20 octobre 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/18632

Pôle 1 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2022



(n° , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/18632 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CERWH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Octobre 2021 -Président du TJ de Paris / France - RG n° 20/56747





APPELANTE





LA VILLE DE [Localité 8], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 7], Mme [J] [D], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 6]

[Localité 3]



Représentée et assistée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844







INTIMEES





S.C.I. MAZALIM, SIREN 327 422 077



[Adresse 5]

[Localité 4]



Représentée et assistée par Me Joëlle MOUCHART GOLDZAHL de l'AARPI SQUAIR, avocat au barreau de PARIS, toque : P0509



S.A.S. LIVINPARIS



[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée et assistée par Me Jonathan AYACHE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1706





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 15 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :



Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère





qui en ont délibéré,un rapport a été présenté à l'audience par Thomas RONDEAU, Conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL





ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.




*****



EXPOSÉ DU LITIGE



Procédure n° RG 21/18632



Par exploit des 18 et 22 septembre 2020, la Ville de [Localité 7] a fait assigner la société SCI Mazalim et la société SAS Livinparis devant le président du tribunal judiciaire de Paris selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement notamment des dispositions de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation, concernant l'appartement situé [Adresse 5]) (3ème étage).



Par jugement du 3 décembre 2020, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 7] dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la comptabilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.



Par arrêt du 22 septembre 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).



Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de [Localité 7] sur le changement d'usage est conforme à la réglementation européenne.



L'affaire a été rétablie à l'audience du 10 septembre 2021.



Par conclusions déposées et soutenues à l'audience, la Ville de [Localité 7] a demandé au magistrat saisi de :



' constater l'infraction commise par la société Mazalim et la société Livinparis ;

' condamner solidairement la société Mazalim et la société Livinparis à payer à la Ville de [Localité 7] une amende civile de 50.000 euros ;

' condamner la société Mazalim à payer à la Ville de [Localité 7] une amende civile de 10.000 euros ;

' condamner solidairement les sociétés Mazalim et Livinparis à payer à la Ville de [Localité 7] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' les condamner solidairement aux entiers dépens.



En réplique, la SCI Mazalim a demandé à titre principal qu'elle soit dispensée du paiement d'une amende civile et à titre subsidiaire que le montant de l'amende soit ramenée à une somme qui ne puisse excéder 2.000 euros.



La société Livinparis a demandé à titre principal le rejet des demandes et à titre subsidiaire la condamnation de la SCI Mazalim à la relever indemne et à la garantir de toute condamnation et/ou astreinte



Par jugement contradictoire du 15 octobre 2021, le président du tribunal judiciaire de Paris statuant selon la procédure accélérée a :



- condamné la SCI Mazalim à payer une amende civile d'un euro (1 euro), dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 7] ;

- rejeté la demande de la Ville de [Localité 7] fondée sur les dispositions de l'article L. 324-1-1 IV du code du tourisme ;

- dispensé la SCI Mazalim du paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.



Par déclaration du 27 octobre 2021, la Ville de [Localité 7] a relevé appel de cette décision.



Dans ses conclusions remises le 06 avril 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la Ville de [Localité 7] demande à la cour, au visa de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 modifié par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, de l'article 492-1 du code de procédure civile, de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, de l'article L. 632-1 du code de la construction et de l'habitation, de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation modifiée par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 et des articles L. 324-1-1 et suivants du code du tourisme, de :



- juger celle-ci recevable et bien fondée en son appel ;

- joindre les procédures inscrites au rôle de la cour d'appel de Paris sous les RG 21/18632 et 21/18681 et RG 21/18651 afin qu'elles se poursuivent sous le RG 21/18651 ;

- infirmer le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 15 octobre 2021 (RG

20/56747), en toutes ses dispositions, en ce qu'il a :

' condamné la SCI Mazalim à payer une amende civile d'un euro (1 euro), dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 7] ;

' rejeté la demande de la Ville de [Localité 7] dirigée contre la société SAS Livinparis ;

' rejeté la demande de la Ville de [Localité 7] fondée sur les dispositions de l'article L.324-1-1 IV du Code du tourisme ;

' dispensé la SCI Mazalim du paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant de nouveau,

- juger que la SCI Mazalim et la SAS Livinparis ont enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation en louant pour de courtes durées l'appartement situé au 3ème étage de l'immeuble du [Adresse 5] ;

- condamner in solidum la SCI Mazalim et la SAS Livinparis à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 7] conformément aux dispositions de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- juger que la SCI Mazalim a enfreint les dispositions de l'article L.324-1-1 IV du code de tourisme en ne transmettant le nombre de jours au cours desquels l'appartement a été loué dans le mois qui a suivi la demande ;

- condamner la SCI Mazalim à payer une amende civile de 10.000 euros de l'article L.324-1-1 V du code du tourisme et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 7] ;

en tout état de cause,



- débouter la SCI Mazalim et la SAS Livinparis de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

- condamner in solidum la SCI Mazalim et la SAS Livinparis à verser à la Ville de [Localité 7] une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum la SCI Mazalim et la SAS Livinparis aux entiers dépens d'instance et d'appel.



