26 octobre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-13.084

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C100779

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 octobre 2022




Cassation sans renvoi


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 779 F-D

Pourvoi n° F 21-13.084


Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [Z] [R].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 janvier 2021.




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 OCTOBRE 2022

M. [Z] [R], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 21-13.084 contre l'ordonnance rendue le 4 janvier 2021 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 12), dans le litige l'opposant :

1°/ au préfet de police, domicilié [Adresse 3], et également [Adresse 2],

2°/ au directeur du GHU [Localité 5] psychiatrie et neurosciences - site Sainte-Anne, domicilié [Adresse 1],

3°/ au procureur général près la cour d'appel de [Localité 5], domicilié [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [R], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du préfet de police, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 4 janvier 2021), le 9 décembre 2013, M. [R] a été admis en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, au GHU [Localité 5] psychiatrie et neurosciences - site [6], par décision du préfet de police, en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique. A compter du 19 août 2014, les soins psychiatriques ont été poursuivis sous la forme d'un programme de soins.

2. Par requête du 10 décembre 2020, M. [R] a saisi le juge des libertés et de la détention sur le fondement de l'article L. 3211-12 du même code, aux fins de voir ordonner de mainlevée de la mesure et, à titre subsidiaire, une expertise médicale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [R] fait grief à l'ordonnance de rejeter ses demandes, alors qu'une personne ne peut être admise ou maintenue en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat dans le département, sous la forme d'une hospitalisation complète ou sous une autre forme, qu'à la condition qu'il soit constaté qu'elle souffre de troubles mentaux compromettant la sécurité des personnes ou portant gravement atteinte à l'ordre public ; qu'en se bornant à juger, pour ordonner la poursuite du programme de soins de M. [R], qu'il ne lui aurait pas appartenu de « substituer son avis à celui des psychiatres » qui prescrivaient la poursuite du programme de soins, faute pour ce dernier de produire des éléments ou avis médicaux « se prononçant sur l'inadaptation du traitement en cours à sa situation », sans rechercher si les troubles diagnostiqués et relatés par les psychiatres compromettaient la sûreté des personnes ou portaient atteinte de façon grave à l'ordre public, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3211-2-1, L. 3213-1 du code de la santé publique et de l'article 5 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3213-1 du code de la santé publique :

4. Il résulte de ce texte que le juge ne peut maintenir une mesure de soins sans consentement sur décision du représentant de l'Etat sans constater que la personne présente des troubles mentaux qui nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public.

5. Pour rejeter la demande de mainlevée du programme de soins, l'ordonnance se borne à retenir qu'il n'appartient pas au juge de substituer son avis à celui des psychiatres, consignés dans les certificats et avis médicaux prescrivant la poursuite des soins selon des modalités thérapeutiques déterminées, et que M. [R] ne produit aucun élément ou avis médical sur l'inadaptation du traitement en cours à sa situation.

6. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les troubles mentaux constatés nécessitant des soins compromettaient la sûreté des personnes ou portaient gravement atteinte à l'ordre public, le premier président n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 4 janvier 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de [Localité 5] ;


DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [R]

M. [R] fait grief à l'ordonnance confirmative attaquée d'AVOIR rejeté sa demande tendant à voir ordonner la mainlevée du programme de soins et d'AVOIR rejeté sa demande subsidiaire d'expertise ;

1°) ALORS QU'une personne ne peut être admise ou maintenue en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat dans le département, sous la forme d'une hospitalisation complète ou sous une autre forme, qu'à la condition qu'il soit constaté qu'elle souffre de troubles mentaux compromettant la sécurité des personnes ou portant gravement atteinte à l'ordre public ; qu'en se bornant à juger, pour ordonner la poursuite du programme de soins de M. [R], qu'il ne lui aurait pas appartenu de « substituer son avis à celui des psychiatres » qui prescrivaient la poursuite du programme de soins, faute pour ce dernier de produire des éléments ou avis médicaux « se prononçant sur l'inadaptation du traitement en cours à sa situation » (ordonnance attaquée, p. 3, al. 2), sans rechercher si les troubles diagnostiqués et relatés par les psychiatres compromettaient la sûreté des personnes ou portaient atteinte de façon grave à l'ordre public, le premier Président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3211-2-1, L. 3213-1 du code de la santé publique et de l'article 5 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ;

2°) ALORS QU'une personne ne peut être admise ou maintenue en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat dans le département, sous la forme d'une hospitalisation complète ou sous une autre forme, qu'à la condition qu'il soit constaté qu'elle souffre de troubles mentaux compromettant la sécurité des personnes ou portant gravement atteinte à l'ordre public ; qu'en se bornant à juger, pour ordonner la poursuite du programme de soins de M. [R], qu'aux termes du dernier certificat médical de situation que ce dernier était irrégulier dans ses rendez-vous et portait des accusations de complot contre ses médecins et qu'il existait ainsi « un trouble du jugement et du raisonnement » et « des corrections délirantes inébranlables » qui justifieraient la poursuite du programme de soins (ordonnance dont appel, p. 2, al. 2), sans qu'il s'évince de ces motifs que ces troubles compromettaient la sûreté des personnes, ni qu'ils portaient atteinte de façon grave à l'ordre public, le premier Président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3211-2-1, L. 3213-1 du code de la santé publique et 5 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ;

3°) ALORS QUE la tardiveté de la notification d'un arrêté préfectoral maintenant un programme de soins entraîne sa mainlevée si elle a fait grief à l'intéressé ; qu'en se bornant à juger, pour écarter le moyen tiré de ce que le programme de soins n'avait pas été reconduit par un arrêté préfectoral de moins de six mois, que la production de la copie dudit arrêté à l'audience le « priv(ait) de toute portée » (ordonnance, p. 2, dern. al.), sans rechercher, ainsi qu'il y était invité, si la tardiveté de cette communication n'avait pas fait grief à M. [R] en l'empêchant d'exercer les voies de recours qui lui étaient ouvertes, le premier Président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique, ensemble l'article L. 3216-1 du même code.

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