20 octobre 2022
Cour d'appel de Lyon
RG n° 21/08664

1ère chambre civile A

Texte de la décision

N° RG 21/08664

N° Portalis DBVX - V - B7F - N7GJ









Décision du Tribunal de Grande Instance de Lyon

Au fond du 20 octobre 2021



Chambre 1 cab 01 A



RG : 20/08378

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile A



ARRET DU 20 Octobre 2022







APPELANT :



M. [Y] [F]

né le 08 juin 1980 à [Localité 9] (RHONE)

[Adresse 3]

[Localité 7]



représenté par la SELAS LEGA-CITE, avocat au barreau de LYON, toque : 1030









INTIMES :



M. [R] [Z]

né le 14 décembre 1978 à [Localité 5] (RHONE)

[Adresse 1]

[Localité 6]







Mme [E] [X] [Z]

née le 10 juin 1979 à [Localité 5] (RHONE)

[Adresse 1]

[Localité 6]



représentés par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 938

et pour avocat plaidant la SELAS KAIZEN AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 3314







S.E.L.A.R.L. [N], [H], [G]

[Adresse 2]

[Localité 8]





représentée par la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1813

et pour avocat plaidant la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocat au barreau de LYON, toque : 719











S.C.P. [U] [W] & [T] [J], notaires associés venant aux droits de l'office notarial [S]-[C]-[V]

[Adresse 4]

[Localité 5]



représentée par la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1813

et pour avocat plaidant la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocat au barreau de LYON, toque : 719



******



Date de clôture de l'instruction : 01 Septembre 2022



Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Septembre 2022



Date de mise à disposition : 20 Octobre 2022



Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Anne WYON, président

- Françoise CLEMENT, conseiller

- Julien SEITZ, conseiller



assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier



A l'audience, l'un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.



Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,



Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.




****



M. et Mme [Z] ont conclu avec M. [F], le 7 mai 2010, un compromis de vente destiné à l'acquisition d'une maison à usage d'habitation avec piscine et jardin, située [Adresse 1].



La vente a été réitérée par acte authentique du 28 octobre 2010, moyennant le prix de 440 000 euros.



En 2018, M. et Mme [Z] ont pris contact avec un architecte et la société DG rénovation pour réaliser des travaux d'extension et de rénovation ; le 5 février 2019, les travaux entrepris ont été interrompus en raison de la découverte d'une pollution des sols.



Une expertise a alors été ordonnée en référé le 24 juin 2019 de façon à déterminer l'ampleur de la pollution et les risques pour la santé des habitants ; le rapport de l'expert a été déposé le 28 août 2020, concluant à l'existence d'une pollution conduisant à considérer le terrain occupé par M. et Mme [Z] comme un site pollué à risque, par des métaux lourds, des dioxines, des furanes, des hydrocarbures, des trichloroéthylènes, des tétrachloroéthylènes, touchant les sols, les gaz de sol et les eaux souterraines.







Par arrêté municipal du 25 août 2020, a été interdite l'utilisation de l'eau du réseau de distribution pour des usages alimentaires sur un certain périmètre incluant la propriété de M. et Mme [Z], un arrêté préfectoral du même jour justifiant cette interdiction par le dépassement de la limite de qualité en trichloroéthylènes et tétrachloroéthylènes dans les eaux.



Autorisés par ordonnance du 25 novembre 2020, M. et Mme [Z] ont assigné à jour fixe devant le tribunal judiciaire de Lyon M. [F] et à titre de garantie, les deux études notariales ayant participé à l'élaboration de l'acte authentique, la SCP [N], Roche et associés et la SCP [W] et [J], aux fins d'obtenir la condamnation de M. [F], au visa des articles 1116, 1134, 1147, 1589 et 1604 du code civil et L.514-20 du code de l'environnement, au paiement de la somme de 723 600 euros au titre de la remise en état du bien immobilier pour un usage résidentiel et la garantie des notaires.



Par jugement avant-dire-droit du 2 juin 2021, le tribunal a ordonné la réouverture des débats afin que les parties concluent sur les dispositions de l'article L.514-20 du code de l'environnement visé dans la clause litigieuse du compromis de vente et plus précisément qu'elles concluent sur le caractère proportionné ou non de la remise en état du bien par rapport au prix de vente.



Par jugement du 20 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Lyon a :



- condamné M. [F] à payer à M. et Mme [Z] les sommes de :



- 603 000 euros au titre des frais de dépollution,

- 5 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

- 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral,

- 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens comprenant les frais d'expertise,



rejetant les demandes indemnitaires supplémentaires de M. et Mme [Z] et disant n'y avoir lieu à exécution provisoire.



Selon déclaration du 6 décembre 2021, M. [F] a formé appel à l'encontre de ce jugement, intimant seulement M. et Mme [Z].



Par assignations délivrées par acte d'huissier de justice du 17 mars 2022, M. et Mme [Z] ont formé un appel provoqué à l'encontre des sociétés notariales [W] et [J] d'une part et [N] [H] [G] d'autre part.



Par ordonnance du 2 février 2022, l'affaire a été fixée à bref délai en application des articles 905 et suivants du code de procédure civile.



Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 1er septembre 2022 par M. [F] qui conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamné au paiement des sommes de :



- 603 000 euros au titre des frais de dépollution,

- 5 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

- 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral,

- 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens comprenant les frais d'expertise,



et demande à la cour, statuant à nouveau, de :



à titre principal :



- débouter M. et Mme [Z] de toute demande, fin et moyen contraire,









- débouter la Selarl [N] [H] [G] et associés et l'office notarial [W] et [J] de leur demande en garantie,



à titre subsidiaire :



- condamner la Selarl [N] [H] [G] et associés et l'office notarial [W] et [J] à relever et garantir M. [F] de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,



en tout état de cause,



- condamner in solidum M. et Mme [Z], la Selarl [N] [H] [G] et associés et l'office notarial [W] et [J] aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la Selas Lega-cité, avocat et au paiement d'une indemnité de procédure de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,





Vu les dernières conclusions déposées et notifiées 23 août 2022 par M. et Mme [Z] qui concluent à l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions et demandent à la cour, statuant à nouveau, en substance, de :



