26 octobre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-12.085

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00617

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Prévention des difficultés - Procédure de conciliation - Echec de l'accord de conciliation - Effets - Caducité des nouvelles sûretés - Portée - Nouvelle avance garantie par un cautionnement - Exécution de l'engagement de caution

Si, selon l'article L. 611-12 du code de commerce, lorsqu'il est mis fin de plein droit à un accord de conciliation en raison de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire du débiteur, le créancier, qui a consenti à celui-ci des délais ou des remises de dettes dans le cadre de l'accord de conciliation, recouvre l'intégralité de ses créances et des sûretés qui les garantissaient, il ne conserve cependant pas le bénéfice des nouvelles sûretés obtenues dans le cadre de l'accord en contrepartie de ces délais ou de ces abandons de créances. En revanche, le créancier, qui a consenti, pour les besoins de l'accord, une avance donnant naissance à une nouvelle créance, garantie par un cautionnement, est en mesure de demander l'exécution par la caution de cet engagement, en dépit de la caducité de l'accord. Par conséquent, viole ce texte la cour d'appel qui, pour déclarer caduc le cautionnement du gérant de la société débitrice, retient que le concours consenti par la banque, destiné en partie au remboursement d'une ligne de découvert, qui constitue pour le surplus un nouvel apport en trésorerie, a été accordé dans le cadre de l'accord de conciliation auquel le prononcé du redressement judiciaire a mis fin et en déduit que l'échec de l'accord a entraîné la caducité de celui-ci dans son intégralité, notamment celle des engagements de caution

Texte de la décision

COMM.

DB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 octobre 2022




Cassation


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 617 FS-B

Pourvoi n° V 21-12.085




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 OCTOBRE 2022

La société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-12.085 contre l'arrêt rendu le 15 décembre 2020 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à M. [I] [G], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société BNP Paribas, de la SARL Corlay, avocat de M. [G], et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mmes Bélaval, Fontaine, M. Riffaud, Mmes Boisselet, Guillou, MM. Bedouet, Alt, conseillers, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes,15 décembre 2020), la société Saint Antoine BA (la société Saint Antoine) a conclu avec ses principaux créanciers un accord de conciliation homologué par un jugement du 12 avril 2012 selon lequel la société BNP Paribas (la banque) s'engageait à consentir un prêt de 75 000 euros, lequel a été signé le 4 mai suivant. M. [G], gérant de la société Saint Antoine, s'est rendu caution solidaire du prêt dans la limite de la somme de 86 250 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des intérêts de retard.

2. Le 30 octobre 2013, la société Saint Antoine a été mise en redressement judiciaire. La banque a déclaré sa créance le 19 novembre suivant et a prononcé la déchéance du terme du prêt le 24 décembre 2015 puis a assigné M. [G] en paiement le 19 juin 2015.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer caduc le cautionnement et de rejeter les autres demandes, alors « que la caducité du plan de conciliation résultant de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire n'entraîne pas l'extinction des sûretés qui garantissent le remboursement d'un nouvel apport de trésorerie consenti au débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le prêt de 75 000 euros accordé le 4 mai 2012 à la société Saint Antoine BA par la société BNP Paribas constituait à hauteur de 50.000 euros "un nouvel apport en trésorerie bénéficiant du privilège de conciliation" ; qu'en retenant néanmoins que l'engagement de caution de M. [G] garantissant le remboursement de ce prêt était devenu caduc en raison du placement de la société Saint Antoine BA en redressement judiciaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses
propres constatations, a violé l'article L. 611-12 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 611-12 du code de commerce :

4. Si, selon ce texte, lorsqu'il est mis fin de plein droit à un accord de conciliation en raison de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire du débiteur, le créancier, qui a consenti à celui-ci des délais ou des remises de dettes dans le cadre de l'accord de conciliation, recouvre l'intégralité de ses créances et des sûretés qui les garantissaient, il ne conserve cependant pas le bénéfice des nouvelles sûretés obtenues dans le cadre de l'accord en contrepartie de ces délais ou de ces abandons de créances.

5. En revanche, le créancier, qui a consenti, pour les besoins de l'accord, une avance donnant naissance à une nouvelle créance, garantie par un cautionnement, est en mesure de demander l'exécution par la caution de cet engagement, en dépit de la caducité de l'accord.

