018, le juge des référés de Marseille a désigné le docteur [X] [R] et condamné la société GMF à payer à M. [A] une provision de 20 000 € s'ajoutant aux provisions déjà versées dans le cadre amiable.



L'expert a déposé son rapport le 28 juin 2019.



Par acte du 27 janvier 2020, M. [A] a fait assigner la société GMF devant le tribunal judiciaire de Marseille afin d'obtenir, au contradictoire de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches du Rhône, l'indemnisation de son préjudice corporel.



Par jugement du 28 juin 2021, exécutoire de droit à titre provisoire, cette juridiction a :

- condamné la société GMF à indemniser M. [A] des conséquences dommageables de l'accident du 4 août 2013 ;

- évalué le préjudice corporel de M. [A] à 105 397,94 € ;

- condamné la société GMF à payer à M. [A] avec intérêts au taux légal à compter du jugement la somme de 62 397,94 € en réparation de son préjudice après déduction des provisions versées et 1 300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société GMF à payer à M. [A] des intérêts au double du taux légal sur la somme de 109 855,40 € du 7 septembre 2019 au 14 mai 2020 ;

- condamné la société GMF aux dépens.



Le tribunal a détaillé ainsi les différents chefs de dommage de la victime directe :

- dépenses de santé actuelles : créance de la CPAM

- frais divers : 840 €

- assistance par tierce personne temporaire (18 € de l'heure) : 6 633 €

- perte de gains professionnels actuels : 20 432,41 € dont 3 174,01 € revenant à la victime

- perte de gains professionnels futurs : rejet

- incidence professionnelle : 40 000 €

- déficit fonctionnel temporaire (27 € par jour) : 6 090,93 €

- souffrances endurées 3,5/7 : 9 000 €

- préjudice esthétique temporaire 2,5/7 : 1 500 €

- déficit fonctionnel permanent 13 % : 30 160 €

- préjudice esthétique permanent 2,57 : 5 000 €

- préjudice d'agrément : 3 000 €

- préjudice sexuel : rejet



Pour statuer ainsi, il a notamment considéré que :

- M. [A] était demandeur d'emploi au moment de l'accident et avait déjà entamé des démarches en vue de se reconvertir ; l'inaptitude qui est à l'origine de son licenciement n'est pas imputable à l'accident ; en tout état de cause, il a repris son activité de serveur en octobre 2017 sur un poste non aménagé et l'instabilité et la précarité dont il se plaint existent depuis longtemps, de sorte que ce n'est pas le fait dommageable qui est à l'origine de son incapacité à percevoir des gains professionnels ;

- si l'expert a retenu une incapacité à exercer la profession de serveur, M. [A] ne justifie pas des conditions dans lesquelles il avait exercé cette profession avant le fait dommageable, hormis durant un mois au sein de l'établissement Il Pinocchio et il était en cours de reconversion ; cependant, son avenir professionnel et sa capacité à percevoir des gains sont nécessairement affectées par l'invalidité partielle dont il est atteint, ce qui consacre une perte de chance d'occuper un emploi nécessitant de pleines capacités physiques et il existe pour la durée restante de la vie professionnelle une pénibilité accrue d'exécution des tâches professionnelles ;

- l'expert ayant déposé son rapport le 18 mars 2019, le délai imparti à l'assureur pour formuler son offre a commencé à courir le 7 septembre 2019 ; or, la première offre a été présentée par la société GMF par conclusions du 14 mai 2020.



Par acte du 15 juillet 2021, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, M. [A] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a évalué son préjudice corporel à la somme totale de 105 397,94 € et a condamné la société GMF à lui payer la somme de 62 397,94 €.



La procédure a été clôturée par ordonnance en date 30 août 2022.



Prétentions et moyens des parties



Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 14 octobre 2021, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [A] demande à la cour de : ' réformer le jugement du tribunal judiciaire du 28 juin 2021 en ce qu'il a évalué son préjudice corporel à la somme totale de 105 397,94 € et en ce qu'il a condamné la société GMF à lui payer la somme de 62 397,94 € avec intérêts au taux légal sur la période du 7 septembre 2019 au 14 mai 2020 ;

Statuant à nouveau,

' lui allouer, au titre de la liquidation de son préjudice, la somme de 418 790,74 € ;

' condamner la société GMF à lui payer en deniers ou quittances la somme de 418 790,74 € ;

' dire et juger que le paiement de cette somme sera assorti du doublement des intérêts légaux à compter du 28 juin 2019 et ce jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt à intervenir ;

' condamner la société GMF à lui payer une somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner la société GMF aux entiers dépens de l'instance.



