20 octobre 2022
Cour d'appel de Lyon
RG n° 22/01072

6ème Chambre

Texte de la décision

N° RG 22/01072 - N° Portalis DBVX-V-B7G-ODNS









Décision du Juge de l'exécution du TJ de LYON

du 11 janvier 2022



RG : 21/03079





[N]



C/



S.C.A. AGRIAL





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



6ème Chambre



ARRET DU 20 Octobre 2022







APPELANT :



M. [U] [N]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représenté par Me Roger TUDELA de la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1813

assisté de Me Romain JAY de la SELARL CDMF-AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE





INTIMEE :



LA SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE ET AGRO-ALIMENTAIRE AGRIAL, venant aux droits de la SOCIETE VALCREST

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me Alban POUSSET-BOUGERE de la SELARL CVS, avocat au barreau de LYON, toque : 215

assisté de la SELARL CORNET-VINCENT-SEGUREL (C.V.S. - Maître Bertrand SALMON et Maître Bertrand LARONZE), avocat au barreau de NANTES





******



Date de clôture de l'instruction : 15 Septembre 2022



Date des plaidoiries tenues en audience publique : 15 Septembre 2022



Date de mise à disposition : 20 Octobre 2022



Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Dominique BOISSELET, président

- Evelyne ALLAIS, conseiller

- Stéphanie ROBIN, conseiller

assistés pendant les débats de Sylvie GIREL, greffier



A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.



Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,



Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Sylvie GIREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.




****







FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES :



Suivant procès-verbal du 12 avril 2021, dénoncé le 15 avril 2021, M. [U] [N] a fait procéder à la saisie-attribution des avoirs de la société Valcrest entre les mains de la Société Générale à hauteur de la somme totale de 41.638,66 euros en vertu d'un arrêt de la cour d'appel de Lyon du 10 avril 2019.





Par acte d'huissier de justice du 6 mai 2021, la société Valcrest a fait assigner devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon M. [N] afin de contester cette saisie.





EIle sollicitait en dernier lieu de voir ordonner la mainlevée de la saisie-attribution considérée et de voir condamner M. [N] à lui payer des dommages et intérêts ainsi qu'à supporter l'ensemble des frais afférents à la saisie-attribution.





M. [N] concluait au débouté de l'ensemble des demandes de la société Valcrest.





Par jugement du 11 janvier 2022, le juge de l'exécution a :

- déclaré la société Valcrest recevable en sa contestation de la saisie-attribution du 12 avril 2021 qui lui avait été dénoncée le 15 avril 2021 à la requête de M. [N],

- ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 12 avril 2021 au préjudice de la société Valcrest entre les mains de la banque Société Générale à la requête de M. [N],

- débouté la société Valcrest de sa demande de dommages et intérêts,

- dit que les frais d'exécution relatifs à la saisie-attribution dont la mainlevée était ordonnée étaient à la charge de M. [N],

- débouté M. [N] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [N] à payer à la société Valcrest la somme de 800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [N] aux dépens,

- rappelé que les décisions du juge de l'exécution bénéficiaient de l'exécution provisoire de droit.





Par déclaration du 7 février 2022, M. [N] a interjeté appel de la décision, sauf en ce qu'elle a déclaré recevable la contestation de la société Valcrest et débouté la société Valcrest de sa demande de dommages et intérêts.





L'affaire a été fixée d'office à l'audience du 15 septembre 2022 par ordonnance du président de la chambre du 10 février 2022 en application des articles R.121-20 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution et 905 du code de procédure civile.





Dans ses dernières conclusions notifiées le 6 septembre 2022, M. [N] demande à la Cour, au visa des articles 1348-1 du code civil et 700 du code de procédure civile, de :

- réformer le jugement dans les limites de l'appel,

en conséquence :

- débouter la société Valcrest de sa demande de mainlevée de la saisie attribution pratiquée le 12 avril 2021,

- débouter la société Valcrest de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Valcrest à lui rembourser la facture de 745,81 euros de l'huissier chargé du recouvrement des sommes dues par la société Valcrest sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

en tout état de cause,

- condamner la société Valcrest au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance devant le juge de l'exécution et en cause d'appel,

- condamner la société Valcrest aux entiers dépens, distraits au profit de la société Tudela Werquin et associés.









Dans ses dernières conclusions notifiées le15 septembre 2022, la société Agrial, venant aux droits de la société Valcrest, demande à la Cour, au visa des articles L. 213-6, alinéa 1er du code de l'organisation judiciaire, 9 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement,

- dire et juger irrecevables les demandes et prétentions formées par M. [N],

- dire et juger infondées les demandes et prétentions formées par M. [N],

- débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [N] à lui payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [N] aux entiers dépens.





