26 octobre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-17.501

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:SO01121

Titres et sommaires

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Appréciation - Office du juge - Applications diverses

Ne donne pas de base légale à sa décision, la cour d'appel qui déclare nul le licenciement au motif que celui-ci est lié à l'état de santé du salarié, sans rechercher si la cessation d'activité de l'entreprise invoquée à l'appui du licenciement ne constitue pas la véritable cause du licenciement

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Nullité - Appréciation - Office du juge - Recherche de la cause véritable de la rupture - Applications diverses

Texte de la décision

SOC.

AF1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 octobre 2022




Cassation partielle


M. SOMMER, président



Arrêt n° 1121 FS-B

Pourvoi n° M 20-17.501



Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de M. [H].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 25 mai 2021.






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022

M. [J] [V], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 20-17.501 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant à M. [G] [H], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [V], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [H], et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Lacquemant, Nirdé-Dorail, conseillers, Mmes Pecqueur, Laplume, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mai 2020), M. [H], salarié de M. [V] et exerçant les fonctions de peintre, a été placé en arrêt de travail pour maladie le 30 mai 2017.

2. Le 6 décembre 2017, l'employeur a notifié au salarié son licenciement pour motif économique.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du licenciement et de le condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la nullité du licenciement, alors « que la cessation d'activité complète et définitive de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la circonstance que dès le 13 novembre 2017, l'employeur avait convoqué le salarié à un entretien préalable à un licenciement économique fixé au 21 novembre suivant, qu'à la suite d'une erreur de distribution de La Poste, le courrier avait été reçu moins de cinq [jours] ouvrables avant l'entretien, de sorte que l'employeur avait convoqué, par lettre du 20 novembre, le salarié à un nouvel entretien préalable à un licenciement économique le 27, avant de lui notifier, le 6 décembre, son licenciement économique pour cessation totale d'activité de l'entreprise au 31 décembre 2017, n'établissait pas que cette cessation d'activité constituait la cause du licenciement, d'autant qu'il résultait de ses propres constatations que c'était seulement postérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement pour motif économique que, le 24 novembre 2017, le salarié avait adressé à l'employeur un arrêt de travail pour maladie professionnelle, l'avait informé le 28 novembre d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de l'assurance maladie et qu'il avait pris l'attache de la médecine du travail pour une visite de reprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1233-3 et L. 1235-3-1 du code du travail ».

Réponse de la Cour

4. Vu les articles L. 1233-3 et L. 1235-1 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, le second dans sa rédaction issue de l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

5. Selon le premier de ces textes, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un motif non inhérent à la personne du salarié résultant d'une suppression d'emploi consécutive notamment à la cessation d'activité de l'entreprise. Selon le second de ces textes, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur.

6. Pour prononcer la nullité du licenciement, l'arrêt retient qu'au moment de la notification du licenciement le 6 décembre 2017, l'employeur était informé de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle par le salarié et de ce que le médecin du travail était saisi par celui-ci en vue d'une reprise, et que, dès lors, au moment de la notification du licenciement pour motif économique, l'employeur disposait d'éléments suffisants lui permettant de retenir que l'état de santé du salarié pourrait faire l'objet d'une inaptitude en lien avec l'activité professionnelle, et que le véritable motif du licenciement était lié à l'état de santé du salarié.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la cessation d'activité de l'entreprise invoquée à l'appui du licenciement ne constituait pas la véritable cause du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

8. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la nullité du licenciement et condamne M. [H] à payer à M. [V] à la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice causé par la nullité du licenciement, l'arrêt rendu le 20 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. [H] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. [V],

M. [J] [V] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la nullité du licenciement de M. [H] et d'avoir condamné à payer à ce dernier la somme 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la nullité du licenciement, outre 1 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Alors 1°) que la cessation d'activité complète et définitive de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement ; qu'en n'ayant pas recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la circonstance que dès le 13 novembre 2017, l'employeur avait convoqué le salarié à un « entretien préalable à un licenciement économique » fixé au 21 novembre suivant, qu'à la suite d'une erreur de distribution de La Poste, le courrier avait été reçu moins de cinq [jours] ouvrables avant l'entretien, de sorte que l'employeur avait convoqué, par lettre du 20 novembre, le salarié à un nouvel « entretien préalable à un licenciement économique » le 27, avant de lui notifier, le 6 décembre, son licenciement économique pour cessation totale d'activité de l'entreprise au 31 décembre 2017, n'établissait pas que cette cessation d'activité constituait la cause du licenciement, d'autant qu'il résultait de ses propres constatations que c'était seulement postérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement pour motif économique que, le 24 novembre 2017, le salarié avait adressé à l'employeur un arrêt de travail pour maladie professionnelle, l'avait informé le 28 novembre d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de l'assurance maladie et qu'il avait pris l'attache de la médecine du travail pour une visite de reprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1233-3 et L. 1235-3-1 du code du travail ;

Alors 2°) qu'en cas de litige sur l'existence d'une discrimination, le salarié qui l'invoque doit présenter des éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination ; qu'au vu de ces éléments, dans l'affirmative, il incombe à employeur de justifier sa décision par des éléments objectifs ; que l'employeur qui licencie le salarié en raison d'une cessation complète et définitive d'activité justifie objectivement par un élément étranger à toute discrimination la mesure de licenciement ; qu'en l'espèce, en ayant retenu que le licenciement du 6 décembre 2017 était nul car lié à l'état de santé du salarié, sans avoir constaté, d'abord, que M. [H] présentait des éléments laissant présumer qu'il avait été licencié en raison de son état de santé et, dans l'affirmative, sans avoir vérifié si l'employeur ne justifiait pas que le licenciement était objectivement justifié, comme il le soutenait, par la cessation d'activité de l'entreprise au 31 décembre 2017, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;

Alors 3°) qu'en se fondant sur les circonstances qu'au moment de la notification du licenciement pour motif économique, le 6 décembre 2017, l'employeur était informé d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle par le salarié et que le médecin du travail était saisi par celui-ci en vue d'une visite de reprise, et que « l'employeur disposait d'éléments suffisants lui permettant de retenir que l'état de santé du salarié pourrait faire l'objet d'une inaptitude en lien avec l'activité professionnelle », quand ces éléments étaient inopérants pour en déduire que « le véritable motif du licenciement était lié à l'état de santé du salarié » et non à la cessation définitive d'activité au 31 décembre 2017, d'autant qu'elle relevait par ailleurs que l'employeur « n'était pas informé du caractère professionnel de l'inaptitude envisagée » et n'avait pas connaissance de l'imminence d'un avis d'inaptitude pour origine professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1233-3 et L. 1235-3-1 du code du travail.

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