31 octobre 2022
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 22/00681

4ème CHAMBRE COMMERCIALE

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BORDEAUX



QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 31 OCTOBRE 2022









N° RG 22/00681 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MREW









Monsieur [L] [K]

S.E.L.A.R.L. EKIP'

S.A.S. TAGLI'APAU





c/



Société AMREST HOLDINGS SE

S.A.S. SAS LA TAGLIATELLA

Société PASTIFICIO SERVICE SLU























Nature de la décision : RENVOI APRES CASSATION

RENVOI DEVANT UNE AUTRE JURIDICTION





















Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 mai 2020 (R.G : 2019 000106) par le Tribunal de Commerce de PAU,confirmé par un arrêt de la Cour d'Appel de PAU en date du 05 novembre 2020, cassé le 09 février 2022 (n°143FS-B) par le Cour de Cassation de PARIS suivant déclaration d'appel du 09 février 2022





APPELANTS :



Monsieur [L] [K], né le 04 Mai 1958 à [Localité 8], de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]





S.E.L.A.R.L. EKIP' anciennement dénommée Société [T] [U], agissant en sa qualité de liquidateur à la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la Société TAGLI'APAU, agissant poursuites et diligences de Maître [T] [U] domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]





S.A.S. TAGLI'APAU, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 4]



représentés par Maître Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX et assistés par Maître Cécile BENOIT de la SZCP BOURGEON - GUILLET - BELLET, avocat au barreau de PARIS





INTIMÉES :



Société AMREST HOLDINGS SE, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 5] ESPAGNE





S.A.S. SAS LA TAGLIATELLA, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]





Société PASTIFICIO SERVICE SLU, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 7] ESPAGNE



représentées par Maître Paul-andré VIGNÉ de la SCP TMV, avocat au barreau de BORDEAUX et assistées par Maître Asna LASRI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 20 septembre 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :



Madame Nathalie PIGNON, Président,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,



qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT





ARRÊT :



- contradictoire



- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.






EXPOSE DU LITIGE :



La société Pastificio Service est une société de droit espagnol, appartenant au groupe espagnol Restauravia Grupo Empresarial (aux droits duquel vient le groupe Amrest, dirigé par la société Amrest Holdings, qui l'a racheté en avril 2011) qui a mis au point en Espagne un concept de restauration de cuisine italienne sous l'enseigne La Tagliatella. Elle a développé son réseau de restaurants d'abord en Espagne par des succursales et par le biais de la franchise, puis à l'étranger, en France notamment.



C'est ainsi qu'un contrat de franchise a été conclu le 04 mai 2011 avec un restaurant situé à [Localité 6], exploité par la société Tagli'Apau dont le président est M. [K].



En mars 2014, le groupe Amrest a créé la société La Tagliatella SAS, société de droit français à laquelle la société Pastificio Service a transféré l'intégralité des contrats de franchise conclus en France.



Par jugement du 12 avril 2016, le tribunal de commerce de Pau a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Tagli'Apau. Un plan de sauvegarde a été arrêté le 05 décembre 2017, Me [U] étant désigné en qualité de mandataire judiciaire.



La société Tagli'Apau et le mandataire judiciaire ont formé le 29 avril 2016 une demande d'arbitrage à la cour de commerce internationale (la CCI) en exécution de l'article 20.7 du contrat de franchise contenant une clause compromissoire.



Les défenderesses ayant refusé de régler leur part de provision sur les frais et honoraires de l'arbitrage, le secrétariat de la cour a informé les parties, le 23 mars 2018, que les demandes étaient considérées comme retirées.



Le 25 avril 2018, la société La Tagliatella a notifié à la société Tagli'Apau la résiliation à effet immédiat du contrat de franchise pour manquement à ses obligations contractuelles. Cette résiliation a été sanctionnée par une décision du juge des référés de Bordeaux du 10 juillet 2018 confirmée le 28 février 2019 par arrêt de la cour d'appel de Paris qui a ordonné le maintien de la relation entre les parties pendant une période de préavis de 12 mois soit jusqu'au 24 avril 2019.