A titre principal :



- condamner in solidum M. [F], l'office notarial [N] [H], [G] et l'office notarial [W] et [J] à payer à M. et Mme [Z] les sommes de :



- 905 000 euros TTC au titre des coûts de dépollution visant à rendre le bien compatible à un usage d'habitation,

- 224 000 euros TTC au titre de la perte de valeur du bien due à la pollution résiduelle,

- 8 370 euros TTC au titre du préjudice matériel résultant des dépenses engagées à perte pour les travaux d'extension,

- 134 000 euros TTC au titre du préjudice de jouissance,

- 80 000 euros TTC au titre du préjudice moral,

- 100 000 euros au titre du préjudice d'anxiété subi par chaque membre de la famille,

- 110 000 euros au titre de l'atteinte à la santé de la famille,

- 2 868 euros TTC au titre des frais engagés pour la rémunération des techniciens non mandatés par le tribunal,

- 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,



outre intérêts légaux et sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 8 jours à compter de la signification du « jugement »,



A titre subsidiaire :



- condamner M. [F] à payer à M. et Mme [Z] la somme de 716 634 euros TTC au titre de la perte de chance de renoncer à acquérir le bien,



En conséquence,



- condamner M. [F] à payer à M. et Mme [Z] les sommes de :



- 895 950 euros TTC au titre des coûts de dépollution visant à rendre le bien compatible à un usage d'habitation,

- 224 000 euros TTC au titre de la perte de valeur du bien due à la pollution résiduelle,







- 8 370 euros TTC au titre du préjudice matériel résultant des dépenses engagées à perte pour les travaux d'extension,

- 134 000 euros TTC au titre du préjudice de jouissance,

- 80 000 euros TTC au titre du préjudice moral,

- 100 000 euros au titre du préjudice d'anxiété subi par chaque membre de la famille,

- 110 000 euros au titre de l'atteinte à la santé de la famille,

- 2 868 euros TTC au titre des frais engagés pour la rémunération des techniciens non mandatés par le tribunal,

- 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens,



- condamner les deux offices notariaux à garantir M. et Mme [Z] de toutes les condamnations de M. [F],



outre les intérêts légaux et sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 8 jours à compter de la signification du « jugement »,





Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 30 août 2022 par la Selarl [N] [H] [G] et associés venant aux droits de l'Office notarial [N]-[O] et associés et la SCP [W] [U] & [J] [T] venant aux droits de l'office notarial [S]-[C]-[V] qui demandent à la cour de :



- juger irrecevables au visa de l'article 564 du code de procédure civile, les prétentions de M. et Mme [Z] aux fins de responsabilité et de condamnation in solidum,



- débouter M. et Mme [Z] de l'intégralité de leurs prétentions dirigées à leur encontre,



subsidiairement,



- confirmer le jugement du 20 octobre 2021, rectifié le 2 mars 2022,



- débouter M. et Mme [Z] ainsi que M. [F] de l'intégralité de leurs prétentions dirigées à leur encontre,



à titre infiniment subsidiaire,



- condamner M. [F] à les relever et garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre,



en tout état de cause,



- condamner in solidum M. et Mme [Z] ou tout succombant aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SAS Tudela Werquin et associés, avocats, et au paiement à leur bénéfice d'une indemnité de procédure de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 1er septembre 2022.



Il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus amples exposé de leurs prétentions et moyens.
















MOTIFS ET DECISION



A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.



La cour constate par ailleurs que si une demande « en garantie » était présentée par M. et Mme [Z] devant le premier juge pour garantir les condamnations prononcées à leur profit contre M. [F], demande analysée par le tribunal comme une demande de condamnation directe des sociétés notariales pour faute, une autre demande en garantie dirigée contre les sociétés notariales avait été présentée par M. [F], au titre des éventuelles condamnations prononcées à son encontre, demande à laquelle il n'a pas été répondu par le premier juge.



La cour constate encore que si le tribunal a exposé aux termes de son jugement avant-dire droit du 2 juin 2021, que M. [Y] [F] avait assigné en intervention forcée les sociétés Kalhyge, ATC énergies et Cyrlodie selon actes du 1er février 2021 et que la société Kalhyge avait elle-même assigné en garantie M. [B] [F] selon acte du 15 avril 2021, la présence d'aucune des parties assignées en intervention forcée dont les prétentions ont été largement rappelées aux termes de la décision, n'a pourtant figuré dans l'en-tête dudit jugement.



Le jugement dont appel rendu le 20 octobre 2021 ne fait pas plus état de leur présence à l'instance et aucune de leurs prétentions n'a été examinée par le premier juge alors même qu'elles n'ont pas été intimées en cause d'appel.



La cour considère en conséquence qu'elle n'est pas saisie des appels en garantie ainsi formés.





I. Sur la fin de non -recevoir tendant à l'irrecevabilité des demandes nouvelles en cause d'appel :



La Selarl [N] [H] [G] et associés et la SCP [U] [W] et [T] [J] soutiennent que devant le tribunal, les époux [Z] n'invoquaient aucun manquement des notaires contre lesquels ils formaient seulement une demande en garantie des condamnations éventuellement prononcées à leur profit ; elles considèrent que les demandes formées seulement en cause d'appel par les époux [Z] tendant à mettre en cause leur responsabilité professionnelle et obtenir leur condamnation in solidum n'ont ni le même fondement ni les mêmes moyens, ni les mêmes fins que leurs prétentions de première instance et que nouvelles au sens de l'article 564 du code de procédure civile, elles doivent être déclarées irrecevables.



M. et Mme [Z] font valoir quant à eux, en pages 66/67 de leurs conclusions, dans un paragraphe 2.3.2. concernant « les fautes commises par l'office notarial [N] [H] [G] », que les demandes qu'ils présentent en cause d'appel tendent aux mêmes fins que celles présentées devant le premier juge et consistent à obtenir l'indemnisation de leur entier préjudice par la condamnation in solidum du vendeur et des notaires.