Il chiffre son préjudice comme suit :

- frais divers restés à charge : 840 €

- perte de gains professionnels actuels : 3 174,01 €

- assistance temporaire de tierce personne (20 € de l'heure) : 7 377,14 €

- perte de gains professionnels futurs : 123 729,69 €

- incidence professionnelle : 200 000 €

- déficit fonctionnel temporaire : 7 519,90 €

- souffrances endurées : 14 000 €

- préjudice esthétique temporaire : 3 000 €

- déficit fonctionnel permanent : 33 150 €

- préjudice esthétique permanent : 6 000 €

- préjudice d'agrément : 15 000 €

- préjudice sexuel : 5 000 €

Au soutien de son appel et de ses prétentions, il fait valoir que :

Sur la perte de gains professionnels futurs, il a toujours travaillé en qualité de serveur, en Tunisie d'abord, puis en France à compter de 2010 ; au moment de l'accident, il projetait une reconversion professionnelle comme apprenti boucher dans le cadre d'une alternance et a dû y renoncer du fait de ses blessures et s'il a essayé à plusieurs reprises de travailler à nouveau en qualité de serveur, ses essais se sont soldés par des échecs à cause des séquelles ; le 7 août 2018, il a été déclaré inapte par le médecin du travail aux emplois nécessitant le port de charges, la manutention répétée et la station debout prolongée, puis licencié pour inaptitude ; les séquelles l'empêchent d'exercer les fonctions de serveur ou de boucher ; même s'il n'est pas inapte à un poste administratif, il a droit à l'indemnisation de sa perte de gains professionnels futurs ; s'agissant de la perte échue, il sollicite l'indemnisation d'une perte de chance de 67,6 % de percevoir le salaire qu'il aurait dû percevoir en qualité de boucher à compter du 1er octobre 2015 afin de ne pas tenir compte des deux mois où il est rentré en Tunisie ; s'agissant de la perte à échoir, il sollicite la différence entre la moyenne de la rémunération qu'il aurait pu percevoir (moyenne entre le salaire de boucher et celui de serveur) et le SMIC à capitaliser selon un indice de rente viager tel que ressortant de la gazette du palais 2020 ;

Sur l'incidence professionnelle : il a dû abandonner le métier de serveur qu'il exerçait depuis plusieurs années, renoncer à la reconversion qu'il projetait et a été contraint d'envisager une nouvelle reconversion ; à 34 ans, il se retrouve dévalorisé sur le marché de l'emploi et subira, quel que soit le poste occupé, une pénibilité d'exécution des tâches professionnelles ;

Sur le préjudice d'agrément : il était un sportif accompli et a dû renoncer à tous les sports nécessitant l'utilisation soutenue des deux membres inférieurs ;

Sur le préjudice sexuel : il ressent une perte de plaisir et des difficultés dans l'acte sexuel ainsi qu'en attestent son ex-épouse dont il a divorcé depuis mais également sa nouvelle compagne ;

Sur le doublement du taux de l'intérêt légal : l'assureur a eu connaissance de la date de consolidation lors du dépôt du rapport d'expertise le 28 mars 2019 de sorte qu'elle avait jusqu'au 28 juin 2019 pour formuler une offre.



Dans ses dernières conclusions d'intimé et d'appel incident, régulièrement notifiées le 11 janvier 2022, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens , la société GMF demande à la cour de :

' réformer le jugement en ce qu'il a alloué à la victime des indemnités excessives pour certains postes .

' retrancher le recours des tiers-payeurs des postes de préjudice sur lesquels ils doivent s'imputer ;

' tenir compte des indemnités provisionnelles déjà versée à M. [A], totalisant 105 397,94 € (43000 € avant le prononcé du jugement et ensuite celle de 62 397,94 € octroyée par le jugement du 28/06/2021) ;

' dire et juger que les intérêts seront doublés pour la période courant entre le 15 octobre 2019 et le 14 mai 2020 en tenant compte que les conclusions notifiées à cette valent offre d'indemnisation des préjudices ;

' débouter la victime de ses prétentions contraires ou plus amples ;

' refuser de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [A] ;

' statuer ce que de droit sur le sort des dépens qui seront distraits au profit de la société W. & R. Lescudier.



Elle propose de chiffrer le préjudice de la façon suivante :

- dépenses de santé actuelles : créance de la CPAM

- frais divers restés à charge : 840 €

- perte de gains professionnels actuels : 3 174,01 €

- assistance temporaire par tierce personne (15 € de le l'heure) : 5 527,50 €

- perte de gains professionnels futurs : rejet

- incidence professionnelle : 40 000 €

- déficit fonctionnel temporaire (23 € par jour) : 5 188,92 €

- souffrances endurées : 7 000 €

- préjudice esthétique temporaire : 1 000 €

- déficit fonctionnel permanent : 27 300 €

- préjudice esthétique permanent : 3 000 €

- préjudice d'agrément : rejet

- préjudice sexuel : rejet.