Par exploits d'huissier des 30 novembre et 03 décembre 2018, la société Tagli'Apau et M. [K] ont assigné la société Pastificio Service, la société La Tagliatella et la société Amrest Holdings devant le tribunal de commerce de Pau aux fins de voir prononcer la résiliation du contrat à leurs torts exclusifs et les condamner au paiement de diverses sommes en indemnisation des préjudices subis.



La sauvegarde a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Pau du 02 avril 2019 qui a désigné la SELARL [T] [U], devenue la SELARL Ekip', en qualité de liquidateur.



Le liquidateur est intervenu volontairement à la procédure.



Par jugement en date du 26 mai 2020, le tribunal de commerce de Pau a :

- donné acte à la SELARL [T] [U], devenue la SELARL Ekip', en qualité de liquidateur de la société Tagli'Apau de son intervention volontaire

- s'est déclaré incompétent au profit du tribunal arbitral de la CCI de Paris en vertu de la clause compromissoire attachée au contrat de franchise du 04 mai 2011,

- a renvoyé les demandeurs à mieux se pourvoir devant ce dernier,

- a débouté les parties du surplus de leurs demandes en tant qu'elles visent l'exception d'incompétence,

- dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile

- et condamné les demandeurs aux entiers dépens.



Sur appel de M. [K] et de la SELARL Ekip' ès qualités, par arrêt en date du 05 novembre 2020, la cour d'appel de Pau a confirmé le jugement en toutes ses dispositions.



Les appelants ont formé un pourvoi contre l'arrêt.



Par arrêt du 09 février 2022, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt en toutes ses dispositions, remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Bordeaux.









Les motifs de l'arrêt de cassation sont les suivants : Pour accueillir l'exception d'incompétence et décliner la sienne, l'arrêt retient :

- qu'en application de l'article 36 du règlement d'arbitrage de la CCI, la partie demanderesse à la procédure assume seule les frais de provisions ; en statuant ainsi, alors que l'article 36 précité prévoit, en son paragraphe 2, que la provision pour frais fixée par la CCI est due en parts égales par le demandeur et le défendeur, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe faisant obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

- que le règlement de la CCI ne prive pas les parties qui n'ont pas satisfait au versement des provisions de réintroduire ultérieurement une demande d'arbitrage, la clause compromissoire, à laquelle les parties ne sont pas réputées avoir renoncé, conservant ainsi tous ses effets ; en statuant ainsi, alors que les sociétés Pastificio Service, La Tagliatella et Amrest Holdings, qui avaient elles-mêmes provoqué le retrait de la demande d'arbitrage par la CCI en ne s'acquittant pas de la part de provision sur frais leur incombant, n'étaient pas recevables, pour décliner la compétence de la juridiction étatique, à invoquer la clause compromissoire, la cour d'appel a violé le principe de loyauté procédurale régissant les parties à une convention d'arbitrage.



La société Tagli'Apau, M. [K] et la SELARL Ekip' ès qualités ont saisi la cour d'appel de Bordeaux désignée comme cour de renvoi par déclaration en date du 09 février 2022.



Aux termes de leurs conclusions déposées en dernier lieu par le RPVA le 24 août 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments, la société Tagli'Apau, M. [K] et la SELARL Ekip' ès qualités demandent à la cour de :

- vu l'article 1134 ancien du code civil,

- vu l'article 1464 alinéa 2 du code de procédure civile,

- vu le principe de loyauté procédurale régissant les parties à une convention d'arbitrage,

- juger les sociétés Pastificio Service, La Tagliatella et Amrest Holdings irrecevables à soulever l'incompétence du tribunal de commerce de Pau en application de la clause compromissoire incluse dans le contrat de franchise du 04 mai 2011,

- en conséquence,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Pau du 26 mai 2020 en ce qu'il :

- s'est déclaré incompétent pour connaître du litige portant sur le contrat de franchise conclu entre la société La Tagliatella et la société Tagli'Apau au profit du tribunal arbitral de la Chambre de Commerce Internationale de Paris (CCI) en vertu de la clause compromissoire attachée au contrat de franchise du 04 mai 2011,