Sur ce :



La cour constate que devant le premier juge, la demande dirigée contre les notaires par M. et Mme [Z] consistait en une demande en garantie par les sociétés notariales des condamnations prononcées à leur profit à l'encontre de M. [F].



L'appel en garantie est la procédure qui consiste en un recours exercé par une personne appelée le garanti qui, assignée en justice, estime qu'une autre personne appelée le garant doit lui être substituée dans les condamnations qui pourraient éventuellement être prononcées contre elle.



Il s'avère ainsi qu'une demande « en garantie » contre les notaires ne pouvait pas être formée par les acquéreurs au titre des condamnations prononcées à l'encontre de M. [F] qui seul pouvait présenter une telle prétention, nul ne plaidant par procureur.



Alors même qu'aucun débat n'avait été élevé par les parties de ce chef, le tribunal a alors considéré à juste titre que la demande ainsi présentée à l'encontre des sociétés notariales par M. et Mme [Z] s'analysait en une demande tendant à mettre en cause leur responsabilité professionnelle sur le fondement de l'article 1382 du code civil, les demandeurs mettant effectivement en cause, aux termes de leurs dernières écritures déposées devant le tribunal le 13 août 2021, les manquements des notaires à leur devoir d'information et de conseil.



Les demandes présentées en cause d'appel par M. et Mme [Z] tendent à voir retenir la responsabilité conjointe du vendeur et des notaires de façon à obtenir une condamnation in solidum de ces derniers en indemnisation de leurs préjudices ; de telles demandes tendent aux mêmes fins indemnitaires que les demandes présentées par les acquéreurs devant le tribunal et elles sont donc en cela recevables au sens de l'article 565 du code de procédure civile.





II. Sur la demande principale de M. et Mme [Z] formée à l'encontre de M. [F] sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme :



L'article 1604 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, définit la délivrance d'une chose vendue comme le transport de celle-ci en la puissance et possession de l'acheteur.



Il appartient à l'acheteur qui invoque le défaut de délivrance de la chose vendue de démontrer l'absence de conformité de la chose aux spécifications contractuelles.



Il ressort de la promesse synallagmatique de vente convenue entre les parties le 7 mai 2010, qu'un paragraphe intitulé « protection de l'environnement » figurant en page 14, rappelait dans une première partie les dispositions de l'article L.514-20 du code de l'environnement aux termes duquel il est notamment prévu que « lorsqu'une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l'acheteur ; il l'informe également, pour autant qu'il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l'exploitation », avant que le vendeur ne déclare :



«- ne pas avoir personnellement exploité une installation soumise à autorisation sur les lieux objet des présentes ;



- ne pas connaître l'existence de déchets considérés comme abandonnés au sens de l'article 3 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 ;



- qu'à sa connaissance l'activité exercée dans l'immeuble objet des présentes n'a pas entraîné de manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives visées par l'article L.514-20 du code de l'environnement ;



- que le bien n'est frappé d'aucune pollution susceptible de résulter notamment de l'exploitation actuelle ou passée ou de la proximité d'une installation soumise à autorisation (loi n° 92-646 du 13 juillet 1992) ;



- qu'il n'a jamais été déposé ni utilisé sur le terrain ou enfoui dans celui ci de déchets aux substances quelconques telles que par exemple amiante, polychlorobiphényles, polychloroterphényles directement ou dans des appareils ou installations pouvant entraîner des dangers ou inconvénients pour la santé de l'environnement ;









- qu'il n'a jamais été exercé sur les lieux dont il s'agit ou les lieux voisins d'activités entraînant des dangers ou inconvénients pour la santé de l'environnement (air, eaux superficielles ou souterraines, sols ou sous-sols par exemple), notamment celles visées par la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ;



- qu'il n'a reçu de l'administration, sur le fondement de l'article premier de la loi n° 76-663 susvisée, en sa qualité de «détenteur », aucune injonction de faire des travaux de remise en état de l'immeuble ;



- qu'il ne dispose pas d'informations lui permettant de supposer que les lieux ont supporté, à un moment quelconque, une installation classée ou, encore, d'une façon générale, une installation soumise à déclaration ;



- qu'il n'a pas connaissance d'incident ou accident présentant un danger pour la sécurité civile, la qualité, la conservation ou la circulation des eaux, selon les dispositions de l'article 18 de la loi sur l'eau du 3 janvier 1972. »



Il était alors ajouté par le rédacteur de l'acte que « S'il se révèle que les lieux dont il s'agit figurent sur la liste des installations classées, le vendeur fera son affaire, à ses frais, de les faire sortir de ce répertoire et de les remettre en état au sens de l'article L.512-17 du code de l'environnement. »



La promesse de vente vaut vente en l'absence de dérogation par les parties à ce principe et la réitération de la vente par acte authentique, prévue notamment à des fins de publicité foncière et d'opposabilité aux tiers, constitue un simple terme suspensif de la promesse avant que les obligations de chacune des parties ne deviennent exigibles.



Les parties n'ont à aucun moment érigé la réitération de la vente en une condition de formation de celle-ci ; il s'ensuit que les dispositions contractuelles susvisées prévues au paragraphe « protection d'environnement » ont engagé M. [F], peu important que cette clause n'ait pas été reprise aux termes de l'acte authentique de vente du 28 octobre 2010.