Elle fait valoir que :

Sur la perte de gains professionnels futurs : dès lors que M. [A] était demandeur d'emploi au moment de l'accident, aucune perte de gains professionnels ne peut être revendiquée après consolidation, étant précisé qu'il avait entamé avant l'accident des démarches en vue d'une reconversion, de sorte que la perte de son emploi n'est pas dûe à l'accident ;

Sur l'incidence professionnelle : elle ne conteste que l'accident survenu le 4 août 2013 a eu des conséquences sur la situation professionnelle de M. [A], mais celui-ci avait décidé d'abandonner l'activité de serveur avant l'accident et il n'est pas démontré qu'il ne pourra jamais exercer la profession de boucher ; il est éligible à une reconversion en qualité de chauffeur de bus notamment et n'est pas inapte à toute activité professionnelle ; la pension d'invalidité à laquelle il a droit doit venir en déduction des sommes allouées, étant observé que la créance de la CPAM ne mentionnant pas de date de consolidation, l'on ignore si une rente sera versée et de quel montant ;

Sur le préjudice d'agrément : la pratique régulière des activités sportives citées par les témoins n'est pas démontrée, étant observé que certaines activités relèvent des plaisirs de la vie ;

Sur le préjudice sexuel : le rapport d'expertise n'en retient aucun ;

Sur le doublement du taux de l'intérêt légal : le point de départ du délai pour présenter une offre est situé à vingt jours après la date à laquelle le rapport d'expertise est adressé aux parties ; or, en l'espèce, elle n'a reçu le rapport de l'expert que le 24 avril 2009 ; que le délai de vingt jours n'a donc expiré que le 14 mai 2019 et elle avait jusqu'au 14 octobre suivant pour présenter une offre ; la période de doublement des intérêts devant cesser à la date de la notification de l'offre faite par pli recommandé ou par voie de conclusions, en l'espèce, le doublement du taux ne peut concerner que la période du 15 octobre 2019 au 14 mai 2020.



La CPAM des Bouches du Rhône, assignée par M. [A], par actes d'huissier des 1er octobre et 10 novembre 2021, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel, n'a pas constitué avocat.



Par courrier adressé au greffe de la cour d'appel le 2 février 2022, elle a fait connaître le montant définitif de ses débours pour 38 064,32 €, correspondant à :

- des prestations en nature : 19 566,57 €

- des indemnités journalières versées du 4 août 2013 au 4 mars 2015 : 18 497,75 €



*****





L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.






Motifs de la décision



L'appel porte exclusivement sur l'indemnisation du préjudice subi par M. [A].



Les parties ne discutent pas l'évaluation par le premier juge des postes suivants :

- dépenses de santé actuelles : 19 556,57 € revenant à la CPAM

- frais divers : 840 €.



Sur le préjudice corporel



L'expert, le docteur [R], indique que M. [A] a souffert dans l'accident d'une plaie délabrante de la face antérieure du tiers inférieur de la cuisse gauche avec rupture du quadriceps tiers moyen/tiers distal, d'une plaie avec section musculaire de la face supéro-externe de la jambe au niveau du col du péroné, de douleurs au niveau de la face antérieure de l'épaule droite, de troubles psychiques liés à la violence de l'accident et aux suites immédiates, notamment un état algique important avec labilité de caractère et tension artérielle. Dans les suites, une dénervation du nerf crural gauche à 75 % a également été mise en évidence.



De cet accident, M. [A] conserve comme séquelles :

- une limitation à la marche avec boiterie pouvant nécessiter l'aide d'une canne,

- une limitation des mouvements complexes, des douleurs cicatricielles importantes,

- une cruralgie,

- des douleurs cervicales et de l'épaule droite limitant les mouvements en fin de course,

- un syndrome post-traumatique et un syndrome anxio dépressif réactionnel.



