13 octobre 2022
Cour d'appel de Versailles
RG n° 21/01801

5e Chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88G



5e Chambre











ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 13 OCTOBRE 2022



N° RG 21/01801

N° Portalis

DBV3-V-B7F-UR6F



AFFAIRE :



Société [5]





C/



CPAM DE LA SAVOIE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Mai 2021 par le Pole social du TJ de VERSAILLES

N° RG : 17/00600





Copies exécutoires délivrées à :



la SELARL CEOS AVOCATS



Me LEFEBVRE Rachel







Copies certifiées conformes délivrées à :



Société [5]





CPAM DE LA SAVOIE







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Société [5]



[Adresse 1]

[Localité 4]



représentée par Me Véronique BENTZ de la SELARL CEOS AVOCATS, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1025





APPELANTE

****************

CPAM DE LA SAVOIE

[Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me LEFEBVRE Rachel, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D1901





INTIMEE

****************





Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente chargé d'instruire l'affaire.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,

Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller,



Greffier, lors des débats : Madame Clémence VICTORIA, greffière placée








EXPOSÉ DU LITIGE



Salarié de la société [6], aux droits de laquelle vient la société [5] (la société) en qualité de maçon, M. [G] (la victime) a été victime, le 2 décembre 2015, d'un accident que la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie (la caisse) a pris en charge, le 2 mai 2016, au titre de la législation professionnelle, après mise en oeuvre d'une mesure d'instruction.



Après échec de sa contestation devant la commission de recours amiable de la caisse, la société a, le 4 avril 2017, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles d'une demande en inopposabilité de la décision de prise en charge.



Par jugement du 6 mai 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles a :

- débouté la société de sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident survenu à la victime le 2 décembre 2015 ;

- débouté la société de sa demande d'inopposabilité des soins et arrêts prescrits à la victime au titre de l'accident du travail dont il a été victime le 2 décembre 2015 ;

- débouté la société de sa demande d'expertise médicale judiciaire ;

- déclaré opposable à la société la décision de prise en charge de l'accident du travail survenu à la victime le 2 décembre 2015 ;

- déclaré opposables à la société les arrêts de travail et les soins prescrits à la victime au titre de l'accident dont il a été victime le 2 décembre 2015 ;

- débouté la société de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société aux dépens.



La société a relevé appel de ce jugement.



L'affaire a été plaidée à l'audience du 8 septembre 2022.



Les parties ont comparu, représentées par leur avocat.



Par conclusions écrites déposées et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société sollicite l'infirmation du jugement entrepris et l'inopposabilité, à son égard, de la décision de prise en charge de l'accident litigieux, en précisant que le débat à hauteur d'appel porte exclusivement sur ce point.



Par conclusions écrites déposées et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la caisse sollicite la confirmation du jugement entrepris.

Concernant les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, chaque partie sollicite l'octroi à son profit d'une indemnité de 1 500 euros.






MOTIFS DE LA DÉCISION





Sur le caractère professionnel de l'accident



Vu l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale :



En l'espèce, il ressort de la déclaration d'accident du travail du 15 décembre 2015 que selon les dires de la victime, celle-ci a ressenti, le 2 décembre 2015, une 'pointe au dos' alors qu'elle aidait son chef d'équipe à décharger un groupe électrogène.



Le certificat médical initial daté du 2 décembre 2015 et assorti d'un arrêt de travail fait état d'une 'lombalgie avec sciatalgie' et d'une 'contracture paravertébrale dorso-lombaire droite'. Contrairement à ce que soutient la société, il ne peut être déduit du constat selon lequel cette dernière lésion est notée manuscritement que ledit certificat a été rectifié pour les seuls besoins de la cause.







La société ayant formulé des réserves, la caisse lui a adressé un questionnaire ainsi qu'au salarié concerné et à M. [B], chef d'équipe, désigné par la victime comme étant un témoin direct de l'accident. Ce témoin confirme que la victime a 'ressenti une douleur au dos' lors d'opérations de manutention portant sur une charge évaluée à environ 50 kilos. Ce témoignage apparaît suffisamment probant et vient corroborer les déclarations de la victime sur le mécanisme accidentel et ses circonstances.



De ces éléments précis et concordants, il ressort que l'existence d'un fait soudain survenu au temps et au lieu du travail et dont il est résulté une lésion corporelle est parfaitement établie.



La présomption d'imputabilité ne peut être détruite que par la preuve d'une cause totalement étrangère au travail, preuve que la société n'apporte pas en l'espèce.



La contestation de la société sera rejetée en ce qu'elle tend à remettre en cause le caractère professionnel de l'accident.



Sur les manquements éventuels de la caisse dans la mise en oeuvre de la procédure d'instruction



Vu les articles R. 441-11 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :



Il ressort des pièces du dossier qu'à réception des réserves émises par la société, la caisse lui a transmis un questionnaire ainsi qu'à la victime et qu'elle a recueilli les déclarations de M. [B], cité par cette dernière comme ayant assisté à l'accident. La caisse a donc respecté ses obligations en la matière avant de prendre sa décision.