Par conclusions remises le 06 avril 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SCI Mazalim demande à la cour de :



- confirmer dans toutes leurs dispositions les jugements RG 20/56747 et RG 20/56742 rendus le 15 octobre 2021 par le président du tribunal judiciaire ;

- débouter la Ville de [Localité 7] de toutes ses demandes ;

- statuer ce que de droit sur les demandes de la société Livinparis ;

- condamner la Ville de [Localité 7] aux dépens d'appel.



Par conclusions remises le 18 février 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SAS Livinparis demande à la cour de :



in limine litis,

- ordonner la jonction de la présente instance avec celle distribuée à la 2ème chambre du pôle 1 de la cour d'appel de Paris et portant le numéro RG 21/18651 ;

- la recevoir en ses demandes, fins et prétentions ;

- confirmer le jugement déféré de tous les chefs dont appel ;

et ce faisant,

- débouter la Ville de [Localité 7] de toutes ses demandes ;

- juger qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au regard des circonstances de la cause ;

subsidiairement si le jugement déféré devait être infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la ville dirigées contre elle,

- constater sa bonne foi et l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait d'avoir connaissance de la commission d'un manquement ;

- condamner la SCI Mazalim à relever indemne et la garantir de toute condamnation et/ou astreinte prononcée à son encontre, y compris les frais irrépétibles et dépens.



Procédure n° RG 21/18651



Par exploit des 22 septembre et 1er octobre 2020, la Ville de [Localité 7] a fait assigner la société SCI Mazalim et la société SAS Livinparis, devant le président du tribunal judiciaire de Paris selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement notamment des dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, concernant l'appartement situé [Adresse 5]) (4ème étage).



Par jugement du 3 décembre 2020, le président du tribunal a sursis à statuer sur les demandes de la Ville de [Localité 7] dans l'attente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne appelée, sur renvoi préjudiciel de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 15 nov. 2018, n°17-26.156), à apprécier la comptabilité de la réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, à la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006.



Par arrêt du 22 septembre 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a considéré la réglementation nationale conforme aux dispositions de la directive 2006/123/CE (CJUE, 22 septembre 2020, Cali Apartments, affaires jointes C-724/18 et C-727/18).







Par cinq arrêts en date du 18 février 2021, la Cour de cassation a tiré les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne. Elle a notamment jugé que la réglementation locale de la Ville de [Localité 7] sur le changement d'usage est conforme à la réglementation européenne.



L'affaire a été rétablie à l'audience du 10 septembre 2021.



Par conclusions déposées et soutenues à l'audience, la Ville de [Localité 7] a demandé au magistrat saisi de :



' constater l'infraction commise par la société Mazalim et la société Livinparis ;

' condamner solidairement la société Mazalim et la société Livinparis à payer à la Ville de [Localité 7] une amende civile de 50.000 euros ;

' condamner la société Mazalim à payer à la Ville de [Localité 7] une amende civile de 10.000 euros ;

' condamner solidairement les sociétés Mazalim et Livinparis à payer à la Ville de [Localité 7] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' les condamner solidairement aux entiers dépens.



En réplique, la SCI Mazalim a demandé à titre principal qu'elle soit dispensée du paiement d'une amende civile et à titre subsidiaire que le montant de l'amende soit ramenée à une somme qui ne puisse excéder 2.000 euros.



La société Livinparis a demandé à titre principal le rejet des demandes et à titre subsidiaire la condamnation de la SCI Mazalim à la relever indemne et à la garantir de toute condamnation et/ou astreinte



Par jugement contradictoire du 15 octobre 2021, le président du tribunal judiciaire de Paris statuant selon la procédure accélérée a :



- condamné la SCI Mazalim à payer une amende civile d'un euro (1 euro), dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 7] ;

- rejeté la demande de la Ville de [Localité 7] fondée sur les dispositions de l'article L. 324-1-1 IV du code du tourisme ;

- dispensé la SCI Mazalim du paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.



Par déclaration du 27 octobre 2021, la Ville de [Localité 7] a relevé appel de cette décision.