L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 septembre 2022.





Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.






MOTIFS DE LA DECISION :



sur le défaut de pouvoir juridictionnel de la Cour :



La société Valcrest fait valoir que compte tenu de la mainlevée de la saisie-attribution ordonnée en première instance, il n'y a plus de mesure d'exécution forcée en cours, de telle sorte que la Cour d'Appel n'a pas de pouvoir juridictionnel pour statuer sur le litige.



Il résulte de l'article R.121-28 du code des procédures civiles d'exécution, que le jugement de mainlevée de la saisie-attribution a emporté dans la limite de son objet suspension des poursuites dès son prononcé et suppression de tout effet d'indisponibilité dès sa notification.



En l'absence de saisine de la juridiction du premier président afin de voir ordonner le sursis à exécution du jugement dont appel, l'exécution immédiate de la mainlevée de la saisie-attribution ne permet pas de rétablir a posteriori cette mesure d'exécution forcée. Néanmoins, la Cour reste saisie du litige opposant les parties quant à la prise en charge des frais de la saisie-attribution litigieuse et il lui incombe à cette fin d'apprécier la validité de cette saisie.



Le moyen tiré du défaut de pouvoir juridictionnel de la Cour sera rejeté.



sur le bien fondé de la saisie-attribution :



Compte tenu des conséquences irréversibles de la décison de mainlevée de la saisie-attribution, il convient de constater que la demande de M. [N] afin de voir débouter la société Valcrest de sa demande de mainlevée de saisie-attribution est sans objet.



L'arrêt de la chambre sociale de la cour d'appel de Lyon du 10 avril 2019, infirmant un jugement du juge départiteur du conseil de prud'hommes de Lyon du 15 décembre 2016 en toutes ses dispositions, a notamment condamné la société Valcrest à payer à M. [N] les sommes suivantes :



au titre du contrat de travail de droit français,

18.475,25 euros au titre du rappel de salaire correspondant à la mise à pied du 25 novembre 2013 au 27 décembre 2013,

104.130 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 10.413 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents,

283.082,24 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

416.533 euros à titre d'indemnité contractuelle complémentaire de licenciement,

lesdites sommes étant augmentées des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Valcrest de la convocation devant le conseil de prud'hommes,

120.000 euros à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,



au titre du contrat de travail de droit américain,

la contrepartie en euros au jour du paiement de :

31.242,72 $ à titre de rappel de salaire sur la mise à pied,

152.120,86 $ à titre d'indemnité compensatrice,

466.079,98 $ à titre d'indemnité contractuelle,



5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



La société Valcrest a réglé les 8 juillet et 4 décembre 2019 la somme totale de 1.589.134,25 euros en exécution de cet arrêt, déduction faite de la somme de 93.270,14 euros au titre des charges.



Le 26 janvier 2021, M. [N] a fait délivrer à la société Valcrest un commandement de payer le solde lui restant dû au titre de cet arrêt, soit la somme totale de 41.172,24 euros, se décomposant de la manière suivante: 13.389,13 euros en principal, 27.446,25 euros au titre des intérêts et 336,86 euros au titre des frais.



Par arrêt du 3 mars 2021, la Cour de Cassation, statuant sur pourvoi de la société Valcrest, a cassé et annulé cet arrêt, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Valcrest au paiement d'une somme de 416.533 euros à titre d'indemnité contractuelle complémentaire de licenciement et au remboursement à Pôle emploi des allocations de chômage qui ont été versées au salarié dans la limite de six mois.



Par arrêt du 6 janvier 2022, la cour d'appel de Grenoble, statuant sur renvoi de cassation, a notamment :

- rejeté la demande d'annulation de la clause pénale portant sur l'indemnité contractuelle de licenciement,

- dit n'y avoir lieu à réduction du montant de l'indemnité contractuelle de licenciement,

- condamné la société Valcrest à payer à M. [N] la somme de 416.533 euros au titre de l'indemnité complémentaire de licenciement.



M. [N] fait valoir que :

- l'arrêt de la Cour de Cassation ne lui a été signifié que le 15 avril 2021, de telle sorte qu'il était parfaitement fondé à pratiquer la saisie-attribution litigieuse le 12 avril 2021, en l'absence de créance réciproque à cette date,

- la société Valcrest était en outre redevable au jour de la saisie-attribution de la somme de 410.267,54 euros aux organismes sociaux au titre des charges patronales et sociales exigibles à la suite de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon et sous-évaluées dans le bulletin de paie de juin 2019 ; cette dette sociale réduisant significativement sa retraite, aucune compensation n'était possible avec la somme réclamée par la société Valcrest à la suite de l'arrêt de la Cour de Cassation,

- suivant décompte inséré dans ses écritures, la société Valcrest lui devait la somme totale de 52.793,25 euros au 12 avril 2021 outre celle de 754,81 euros correspondant à la facture de l'huissier chargé du recouvrement des sommes dues par la société Valcrest, de telle sorte que la saisie-attribution pour un montant inférieur était parfaitement justifiée.



