26 octobre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-22.416

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00616

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Sauvegarde - Période d'observation - Déclaration de créances - Délai - Augmentation de deux mois - Bénéficiaires - Représentant légal ou délégataire de celui-ci - Absence de l'établissement en France

La cour d'appel, qui constate que la personne d'une société, créancière demeurant hors du territoire de la France métropolitaine, ayant le pouvoir de déclarer sa créance, qu'elle fût le représentant légal ou un délégataire de celui-ci, ne se trouvait pas au sein de son établissement en France mais à son siège social à l'étranger, de sorte qu'elle subissait la contrainte résultant de son éloignement, peut en déduire que cette société doit bénéficier de l'allongement du délai de déclaration de créance prévu à l'article R. 622-24, alinéa 2, du code de commerce

DELAIS - Augmentation en raison de la distance - Domaine d'application - Sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires - Délai de déclaration des créances

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 octobre 2022




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 616 FS-B

Pourvoi n° D 20-22.416




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 26 OCTOBRE 2022

La société Findi Real Estate, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° D 20-22.416 contre l'arrêt rendu le 3 novembre 2020 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [O] [N], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], en la personne de M. [O] [N], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Findi Real Estate,

2°/ à la société Citibank Europe PLC, dont le siège est [Adresse 1] (Irlande), venant aux droits de la société Citibank International Limited,

défenderesses à la cassation.

La société Citibank Europe PLC a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société Findi Real Estate, de Me Laurent Goldman, avocat de la société Citibank Europe PLC, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [O] [N], en la personne de M. [O] [N], ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 13 septembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Fontaine, M. Riffaud, Mmes Boisselet, Guillou, MM. Bedouet, Alt, conseillers, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, Kass-Danno, conseillers référendaires, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 novembre 2020), la SCI Le Sevine (la SCI) a été créée en 2000 pour l'achat d'un terrain en vue de la construction d'un immeuble. Les sociétés Findi Real Estate (la société Findi) et France Invest Real Estate (la société Fire) ont été constituées afin d'acquérir les parts sociales de la société mère de la SCI, la société Barbanniers.

2. Le 12 juillet 2006, la société Citibank International PLC, aux droits de laquelle vient la société Citibank Europe PLC (la société Citibank), a consenti un prêt à la société Findi d'un montant principal de 61 900 000 euros, remboursable in fine le 16 juillet 2011. Le même jour, la société Findi a consenti à la SCI un prêt de 41 958 999,69 euros afin de refinancer son compte courant d'associé et a cédé à la société Fire la totalité des parts sociales qu'elle venait d'acquérir et la créance de refinancement détenue à l'égard de la SCI ainsi que les garanties les accompagnant. Une partie du prix de cession a été stipulée payable à la date d'échéance finale du prêt Citibank.

3. Le 26 juin 2007, la société Citibank a cédé par voie de titrisation sa créance au titre du prêt consenti à la société Findi le 12 juillet 2006 au fonds commun de créance Europrop, devenu FCT Europrop (le FCT), ainsi que l'intégralité des sûretés et privilèges attachés à cette créance.

4. Par un jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 12 juillet 2011, publié au Bodacc le 27 juillet suivant, la société Findi a été mise en procédure de sauvegarde, la société [O] [N] étant désignée mandataire judiciaire. Un plan de sauvegarde a été arrêté le 28 juin 2012 dont la durée a été prolongée jusqu'au 28 juin 2020.

5. Le 26 septembre 2011, le FCT a déclaré au passif de la société Findi une créance privilégiée de 61 900 000 euros en principal, outre intérêts, au titre du prêt. Puis, le 18 novembre 2011, le FCT a assigné la société Citibank aux fins de résolution du contrat de cession du prêt à son profit et de réparation du préjudice subi. Un arrêt du 6 février 2019 a prononcé la résolution judiciaire de l'acte de cession de créances et des annexes conclu entre la société Citibank et le FCT.