Dans ses conclusions remises le 18 janvier 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la Ville de [Localité 7] demande à la cour, au visa de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 modifié par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, de l'article 492-1 du code de procédure civile, de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, de l'article L. 632-1 du code de la construction et de l'habitation, de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation modifiée par la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 et des articles L. 324-1-1 et suivants du code du tourisme, de :



- juger celle-ci recevable et bien fondée en son appel ;

- joindre les procédures inscrites au rôle de la cour d'appel de Paris sous les RG 21/18632 et 21/18681 et RG 21/18651 afin qu'elles se poursuivent sous le RG 21/18651 ;

concernant le logement du 3ème étage,

- infirmer le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 15 octobre 2021 (RG

20/56747), en toutes ses dispositions, en ce qu'il a :

' condamné la SCI Mazalim à payer une amende civile d'un euro (1 euro), dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 7] ;

' rejeté la demande de la Ville de [Localité 7] dirigée contre la SAS Livinparis ;

' rejeté la demande de la Ville de [Localité 7] fondée sur les dispositions de l'article L.324-1-1 IV du code du tourisme ;

' dispensé la SCI Mazalim du paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant de nouveau,

- juger que la SCI Mazalim et la SAS Livinparis ont enfreint les dispositions de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation en louant pour de courtes durées l'appartement situé au 3ème étage de l'immeuble du [Adresse 5] ;

- condamner in solidum la SCI Mazalim et la SAS Livinparis à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 7] conformément aux dispositions de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- juger que la SCI Mazalim a enfreint les dispositions de l'article L.324-1-1 IV du code de tourisme en ne transmettant le nombre de jours au cours desquels l'appartement a été loué dans le mois qui a suivi la demande ;

- condamner la SCI Mazalim à payer une amende civile de 10.000 euros de l'article L.324-1-1 V du code de tourisme et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 7] ;

concernant le logement du 4ème étage,

- infirmer le jugement rendu selon la procédure accélérée au fond le 15 octobre 2021 (RG 20/56742), en toutes ses dispositions, en ce qu'il a :

' condamné la SCI Mazalim à payer une amende civile d'un euro (1 euro), dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 7] ;

' rejeté la demande de la Ville de [Localité 7] dirigée contre la SAS Livinparis ;

' rejeté la demande de la Ville de [Localité 7] fondée sur les dispositions de l'article L.324-1-1 IV du code du tourisme ;

' dispensé la société Mazalim du paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant de nouveau,

- juger que la SCI Mazalim et la SAS Livinparis ont enfreint les dispositions de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation en louant pour de courte durée l'appartement situé au 4ème étage de l'immeuble du [Adresse 5] ;

- condamner in solidum la SCI Mazalim et la SAS Livinparis à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 7] conformément aux dispositions de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

- juger que la SCI Mazalim a enfreint les dispositions de l'article L.324-1-1 IV du code de tourisme en ne transmettant le nombre de jours au cours desquels l'appartement a été loué dans le mois qui a suivi la demande ;

- condamner la SCI Mazalim à payer une amende civile de 10.000 euros de l'article L.324-1-1 V du code du tourisme de tourisme et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 7] ;

- ordonner le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, de l'appartement situé au 4ème étage de l'immeuble du [Adresse 5], sous astreinte de 996 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira au tribunal de fixer ;

- se réserver la liquidation de l'astreinte ;

en tout état de cause,

- débouter la SCI Mazalim et la SAS Livinparis de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

- condamner in solidum la SCI Mazalim et la SAS Livinparis à verser à la Ville de [Localité 7] une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum la SCI Mazalim et la SAS Livinparis aux entiers dépens d'instance et d'appel.



Par conclusions remises le 06 avril 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SCI Mazalim demande à la cour de :



- confirmer dans toutes leurs dispositions les jugements RG 20/56747 et RG 20/56742 rendus le 15 octobre 2021 par le président du tribunal judiciaire ;

- débouter la Ville de [Localité 7] de toutes ses demandes ;

- statuer ce que droit sur les demandes de la société Livinparis ;

- condamner la Ville de [Localité 7] aux dépens d'appel.



Par conclusions remises le 09 février 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la SAS Livinparis demande à la cour de :



- la recevoir en ses demandes, fins et prétentions ;

- confirmer le jugement déféré de tous les chefs dont appel ;

et ce faisant,

- débouter la Ville de [Localité 7] de toutes ses demandes ;

- juger qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au regard des circonstances de la cause ;

subsidiairement si les jugements déférés devaient être infirmés en ce qu'ils ont rejeté les demandes de la ville dirigées contre elle,

- constater sa bonne foi et l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait d'avoir connaissance de la commission d'un manquement ;

- condamner la SCI Mazalim à relever indemne et la garantir de toute condamnation et/ou astreinte prononcée à son encontre, y compris les frais irrépétibles et dépens.