- a renvoyé la SELARL [T] [U], devenue la SELARL EKIP', prise en la personne de Me [U] en sa qualité de liquidateur de la société Tagli'Apau, et M. [K] à mieux se pourvoir devant le tribunal arbitral sous l'égide de la Chambre de Commerce Internationale de Paris,





- les a déboutés du surplus de leurs demandes, en tant qu'elles visent l'exception d'incompétence,

- a condamné la société Tagli'Apau prise en la personne de la SELARL [T] [U], devenue la SELARL EKIP', ès qualités, et M. [K] aux entiers dépens dont les frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 105,60 euros,

- et, statuant à nouveau,

- condamner in solidum les sociétés la société Pastificio Service, la société La Tagliatella et la société Amrest Holdings à payer à la SELARL EKIP' ès qualités et à M. [K] la somme de 56 325,80 euros au titre du remboursement des frais d'arbitrage qu'ils ont engagés en pure perte,

- renvoyer les parties devant le tribunal de commerce de Pau pour poursuite de la procédure,

- condamner les sociétés la société Pastificio Service, la société La Tagliatella et la société Amrest Holdings à payer à la SELARL EKIP' ès qualités et à M. [K] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.



Les appelants font valoir que le litige porte sur l'exécution du contrat de franchise signé le 04 mai 2011 qui prévoit à l'article 20.7 intitulé "juridiction - arbitrage " que "tous différends découlant du présent contrat ou en relation avec celui-ci seront tranchés définitivrement suivant le règlement d'arbitrage de la CCI par un ou plusieurs arbitres nommés conformément à ce règlement " ; qu'ils ont donc saisi la cour internationale d'arbitrage, mais que la déloyauté des défenderesses a paralysé l'arbitrage au point que leurs demandes ont été considérées comme retirées ; qu'ils ont donc assigné devant le tribunal de commerce, devant lequel les intimées ont soulevé in limine litis son incompétence au profit de la CCI. Ils soutiennent que les intimées ont été déloyales dans la mise en oeuvre de la convention d'arbitrage en s'abstenant de régler leur part de provision sur les frais d'arbitrage comme leur imposait le règlement d'arbitrage, ; qu'ils ont payé de leur côté la part leur incombant des frais de provision soit 122 500 euros ; que malgré leurs efforts la procédure a avorté ; que les défenderesses sont donc irrecevables à se prévaloir de la compétence de la CCI dès lors que leur comportement vaut renonciation ; qu'il y a lieu de renvoyer le dossier devant le tribunal de commerce de Pau territorialement compétent ; qu'en outre, l'article 36 2 du règlement d'arbitrage prévoit que la provision pour frais fixée par la cour est due en parts égales par le demandeur et le défendeur ; que les défenderesses doivent leur rembourser les frais d'arbitrage exposés en pure perte, particulièrement élevés ; que cette question est indépendante des débats au fond qui ne portent que sur la validité ou l'exécution du contrat de franchise ; que la demande de remboursement est liée à la faute dans l'exécution de la convention et ne relève ni du tribunal de commerce qui les a déboutés de cette demande, ni, subsidiairement, de la compétence de la CCI, ce moyen n'ayant pas été soulevé in limine litis et la compétence en revenant au tribunal arbitral selon l'article 37.8 du règlement devant qui ils avaient fait la demande mais dont la cour a considéré qu'elle était retirée aussi ; que son sort est lié à la procédure principale empêchée par le comportement des intimées qui sont donc irrecevables à soulever l'incompétence de la cour d'appel.