L'expert conclut à :

- un déficit fonctionnel temporaire total du 4 août 2013 au 5 septembre 2013 ;

- un déficit fonctionnel temporaire à 50% du 6 septembre 2013 au 5 février 2014 ;

- un déficit fonctionnel temporaire à 33 % du 6 février 2014 au 4 mai 2014 ;

- un déficit fonctionnel temporaire à 25 % du 5 mai 2014 au 5 novembre 2014 :

- un déficit fonctionnel temporaire à 15% du 6 novembre 2014 au 4 août 2015 ;

-une consolidation fixée au 4 août 2014 ;

- une assistance par tierce personne de 2 h par jour du 6 septembre 2013 au 5 février 2014 et de 5 h par semaine du 6 février 2014au 4 mai 2014 ;

- un déficit fonctionnel permanent de 13% ;

- une inaptitude au poste de serveur ou à un poste nécessitant le port de charges, une manutention répétée ou une station debout prolongée, ce qui contraint M. [A] à cesser partiellement ou totalement son activité professionnelle ou de changer d'activité ;

- des souffrances endurées de 3,5/7 ;

- un préjudice esthétique temporaire et permanent de 2,5/7.



Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime, née le [Date naissance 1] 1987 et sans emploi au moment de l'accident, ainsi que de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.



M. [A] était âgé de 25 ans au moment de l'accident et de 26 ans au jour de la consolidation. Il est actuellement âgé de 35 ans.



Préjudices patrimoniaux



temporaires (avant consolidation)



- perte de gains professionnels actuels 21 671,76 €



Les parties ne contestent pas l'évaluation par le premier juge de l'indemnité revenant à M. [A], à savoir 3 174,01 €.



La créance de la CPAM s'élève à 18 497,75 € comprenant les contributions sociales qui ne sont pas perçues par la victime.



En conséquence, l'assiette du poste s'élève à 21 671,76 €.



- Assistance de tierce personne6 639,43 €



La nécessité de la présence auprès de M. [A] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son coût.



L'expert précise, en effet, que M. [A] a eu besoin d'une aide à raison de deux heures par jour du 6 septembre 2013 au 5 février 2014 et de cinq heures par semaine du 6 février 2014 au 4 mai 2014.



En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées. Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 18 €.



L 'indemnité de tierce personne s'établit à 6 639,43 €.



Préjudices patrimoniaux



permanents (après consolidation)



- Perte de gains professionnels futurs 79 100,74 €



Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.



Au moment de l'accident, M. [A] ne travaillait pas mais il était sur le marché de l'emploi. Il était d'ailleurs indemnisé par Pôle emploi et l'arrêt maladie consécutif aux blessures, en le privant de son indemnité d'aide au retour à l'emploi, a entrainé une perte de gains professionnels actuels qui a été indemnisée par le premier juge et dont les parties ne contestent pas le montant.



Il ne peut donc être soutenu que l'absence d'emploi de la victime au jour de l'accident le prive de toute possibilité d'indemnisation des pertes de gains que les séquelles entraînent.



L'évaluation devant être opérée au regard d'éléments concrets démontrant la réalité et l'importance de la perte, il convient de s'attacher au parcours professionnel de M. [A] avant et après l'accident.



M. [A] justifie qu'il est titulaire d'un certificat d'aptitude professionnelle de commis de restaurant et bar obtenu en Tunisie en 2009 et qu'il a exercé cette profession dans son pays d'origine, puis après son arrivée sur le territoire français, notamment dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2012 au sein du restaurant IL PINOCCHIO à Carnoux. Ce contrat a pris fin en mars 2013, soit quelques mois avant l'accident.



M. [A] produit un échange de courriers électroniques avec M. [H], du groupe Casino, démontrant qu'au moment de l'accident, il était en reconversion professionnelle avec pour projet d'intégrer la société Casino en qualité d'apprenti boucher à compter du mois de septembre 2013 dans le cadre d'un contrat de formation diplômante.



Selon le docteur [R], les séquelles de l'accident le rendent inapte au métier de serveur ou tout 'poste équivalent', notamment à ceux nécessitant le port de charges, la manutention répétée et la station debout prolongée.



Cet avis doit être considéré comme pertinent si on considère que M. [A] souffre d'une limitation à la marche avec boiterie pouvant nécessiter l'aide d'une canne, d'une limitation des mouvements complexes, d'une cruralgie et de douleurs cervicales et de l'épaule droite limitant les mouvements en fin de course.

Ces séquelles sont de nature à contrarier l'exercice du métier de serveur qui nécessite une bonne forme physique, notamment une capacité à demeurer debout au long cours ainsi qu'une agilité à la marche.



S'agissant du métier de boucher, que l'expert n'évoque pas spécifiquement, cette profession requiert également des qualités physiques afin de manipuler les pièces de viande, de la dextérité pour la découpe et la manipulation des carcasses de viande, une bonne forme physique et une résistance à l'effort, toutes qualités dont les séquelles de l'accident, ci dessus rappelées, ont privé M. [A].



En conséquence, bien que l'expert n'évoque pas expressément une inaptitude à la profession de boucher, il doit être considéré que l'accident a bien privé M. [A] de toute perspective professionnelle dans ce secteur d'activité. Dans la mesure où les échanges de mail démontrent que son projet professionnel était en cours de concrétisation, en résulte pour lui une perte de devenir boucher.