La société Valcrest réplique que :

- elle a intégralement exécuté l'arrêt de la cour d'appel de Lyon contrairement à ce qui est prétendu par M. [N],

- à supposer M. [N] créancier de la somme réclamée dans le cadre de la saisie-attribution, l'arrêt de la Cour de Cassation constituait un titre exécutoire la rendant titulaire d'une créance certaine, liquide et exigible d'un montant de 416.533 euros brut, soit 379.669,83 euros net à l'encontre de M. [N] ; aussi, la créance de M. [N] était nécessairement éteinte par l'effet de la compensation, l'arrêt de la Cour de Cassation étant exécutoire dès son prononcé en application des articles 500 et 501 du code de procédure civile.



Aux termes de l'article 625 du code de procédure civile, sur les points qu'elle atteint la cassation remet les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé. Elle entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.



Les parties sont d'accord pour reconnaître que la société Valcrest a réglé à M. [N] la somme de 379.669,83 euros net (soit 416.533 euros brut) à titre d'indemnité contractuelle complémentaire de licenciement en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 10 avril 2019, lequel a été cassé sur ce point. Par ailleurs, le jugement du 15 décembre 2016, infirmé en toutes ses dispositions par cet arrêt, a débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes en paiement tant au titre du contrat de travail de droit français que du contrat de travail de droit américain. Aussi, la cassation de l'arrêt d'appel en ce qu'il a condamné la société Valcrest à payer à M. [N] la somme de 416.533 euros brut ouvrait droit à restitution de la somme de 379.669,83 euros net dès le 3 mars 2021, l'arrêt de la Cour de Cassation constituant le titre exécutoire permettant à la société Valcrest de recouvrer la somme considérée.



La créance de la société Valcrest étant très supérieure à celle de 41.638,66 euros réclamée par M. [N], c'est à juste titre que le premier juge a dit que ce dernier n'était plus créancier d'aucune somme au 12 avril 2021 en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon cassé partiellement, peu important que l'arrêt de la Cour de Cassation du 3 mars 2021 n'ait été signifié que le 15 avril 2021 à M. [N]. Il convient d'observer au surplus que M. [N] n'a donné aucune suite à un courrier de la société Valcrest du 19 mars 2021 lui réclamant la restitution de la somme de 379.669,83 euros à la suite de l'arrêt de la Cour de Cassation, de telle sorte qu'il ne pouvait ignorer cette créance à la date de la saisie-attribution.



Enfin, la réduction de retraite invoquée par M. [N] du fait de l'absence de paiement par la société Valcrest des cotisations sociales dues au titre de ses salaires n'est pas une créance certaine, liquide et exigible et n'a donc aucune incidence quant aux sommes respectivement dues par les parties en vertu de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 10 avril 2019 cassé partiellement.



Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution diligentée le 12 avril 2021.



La facture du 21 mai 2021 d'un montant total de 754,81 euros toutes taxes comprises est afférente aux frais d'huissier de justice engagés du 12 janvier au 4 mai 2021, dont notamment les frais du commandement de payer du 26 janvier 2021 et de la saisie-attribution du 12 avril 2021. La saisie-attribution du 12 avril 2021 étant mal fondée, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que les frais d'exécution relatifs à cette saisie, dont ceux de mainlevée, étaient à la charge de M. [N]. Par ailleurs, le surplus des frais d'exécution réclamé n'est pas exigible, dès lors qu'ils sont relatifs à l'exécution d'une créance qui n'était plus exigible à la suite de la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 10 avril 2019. M. [N] sera débouté de sa demande en paiement de ce chef.



M. [N], qui n'obtient pas gain de cause dans le cadre de son recours, sera condamné aux dépens d'appel, le jugement étant confirmé quant aux dépens. M. [N] sera condamné en outre à payer à la société Valcrest la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus de celle allouée par le jugement.





PAR CES MOTIFS,



La Cour,



Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;



Y AJOUTANT,



Déboute M. [N] de sa demande en paiement de la facture d'huissier de justice de 754,81 euros sous astreinte ;



Condamne M. [N] aux dépens d'appel ;



Condamne M. [N] à payer à la société Valcrest la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Rejette le surplus des demandes.





LE GREFFIERLE PRESIDENT

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