6. Pour déclarer caduc le cautionnement de M. [G], l'arrêt retient que le concours de 75 000 euros consenti par la banque, destiné en partie au remboursement d'une ligne de découvert, qui constitue pour le surplus un nouvel apport en trésorerie, a été accordé dans le cadre de l'accord de conciliation auquel le prononcé du redressement judiciaire a mis fin et en déduit que l'échec de l'accord a entraîné la caducité de celui-ci dans son intégralité, notamment celle des engagements de caution.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, qui est inopérante, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne M. [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] et le condamne à payer à la société BNP Paribas la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société BNP Paribas.

La société BNP Paribas fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré caduc le cautionnement de M. [G] en date du 4 mai 2012 et d'AVOIR rejeté les autres demandes des parties ;

AUX MOTIFS QUE l'ouverture d'une procédure de liquidation met fin de plein droit à l'accord de conciliation homologué par le tribunal dans le cadre de la prévention des difficultés de l'entreprise : Article L 611-12 du code de commerce, dans sa version issue de la loi du 26 juillet 2005, applicable au présent litige : «L'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire met fin de plein droit à l'accord constaté ou homologué en application de l'article L. 611-8. En ce cas, les créanciers recouvrent l'intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, sans préjudice des dispositions prévues à l'article L. 611-11.» ; que la BNP a accordé, dans le cadre du protocole de conciliation, un prêt de 75.000 euros à la société Saint Antoine, dont 25.000 euros étaient destinés au remboursement d'une ligne de découvert et 50.000 euros constituaient un nouvel apport en trésorerie bénéficiant du privilège de conciliation ; que ce concours, accordé dans le cadre de l'accord de conciliation, a été cautionné à hauteur de 86.250 euros par M. [G] ; que M. [G] considère que la BNP a, dans le cadre de l'accord de conciliation, obtenu une nouvelle garantie et que l'ouverture du redressement judiciaire de la société Saint Antoine aurait mis fin à cet accord rendant son cautionnement à hauteur de 86.250 euros caduc ; que si selon l'article L 611-12 du code de commerce, lorsqu'il est mis fin de plein droit à un accord de conciliation en raison de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire du débiteur, le créancier qui a consenti à celui-ci des délais ou des remises de dette dans le cadre de l'accord de conciliation recouvre l'intégralité de ses créances et des sûretés qui les garantissaient, il ne conserve pas le bénéfice des nouvelles sûretés obtenues dans le cadre de l'accord ; que l'échec de l'accord entraîne la caducité de celui-ci dans son intégralité et notamment des engagements de caution ; que dans le cadre de l'accord de conciliation, la BNP a accordé une nouvelle ouverture de trésorerie de 50.000 euros et le remboursement du découvert existant pour 25.000 euros ; qu'ainsi, du fait de l'échec du protocole de conciliation, la BNP n'a pas conservé le bénéfice de l'engagement de caution accordé par M. [G] dans le cadre de l'accord de conciliation homologué par le tribunal ; que cet engagement est caduc ;

1) ALORS QUE la caducité du plan de conciliation résultant de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire n'entraîne pas l'extinction des sûretés consenties en contrepartie de l'aménagement des dettes du débiteur ; qu'en retenant, pour débouter la société BNP Paribas de sa demande en paiement contre M. [G], que «l'échec de l'accord entraîne la caducité de celui-ci dans son intégralité et notamment des engagements de caution» (arrêt, p. 3, dernier §), la cour d'appel a violé l'article L. 611-12 du code de commerce ;

2) ALORS, en toute hypothèse, QUE la caducité du plan de conciliation résultant de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire n'entraîne pas l'extinction des sûretés qui garantissent le remboursement d'un nouvel apport de trésorerie consenti au débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le prêt de 75.000 euros accordé le 4 mai 2012 à la société Saint Antoine BA par la société BNP Paribas constituait à hauteur de 50.000 euros «un nouvel apport en trésorerie bénéficiant du privilège de conciliation» (arrêt, p. 3, antépénultième §, et p. 4, § 1) ; qu'en retenant néanmoins que l'engagement de caution de M. [G] garantissant le remboursement de ce prêt était devenu caduc en raison du placement de la société Saint Antoine BA en redressement judiciaire (arrêt, p. 4, § 2), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 611-12 du code de commerce.

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