Cependant, il n'exerçait pas encore la profession de boucher et que le contrat qui lui était proposé était un contrat de qualification dont la cour ignore s'il l'aurait effectivement conduit, à terme, à obtenir un emploi dans ce secteur. M. [A] ne peut donc réclamer une indemnisation correspondant à la perte de la totalité d'un salaire de boucher.



La perte indemnisable ne peut davantage correspondre à la perte d'un salaire de serveur puisque M. [A], à la date de l'accident, avait renoncé à cette profession.





Son préjudice correspond en réalité à une perte de chance d'exercer le métier de boucher et de percevoir le salaire correspondant, perte que la cour, au regard des éléments en sa possession, chiffre à 50 %.



M. [A] justifie que le salaire minimal d'un boucher s'élevait :

- à compter de juin 2015 à 1 239,70 € nets,

- à compter de février 2016 à 1 258,18 € nets,

- à compter d'octobre 2016 à 1 264,34 € nets,

- à compter de février 2017 à 1 279,74 € nets,

- à compter d'août 2020 à 1 315,93 € nets,

- à compter de février 2021 à 1 322,86 € nets.



Du 1er octobre 2015 (date à laquelle la perte a débuté selon la victime) à la date du présent arrêt (27 octobre 2022), il aurait dû percevoir :

- du 1er octobre 2015 au 28 février 2016 (151 jours) : 6 239,82 € (1 239,70/30 x 151 jours),

- du 1er mars 2016 au 1er octobre 2016 (214 jours) : 8 975,87 € ( 1 258,18/30 X 214 jours),

- du 1er octobre 2016 au 31 janvier 2017 (123 jours) : 5 183,79 € ( 1 264,34/30 X 123 jours),

- du 1er février 2017 au 31 juillet 2020 (1 277 jours) : 54 474,26 € (1 279,74/30 X 1 277 jours),

- du 1er août 2020 au 31 janvier 2021 (184 jours) : 8 071,03 € (1 315,93/30 X 184 jours),

- du 1er février 2021 au 27 octobre 2022 (634 jours) : 27 956,44 € (1 322,86/30 X 634 jours),

et au total 110 901,21 €.



Les allocations d'aide au retour à l'emploi sont dépourvues de caractère indemnitaire et n'ont pas venir en déduction des sommes allouées au titre de la perte de gains professionnels.



Au cours des périodes où il a travaillé ou se trouvait en arrêt maladie, il a perçu :

- entre le 1er mai 2016 et le 31 octobre 2016 : 9 265,22 €

- entre le 1er octobre 2017 et le 10 août 2018 : 7 967,99 €

- entre le 1er mars 2018 et le 31 juillet 2018 : 6 369,39 €,

soit au total 23 602,60 €.



La perte échue s'élève ainsi à 87 298,61 € et, après application du taux de perte de chance à 43 649,30 €.



Pour l'avenir, M. [A], s'il a perdu du fait des séquelles une chance de percevoir un revenu correspondant à celui de boucher ou de serveur (soit 1 400 € nets en moyenne par mois) n'est pas inapte à l'emploi et conserve une capacité de gains à hauteur d'une rémunération pour un emploi non qualifié, soit au SMIC qui s'élève à ce jour à 1 329,05 €.



La perte mensuelle s'élève donc à 70,95 € (1 400 - 1329,05 €) et la perte annuelle à 851,40 €.



L'évaluation du dommage devant être faite au moment où la cour statue, le barème de capitalisation utilisé sera celui publié à la Gazette du palais du 15 septembre 2020, taux d'intérêt 0,3 %, qui apparaît approprié eu égard aux données démographiques et économiques actuelles.



Compte tenu du jeune âge de M. [A] à la consolidation (26 ans), il convient, afin de tenir compte de l'incidence de la perte de gains sur les droits à la retraite, de capitaliser la perte annuelle selon un indice de rente viagère, en l'espèce 41,639 correspondant à un homme âgé de 35 ans à la consolidation.



La perte à échoir s'élève donc à 35 451,44 €.



La perte de gains professionnels futurs s'élève au total à 79 100,74 €.



Le relevé des débours de la CPAM du 14 mai 2019, qui est définitif, ne fait état d'aucune rente ou pension d'invalidité susceptible de s'imputer sur ce poste.



L'indemnité revient donc en totalité à M. [A].



- Incidence professionnelle50 000 €



Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser, non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.



