18 octobre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-87.125

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:CR01280

Texte de la décision

N° K 21-87.125 F-D

N° 01280


MAS2
18 OCTOBRE 2022


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 OCTOBRE 2022





M. [L] [Y], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 5 novembre 2021, qui, dans la procédure suivie contre M. [P] [H] du chef de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [L] [Y], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [L] [Y] a été grièvement blessé lors d'un accident de la circulation causé par le véhicule conduit par M. [P] [H].

3. Le tribunal correctionnel statuant sur les intérêts civils, après avoir déclaré M. [H] coupable de blessures involontaires par jugement devenu définitif sur l'action publique, a, notamment, débouté M. [Y] de sa demande au titre de la perte de gains professionnels futurs et de la perte de droits à la retraite, prononcé sur l'indemnisation de ses autres chefs de préjudice et dit que le montant des sommes offertes par la société [1], assureur de l'auteur, porterait de plein droit intérêt au double du taux légal entre le 5 juillet 2016 et le 4 juillet 2019 en application de l'article L. 211-13 du code des assurances.

4. M. [Y] a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement en ce qu'il avait débouté M. [Y] au titre de la perte de gains professionnels futurs et de la perte de ses droits à la retraite et a condamné M. [H] à payer à M. [Y] les sommes de 20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle et 23 339,70 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, alors « que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit ; qu'en jugeant, pour débouter M. [Y] de ses demandes d'indemnisation au titre de ses pertes de gains professionnels futurs et de ses pertes de droits à la retraite, qu'il « était apte à exercer des postes sédentaires ou à suivre une formation pour conduire d'autres engins », mais aurait fait le choix de refuser tout reclassement et de faire valoir ses droits à la retraite, de sorte qu'il n'aurait « pas subi de pertes de gains professionnelles futures en relation directe avec l'accident dont il a été la victime en 2014 », cependant qu'il résultait de ses propres constatations « qu'il n'est pas contesté et [qu'il est] établi par l'expert que M. [L] [Y] était inapte à reprendre son activité antérieure, compte tenu de ses séquelles en lien avec l'accident », ce dont il résultait que son préjudice professionnel, résultant de l'impossibilité de reprendre son activité professionnelle antérieure en raison de la survenance de l'accident, était établi, et devait être intégralement réparé, la cour d'appel a violé le principe susvisé. »

Réponse de la Cour

6. Pour débouter M. [Y] de ses demandes au titre de la perte de gains professionnels futurs et de la perte de droits à la retraite, l'arrêt attaqué énonce que les séquelles consécutives à son accident le rendaient inapte à reprendre son activité antérieure de chauffeur de bus, mais qu'il avait la possibilité d'être reclassé sur un poste sédentaire ou, moyennant une formation longue et coûteuse peu vraisemblable compte tenu de son âge, de se reconvertir sur un poste de conducteur de métro ou de tramway.

7. Le juge relève que M. [Y] envisageait dès avant son accident de faire valoir ses droits à la retraite dans un avenir proche afin d'exercer une activité de photographe plongeur, effectuant des démarches en ce sens, et qu'il a indiqué à l'expert n'être pas intéressé par un poste sédentaire et ne pas souhaiter être reclassé sur un autre poste, quel qu'il soit.

8. Il ajoute que l'intéressé a fait le choix de prendre sa retraite le 1er août 2016, alors même qu'il était toujours en arrêt de travail, et que de ce fait aucun poste de reclassement, pour lequel son employeur était tenu de lui garantir une rémunération équivalente, ne lui avait encore été proposé.

9. Le juge en déduit que l'intéressé n'a pas subi de perte de gains professionnels futurs ni de perte de ses droits à la retraite du fait de son accident.

10. En se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu le texte visé au moyen.

11. En effet, elle a, par des motifs relevant de son appréciation souveraine, caractérisé, d'une part, la capacité subsistante de M. [Y] à poursuivre une activité professionnelle pour le même employeur sans perte de rémunération et, d'autre part, son choix de faire valoir ses droits à la retraite de manière anticipée pour des motifs personnels, non exclusivement lié à l'accident et préexistants à celui-ci.

12. Le moyen doit dès lors être écarté.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement en ce qu'il avait dit que le montant des indemnisations offertes par l'assureur par conclusions du 4 juillet 2019 porterait intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter du 5 juillet 2016 et jusqu'au 4 juillet 2019,
date de régularisation des conclusions, alors « que les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans les limites des conclusions dont ils sont saisis ; qu'en jugeant « qu'il n'est pas contesté en cause d'appel le doublement des intérêts au taux légal », de sorte que « le jugement entrepris sera[it] confirmé de c[e] che[f] » cependant que M. [Y], dans ses conclusions d'appel, critiquait le jugement sur le point de départ, le terme et l'assiette de ces intérêts au double du taux légal, et demandait expressément la réformation de la décision de première instance, l'arrêt relevant d'ailleurs que « par conclusions déposées et soutenues à l'audience, M. [L] [Y] demande à la cour de : […] dire et juger que les condamnations à intervenir, créance de la CCAS comprise et provision non déduites, porteront intérêt au double du taux légal à compter du 2 janvier 2015 jusqu'au jour où la décision sera définitive », contrairement au jugement qui s'était borné à retenir que le montant des indemnisations offertes par l'assureur par conclusions du 4 juillet 2019 porterait intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter du 5 juillet 2016 et jusqu'au 4 juillet 2019, date de régularisation des conclusions de l'assureur, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et a violé les articles 459, 464 et 512 du code de procédure pénale, ensemble l'article L. 211-9 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

14. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

15. Pour confirmer la décision du premier juge sur le montant de la pénalité due en application de l'article L. 211-13 du code des assurances, l'arrêt attaqué énonce que le doublement des intérêts au taux légal n'est pas contesté en cause d'appel.

16. En se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [Y], qui contestait l'assiette et la période retenues par le premier juge pour cette indemnité, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

17. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

18. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à l'indemnité allouée sur le fondement de l'article L. 211-13 du code des assurances. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 5 novembre 2021, mais en ses seules dispositions ayant confirmé la décision du premier juge sur l'indemnité allouée sur le fondement de l'article L. 211-13 du code des assurances, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit octobre deux mille vingt-deux.

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