Moyens des parties



La Ville de [Localité 7] soutient en substance :



- que dans le cadre d'une opération de contrôle des locaux d'habitation, une présomption d'infraction (location meublée de courte durée dans un local à usage d'habitation) a été détectée concernant deux logements situés au 3ème étage et 4ème étage de l'immeuble [Adresse 5]) ;



- que les recherches effectuées ont permis de déterminer que la SCI Mazalim est propriétaire de cet appartement ;



sur l'usage du local,



concernant le logement au 3ème étage,



- que l'usage d'habitation se prouvant par tout moyen, elle verse au débat une fiche H2 remplie le 1er octobre 1970 par la propriétaire du bien, Mme [N] [C], veuve [P], pour l'année fiscale 1970 ;



- qu'il s'agit d'un local mixte de 70 m² d'habitation et 30 m² professionnel loué, à la date du 1er janvier 1970, à M. [M] [H] pour un montant mensuel de 8.000 francs ;



- que le fait que la première page de ladite déclaration soit barrée avec la mention « refaite pour 79 » ne modifie pas sa validité ni l'usage d'habitation acté au 1er janvier 1970 ;



- que la fiche de révision foncière modèle «R» datée du 1er octobre 1970 confirme que l'immeuble est entièrement à usage d'habitation, à l'exception des 4 locaux du rez-de-chaussée ;



- que le nom du locataire M. [M] [H] figure sur cette même fiche et sur la fiche «H2» ;



concernant le logement au 4ème étage,



- que la fiche H2 est remplie le 1er octobre 1970 par la propriétaire du bien, Mme [N] [C], veuve [P], pour l'année fiscale 1970 ;



- que cette fiche précise que le local est occupé par une autre personne que le propriétaire, M. [E] [W] ;



- qu'il est établi que Mme [P] louait à M. [E] [W] depuis 1948 l'appartement pour un montant mensuel de 5.400 francs ;



- que la fiche de révision foncière modèle « H2 » est barrée avec la mention « mise à jour 92 » « local passé en professionnel en totalité » ajoutée dans le bas du cadre ;



- que le local est bien à usage d'habitation en 1970, le changement d'usage (déclaratif) étant effectué en 1991 par la société Mazalim ;



- que la réglementation d'urbanisme est purement déclarative quant aux destinations, indépendamment de la réglementation sur le changement d'usage ;



- que la fiche de révision foncière modèle « R » datée du mois d'octobre 1970 confirme que l'immeuble est entièrement à usage d'habitation à l'exception des 4 locaux du rez-de-chaussée ;



- que le nom du locataire M. [W] figure sur cette même fiche et sur la fiche «H2» ;



- qu'il est donc établi que les locaux litigieux des 3ème et 4ème étages étaient à usage d'habitation au 1er janvier 1970 au sens de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation ;



- qu'ensuite le bien litigieux n'est pas la résidence principale du loueur au sens de l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989, revenant au défendeur de justifier qu'il s'agit effectivement du lieu de sa résidence ;



- que la société Livinparis met les biens des 3ème et 4ème étage en locations de courtes durées via des annonces consultables sur les sites airbnb et booking et qu'ils ont fait l'objet d'une déclaration en ligne de location meublée en date du 8 décembre 2017, en application de l'article L.324-1-1 du code du tourisme, au nom de M. [B] [S] société Livinparis pour un local ne constituant pas sa résidence principale, sous le n°7511001158861 concernant le 3ème étage et sous le n°7511003864765 concernant le 4ème étage ;



- que lors du contrôle du 17 février 2020, effectué par agent assermenté avec un représentant de la société Mazalim et de la société Livinparis, ces derniers ont reconnu la réalité des mises en location ;



- que le 24 février 2020, la société Mazalim a transmis un courrier accompagné d'un arrêté de non opposition à la déclaration préalable pour des travaux de changement d'usage des 3ème et 4ème étages de l'immeuble, de bureaux en hébergement hôtelier, et la copie de la redevance sur les bureaux pour les années 2019 et 2020 ;



- que le 20 mars 2020, elle communiquait les mêmes documents accompagnés de la copie des baux commerciaux conclus pour les locaux des 3ème et 4ème étages ;



- que, pour autant, après vérification dans le fichier des autorisations de changement d'usage avec compensation délivrées par la Ville de [Localité 7], le contrôleur assermenté dans un courrier du 17 juin 2020 a attesté que les locaux n'avaient fait l'objet d'aucune autorisation de changement d'usage au titre de l'article L.631-7 du code de l'habitation et de la construction ;





- qu'il n'a pas été donné suite à la demande du contrôleur assermenté d'indiquer le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué conformément aux dispositions de l'article L.324-1-1 du code du tourisme ;



- que l'ensemble des éléments mentionnés ci-dessus démontrent que les locaux à usage d'habitation des 3ème et 4ème étages ont été utilisés à usage de meublé touristique loués pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile, en infraction à la réglementation du changement d'usage définie dans les articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation et dans le règlement municipal ;



- qu'en l'absence d'autorisation préalable, cette location meublée pour de courtes durées à une clientèle de passage, constitue un changement d'usage d'un local d'habitation pour une activité commerciale et caractérise l'infraction aux dispositions de l'article L.631-7 réprimée par les dispositions de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;