M. [A] invoque un abandon de la profession antérieurement exercée et pour laquelle il avait été formé, la renonciation à une reconversion professionnelle et la nécessité de se reconvertir dans une nouvelle branche avec toutes les difficultés qu'une telle reconversion implique compte tenu de son état de santé.



Cependant, M. [A] ne conteste pas qu'il avait décidé, plusieurs mois avant l'accident, d'abandonner la profession de serveur.



Cet abandon n'est donc pas imputable à l'accident et ses séquelles.



En revanche, pour apprécier la répercussion des séquelles dans la sphère professionnelle, le juge doit tenir compte de la nature des restrictions physiologiques et psychologiques médico-légales qui sont susceptibles d'interférer.



L'évaluation implique de prendre en considération la catégorie d'emploi exercée (manuel, sédentaire, fonctionnaire etc.), la nature et l'ampleur de l'incidence (interdiction de port de charge, station debout prohibée, difficultés de déplacement, pénibilité, fatigabilité etc.), les perspectives professionnelles et l'âge de la victime (durée de l'incidence professionnelle).



En l'espèce, M. [A] était en bonne forme physique avant l'accident et pouvait postuler sur un large éventail d'activités professionnelles, notamment non qualifiées. Sa formation académique était en revanche très restreinte puisqu'il était titulaire uniquement d'un CAP dans l'hôtellerie.



Selon les données médicales, les emplois induisant une bonne forme physique, notamment une station debout prolongée et une bonne résistance à l'effort, ne lui sont plus accessibles.



Il se retrouve donc dévalorisé sur le marché du travail alors qu'il n'a pas d'autre qualification qu'un CAP dans l'hôtellerie.



Il a, certes, la possibilité de se reconvertir mais ses chances sont limitées par les restrictions posées par l'expert.



Les séquelles sont également de nature à induire une pénibilité du travail quel que soit le poste occupé.



M. [A] était âgée de 26 ans au jour de la consolidation, de sorte qu'il avait encore à cette date près de 27 ans à travailler.



Sur un marché du travail très concurrentiel, alors qu'il conserve des séquelles physiques mais également un syndrome post-traumatique et un syndrome anxio dépressif réactionnel, il va subir de plein fouet les conséquences dommageables de l'accident qui auront pour lui des répercussions plus importantes que pour une victime mieux armée, par des diplômes, un parcours personnel antérieur étayant et une bonne forme physique et psychique, pour rebondir.



Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de lui allouer, au titre de l'incidence professionnelle, une indemnité de 50 000 € qui, en l'absence de rente ou pension à imputer, lui revient en totalité.

Préjudices extra-patrimoniaux



temporaires (avant consolidation)



- Déficit fonctionnel temporaire6 090,93 €



Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.



Il doit être réparé sur la base d'environ 810 € par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit :

- un déficit fonctionnel temporaire total du 4 août 2013 au 5 septembre 2013 : 891 €

- un déficit fonctionnel temporaire à 50 % du 6 septembre 2013 au 5 février 2014 : 2 065,50 €

- un déficit fonctionnel temporaire à 33 % du 6 février 2014 au 4 mai 2014 : 784,08 €

- un déficit fonctionnel temporaire à 25 % du 5 mai 2014 au 5 novembre 2014 : 1 248,75 €

- un déficit fonctionnel temporaire à 15 % du 6 novembre 2014 au 4 août 2015 : 1 101,60 €

et au total la somme de 6 090,93 € .



- Souffrances endurées10 000 €



Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison de l'accident initial, de la prise en charge au bloc opératoire, des sutures, des soins, des pansements, des années de rééducation, de la prise en charge psychothérapeutique, des traitements psychotropes et du stress engendré ; évalué à 3,5/7 par l'expert, il justifie l'octroi d'une indemnité de 10 000 €.



- préjudice esthétique temporaire 3 000 €



Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique. Chiffré à 2,5/7 par l'expert jusqu'à la consolidation, soit près de deux ans compte tenu des multiples plaies et de la boiterie, il justifie une indemnisation de 3 000 €.



permanents (après consolidation)



- Déficit fonctionnel permanent33 150 €



Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.



En l'espèce, il est caractérisé par une limitation à la marche avec boiterie pouvant nécessiter l'aide d'une canne, une limitation des mouvements complexes, des douleurs cicatricielles importantes, une cruralgie, des douleurs cervicales et de l'épaule droite limitant les mouvements en fin de course ainsi qu'un syndrome post-traumatique et un syndrome anxio dépressif réactionnel, ce qui conduit à un taux de 13 % justifiant une indemnité de 33 150 € pour un homme âgé de 26 ans à la consolidation.



- Préjudice esthétique6 000 €



Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.