6. Le 25 novembre 2011, la société Citibank a également déclaré au passif de la société Findi une créance « éventuelle » identique à celle déclarée par le FCT, qui a été contestée.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. La société Findi fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la déclaration de créance par la société Citibank et d'admettre la créance principale à hauteur de 61 900 000 euros, alors :

« 1°/ que lorsqu'une procédure collective est ouverte par une juridiction qui a son siège sur le territoire de la France métropolitaine, le délai de déclaration des créances est augmenté exceptionnellement de deux mois pour les créanciers qui ne demeurent pas sur ce territoire ; que le lieu où demeure une société est la France si celle-ci y dispose d'un établissement ayant une activité en lien avec le litige ; qu'en l'espèce, en jugeant que l'allongement du délai de déclaration de créances est déterminé par le lieu du seul siège social de la société Citibank où se trouvent les organes habilités à la représenter en justice et donc à déclarer les créances ou à déléguer ce pouvoir, pour en déduire que cette société devait bénéficier de l'allongement du délai de déclaration, tout en constatant que "la référence de l'article R. 622-24 du code de commerce à la demeure du créancier se comprend au regard de l'article 43 du code de procédure civile, selon lequel le lieu où demeure une personne morale s'entend du lieu où celle-ci est établie", la cour d'appel a violé l'article R. 622-24 du code de commerce ;

2°/ qu'en jugeant que, demeurant hors le territoire de la France métropolitaine, la société Citibank devait bénéficier de l'allongement du délai de déclaration, lorsqu'elle relevait que les négociations ayant abouti au prêt litigieux objet de la déclaration de créances avaient été menées par le préposé d'un établissement de la société Citibank situé à [Localité 7], lequel avait par ailleurs reçu le pouvoir de signer le contrat de prêt et d'accomplir les actes d'exécution de celui-ci, sans en conclure que la société Citibank disposait en France métropolitaine d'un établissement autonome ayant une activité en lien avec le litige, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article R. 622-24 du code de commerce ;

3°/ qu'en retenant que la preuve n'est pas rapportée que le préposé de la succursale parisienne de la société Citibank global markets limited était également le préposé de la succursale française de la société Citibank International PLC, pour en déduire que la société Citibank devait bénéficier de l'allongement du délai de déclaration, lorsqu'elle constatait qu'en plus d'être situées à la même adresse à [Localité 7], ces deux succursales appartiennent au groupe Citibank, de sorte que le seul constat tiré d'un pouvoir de négociation, de signature et d'exécution du prêt confié à l'un de leur préposé suffisait à retenir que la société Citibank disposait en France métropolitaine d'un établissement autonome ayant une activité en lien avec le litige ;

4°/ que l'allongement du délai de déclaration de créances prévu par l'alinéa 2e de l'article R. 622-24 du code de commerce édicte un régime dérogatoire au délai de droit commun dont la seule finalité est de compenser au profit du créancier demeurant hors de la France métropolitaine la contrainte résultant de l'éloignement ; qu'en l'espèce, en jugeant cet article applicable au bénéfice de la société Citibank, lorsqu'elle constatait que si celle-ci a procédé à une déclaration de créances le 25 novembre 2011, c'est "compte tenu de la remise en cause de l'opération par le FCT", ce dont il s'inférait que le délai de distance n'a pas été invoqué par la société Citibank conformément à sa finalité, la cour d'appel a violé l'article R. 622-24 du code de commerce ;

5°/ qu'en tout état de cause, en retenant que la société Citibank a procédé à une déclaration de créances le 25 novembre 2011 "compte tenu de la remise en cause de l'opération par le FCT" et que le délai de distance permet au créancier ne demeurant pas sur le territoire de la France métropolitaine de surmonter les difficultés liées à la langue et à la connaissance du droit français, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°/ qu'en tout état de cause, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article R. 622-24 du code de commerce en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était pourtant invitée si, en tant qu'elle était chargée légalement de la gestion et du recouvrement du prêt litigieux sur le territoire de la France métropolitaine, qu'elle connaissait les difficultés de la société Findi Real Estate et qu'elle était informée dès son ouverture de l'existence de la procédure de sauvegarde, la société Citibank suivait attentivement le sort de sa société débitrice, dont elle était particulièrement proche, de sorte que la cour d'appel en aurait déduit qu'elle n'a souffert d'aucun éloignement qui l'aurait empêché de déclarer sa créance dans le délai de droit commun de deux mois ;