- que le revenu généré par la location au 3ème étage depuis mai 2018 peut être estimé à 270.000 euros alors que le bien aurait généré, en location régulière et sur la même période un revenu de 53.760 euros et la compensation nécessaire pour obtenir l'autorisation de changement d'usage du local d'habitation serait de 140.000 euros ;



- que le revenu généré par la location au 4ème étage depuis décembre 2019 peut être estimé à 44.820 euros alors que le bien aurait généré, en location régulière et sur la même période un revenu de 8.960 euros et la compensation nécessaire pour obtenir l'autorisation de changement d'usage du local d'habitation serait de 200.000 euros ;



- que la responsabilité du propriétaire, la SCI Mazalim, est établie car elle était informée de la destination du bien de par les stipulations du bail ;



- que, pour autant le tribunal a, pour limiter le montant de l'amende à une somme d'un euro, considéré que la société Mazalim était de bonne foi en commettant une erreur sur l'usage d'affectation du bien ;



- que ce montant n'est pas dissuasif et qu'en tant que professionnel de l'immobilier la société Mazalim aurait dû vérifier l'usage de droit du bien et non se contenter de l'usage de fait ;



- qu'il est erroné d'affirmer que la fiche « H2 » aurait trompé le propriétaire alors même qu'elle a été produite au cours de la procédure judiciaire ;



- qu'en mettant hors de cause la SAS Livinparis le tribunal a fait une mauvaise interprétation des faits ;



- que la SAS Livinparis en tant que professionnel de l'immobilier sait parfaitement que les demandes d'urbanismes ne sont que déclaratives et ne pouvait se contenter d'un usage de fait sans vérifier l'usage de droit ;



- que concernant le logement au 3ème étage, la société Mazalim établissant avoir conclu un bail de location de longue durée le 5 février 2021, la Ville de [Localité 7] ne sollicite plus le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation sous astreinte ;



- que concernant le logement au 4ème étage, elle est bien fondée à solliciter le retour à l'habitation des locaux transformés sans autorisation, sous astreinte de 996 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai qu'il plaira à la cour de fixer ;



- que le tribunal a fait une mauvaise analyse de l'article L.324-1 du code du tourisme alors que la Ville de [Localité 7] a demandé à la société Mazalim de transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué et qu'il n'a pas été donné suite à cette demande.





La SCI Mazalim soutient en substance :



- qu'elle louait les locaux des 3ème et 4ème étages de son immeuble à destination de bureaux et a consenti un bail à la société Livinparis pour qu'elle les exploite dans le cadre de baux de courte durée ;



- qu'elle a déposé une déclaration préalable des travaux, pour le 3ème étage, avec demande de changement de destination pour modifier la destination de bureau en meublé touristique et qu'elle a obtenu un arrêté de non opposition le 15 mai 2019 ;



- que les mêmes travaux et la même demande ont été effectués et un même arrêté de non opposition a été rendu pour le 4ème étage le 2 juillet 2019 ;



- que c'est de bonne foi qu'elle a consenti ces baux, pensant les locaux à destination de bureaux et que la non opposition de la ville à sa déclaration préalable autorisait le changement de destination de bureaux en meublés touristiques ;



- qu'il est inexact d'affirmer que les décisions administratives sont déclaratives alors qu'elles sont créatrices de droit ;



- que les services fiscaux et les services d'urbanisme chargés de l'instruction des déclarations préalables de travaux ne l'ont pas alertée sur l'usage de ses locaux, par leurs appels de taxes de bureaux et leurs arrêtés de non opposition autorisant les changements de destination, la confortant dans ses choix locatifs ;



- que c'est à juste titre que le premier juge, qui lui a imputé le changement illicite, a retenu l'erreur de bonne foi de celle-ci au visa des autorisations qu'elle avait demandées et obtenues ;



- que les fiches H2 comportent des mentions confuses, pour le 3ème étage la fiche de 1970 fait apparaître une mention de 30 m², les 70 m² restant étant à usage d'habitation, la fiche étant barrée avec la mention « refaite pour 1979 » où les locaux sont indiqués à 100 % en bureaux ;



- que pour le 4ème étage, la fiche de 1970 fait apparaître une déclaration initiale à usage d'habitation aussi barrée avec mention « mise à jour » suivie de « 1764 local passé en prof pour totalité » ;



- qu'ainsi selon la procédure engagée par la ville, seuls 30 m² du 3ème étage sont régulièrement affectés à usage de meublés touristiques par l'effet de leur destination de bureaux régulièrement autorisés au changement de destination ;



- qu'il a été retenu par le premier juge que les fiches corrigées et barrées par l'administration elle-même lui sont opposables ;



- qu'elle n'a pas tiré profit de l'activité de location de courte durée, percevant uniquement les loyers prévus aux baux commerciaux de durée de neuf ans consentis à la société Livinparis, ce qu'a noté le premier juge ;