Évalué à 2,5/7 au titre d'une dysharmonie de déroulé du pas à gauche, d'une cicatrice large en regard de l'épine iliaque antéro supérieure de 15 mm de diamètre et brunâtre, d'une cicatrice brune plus importante sur le versant antérieur de la crête iliaque venant rejoindre la base du scarpa de 6 cm sur 2 cm et dysesthétique, des éléments cicatriciels en V sur la cuisse gauche, d'une cicatrice de 2 cm de diamètre en regard de la facette supéro-interne de la rotule, de plusieurs petits éléments cicatriciels centimétriques sur le compartiment interne et antérieur du genou et d'une cicatrice curviligne de 8 cm sur la face externe du quart supérieur de la jambe, proche de la tête du péroné, il doit être indemnisé à hauteur de 6 000 €.



- Préjudice d'agrément8 000 €



Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.



En l'espèce, l'expert retient un préjudice d'agrément concernant la pratique du tennis, la course à pied, le football et les sports nécessitant l'utilisation soutenue des deux membres inférieurs.



M. [A] produit une attestation de M. [T] [N] indiquant qu'avant l'accident, il partageait avec M. [A] la pratique du tennis, des randonnées et des matchs de football. Un autre témoin, en la personne de M. [F] [B] évoque la pratique avec M. [A] avant l'accident, du football.

Sa compagne atteste qu'avant l'accident, M. [A] jouait au football avec son fils âgé de 8 ans et qu'il pratiquait également avec lui le tennis et la randonnée.



Dès lors qu'il ne peut plus pratiquer d'activités sportives impliquant l'utilisation soutenue des deux jambes, M. [A] justifie d'un préjudice d'agrément indemnisable.



Son jeune âge lors de la consolidation rend la privation d'autant plus pénible.



Ces données justifient l'octroi d'une indemnité de 8 000 €.



- Préjudice sexuel4 000 €



Ce poste comprend divers types de préjudices touchant à la sphère sexuelle et notamment celui lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel.



L'expert n'a pas retenu de préjudice dans la sphère sexuelle, tout en notant qu'aucun préjudice sexuel n'était allégué.



M. [A] ne démontre par aucune pièce qu'il se trouve dans l'impossibilité d'avoir une sexualité ou que les séquelles sont de nature à entraîner une gêne positionnelle.



Cependant, il invoque une baisse de libido. Or, il est établi que persiste après consolidation un syndrome dépressif réactionnel.



Un tel syndrome est de nature à entraîner des répercussions dans la sphère sexuelle, par une baisse de libido.



Son ex-compagne et son actuelle compagne évoquent dans deux attestations les répercussions de son changement d'humeur dans l'intimité.



Sa compagne notamment, atteste dans un écrit daté de février 2017, soit postérieur à la consolidation, des troubles que cette dépression a entraînés dans la sexualité au sein du couple.



Ces données justifient d'allouer à M. [A], âgé de seulement 26 ans à la consolidation, une indemnité de 4 000 €.



*****



Récapitulatifs des préjudices









Postes



préjudice total



Part victime



Part tiers payeur





Dépenses de santé actuelles



19 556,57 €



0



19 556,57 €





Frais divers



840 €



840 €



0





Assistance par tierce personne



6 639,43 €



6 639,43 €



0





Perte de gains professionnels actuels



21 671,76 €



3 174,01 €



18 497,75 €





Perte de gains professionnels futurs



79 100,74 €



79 100,74 €



0





Incidence professionnelle



50 000 €



50 000 €



0





Déficit fonctionnel temporaire



6 090,93 €



6 090,93 €



0





Souffrances endurées



10 000 €



10 000 €



0





Préjudice esthétique temporaire



3 000 €



3 000 €



0





Déficit fonctionnel permanent



33 150 €



33 150 €



0





Préjudice esthétique permanent



6 000 €



6 000 €



0





Préjudice d'agrément



8 000 €



8 000 €



0





Préjudice sexuel



4 000 €



4 000 €



0





Total



248 049,43 €



209 995,11 €



38 054,32 €







Le préjudice corporel global subi par M. [A] s'établit ainsi à la somme de 248 049,43 € soit, après imputation des débours de la CPAM (38 054,32 €), une somme de 209 995,11 € lui revenant qui, en application de l'article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 28 juin 2021 à hauteur de 62 397,94 € et du prononcé du présent arrêt soit le 27 octobre 2022 pour le surplus.



Sur le doublement du taux légal



L'article L.211-9 du code des assurances impose à l'assureur de présenter à la victime qui a subi une atteinte à sa personne, une offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident, l'offre pouvant avoir un caractère provisionnel si l'assureur n'a pas, dans le délai de trois mois à compter de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. Un nouveau délai de cinq mois, à compter de la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation est ouvert pour l'offre définitive d'indemnisation.