L'ensemble des documents produits au dossier par M. et Mme [Z], comprenant notamment le rapport de l'expert judiciaire [A], les actes de vente successifs afférents à la propriété acquise par les intéressés et documents administratifs établis par le maire de la commune de [Localité 6] ou le préfet du Rhône, permettent à la cour de constater que :



- M. [Y] [F] est le fils de M.[B] [F] et petit-fils de M. [D] [F] lequel a créé, selon déclaration faite en 1959, à [Localité 6], sur les terrains dont il était propriétaire incluant la propriété des époux [Z] située au [Adresse 1], un atelier de dégraissage de soiries avec emploi de liquides halogénés et de stockage d'essence, avant d'y installer selon déclaration faite en 1982, les sociétés [F] et/ou DASI, exploitant une activité de laverie de linge et dégraissage à sec entraînant des rejets comprenant des hydrocarbures ainsi qu'il ressort de la déclaration,



- la société DASI, est inscrite dans les fichiers de la direction régionale de l'environnement de l'aménagement du territoire et du logement comme un site dont les activités relèvent du régime d'autorisation au titre des installations classées pour la protection de l'environnement et répertoriée depuis 1999 au fichier BASIAS portant inventaire historique des sites industriels,



- les sociétés DASI et [F] ont été condamnées par jugement du 15 février 1985, confirmé en appel, a indemniser les époux [I] du fait de la pollution qu'elles avaient créée, alors même qu'elles s'étaient abstenues de solliciter une autorisation d'exploitation, malgré la mise en demeure délivrée en ce sens par le préfet du Rhône le 21 janvier 1980,







- les sociétés DASI/[F] bénéficiaient d'un récépissé de déclaration au titre de la législation des installations classées, pour des activités de blanchisserie et d'ennoblissement textile et lors d'inspections administratives, il avait été constaté qu'une activité soumise à autorisation avait été exploitée illégalement sur le site ; il leur incombait donc lors de leur cessation d'activité, de façon à satisfaire aux dispositions de l'article R.512-39-1 du code de l'environnement, de déclarer la cessation de leur activité de façon à procéder à la mise en sécurité du site (évacuation des déchets, élaboration d'un diagnostic environnemental pour vérifier si le site avait été pollué ou non, proposition au maire d'usage futur du site, transmission à la préfecture du dossier de cessation d'activité ainsi constitué et restitution des terrains en état compatible avec l'usage futur validé, en procédant à une dépollution en cas de pollution avérée non compatible avec le nouvel usage),



- selon permis de construire du 19 décembre 2001, le garage attenant à l'usine [F], constituant actuellement la maison d'habitation de M. et Mme [Z], construit selon permis de construire de juillet 1962, a fait l'objet d'une autorisation de changement de destination pour un usage d'habitation avec création d'une extension avant la vente par M. [D] [F] à la SCI Cyrlodie, ayant pour associé et gérant M. [B] [F], père de M. [Y] [F],



- ce dernier, ayant acquis de la SCI Cyrlodie la propriété pour la somme de 135 000 euros selon acte du 14 novembre 2007, y a résidé avant même cette date, déclarant aux termes de ses conclusions y avoir demeuré 8 années avant de la céder en 2010 à la famille [Z], après qu'une piscine autorisée selon déclaration de travaux du 17 mai 2006, y ait été construite,



- M. [Y] [F] a été désigné comme associé de la société Blanrhône, gérée par son père M. [B] [F] et associée unique de la société DASI, selon procès-verbal d'assemblée générale du 10 décembre 1998, devenant administrateur de la société DASI avec son père [B] [F] désigné comme président du conseil d'administration, et Mme [L] [F] ; selon procès-verbal d'assemblée générale du 26 mars 1999, il a été désigné comme secrétaire de l'assemblée extraordinaire et ordinaire tenue ce jour-là.



Il est ainsi établi qu'au moment de la vente de sa propriété aux époux [Z] en mai 2010, M. [Y] [F] qui avait participé activement à la gestion de la société DASI, sauf à considérer qu'il n'en était qu'un homme de paille, ne pouvait pas ignorer l'existence du passé et de l'usage industriel de la propriété qu'il occupait depuis 8 années ; alors même que des travaux d'excavation entrepris pour la construction d'une piscine avaient eu lieu en 2006 pendant qu'il occupait les lieux avec sa famille, il ne peut être sérieusement soutenu par ce dernier qu'il n'avait pas connaissance de la réalité d'une pollution des sols dans la mesure où les travaux entrepris en 2019 par les acquéreurs, ayant amené à la découverte de la pollution par hydrocarbures du sol dès les premiers coups de pelleteuse, se situaient à quelques mètres de la piscine.



La chose vendue n'est donc pas conforme à la description qui en avait été faite aux termes de la promesse synallagmatique de vente en ce que M. [F] ne pouvait affirmer qu'il ne disposait pas d'informations lui permettant de supposer que les lieux avaient supporté, à un moment quelconque, une installation classée ou, encore, d'une façon générale, une installation soumise à déclaration, ni que le bien n'était frappé d'aucune pollution susceptible de résulter notamment de l'exploitation actuelle passée ou de la proximité d'une installation soumise à autorisation (loi n° 92-646 du 13 juillet 1992), ni qu'il ne connaissait pas l'existence de déchets considérés comme abandonné au sens de l'article 3 de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975, ni qu'à sa connaissance, l'activité exercée dans l'immeuble objet des présentes n'a pas entraîné de manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives visées par l'article L.514-20 du code de l'environnement.



Le vendeur qui s'est engagé aux termes de la clause susvisée, à dépolluer « s'il se révèle que les lieux dont il s'agit figurent sur la liste des installations classées », a reconnu implicitement mais nécessairement que l'absence de pollution et la conformité aux informations données est entrée dans la définition de la chose vendue.



Les parties ont ainsi fait entrer dans le champ contractuel de la vente la question de l'existence et de la qualité du passé industriel du site sur lequel se trouve la chose vendue de même que celle de l'existence d'une pollution éventuelle aux termes de la clause « protection de l'environnement » ; l'absence de conformité de la chose vendue aux spécifications attendues par les acquéreurs caractérise le défaut de délivrance invoqué par M. et Mme [Z] sur le fondement de l'article 1604 du code civil et engage la responsabilité du vendeur, le fait que les époux [Z] continuent d'habiter le bien étant indifférent en la matière.



L'acquéreur qui engage la responsabilité du vendeur pour manquement à son obligation de délivrance a le choix de demander la résolution de la vente ou la réparation du préjudice résultant du défaut de conformité qui consiste notamment dans le coût des travaux de mise en conformité qui doit être établi ; peu importe que ce coût soit disproportionné par rapport au prix de vente ou à la valeur du bien, les dispositions de l'article L.514-20 du code de l'environnement n'étant pas exclusives de l'application du droit commun des contrats et de celles en particulier de l'article 1604 du code civil, fondement choisi par les acquéreurs de l'espèce qui ont ainsi droit au bénéfice du financement intégral des mesures de dépollution.