7°/ qu'en ne répondant pas au moyen péremptoire tiré de ce que l'octroi d'un délai de distance à la société Citibank conduirait à reconnaître l'existence de deux délais de déclaration distincts pour une seule et même personne, et ce dans la mesure où la société Citibank était légalement en charge du recouvrement du Prêt CITI pour le compte du FCT EUROPROP, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. Après avoir constaté qu'il n'était pas contesté, d'une part, que la société Citibank était une société de droit anglais qui avait son siège social et son principal établissement à [Localité 6] tant lors de la conclusion du contrat, le 12 juillet 2006, que lors de la déclaration de créance, le 25 novembre 2011, d'autre part, qu'elle disposait également d'un établissement situé à [Localité 7], l'arrêt relève, d'abord, que l'offre de prêt, rédigée en anglais, a été signée par Mme [A], managing director de la société Citibank, que le prêt a été accordé par cette société anglaise « agissant par l'intermédiaire de sa succursale de [Localité 6] représentée par M. [U] [H] et Mme [T] [W], dûment habilités », que le contrat de prêt stipule que toutes les communications relatives aux accords de financement devaient être réalisées pour la société Citibank à son adresse de [Localité 6] en la personne de M. [B] [D], et retient que l'accord du comité de crédit, à l'en-tête Citigroup, rédigé en anglais, montre que si M. [K] était le sponsoring officer, en revanche, l'Originating unit, l'Approving unit et l'Administrative agent bank étaient « [Localité 6] Sec Europe », que les notifications d'intérêts du prêt ont été émises le 18 septembre 2006 par M. [B] [D], que les mails échangés courant avril, mai et juin 2011 entre DTZ Investors pour la société Findi et la société Citibank, aux fins d'obtention d'une prorogation d'un an de l'échéance du prêt, ont été adressés en anglais à M. [B] [D], et que la notification du défaut de remboursement du prêt a été adressée à la société Findi par la société Citibank, depuis son adresse de [Localité 6], et signée par M. [B] [D].

9. L'arrêt relève ensuite que si les négociations ayant abouti au prêt litigieux ont été menées pour l'essentiel par M. [K] « Director - Real estate finance, Citigroup global markets limited, a member of Citigroup,[Adresse 2] », qui avait reçu les 8 mai et 29 juin 2006 le pouvoir de signer le contrat de prêt et d'accomplir les actes d'exécution de celui-ci, et ce, jusqu'au 31 juillet 2006, son bloc de signature indique qu'il était un préposé de la succursale française de la société Citibank Global Markets Limited, dont l'adresse, figurant sur le Kbis, était également au [Adresse 2]. L'arrêt retient que la preuve n'est pas rapportée qu'il était également le préposé de la succursale française de la société Citibank, et que, même à supposer qu'il l'eût été, cela démontrerait seulement que cet établissement n'avait joui d'une certaine autonomie que pour représenter la société lors des négociations, et que la preuve n'est pas établie que les pouvoirs de MM. [H] et [K], relatifs à ce prêt, auraient été prolongés au-delà du mois de juillet 2006 ni que ceux-ci auraient eu le pouvoir d'engager la société Citibank auprès des tiers au-delà de cette date ni qu'ils auraient eu qualité pour déclarer la créance en 2011.

