26 octobre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-17.484

Chambre sociale - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2022:SO01123

Texte de la décision

SOC.

AF1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 octobre 2022




Rejet


M. SOMMER, président



Arrêt n° 1123 FS-D

Pourvoi n° P 21-17.484




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022

La SNCF voyageurs, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° P 21-17.484 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à Mme [N] [K], épouse [S], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société SNCF voyageurs, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [S], et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Lacquemant, Nirdé-Dorail, conseillers, Mmes Pecqueur, Laplume, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 31 mars 2021), Mme [S] a été engagée en qualité d'agent de vente par la SNCF (devenue SNCF voyageurs) en décembre 2000.

2. Le 18 décembre 2019, le médecin du travail a remis à la salariée une attestation de suivi individuel de l'état de santé mentionnant la réserve suivante « pas de station débout prolongée pas de port de charges > 2KG dans l'attente des examens complémentaires. A revoir au plus tard le 29/02/2020 par le médecin du travail ».

3. Le 27 février 2020, le médecin du travail a remis à la salariée une nouvelle attestation de suivi, sans mention quelconque d'une proposition de mesure individuelle d'aménagement du poste de travail.

4. La salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de cette attestation, pour lui voir substituer un avis d'aptitude avec réserves.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que l'aptitude au poste de la salariée était accompagnée des deux restrictions permanentes suivantes : station debout prolongée et port de charges supérieures à deux kilogrammes, alors « que l'article R. 4624-45 prévoit la contestation des avis du médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale émis par le médecin du travail en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4, qui visent les salariés affectés à un poste présentant des risques particuliers, qui bénéficient d'un suivi individuel renforcé de leur état de santé, de mesures individuelles ou d'un avis d'inaptitude ; qu'il en résulte qu'en l'absence d'inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail, le recours ne peut porter que sur les propositions de mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail, ou d'aménagement du temps de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [S] ne bénéficiait pas d'un suivi individuel renforcé de son état de santé, que l'attestation de suivi médical individuel du 27 février 2020 rédigée dans le cadre du suivi périodique de l'état de santé de la salariée prévu à l'article L. 4624-1 du code du travail ne comportait aucune proposition de mesures individuelles, et notamment aucune restriction à la station debout prolongée ou au port de charge supérieures à 2 kg ; qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait que l'attestation de suivi du 27 février 2020 ne constituait pas un avis médical susceptible de recours, la cour d'appel a violé ensemble les articles R. 4624-45, L. 4624-7, L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 4624-7 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019, applicable au litige, le salarié ou l'employeur peut saisir le conseil de prud'hommes selon la procédure accélérée au fond d'une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale, en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4 du même code.

7. L'article L. 4624-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, applicable au litige, dispose que le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l'employeur, des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur.

8. Il résulte de ces dispositions que lorsque le médecin du travail, qui a précédemment proposé, dans l'attente d'examens médicaux complémentaires, une mesure individuelle d'aménagement de poste, revient sur cette proposition après réalisation de ces examens, cette décision est susceptible de contestation selon la procédure prévue à l'article L. 4624-7 précité.

9. La cour d'appel, qui, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que l'attestation de suivi rédigée le 27 février 2020 par le médecin du travail est intervenue quelques semaines après une attestation de suivi comportant une interdiction de station debout prolongée et de port de charges supérieures à deux kilogrammes dans l'attente des examens complémentaires, et que ce médecin, après examen clinique et consultation écrite d'un confrère, avait levé dans cette dernière attestation toutes les restrictions dont la salariée bénéficiait depuis 2013, a exactement retenu que cette attestation constituait un avis susceptible de recours devant le conseil de prud'hommes.

10. Le moyen n'est pas fondé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SNCF voyageurs aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SNCF voyageurs et la condamne à payer à Mme [S] la somme de 3 000 euros.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société SNCF voyageurs,

La société SNCF voyageurs fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 10 septembre 2020 et d'avoir dit que l'aptitude au poste de Mme [S] était accompagnée des deux restrictions permanentes suivantes : station debout prolongée et port de charges supérieures à deux kilogrammes ;

Alors que l'article R. 4624-45 prévoit la contestation des avis du médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale émis par le médecin du travail en application « des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4 », qui visent les salariés affectés à un poste présentant des risques particuliers, qui bénéficient d'un suivi individuel renforcé de leur état de santé, de mesures individuelles ou d'un avis d'inaptitude ; qu'il en résulte qu'en l'absence d'inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail, le recours ne peut porter que sur les propositions de mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail, ou d'aménagement du temps de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [S] ne bénéficiait pas d'un suivi individuel renforcé de son état de santé, que l'attestation de suivi médical individuel du 27 février 2020 rédigée dans le cadre du suivi périodique de l'état de santé de la salariée prévu à l'article L. 4624-1 du code du travail ne comportait aucune proposition de mesures individuelles, et notamment aucune restriction à la station debout prolongée ou au port de charge supérieures à 2 kg ; qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait que l'attestation de suivi du 27 février 2020 ne constituait pas un avis médical susceptible de recours, la cour d'appel a violé ensemble les articles R 4624-45, L. 4624-7, L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4 du code du travail.

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