- sur le coût des travaux de dépollution :



Le tribunal a fait une très juste appréciation du coût des opérations de dépollution en se référant aux conclusions du rapport d'expertise judiciaire qui a présenté selon deux scenari et les solutions techniques permettant la dépollution du bien immobilier ; par des motifs pertinents qui répondent aux moyens d'appel et que la cour adopte, il a ainsi été justement retenu qu'en 2020, au moment du dépôt du rapport d'expertise, le montant des travaux nécessaires à la dépollution de la propriété de M. et Mme [Z] s'élevait à la somme de 603 000 euros HT, soit 723 600 euros TTC, aucune dépense n'ayant été engagée de ce chef par la DREAL ou l'ADEME qui n'est chargée que de faire des préconisations après avoir mené diverses investigations, contrairement à ce que prétend M. [F].



M. et Mme [Z] justifient en cause d'appel, par un document d'actualisation établi en mai 2022, après nouvelle consultation des entreprises de dépollution par la société Dekra à qui avait été confiée par l'expert la mission d'évaluer le coût des travaux de dépollution, que les coûts retenus en 2020 ont augmenté notamment au titre des matières premières et que le montant du coût des travaux de dépollution doit être fixé au jour du présent arrêt à la somme de 628 000 euros HT soit 753 600 euros TTC.



Compte tenu des relations conflictuelles existant entre les parties, il n'apparaît nullement opportun que M. [F] fasse réaliser lui-même les opérations de dépollution qui s'avèrent indispensables et il convient dès lors d'ajouter aux coûts d'intervention des entreprises de dépollution, celui lié à l'intervention d'un maître d'oeuvre qui accompagnera M. et Mme [Z] et garantira le respect de la méthodologie nationale des sites pollués.



Ajoutant ce coût supplémentaire aux travaux de dépollution à hauteur d'une somme de 117 700 HT soit 141 240 euros TTC justifiée aux termes du document établi par la société Dekra en mai 2022, il revient ainsi une somme globale de 894 840 euros TTC au bénéfice de M. et Mme [Z], au paiement de laquelle doit être condamné M. [F].



Au delà des frais importants occasionnés par la nécessité de dépollution du site, M. et Mme [Z] ont subis des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux qu'il appartient à M. [F] qui a engagé sa responsabilité contractuelle pour défaut de délivrance, de réparer en intégralité.



- sur la perte de valeur du bien :



M. et Mme [Z] réclament l'indemnisation de la perte de valeur de leur bien immobilier à hauteur de 224 000 euros.







Un préjudice futur est réparable à la condition que sa réalisation soit certaine et que son évaluation soit possible.



Comme l'a justement retenu le tribunal, aucun élément du dossier ne permet d' établir en l'état que postérieurement aux opérations de dépollution, le bien immobilier acquis par les époux [Z] subira une perte de valeur, laquelle ne serait en tout état de cause certaine qu'en cas de vente dudit bien, circonstance hypothétique et inconnue dans sa date de réalisation.



Aucune indemnisation ne doit donc être allouée à ces derniers en la matière.





- sur les frais engagés au titre de la création d'une extension :



Aucun élément ne permet non plus à la cour de constater que les époux [Z] devront abandonner le projet d'extension de leur maison tel qu'il avait été projeté avant la découverte de la pollution en 2019 ; il n'est donc nullement établi que les frais qu'ils ont engagés à ce titre l'ont été en pure perte.



Leur demande indemnitaire de ce chef a donc été justement rejetée par le premier juge.





- sur les frais engagés pour la rémunération des experts et techniciens :



Les frais engagés par M. et Mme [Z] pour la rémunération d'un expert immobilier missionné pour établir la valeur vénale de leur bien immobilier ne saurait faire l'objet d'une indemnisation alors même que le préjudice né de la perte de valeur vénale invoqué n'est pas retenu par la cour.



En revanche, il convient d'indemniser M. et Mme [Z] des frais engagés au titre de la réalisation de prélèvements d'air ambiant par la société Dekra en octobre et décembre 2020, à hauteur de la somme de 1 188 euros TTC au paiement de laquelle doit être condamné M. [F].





- sur le préjudice de jouissance :



Les constatations de l'expert judiciaire ont permis d'établir que des recommandations ont été prises dès le 10 avril 2020 consistant notamment par la suspension de la fréquentation de partie du jardin par les occupants de la maison, l'interdiction de culture d'un potager et utilisation de l'eau du puits.



La durée des travaux de dépollution a été fixée sur une période de 6 à 12 mois selon l'expert.



Il ressort encore du rapport d'expertise judiciaire qui s'appuie sur les préconisations émises par la société Dekra, qu'une pollution résiduelle existera malgré les travaux de dépollution ; que cette pollution qui n'aura pu être traitée imposera la mise en place de servitudes ou restrictions d'usage, fondées sur le code de l'urbanisme, le code de la santé publique et le code de l'environnement, justifiant qu'une surveillance environnementale devra être assurée sur le bien acquis par les époux [Z], malgré les opérations de dépollution, au minimum sur une période de 4 années.



Il est ainsi démontré l'existence d'un préjudice de jouissance qui doit être indemnisé à hauteur d'une somme de 30 000 euros.













- sur le préjudice moral :



Les époux [Z] considèrent que leur préjudice moral consiste dans l'angoisse de vivre dans un bien immobilier situé sur un site pollué depuis le 20 octobre 2010 ; ils invoquent à ce titre les troubles anxieux subis à ce titre par Mme [Z] qui a bénéficié d'un arrêt de travail de 10 jours à la suite de la connaissance des résultats environnementaux désastreux et des risques sanitaires auxquels est exposée sa famille depuis 10 ans.



Ils ajoutent avoir consacré, en tant que simples particuliers, depuis plus de 10 années, des heures à la constitution de leur dossier, à l'assistance aux opérations d'investigations, la situation de leur bien s'inscrivant dans le cadre d'un scandale sanitaire majeur.