10. De ces constatations et appréciations, d'où il résulte qu'à la date de la publication du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, la personne de la société Citibank ayant le pouvoir de déclarer sa créance, qu'elle fût le représentant légal ou un délégataire de celui-ci, ne se trouvait pas au sein de son établissement en France mais à son siège social à l'étranger, de sorte qu'elle subissait la contrainte résultant de son éloignement, la cour d'appel a pu déduire, par un arrêt motivé et sans se contredire, que la société Citibank, créancière demeurant hors du territoire de la France métropolitaine, devait bénéficier de l'allongement du délai de déclaration de créance prévu à l'article R. 622-24, alinéa 2, du code de commerce, sans que la domiciliation professionnelle de M. [K] à [Localité 7], l'information qui lui avait été donnée quant à l'ouverture de la procédure collective et les arguments relatifs à l'opération distincte de titrisation comme au mandat légal de recouvrement qui lui avait été confié par le FCT, ne puissent l'en priver.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident

Enoncé du moyen

12. La société Citibank fait grief à l'arrêt d'admettre sa créance à titre privilégié selon les sûretés au titre du prêt Citi régulières, à savoir le nantissement du solde des trois comptes bancaires ouverts par la société Findi, la délégation des sommes dues à la société Findi par la banque de couverture de taux au titre de la convention de couverture de taux et le nantissement des titres de la société Findi, alors « que dans ses conclusions d'appel, la société Citibank faisait valoir que "l'irrégularité des bordereaux Dailly ne signifie pas que les créances qui en étaient l'objet ne sont plus affectées en sûreté de la créance de Prêt Citibank", dès lors que "les cessions Dailly jugées irrégulières par la cour d'appel de Paris ont en tout état de cause dégénéré en nantissements" ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, de nature à établir que la créance déclarée par la banque était également garantie par ces nantissements et ne devait donc pas être admise à titre privilégié selon les seules sûretés décrites dans les écritures de la société Findi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

13. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

14. Pour limiter le nombre des sûretés garantissant la créance de la société Citibank, l'arrêt retient qu'à la suite de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 février 2019, la société Citibank ne peut plus bénéficier des sûretés attachées au contrat de cession annulé.

15. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Citibank qui soutenait que les cessions Dailly jugées irrégulières par la cour d'appel de Paris avaient dégénéré en nantissements, de sorte que cette société était bien fondée à solliciter aussi son admission à titre privilégié à cet égard, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident

Enoncé du moyen

16. La société Citibank fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de paiement provisionnel, alors « qu'une juridiction d'appel, saisie d'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des prétentions nouvelles, est tenue de l'examiner d'office au regard de chacune des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile ; qu'en se bornant à relever, pour dire irrecevable la demande de paiement provisionnel formée pour la première fois à hauteur d'appel par la société Citibank, qu'elle ne tendait ni à faire écarter une prétention adverse, ni aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, sans rechercher si cette demande n'était pas née de la survenance d'un fait nouveau, tiré de la vente de l'immeuble [Adresse 5] au prix de 53 millions d'euros postérieurement à l'ordonnance du juge-commissaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 564 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 564 à 566 du code de procédure civile :

17. La cour d'appel est tenue d'examiner au regard de chacune des exceptions prévues aux textes susvisés si la demande est nouvelle. Aux termes du premier de ces textes, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

18. Pour déclarer irrecevable la demande de provision de la société Citibank, l'arrêt retient que la demande est nouvelle en cause d'appel et qu'elle ne tend ni à faire écarter une prétention adverse, l'objet du litige concernant l'admission au passif de sa créance, ni aux mêmes fins puisque l'admission d'une créance au passif se distingue des modalités de répartition de celle-ci.

19. En se déterminant ainsi, sans rechercher, au besoin d'office, si la demande de provision, qui n'avait pas été formée devant le juge-commissaire, ne se fondait pas sur la survenance de la vente de l'immeuble après l'ordonnance de ce juge frappée d'appel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il admet la créance à titre privilégié selon les sûretés au titre du prêt Citi régulières, à savoir le nantissement du solde des trois comptes bancaires ouverts par la société Findi, la délégation des sommes dues à la société Findi par la banque de couverture de taux au titre de la convention de couverture de taux et le nantissement des titres de la société Findi, en ce qu'il déclare irrecevable la demande de paiement provisionnel formée par la société Citibank Europe PLC et en ce qu'il statue sur les dépens, l'arrêt rendu le 3 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Findi Real Estate aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Spinosi, avocat aux Conseils, pour la société Findi Real Estate.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Findi Real Estate de sa fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la créance déclarée par la société Citibank, partant, d'avoir confirmé l'ordonnance en ce qu'elle a admis la créance principale à hauteur de 61.900.000 euros ;