De même, la caisse, qui a avisé la société, par courrier du 11 avril 2016, de la fin de l'instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier avant sa décision qui interviendra le 2 mai 2016, a satisfait à son obligation d'information et aux exigences du contradictoire. Contrairement à ce que soutient la société, la caisse n'était pas tenue de lui transmettre une copie du dossier. Il conviendra toutefois d'observer que la caisse a rapidement transmis les pièces du dossier à l'employeur, conformément à sa demande, ce que ce dernier reconnaît expressément dans un courrier du 22 avril 2016 adressé à l'organisme et intitulé 'observations et protestation suite à la consultation des éléments du dossier'.



Sur le non-respect des délais impartis à la caisse



Vu les articles R. 441-11 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :



Il résulte de ces textes que l'inobservation, faute de notification de la prolongation du délai d'instruction, du délai dans la limite duquel la caisse doit statuer sur une demande de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie n'est sanctionnée que par la reconnaissance du caractère professionnel de cet accident ou de cette maladie, dont seule la victime peut se prévaloir (2e Civ., 7 janvier 2021, n° 19-24.697 ; 7 avril 2022, n° 20-19.736).



En l'espèce, la société soutient que la caisse a informé la société de ce qu'elle recourait à un délai d'instruction complémentaire au-delà du délai réglementaire de 30 jours. Elle fait valoir que cette prise en charge implicite, intervenue sans que la caisse ne respecte son obligation d'information à son égard, ne saurait avoir d'effet que pour l'assuré.



Cependant, il est de jurisprudence constante que le caractère implicite de la décision de prise en charge, faute de décision expresse de la caisse dans les délais requis, ne rend pas par lui-même cette décision inopposable à l'employeur.



Il ressort des pièces du dossier que la caisse a respecté son obligation d'information par le recours à une mesure d'instruction au vu des réserves émises par l'employeur, que des questionnaires ont été envoyés tant à la victime qu'à la société, que cette dernière a été informée, par courrier du 11 avril 2016, de la clôture de l'instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier avant la décision à intervenir, fixée au 2 mai 2016, que la société a pu prendre connaissance des pièces du dossier, qu'elle a formulé des observations écrites le 22 avril 2016 et que la décision de prise en charge est intervenue à la date fixée, soit le 2 mai 2016.



Le moyen apparaît, dès lors, dénué de fondement.



Sur l'absence de motivation de la décision de prise en charge



Selon l'article R. 441-14, alinéa 4, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige, la décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours, par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou à ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire.



Le défaut ou le caractère insuffisant ou erroné de la motivation de la décision de la caisse, à le supposer établi, permet seulement à son destinataire d'en contester le bien-fondé devant le juge sans condition de délai (2e Civ., 12 mars 2015, n° 13-25.599, Bull. 2015, II, n° 57).



Il s'ensuit que le moyen soulevé par la société, qui considère que l'insuffisance de motivation de la décision de prise en charge doit conduire à son inopposabilité, est inopérant.



En toute hypothèse, la décision litigieuse est motivée en fait et en droit, puisqu'il est indiqué que les éléments recueillis dans le cadre de l'instruction contradictoire 'permettent d'établir que l'accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail conformément aux conditions posées par l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale'.



Sur le défaut de pouvoir du signataire de la décision de prise en charge



Vu l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-356 du 23 avril 2019, applicable au litige :



Il résulte de ce texte que le défaut de pouvoir d'un agent d'une caisse primaire, signataire d'une décision de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, ne rend pas cette décision inopposable à l'employeur, qui conserve la possibilité d'en contester tant le bien-fondé que les modalités de mise en oeuvre au regard des obligations d'information et de motivation incombant à l'organisme social (2e Civ., 23 janvier 2014, n° 13-12.216, publié, 2e Civ., 7 mai 2014, n° 13-16.551 ; 22 octobre 2020, n° 19-21.889).



En l'espèce, la décision de prise en charge a été prise par Mme [R], 'correspondant risques professionnels'. Se fondant notamment sur les dispositions des articles R. 122-3 et D. 253-6 du code de la sécurité sociale, la société estime que la délégation de pouvoir ou de signature doit être expresse et que faute pour la caisse de rapporter la preuve que Mme [R] disposait d'un pouvoir régulier lui permettant de prendre la décision du 2 mai 2016, celle-ci doit lui être déclarée inopposable.



Le moyen est toutefois inopérant.



Les décisions prises par les caisses de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie ne traduisent pas l'exercice, par ces organismes, d'une prérogative de puissance publique. Dès lors, ainsi que le retient la jurisprudence constante précédemment rappelée, l'éventuel défaut de pouvoir d'un agent d'une caisse primaire, signataire d'une telle décision, ne rend pas cette dernière inopposable à l'employeur.



C'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande en inopposabilité formée par la société.



Le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.



Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile



La société, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens exposés en cause d'appel.



Elle sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à verser à la caisse une somme de 1 500 euros en application de ce texte.













PAR CES MOTIFS,



La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe :



CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;



CONDAMNE la société [5] aux dépens exposés en cause d'appel ;



En application de l'article 700 du code de procédure civile, déboute la société [5] de sa demande et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Savoie la somme de 1 500 euros.



Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente, et par Madame Clémence VICTORIA, greffière placée , auquel le magistrat signataire a rendu la minute.







Le GREFFIER,Le PRESIDENT,

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