Le préjudice subi par les enfants de M. et Mme [Z] ne peut être pris en considération dans la mesure où ces derniers ne sont pas intervenus à la procédure en qualité de représentants légaux de leur enfants mineurs et sont donc irrecevables à réclamer l'indemnisation des préjudices subis par ces derniers. Il n'est pas sérieusement contestable que depuis la découverte de la pollution du bien qu'ils occupent, M. et Mme [Z] ont dû supporter de multiples contraintes liées à la fois aux mesures d'investigation et à la recherche d'éléments probants destinés à être versés à leur dossier, perdant en cela le bénéfice d'heures paisibles de vie en famille.



Sans prendre en compte de ce chef l'angoisse développée par Mme [Z] qui sera indemnisée au titre du préjudice d'anxiété, leur préjudice moral sera indemnisé par l'octroi d'une somme de 10 000 euros chacun.





- sur le préjudice d'anxiété :



Le tribunal a fait une exacte définition et juste appréciation de l'existence et ampleur du préjudice d'anxiété subi par M. et Mme [Z] ; il convient toutefois de porter à la somme de 20 000 euros le montant de l'indemnisation revenant à chacun d'entre eux, sommes mises à la charge de M. [F].





- sur le préjudice sanitaire :



Comme l'a justement retenu le tribunal, aucun préjudice sanitaire ne peut être retenu en l'espèce dans la mesure où il n'est pas justifié par les intéressés qu'ils auraient développé une maladie en lien avec l'état de pollution du bien occupé, aucun élément du dossier médical produit par Mme [Z] concernant les interventions chirurgicales qu'elles a subies de janvier à mars 2022 au niveau de son genou droit, ne démontrant notamment la relation qui existerait entre l'ablation de tumeurs au genou et la pollution des sols et des eaux de leur propriété ; les demandes présentées de ce chef par les intimées doivent donc être rejetées.





III. Sur la demande de condamnation des sociétés notariales formée par M. et Mme [Z] sur le fondement de la responsabilité délictuelle :



M. et Mme [Z] invoquent des fautes commises par les deux offices notariaux ayant participé à l'élaboration de la vente de la propriété acquise en 2010, qui n'auraient pas satisfait à leur devoir d'information et de conseil : absence de consultation du fichier BASIAS, absence d'investigations concernant le classement ICPE du site, absence de reproduction de la clause « protection de l'environnement » dans l'acte authentique de vente.



Ils reprochent ensuite à la SCP [N] [H] [G] d'avoir eu connaissance de l'activité de la société exploitée sur et à proximité du bien vendu et de leur avoir fourni à ce titre de fausses informations ; ils soutiennent que Me [N] ayant par le passé été depuis au moins 1994, le notaire de la société ID [F] en préparant l'ensemble des actes la concernant tant dans son activité industrielle qu'au titre de son activité immobilière et en ayant notamment établi l'état descriptif de division et règlement de copropriété, n'a jamais fait état dans les actes ainsi rédigés par ses soins, d'aucune information environnementale alors même qu'elle était au surplus très proche de la famille [F], son mari étant alors avocat et associé de Me Hartemann, avocat au barreau de Lyon et à l'époque maire de la commune de Grézieu la Varenne, lui-même étant l'époux de la fille de l'industriel [D] [F].



Ils ajoutent qu'alors même que l'office notarial [N] [H] [G] avait déjà été assigné en justice par eux-même et se trouvait partie à une expertise judiciaire concernant la pollution située au [Localité 10] à [Localité 6], aucune information n'a pourtant été délivrée à ce titre dans les actes de ventes de biens immobiliers situés à proximité, passés les 15 mai et 15 juillet 2019 par l'intermédiaire d'un notaire unique, au bénéfice d'autres particuliers acquéreurs.



Ils considèrent que les manquements des notaires à leur devoir de conseil et d'information est à l'origine de l'existence du contrat de vente passé entre eux et M. [F] et de l'ensemble des préjudices subis.



La Selarl [N] [H] [G] et la SCP [U] [W] et [T] [J] contestent avoir commis la moindre faute en exposant que la proximité de Me [N] avec l'ancien maire de la commune de Grézieux la Varenne et la famille [F] ne permet nullement de démontrer sa connaissance de la pollution du site, pas plus que les actes qu'elle a pu rédiger par le passé ; elles ajoutent d'une part que la fiche BASIAS ne déterminant pas l'existence d'une activité polluante, sa consultation n'aurait pas permis de mettre en évidence la pollution du site et que d'autre part aucune trace d'un classement ICPE ne pouvait être retrouvé puisqu'il n'existait pas.



Elles font valoir qu'en tout état de cause, il n'est nullement établi que même informés de la situation, les époux [Z] n'auraient pas acheté le bien ou en auraient donné un moindre prix.



Elles contestent enfin le préjudice invoqué en prétendant que dans la mesure où la pollution du site préexistait à la vente, le coût des travaux de dépollution ne peut être mis à la charge des notaires ; que la dépollution est gérée par les services de l'état qui vont la prendre en charge, la perte de chance invoquée se trouvant parfaitement injustifiée puisque les époux [Z] vont conserver le bien qui sera dépollué ; elles contestent toute indemnisation au titre de la perte de valeur d'un bien, tout préjudice de jouissance, préjudice moral, préjudice d'anxiété ou préjudice sanitaire alors même que les intéressés demeurent encore sur place et que leur déménagement n'a pas été préconisé par l'expert.



Sur ce :



Le notaire, officier public ministériel authentifiant les actes qu'il rédige ou auxquels il prête son concours, est débiteur d'un devoir de conseil, tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il est requis de donner la forme authentique ; il doit à ce titre veiller à ce que les parties disposent des clés juridiques nécessaires pour comprendre la portée ou les risques des actes qu'elles concluent par son intermédiaire, peu important les compétences personnelles de celles-ci ou leur assistance par un autre conseil, fut-il notaire.



Il est par ailleurs tenu d'une obligation de mise en garde lui imposant d'informer les parties sur les risques de l'opération, en anticipant notamment les difficultés à naître de la situation juridique susceptible de résulter de l'acte authentique qu'il instrumente.