1°) Alors que, d'une part, lorsqu'une procédure collective est ouverte par une juridiction qui a son siège sur le territoire de la France métropolitaine, le délai de déclaration des créances est augmenté exceptionnellement de deux mois pour les créanciers qui ne demeurent pas sur ce territoire ; que le lieu où demeure une société est la France si celle-ci y dispose d'un établissement ayant une activité en lien avec le litige ; qu'en l'espèce, en jugeant que l'allongement du délai de déclaration de créances est déterminé par le lieu du seul siège social de la société Citibank où se trouvent les organes habilités à la représenter en justice et donc à déclarer les créances ou à déléguer ce pouvoir, pour en déduire que cette société devait bénéficier de l'allongement du délai de déclaration, tout en constatant que « la référence de l'article R.622-24 du code de commerce à la demeure du créancier se comprend au regard de l'article 43 du code de procédure civile, selon lequel le lieu où demeure une personne morale s'entend du lieu où celle-ci est établie », la cour d'appel a violé l'article R. 622-24 du code de commerce ;

2°) Alors que, d'autre part, en jugeant que, demeurant hors le territoire de la France métropolitaine, la société Citibank devait bénéficier de l'allongement du délai de déclaration, lorsqu'elle relevait que les négociations ayant abouti au prêt litigieux objet de la déclaration de créances avaient été menées par le préposé d'un établissement de la société Citibank situé à [Localité 7], lequel avait par ailleurs reçu le pouvoir de signer le contrat de prêt et d'accomplir les actes d'exécution de celui-ci, sans en conclure que la société Citibank disposait en France métropolitaine d'un établissement autonome ayant une activité en lien avec le litige, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé l'article R. 622-24 du code de commerce ;

3°) Alors que, de troisième part, en retenant que la preuve n'est pas rapportée que le préposé de la succursale parisienne de la société Citibank global markets limited était également le préposé de la succursale française de la société Citibank international Plc, pour en déduire que la société Citibank devait bénéficier de l'allongement du délai de déclaration, lorsqu'elle constatait qu'en plus d'être situées à la même adresse à [Localité 7], ces deux succursales appartiennent au groupe Citibank, de sorte que le seul constat tiré d'un pouvoir de négociation, de signature et d'exécution du prêt confié à l'un de leur préposé suffisait à retenir que la société Citibank disposait en France métropolitaine d'un établissement autonome ayant une activité en lien avec le litige ;

4°) Alors que, de quatrième part, l'allongement du délai de déclaration de créances prévu par l'alinéa 2ème de l'article R. 622-24 du code de commerce édicte un régime dérogatoire au délai de droit commun dont la seule finalité est de compenser au profit du créancier demeurant hors de la France métropolitaine la contrainte résultant de l'éloignement ; qu'en l'espèce, en jugeant cet article applicable au bénéfice de la société Citibank, lorsqu'elle constatait que si celle-ci a procédé à une déclaration de créances le 25 novembre 2011, c'est « compte tenu de la remise en cause de l'opération par le FCT » (arrêt, p. 2), ce dont il s'inférait que le délai de distance n'a pas été invoqué par la société Citibank conformément à sa finalité, la cour d'appel a violé l'article R. 622-24 du code de commerce ;