- qu'elle a résilié les deux baux qu'elle avait consentis à la société Livinparis et a conclu un bail d'habitation sur le 4ème étage le 20 juillet 2020 et un bail d'habitation meublé le 5 février 2021 pour le 3ème étage ;



- que le retour à l'habitation a été la seule contrepartie exigée par la ville de 281 loueurs airbnb pour leur consentir un abandon des poursuites ;







- que le premier juge a exactement déduit son erreur de bonne foi quant à l'usage d'affectation du bien au visa des taxes de bureau payées, des arrêts de non opposition obtenus et de l'ambiguïté des fiches H2 et retenant enfin le retour des deux locaux à l'habitation et de la transmission de toutes les pièces nécessaires ;



- que l'obligation de déclaration du nombre de nuitées ne porte que sur les locations de courtes durées proposées pour des locaux qui constituent la résidence du bailleur, conformément à l'article L.324-1-1 IV et V du code du tourisme, alors qu'elle a loué les locaux selon bail commercial à la société Livinparis qui a seule pratiqué la location à courte durée ;



- que par ailleurs, la société Livinparis, loueur professionnel, justifie avoir déclaré les nombres de nuitées aux instances administratives et fiscales ;



- que la société, qui a accepté de considérer que la ville avait eu tort de l'autoriser à affecter ses deux locaux à la destination d'hébergement hôtelier et avait eu raison de la poursuivre, sauf à reconnaître sa bonne foi, a accepté sa condamnation aux dépens de première instance ;



- qu'en revanche elle ne comprend pas comment la ville peut motiver son appel sur le seul caractère non dissuasif de l'amende civile prononcée alors que si le montant de celle-ci n'est pas fixe c'est parce que le législateur a voulu que les éléments constitutifs de l'illégalité et le comportement de son auteur soient pris en compte ;



- qu'elle demande en conséquence que la ville soit condamnée aux dépens, les parties gardant à leurs charges les frais irrépétibles qu'elles auront exposés.



La SAS Livinparis soutient en substance :



- que la responsabilité du locataire ne peut être engagée que si les circonstances démontrent qu'il devait avoir connaissance de la violation des dispositions d'ordre public de l'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation ;



- que les jugements ont souligné ce principe et relevé qu'il convient d'écarter sa responsabilité, ayant régularisé avec la société Mazalim un bail commercial pour chacun des locaux litigieux dont l'activité exercée est strictement conforme à celle prévue dans le bail commercial et conforme à la destination urbanistique des lieux ;



- qu'elle n'avait pas moyen de savoir que les locaux pris à bail commercial étaient en réalité susceptibles d'être qualifiés de locaux d'habitation ;



- que c'est en toute logique que le jugement a rejeté les demandes formulées en son encontre ;



- qu'aucun grief ne peut lui être reproché, ayant exploité de bonne foi ces locaux présentés comme commerciaux, redevables de toutes les charges afférentes à des locaux de cette nature, présentés comme permettant l'exercice de l'activité de meublé touristique et disposant d'une destination urbanistique conforme à l'activité autorisée, conformément aux arrêtés de non oppositions à déclaration préalable de changement de destination ;



- que la Ville de [Localité 7] admet qu'elle a satisfait à toutes ses obligations déclaratives auprès d'elle ;



- qu'elle n'a fait l'objet d'aucune mise en demeure préalable, ni d'aucune tentative amiable, ni prise de contact l'informant d'une difficulté éventuelle ;



- que le bail des locaux litigieux a fait l'objet d'une résiliation avant l'entame d'une procédure judiciaire ;



- que sa bonne foi est avérée et aucune faute ne peut lui être reprochée ni imputée ;



- que, dans l'hypothèse où sa responsabilité viendrait à être retenue en dépit de sa bonne foi, il conviendra de constater l'engagement de la responsabilité du bailleur à son égard notamment au titre de son obligation de délivrance conformément aux articles 1719 et 1721 du code civil ;



- que la société Mazalim avait l'obligation de lui délivrer des locaux conformes à la destination contractuelle et il lui incombe de prouver qu'elle s'est acquittée de son obligation ;



- que si elle devrait être condamnée au paiement d'une amende civile cela serait la conséquence directe et nécessaire d'un manquement du bailleur quant à son obligation contractuelle de loyauté et de bonne foi dans l'information du locataire et quant à l'obligation de délivrance en l'ayant laissé exploiter en meublé touristique les locaux qui n'auraient pas dû l'être ;



- qu'elle serait condamnée à relever indemne et garantie la société Livinparis de toute condamnation et astreinte pouvant être prononcée à son encontre.




SUR CE LA COUR



A titre liminaire, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il y a lieu d'ordonner la jonction des procédures numéros RG 21/18632 et 21/18651 sous le numéro 21/18632.