Il lui incombe à ce titre de se renseigner avec précision afin de déceler les obstacles juridiques qui pourraient s'opposer à l'efficacité de l'acte qu'il instrumente et il lui faut pour cela, porter à la connaissance de ses clients tous les événements et toutes les circonstances qui peuvent compromettre cette efficacité.



Il doit procéder, par toutes investigations utiles, à la vérification des déclarations des parties lorsqu'il existe un élément de nature à créer un doute sur la véracité des déclarations d'ordre factuel du vendeur ou des circonstances particulières justifiant une vigilance accrue.



La délivrance de ses conseils ou mises en garde par le notaire doit être effective et accessible, sans être limitée à des formules générales ne pouvant suffire à satisfaire à ces exigences.



Les obligations du notaire prennent naissance dès son intervention, y compris lors de l'élaboration de la promesse de vente, créatrice de droits et le notaire n'est pas dispensé de son devoir de conseil par la présence d'un autre conseiller, fût-il lui-même notaire, au côté du client.



Il appartient au notaire de rapporter la preuve de ce qu'il a effectivement donné les conseils qu'on attendait de lui.



L'ensemble des documents produits aux dossiers des parties permettent à la cour de constater que :



- aucune consultation du fichier BASIAS, base nationale créée en 1999 recensant les sites industriels, abandonnés ou en activité, susceptibles d'engendrer une pollution de l'environnement, destinée à conserver la mémoire de ces sites, fournir des informations utiles aux acteurs de l'urbanisme, du foncier, et de la protection de l'environnement et fournir une information aux acteurs de l'immobilier, notaires, détenteurs, acheteurs, n'a été faite par les notaires préalablement à la vente du bien immobilier acquis par les époux [Z], alors même que la société DASI y avait été inventoriée dès 1999 et faisait l'objet d'une fiche précisant que l'activité de la société « Teintureries DASI » avait débuté le 1er janvier 1959, qu'elle se trouvait terminée et qu'à la rubrique « historique des activités sur le site » figurait celle de « collecte et stockage des déchets non dangereux dont les ordures ménagères (décharge d'OM ; déchetterie) »,



- alors même que le notaire rédacteur de la promesse de vente avait fait figurer à l'acte la clause susvisée intitulée « protection de l'environnement », aucune investigation n'a pour autant été menée par les notaires de l'une ou l'autre des parties, auprès des services administratifs territoriaux compétents en charge des polices en matière d'installations polluantes, pour savoir notamment si une activité classée ICPE avait été ou non exploitée sur le site, même en l'absence d'inscription effective sur la liste des activités ICPE, si des prescriptions avaient pu être prises dans le cadre d'un changement d'usage d'une activité industrielle en une destination d'habitation et si la cessation de l'activité avait été déclarée à l'administration de façon à prévoir quelles mesures avaient été prises en matière de réhabilitation du site décrit comme « en friches » sur la ficher BASIAS,



- la SCP [N] [H] [G] connaissait parfaitement lors de l'élaboration de l'acte de vente du bien litigieux, la teneur de l'activité de la société ID [F] créée en 1994, après rachat du fonds de commerce de dégraissage de la société [F] le 3 février 1995, exploitée sur et à proximité du bien vendu, pour avoir été par l'intervention de Me [P] [N], notaire à la fois de la famille [F] et de la société ID [F], le rédacteur de nombreux actes concernant à la fois l'activité industrielle de cette dernière (statuts de création de la société ID [F] le 19 décembre 1994, cession de parts des associés les 28 juillet 1995, 12 septembre 2006 et 30 juillet 2010) ou son activité immobilière (acte de vente du bien immobilier à la SCI Cyrlodie du 7 mai 2002, acte de vente aux époux [Z] du 28 octobre 2020), aucun des actes authentiques susvisés ne faisant figurer une quelconque information environnementale.



En se limitant à rappeler les dispositions de l'article L.514-20 du code de l'environnement et en l'absence de délivrance aux acquéreurs, d'informations primordiales concernant le passé industriel du site dont faisait partie le bien immobilier acquis par les époux [Z], de tout conseil ou mise en garde visant à éclairer ces derniers sur les inconvénients du bien en les invitant à tout le moins à procéder à une vérification préalable à la vente, de l'état des lieux ensuite de la cessation de l'activité industrielle du site avec changement de destination, les notaires n'ont pas permis à ces derniers d'apprécier les caractéristiques essentielles du bien acheté ; cette absence de diligence constitue manifestement un manquement à leur obligation d'information et de conseil engageant leur responsabilité, directement à l'origine des préjudices subis par les acquéreurs, consistant dans la perte de chance d'une part de ne pas contracter et d'éviter le dommage constitué par l'obligation de dépolluer le bien et d'autre part de ne pas subir les préjudices susvisés retenus par la cour au titre des frais engagés ou à venir et des préjudices moraux, de jouissance et d'anxiété.



Les fautes du vendeur et des notaires ayant participé à la réalisation des mêmes préjudices, il convient de condamner in solidum le vendeur et les notaires à réparer ces préjudices, dans la limite de 80 % de leur ampleur concernant ces derniers.





IV. Sur la demande de condamnation des sociétés notariales à garantir M. [F] des condamnations prononcées à son encontre :



La demande formée de ce chef à titre subsidiaire par les époux [Z] ne donnera lieu à aucun examen par la cour dans la mesure où il a été fait droit à la demande principale de ces derniers ; la cour rappelle qu'en tout état de cause, nul ne plaide par procureur et que les acquéreurs ne sont pas recevables à solliciter la garantie par leur vendeur d'une condamnation prononcée en leur faveur contre ce dernier qui seul, peut présenter cette demande.



Si M. [F] demande aux termes du dispositif de ses conclusions, la condamnation in solidum, à titre subsidiaire, de la Selarl [N] [H] [G] et associés et de la SCP [U] [W] et [T] [J] à le relever et garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre, la cour constate qu'il n'argue d'aucune faute ni manquement à l'encontre de la SCP [U] [W] et [T] [J] contre laquelle il n'articule aucun grief aux termes de la partie discussion de ses conclusions, indiquant d'ailleurs expressément en pages 28 et 29 que la Selarl [N] [H] [G] et associés « doit être tenue responsable de la situation et des conséquences dommageables des pollutions incriminées » et qu'il « doit être garanti de toute condamnation éventuelle par la Selarl [N] [H] [G] et associés » ; en l'absence de toute faute ou manquement allégué à l'encontre de la SCP [U] [W] et [T] [J], la demande en garantie formée par M. [F] doit être rejetée.