5°) Alors que, de cinquième part, en tout état de cause, en retenant que la société Citibank a procédé à une déclaration de créances le 25 novembre 2011 « compte tenu de la remise en cause de l'opération par le FCT » (arrêt, p. 2) et que le délai de distance permet au créancier ne demeurant pas sur le territoire de la France métropolitaine de surmonter les difficultés liées à la langue et à la connaissance du droit français, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6°) Alors que, de sixième part, en tout état de cause, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article R. 622-24 du code de commerce en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était pourtant invitée (conclusions d'appel, pp. 74-76) si, en tant qu'elle était chargée légalement de la gestion et du recouvrement du prêt litigieux sur le territoire de la France métropolitaine, qu'elle connaissait les difficultés de la société Findi Real Estate et qu'elle était informée dès son ouverture de l'existence de la procédure de sauvegarde, la société Citibank suivait attentivement le sort de sa société débitrice, dont elle était particulièrement proche, de sorte que la cour d'appel en aurait déduit qu'elle n'a souffert d'aucun éloignement qui l'aurait empêché de déclarer sa créance dans le délai de droit commun de deux mois ;

7°) Alors que, de septième part, en ne répondant pas au moyen péremptoire tiré de ce que l'octroi d'un délai de distance à la société Citibank conduirait à reconnaître l'existence de deux délais de déclaration distincts pour une seule et même personne, et ce dans la mesure où la société Citibank était légalement en charge du recouvrement du Prêt CITI pour le compte du FCT EUROPROP (conclusions d'appel, pp. 72-73), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. Moyens produits au pourvoi incident par Me Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour la société Citibank Europe PLC.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Citibank fait grief à l'arrêt attaqué de n'avoir admis sa créance à titre privilégié que selon les « sûretés au titre du prêt Citi régulières, à savoir le nantissement du solde des trois comptes bancaires ouverts par Findi, la délégation des sommes dues à Findi par la banque de couverture de taux au titre de la convention de couverture de taux et le nantissement des titres de Findi » ;

1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société Citibank faisait valoir que « l'irrégularité des bordereaux Dailly ne signifie pas que les créances qui en étaient l'objet ne sont plus affectées en sûreté de la créance de Prêt Citibank », dès lors que « les cessions Dailly jugées irrégulières par la cour d'appel de Paris ont en tout état de cause dégénéré en nantissements » (p. 40, point 108) ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, de nature à établir que la créance déclarée par la banque était également garantie par ces nantissements et ne devait donc pas être admise à titre privilégié selon les seules sûretés décrites dans les écritures de la société Findi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en retenant également que la société Citibank ne contestait pas les écritures de la société Findi, en ce qu'elle prétendait que la créance de la banque ne devait être admise à titre privilégié qu'au titre des sûretés « régulières » du prêt Citi, à savoir le nantissement du solde des trois comptes bancaires ouverts par Findi, la délégation des sommes dues à Findi par la banque de couverture de taux et le nantissement des titres de Findi, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE, en tout état de cause, dans son arrêt du 6 février 2019, la cour d'appel de Paris a jugé que les cessions Dailly litigieuses étaient « irrégulières » et qu'un acte de cession Dailly « irrégulier n'est pas nul mais simplement disqualifié » ; qu'en retenant néanmoins, pour n'admettre la créance de la banque à titre privilégié que selon certaines sûretés, qu'en suite de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 février 2019, la société Citibank ne pouvait plus bénéficier des sûretés attachées au contrat de cession qui aurait été « annulé », la cour d'appel a dénaturé l'arrêt précité et ainsi violé l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société Citibank fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable sa demande de paiement provisionnel ;

1°) ALORS QU'une juridiction d'appel, saisie d'une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des prétentions nouvelles, est tenue de l'examiner d'office au regard de chacune des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile ; qu'en se bornant à relever, pour dire irrecevable la demande de paiement provisionnel formée pour la première fois à hauteur d'appel par la société Citibank, qu'elle ne tendait ni à faire écarter une prétention adverse, ni aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, sans rechercher si cette demande n'était pas née de la survenance d'un fait nouveau, tiré de la vente de l'immeuble [Adresse 5] au prix de 53 millions d'euros postérieurement à l'ordonnance du juge-commissaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 564 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher également si la demande de paiement provisionnel formée par la société Citibank n'était pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaires de sa demande d'admission de sa créance au passif de la société Findi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 566 du code de procédure civile.

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