Aux termes de leurs conclusions déposées en dernier lieu par le RPVA le 29 août 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments, la société Pastificio Service, la société La Tagliatella et la société Amrest Holdings demandent à la cour de :

- vu les articles 36 et 37 du règlement d'arbitre CCI (2016)

- vu l'article 1448 du code de procédure civile

- vu l'article 700 du code de procédure civile

- vu l'arrêt de la Cour de cassation du 09 février 2022 n°21-11.253

- vu la jurisprudence,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Pau du 26 mai 2020, en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître du litige portant sur le contrat de franchise conclu entre les sociétés Tagliatella et Tagli'Apau, invitant la SELARL [T] [U], devenue la SELARL EKIP', prise en la personne de Me [U] en qualité de liquidateur de la société Tagli'Apau, à mieux se pourvoir devant le tribunal arbitral sous l'égide de la CCI

- et statuant à nouveau,

- renvoyer les parties devant le tribunal de commerce de Pau pour connaître du fond du litige, y inclus la demande des sociétés Tagli'Apau, SELARL EKIP' ès qualités, et de M. [K] en remboursement des frais d'arbitrage

- subsidiairement,

- constater l'irrecevabilité de la demande des sociétés Tagli'Apau, SELARL EKIP' ès qualités, et de M. [K] en remboursement de frais d'arbitrage

- débouter la société Tagli'Apau, la SELARL EKIP' ès qualités, et M. [K] de leur demande de remboursement des frais d'arbitrage

- en tout état de cause,

- fixer la somme de 4 000 euros au passif de la société SUBTOILE au bénéfice des intimées créancières privilégiées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamner M. [K] au paiement de la somme de 2 000 euros à chacune des intimées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Les intimées qui contestent toute mauvaise foi et déloyauté font valoir qu'elles ont soulevé l'incompétence du tribunal de commerce au profit du tribunal arbitral de la CCI mais que compte tenu de l'arrêt de cassation elles renoncent à l'exception d'incompétence et sollicitent le renvoi devant le tribunal de commerce de Pau ; qu'en revanche le remboursement des frais doit être tranché après débat au fond dont la cour n'est pas saisie ; que cette question relève exclusivement de la cour d'arbitrage de la CCI ; que la demande est donc irrecevable ; que si la cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Pau, elle n'a pas annulé la clause compromissoire; que la renonciation à la convention peut être tacite mais ne doit pas être équivoque.



La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 30 août 2022 et l'affaire fixée au 20 septembre 2022.














MOTIFS DE LA DECISION :



Les intimées ayant renoncé, compte tenu de l'arrêt de la Cour de cassation, à se prévaloir de l'exception d'incompétence, cette question ne fait plus débat, les parties s'accordant sur le principe d'un renvoi devant le tribunal de commerce de Pau pour connaître du fond du litige.



La seule question soumise à la cour est celle de savoir si elle est compétente pour statuer sur la demande de remboursement des frais exposés par les appelants dans le cadre de la procédure devant la CCI.



Les intimées soutiennent que la demande est irrecevable à un double titre

- parce qu'elle a déjà été formée, "en tout état de cause", dans l'assignation initiale, et n'a pas encore été débattue lors des débats au fond dès lors que le tribunal comme la cour d'appel de Pau n'ont statué que sur la compétence ; que cette question relève de la compétence du tribunal de commerce et non de la présente cour qui n'est pas saisie du fond du litige mais de la seule question de la compétence de la juridiction étatique ;

- subsidiairement, parce que cette question relève exclusivement de la cour d'arbitrage de la CCI ; que si la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Pau, elle n'a pas annulé la clause compromissoire ni remis en cause la compétence de la CCI sur les questions de procédure ; que les appelants ont d'ailleurs saisi la CCI de cette demande au titre des frais ; qu'ils disposaient d'un délai pour contester le retrait de cette demande, ce qu'ils ont volontairement choisi d'ignorer ; qu'en outre ces frais se calculent proportionnellement au montant des sommes en jeu ; que les demandes exorbitantes de la société Tagli'Apau ont largement augmenté le montant des frais d'arbitrage.