S'agissant de la demande en garantie dirigée contre la Selarl [N] [H] [G] et associés, M. [F] demande que cette dernière soit tenue à le garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre lui ; il soutient n'avoir jamais été à l'origine de la pollution découverte, que l'insertion par le notaire rédacteur du compromis de vente de la clause sur la protection de l'environnement démontre à minima la connaissance par le rédacteur du risque en termes de pollution du terrain qu'il s'est bien gardé de porter à la connaissance des parties à la vente, tout en tentant de se couvrir par l'insertion de ladite clause, sans pour autant lui conseiller de faire réaliser un diagnostic environnemental par un professionnel.



Sur ce :



La connaissance ou l'ignorance par le vendeur du passé industriel du bien vendu importait peu quant à l'obligation d'information et de conseil dont se trouvait débiteur le notaire à son égard ; l'insertion de la clause sur la protection de l'environnement dans le compromis de vente, la connaissance par Me [N] du passé industriel du site telle que démontrée ci-avant, l'absence de toute investigation utile de sa part liée à ce passé industriel telle que constatée ci-avant et l'absence de toute information, de tout conseil ou mise en garde à ce titre figurant à la promesse de vente ou à l'acte authentique, constituent autant de manquements du notaire à ses obligations à l'égard de son client vendeur, justifiant que dans leurs rapports entre eux, ce dernier soit garanti par la Selarl [N] [H] [G] et associés à hauteur de 50 % des condamnations prononcées à son encontre.















V. Sur la demande de la Selarl [N] [H] [G] et associés et de la SCP [U] [W] et [T] [J] en garantie par M. [F] des condamnations prononcées à leur encontre :



Les sociétés notariales ont manqué à leurs obligation d'information et de conseil à l'égard des parties ; la Selarl [N] [H] [G] et associés est condamnée à garantir M. [F] à hauteur de 50 % des condamnations prononcées contre ce dernier et aucune faute n'est démontrée par la SCP [U] [W] et [T] [J] à l'encontre du vendeur qui lui permettrait de s'exonérer en tout ou partie et de faire droit à sa demande de garantie dirigée à l'encontre de ce dernier.



Il convient dès lors de débouter les sociétés notariales de leurs demandes en garantie.





VI. Sur la demande d'astreinte présentée par M. et Mme [Z] :



Aucune astreinte n'a lieu d'être ordonnée au titre des condamnations prononcées au bénéfice des époux [Z] et la demande présentée de ce chef par ces derniers doit être rejetée.





VII. Sur les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile :



Il convient de condamner in solidum, M. [F] et les société notariales à payer à M. et Mme [Z], une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, toute autre demande de ce chef devant être rejetée.



M. [F] sera garanti au titre de cette condamnation, à hauteur de 50 %, par la Selarl [N] [H] [G] et associés.





PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,



Déclare recevables les demandes de M. et Mme [Z] dirigées contre la Selarl [N] [H] [G] et associés et de la SCP [U] [W] et [T] [J],



Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 20 octobre 2021 en ce qu'il a d'une part débouté M. et Mme [Z] de leurs demandes en indemnisation du préjudice de perte de valeur de leur bien et du préjudice afférent aux frais destinés à la création d'une extension de leur immeuble et d'autre part condamné M. [F] à payer à M. et Mme [Z] une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Infirmant pour le surplus, statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,



Dit que M. [F] a manqué à son obligation de délivrance conforme à l'égard de M. et Mme [Z],



Dit que la Selarl [N] [H] [G] et associés et la SCP [U] [W] et [T] [J] ont manqué à leur obligation d'information et de conseil au préjudice de M. et Mme [Z],



Déclare responsables in solidum M. [F], la Selarl [N] [H] [G] et associés et la SCP [U] [W] et [T] [J], des préjudices subis par M. et Mme [Z], dans la limite de 80 % pour les sociétés notariales,









Fixe le préjudice subi par M. et Mme [Z] aux sommes suivantes :



- 894 840 euros au titre des frais de dépollution,

- 1 188 euros au titre des frais engagés pour la rémunération des techniciens,

- 10 000 euros chacun au titre du préjudice moral,

- 30 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

- 20 000 euros chacun au titre du préjudice d'anxiété,





Condamne in solidum M. [F], la Selarl [N] [H] [G] et associés et la SCP [U] [W] et [T] [J] à payer les sommes susvisées, dans la limite de 80 % de leur montant concernant les sociétés de notaires soit les sommes de :



- 715 872 euros au titre des frais de dépollution,

- 950,40 euros au titre des frais engagés pour la rémunération des techniciens,

- 8 000 euros chacun au titre du préjudice moral,

- 24 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

- 16 000 euros chacun au titre du préjudice d'anxiété,





Condamne la Selarl [N] [H] [G] et associés à garantir M. [F] des condamnations susvisées à hauteur de 50 %,



Déboute M. [F] de sa demande en garantie dirigée contre la SCP [U] [W] et [T] [J],



Déboute la Selarl [N] [H] [G] et associés et la SCP [U] [W] et [T] [J] de leur demande en garantie dirigée contre M. [F],



Rejette la demande d'astreinte présentée par M. et Mme [Z],



Condamne in solidum M. [F], la Selarl [N] [H] [G] et associés et la SCP [U] [W] et [T] [J] aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise judiciaire,



Condamne in solidum M. [F], la Selarl [N] [H] [G] et associés et la SCP [U] [W] et [T] [J] à payer à M. et Mme [Z] une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamne la Selarl [N] [H] [G] et associés à relever et garantir M. [F] à hauteur de 50 % de cette condamnation,



Rejette toute autre demande plus ample ou contraire des parties.





LE GREFFIER LE PRESIDENT

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