Sur le changement illicite de l'usage d'habitation (article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation)



L'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation dispose que toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50.000 euros par local irrégulièrement transformé.



Selon l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.



Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.



Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.



Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article.

















Pour l'application des dispositions susvisées, il y a donc lieu d'établir :



- l'existence d'un local à usage d'habitation, un local étant réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés, le formulaire administratif de type H2 rempli à cette époque dans le cadre de la législation fiscale permettant de préciser l'usage en cause ;



- un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile.



Il est en outre constant que, s'agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de [Localité 7] a adopté, par règlement municipal et en application de l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, le principe d'une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.



En l'espèce, il y a lieu de relever :



- que, s'agissant de l'appartement du 3ème étage, est versée aux débats une fiche H2 remplie le 1er octobre 1970 par le propriétaire du bien, fiche qui précise qu'il s'agit d'un local mixte de 70 mètres carrés d'habitation et 30 mètres carrés professionnels ; qu'il est précisé qu'est perçu au 1er janvier 1970 un loyer (à l'exclusion des locations commerciales ou en meublé) ;



- que la rubrique 41 fait état de pièces et annexes affectées exclusivement à l'habitation, à savoir notamment une salle à manger, deux chambres, une salle d'eau et une cuisine ;



- que, dans ces conditions, l'usage d'habitation au 1er janvier 1970 apparaît établi pour cet appartement ;



- que, pour le 4ème étage, la fiche H2 fait état elle aussi état de la mention d'un loyer au 1er janvier 1970 (à l'exclusion des locations commerciales ou en meublé) et, à la rubrique 41, rappelle l'existence d'une salle à manger, de trois chambres, d'une cuisine et d'une salle d'eau ;



- que l'usage de l'habitation est donc également établi pour ce bien ;



- qu'il sera relevé qu'il importe peu que les fiches H2 soient barrées et aient été modifiées en 1992, s'agissant de locaux que la SCI Mazalim a déclaré en locaux professionnels, la ville rappelant sur ce point que la réglementation d'urbanisme, déclarative, est sans effet sur la réglementation relative au changement d'usage, aucune autorisation administrative de travaux valant changement d'usage au sens du code de la construction et de l'habitation n'ayant au demeurant été délivrée postérieurement au 1er janvier 1970 ;



- que les deux logements ne sont pas la résidence principale de la SCI Mazalim ou de la SAS Livinparis, ce qui n'apparaît pas contesté ;



- qu'il apparaît en outre que, par l'intermédiaire de la société Livinparis, bénéficiaire de deux baux commerciaux consentis par la SCI Mazalim, les logements ont été mis en location pour de courtes durées à une clientèle de passage, comme en attestent les annonces sur les sites airbnb (avec 58 commentaires pour le troisième étage et 12 commentaires pour le quatrième étage) et booking (82 commentaires pour les deux logements), les mises en location n'ayant d'ailleurs pas été contestées lors du passage de l'agent de la ville dans l'immeuble le 17 février 2020, pas plus que dans le cadre de la présente procédure ;





- que, s'agissant de la constitution de l'infraction, les circonstances que la SCI Mazalim ait bénéficié d'arrêtés de non opposition aux travaux déclarés pour le changement d'usage de bureaux en hébergement hôtelier (arrêté du 15 mai 2019 pour le troisième étage, arrêté du 2 juillet 2019 pour le quatrième étage) ou ait été assujettie à la taxe sur les bureaux importent peu, ce alors qu'il résulte du code de la construction et de l'habitation que l'appartement en cause doit être considéré comme à usage d'habitation, compte tenu de son usage au 1er janvier 1970 et de l'absence d'une autorisation administrative valant changement d'usage au sens de l'article L. 631-7 postérieurement à cette date.



Concernant l'imputabilité des infractions et le montant de l'amende, le premier juge a rejeté la demande de condamnation de la société Livinparis, intermédiaire, et a condamné la société Mazalim, propriétaire, à verser un euro d'amende.



Il sera rappelé que si l'intermédiaire, contrairement au propriétaire, n'a pas en principe la capacité d'affecter le bien à un usage spécifique, sa responsabilité civile peut être néanmoins engagée si les circonstances de l'espèce démontrent qu'il devait nécessairement avoir connaissance de la violation des dispositions d'ordre public, qui s'appliquent à toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article (article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation).



Pour rappel, la société propriétaire a signé avec la société Livinparis des baux commerciaux, précisant que les locaux loués sont à usage de location en meublé à courte durée pour une clientèle de passage.



Concernant la responsabilité civile de la société Livinparis, il ressort ainsi de la procédure :



- que les locaux étaient précédemment utilisés de fait à usage de bureaux ;



- qu'ils ont fait l'objet d'un arrêté de non opposition à l'exécution de travaux pour le changement de destination des locaux de bureaux en hébergement hôtelier ;



- que la société Livinparis a signé des baux commerciaux faisant mention de l'activité de locations de meublés pour de courtes durées ;



- que, d'ailleurs, la société propriétaire recevait des appels de taxes de bureaux.