Les appelants sont cependant fondés à faire valoir :

- que la cour est saisie de l'entier litige soumis au tribunal de commerce qui les a déboutés de cette demande, et dont ils sont fondés à demander l'infirmation

- que les débats sur le fond concernent uniquement la validité ou l'exécution du contrat de franchise ;

- que la clause compromissoire est totalement autonome du contrat de franchise ; que leur demande de remboursement des frais exposés se fonde sur le comportement fautif des intimées dans le cadre de cette procédure arbitrale, et est sans rapport avec l'exécution du contrat de franchise. Sur ce point, l'allégation des intimées, selon laquelle les frais se calculent proportionnellement au montant des sommes en jeu, n'est pas confirmée par la lecture de l'article 37 du règlement de la CCI auquel elles se réfèrent, qui stipule que le montant de la provision est fixé de manière à couvrir les honoraires et frais d'arbitrage du tribunal arbitral ainsi que les frais administratifs.



Cette demande est par ailleurs au coeur même du débat sur la question de la compétence puisque c'est le refus des intimées de s'acquitter du paiement de cette provision (sur le montant duquel elles ne justifient pas avoir jamais exprimé la moindre réserve) qui est la cause de l'échec de la procédure arbitrale et qui caractérise cette déloyauté procédurale qui a été sanctionnée par l'arrêt de cassation.



Elle ne relève pas en conséquence de la compétence du tribunal saisi du fond.



Les intimées opposent à titre subsidiaire qu'en tout état de cause, cette question relève exclusivement de la cour d'arbitrage de la CCI, et que les appelantes qui n'ont pas respecté la procédure leur permettant de contester le retrait de leur demande ne sont pas fondées à se prévaloir de leur propre turpitude.



Il ressort cependant des débats, et des pièces produites par les appelantes, qu'elles ont exprimé à maintes reprises auprès du secrétariat de la CCI, entre le 26 septembre 2017 et le 09 avril 2018, leur opposition au retrait de leurs demandes et leur souhait de voir traiter la question des frais engagés (leurs pièces 42, 43, 44, 21, 50), en vain puisqu'en réponse à leur ultime demande du 09 avril 2018, aux termes de laquelle elles interrogeaient le secrétariat de la CCI sur le délai et la procédure selon laquelle allait être tranchée cette question, le secrétariat leur a répondu le 16 avril 2018 que cette demande, figurant dans leur mémoire principal, était considérée comme retirée au même titre que les autres (leur pièce 51). Ces circonstances ne permettent pas de considérer qu'elles ont "volontairement choisi" de ne pas respecter la procédure prévue dans le cadre de l'arbitrage, mais bien plutôt que l'attitude dilatoire des intimées leur a fermé ce recours dont le sort a été lié à celui de la procédure principale empêchée par le comportement des intimées.



Les appelantes sont par ailleurs fondées à soutenir que ce comportement, qui manifeste la déloyauté procédurale des intimées, en totale violation du principe de loyauté procédurale qui régit les parties à une convention d'arbitrage, les rend irrecevables à se prévaloir de la procédure applicable dans le cadre de cette convention.



Il y a lieu en conséquence de déclarer les appelantes recevables en leur demande, et de condamner les intimées au remboursement de la somme de 56 325,80 euros (111 724,10 euros - 55 398,30 euros remboursés par la CCI) exposée en pure perte par les appelantes dans le cadre de la procédure d'arbitrage.





sur les demandes accessoires :



Partie tenue aux dépens d'appel, les sociétés Pastificio Service, La Tagliatella et Amrest Holdings seront condamnées à payer à la SELARL Ekip' ès qualités et à M. [K] la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.





PAR CES MOTIFS :



La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,



Infirme le jugement du tribunal de commerce de Pau du 26 mai 2020













Statuant à nouveau,



Renvoie les parties devant le tribunal de commerce de Pau pour statuer sur le fond du litige,



Condamne in solidum les sociétés la société Pastificio Service, la société La Tagliatella et la société Amrest Holdings à payer à la SELARL Ekip' ès qualités et à M. [K] la somme de 56 325,80 euros au titre du remboursement des frais d'arbitrage



Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires



Condamne in solidum les sociétés Pastificio Service, La Tagliatella et Amrest Holdings à payer à la SELARL Ekip' ès qualités et à M. [K] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne in solidum les mêmes aux dépens de première instance et d'appel.



Le présent arrêt a été signé par Mme Pignon, présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

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