Ce dispositif est assorti d'une sanction, qui réside dans le paiement d'intérêts au double du

taux légal, prévue en ces termes par l'article L. 211-13 du code des assurances : « lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre où le jugement est devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur ».



M. [A] sollicite un doublement du taux de l'intérêt légal à l'expiration du délai de cinq mois après le dépôt du rapport d'expertise.



L'expert a établi sont rapport le 18 mars 2019.



Lorsque la date de transmission du rapport d'expertise aux parties, notamment à l'assureur, ne résulte d'aucune des pièces produites par les parties, il convient d'ajouter 20 jours à la date de dépôt du rapport conformément à l'article R 211-44 du code des assurances qui dispose que le médecin adresse son rapport à l'assureur, à la victime et le cas échéant à son médecin conseil, dans un délai de vingt jours à compter de l'examen médical.



Il n'est donc pas justifié de se référer à la date à laquelle l'assureur prétend avoir reçu ce rapport.



En conséquence, la société GMF devait formuler une offre complète et suffisante avant le 7 septembre 2019.



La première offre d'indemnisation présentée par l'assureur est datée du 14 mai 2020.



Elle est donc tardive.



M. [A] demande que la sanction du double taux court jusqu'au prononcé de l'arrêt.



Lorsque l'assureur a présenté une offre d'indemnisation tardive, les intérêts de retard sont dus jusqu'à la date de cette offre et ils ont pour assiette le montant de celle-ci, sauf si cette offre ne porte pas sur tous les éléments indemnisables du préjudice ou qu'elle est manifestement insuffisante.



L'offre du 14 mai 2020 correspond aux conclusions de la société GMF devant le premier juge. Or, cette offre ne contient aucune proposition au titre de la perte de gains professionnels futurs, du préjudice d'agrément et du préjudice sexuel.



Si cette carence peut s'expliquer concernant le préjudice sexuel, non allégué devant l'expert et non retenu par lui, elle s'explique plus difficilement concernant la perte de gains professionnels futurs puisque l'expert a retenu une inaptitude aux emplois nécessitant l'usage des deux jambes, notamment une station debout prolongée, telles que serveur ou toute autre profession impliquant les mêmes qualités physiques. Il a par ailleurs retenu un préjudice d'agrément concernant les activités physiques impliquant l'usage prolongé des jambes.



Cette offre est donc incomplète. Elle est, par ailleurs insuffisante puisqu'elle porte sur une somme de 71 791,08 € soit moins de 1/3 des sommes allouées par la cour.



Cette offre incomplète doit être assimilée à une absence d'offre, de sorte qu'elle n'a pu interrompre le cours des intérêts au double du taux légal.



Au regard de ces éléments, les intérêts au double du taux légal courront du 8 septembre 2019 jusqu'au présent arrêt devenu définitif.



Dès lors qu'aucune offre suffisante n'est retenue pour terme de la sanction, l'assiette des intérêts majorés est constituée par les indemnités allouées par la juridiction à la victime à titre de dommages et intérêts, avant imputation de la créance des organismes sociaux et avant déduction des provisions déjà versées, soit en l'espèce 248 049,43 €.



Sur les demandes annexes



La société GMF, qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation, supportera la charge des entiers dépens d'appel.



L'équité justifie d'allouer à M. [A] une indemnité de 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.



Par ces motifs



La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine



Confirme le jugement, hormis sur le montant de l'indemnisation de la victime et les sommes lui revenant,



Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,



Condamne la société GMF à payer à M. [U] [A] les sommes suivantes :

- 840 € au titre des frais divers

- 3 174,01 € au titre de la perte de gains professionnels actuels

- 79 100,74 € au titre de la perte de gains professionnels futurs

- 50 000 € au titre de l'incidence professionnelle

- 6 090,93 € au titre du déficit fonctionnel temporaire

- 10 000 € au titre des souffrances endurées

- 3 000 € au titre du préjudice esthétique temporaire

- 33 150 € au titre du déficit fonctionnel permanent

- 6 000 € au titre du préjudice esthétique permanent

- 8 000 € a titre du préjudice d'agrément

- 4 000 € au titre du préjudice sexuel,

le tout sauf à déduire les provisions versées et avec intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2021 à hauteur de 62 397,94 € et à compter du présent arrêt pour le surplus ;

- une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;



Condamne la société GMF à payer des intérêts au double du taux légal sur la somme 248 049,43 € du 8 septembre 2019 jusqu'au jour de l'arrêt devenu définitif ;



Condamne la société GMF aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.



Le greffier Le président

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