Dans ces conditions, même pour un professionnel de l'immobilier comme Livinparis, il n'est pas établi que cet intermédiaire aurait pu avoir connaissance d'une quelconque manière de la violation des dispositions d'ordre public, alors que tous les éléments portés à sa connaissance établissaient qu'il s'agissait de bureaux, avec arrêtés de non opposition à transformation en hébergement hôtelier, les contrats la liant avec la propriétaire étant des baux commerciaux, les locaux en cause étant ainsi présentés comme commerciaux.



Le premier juge a donc à juste titre rejeté les demandes formées contre Livinparis.



Concernant la société propriétaire, comme l'a rappelé le premier juge, il faut prendre en compte la circonstance que la SCI Mazalim, même si elle aurait dû vérifier en sa qualité de propriétaire que les locaux n'étaient pas à usage d'habitation au sens du code de la construction et de l'habitation ce qu'elle n'a manifestement pas fait, a à tout le moins cherché à transformer des locaux, affectés de fait à usage de bureaux, bénéficiant pour ce faire d'arrêtés de non opposition à transformation.



La SCI Mazalim fait valoir ainsi à juste titre qu'elle a pu se méprendre sur la portée de ses droits de bonne foi, alors que tant les services fiscaux que les services de l'urbanisme l'ont effectivement confortée dans la possibilité de mettre les biens en location de courte durée, ce même si sa responsabilité civile demeure engagée comme propriétaire en application du code de la construction et de l'habitation.



Certes, la Ville de [Localité 7] indique aussi :



- que le gain généré par l'appartement du 3ème étage peut être estimé, pour un taux d'occupation de 75 % depuis mai 2018, à la somme de 270.000 euros, alors qu'en retenant un loyer mensuel classique de 2.240 euros, le gain n'aurait été que de 53.760 euros ; que le montant de la compensation pour obtenir l'autorisation du changement d'usage du local d'habitation et pouvoir exercer une activité d'hébergement hôtelier aurait été de 140.000 euros ;



- que le gain généré par l'appartement du 4ème étage peut être estimé lui à la somme de 44.820 euros depuis décembre 2019, la location régulière correspondant également à la somme de 2.240 euros par mois ; que le montant de la compensation correspondrait à 200.000 euros.



Il y a lieu toutefois de prendre en compte le fait que la SCI Mazalim n'a en réalité perçu que les loyers issus des baux commerciaux signés avec la SAS Livinparis, les calculs des gains illicites rappelés ci-avant ne pouvant donc être retenus la concernant.



Les amendes ont dès lors été fixées à juste titre à la somme d'un euro, ce qui commande de confirmer les jugements entrepris.



Sur la non-transmission du nombre de jours de location d'un meublé de tourisme (article L.324-1-1 IV du code du tourisme)



L'article L. 324-1-1 du code du tourisme dispose notamment que :



II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.



Cette déclaration préalable n'est pas obligatoire lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.



III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d'un meublé de tourisme.



La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.



IV.-Dans les communes ayant mis en 'uvre la procédure d'enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d'une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.



La commune peut, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d'un mois, en rappelant l'adresse du meublé et son numéro de déclaration.



V.- Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 5.000 euros.



Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 10.000 euros.



En l'espèce, s'agissant de l'infraction aux dispositions de l'article L.324-1-1 IV du code du tourisme, à savoir le défaut de transmission relative au nombre de jours loués, il sera relevé que l'obligation de transmission de l'article L.324-1-1 IV alinéa 2 du code du tourisme ne peut concerner que les locations visés à l'article L.324-1-1 IV alinéa premier, à savoir les locations d'un meublé de tourisme déclaré comme résidence principale, étant rappelé que les textes relatifs à une infraction civile, pouvant conduire au prononcé d'une amende, doivent s'interpréter strictement, l'article en cause devant s'analyser en son ensemble.



Les appartements en cause ne sont pas ici la résidence principale de SCI Mazalim, ce qui n'est contesté par aucune des parties.



Les conditions pour prononcer une amende en application de l'article L.324-1-1 IV du code du tourisme ne sont donc pas remplies, comme l'a justement indiqué le premier juge, les décisions entreprises devant donc être confirmées sur ce point.



Ainsi, au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer les jugements entrepris en toutes ses dispositions, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance exactement réglé par le premier juge.



A hauteur d'appel, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la Ville de [Localité 7], qui succombe, étant condamnée aux dépens d'appel.



PAR CES MOTIFS



Ordonne la jonction des procédures numéros RG 21/18632 et 21/18651 sous le numéro RG 21/18632 ;



Confirme les jugements entrepris ;



Y ajoutant,



Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;



Condamne la Ville de [Localité 7] aux dépens d'appel.



LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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