13 octobre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-13.322

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C201047

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 octobre 2022




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1047 F-D

Pourvoi n° Q 21-13.322





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2022

La société [3], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-13.322 contre l'arrêt rendu le 15 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cassignard, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Cassignard, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 janvier 2021), M. [R] (la victime), salarié de la société [3] (l'employeur), a été victime d'un accident du travail le 9 août 2013, pris en charge au titre de la législation professionnelle le 9 septembre 2013 par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la caisse). L'état de santé du salarié en rapport avec cet accident a été déclaré consolidé à la date du 31 mai 2014 par décision de la caisse du 12 mai 2014.

2. L'employeur a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins de se voir déclarer inopposables les arrêts de travail et soins prescrits au salarié, pris en charge au titre de la législation professionnelle. Cette juridiction a ordonné une expertise médicale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :

« 1°/ que des lésions postérieures à un accident du travail ne peuvent être prises en charge au titre de la législation professionnelle lorsqu'elles n'ont aucun rapport avec cet accident mais sont imputables à un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte ; que la présomption d'imputabilité des lésions à l'accident du travail initial cesse à la date de la consolidation ; que si le juge de sécurité sociale n'est pas lié par les conclusions d'un médecin expert sur le lien entre un accident du travail et le décès de la victime survenu postérieurement, il ne peut écarter ces conclusions qu'après avoir examiné les motifs du rapport ayant déterminé ces conclusions et s'être expliqué, d'une part, sur les lésions consécutives à l'accident et, d'autre part, sur leur date de consolidation ; qu'au cas présent, le médecin-expert avait relevé, dans ses conclusions, que « sur le plan médicolégal, l'accident du travail du 09/08/2013 a été exclusivement responsable d'un lumbago aigu survenant sur un rachis antérieurement pathologique » que « la consolidation médicolégale des lésions accidentelles dont l'assuré […] a été victime peut être fixée au 21/09/2013, en raison de l'absence de complication, de rééducation fonctionnelle, d'intervention chirurgicale pour état déficitaire » et qu'« au-delà de cette date les arrêts de travail prescrits sont en rapport avec l'état antérieur vertébral connu, objectivé par une radiographie de 2013 » ; qu'en se contentant d'affirmer que l'expert « n'affirme pas que les arrêts de travail postérieurs au 21 septembre 2013 sont totalement étrangers au travail » et que l'« expertise n'est donc pas de nature à renverser la présomption d'imputabilité dont bénéficie la caisse », sans répondre aux conclusions de l'expert, dont la société [3] demandait l'homologation, quant à la nature des lésions consécutives à l'accident du 9 août 2013 et à la date de consolidation de ces lésions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale ;

2°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer les éléments produits aux débats ; qu'au cas présent, le rapport d'expertise énonce que « la notion de sciatalgie intervient quand il y a un état antérieur, soit à type d'arthrose interapophysaire postérieure, d'arthrose discale ou éventuellement une hernie discale préexistante qui aurait été ravivée à ce moment-là », qu'« au-delà [du 21 septembre 2013] les arrêts de travail prescrits sont en rapport avec l'état antérieur vertébral connu, objectivé par une radiographie de 2013 signalée dans le rapport de l'expert pour le TCI puis confirmé par l'IRM du 04/11/2013, et pris en compte pour fixer le taux d'IP relatif à l'accident du 09/08/2013. Les arrêts de travail et les soins en rapport avec l'accident travail du 09/08/2013 s'étendent jusqu'au 21/09/2013, au-delà, les soins et les arrêts de travail sont à prendre en charge sur le risque maladie au titre d'un état antérieur dégénératif arthrosique lombaire qui évolue pour son propre compte » et encore qu'« Il existe un état antérieur dégénératif étagé du rachis dans son ensemble corroboré par la radiographie de 2013, signalée dans le rapport établi par le Docteur [Y] le 17/02/2015 pour le Tribunal du Contentieux de l'Incapacité, corroboré par l'IRM du 04/11/2013. Cet état antérieur dégénératif évolue pour son propre compte. L'état antérieur a été temporairement aggravé par l'accident survenu le 09/08/2013. Il a nécessité un arrêt de travail et des soins qui ne sauraient excéder le 21/09/2013 » ; qu'en énonçant néanmoins qu'« il ne résulte ainsi nullement de ce rapport d'expertise un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les arrêts de travail postérieurs », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise en violation du principe susvisé. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.

5. Pour dire qu'il ne résulte pas du rapport d'expertise la preuve d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les arrêts de travail postérieurs, l'arrêt, après avoir rappelé les conclusions du rapport d'expertise, relève que l'expert se fonde sur des référentiels d'ordre général applicables aux arrêts de travail qui ne s'appliquent pas de façon certaine à la situation du salarié et qu'il s'appuie sur l'existence d'un état antérieur médicalement constaté pour considérer que l'accident du travail n'a pu engendrer qu'un lumbago aigu et fixer de façon abstraite et sans certitude la date de consolidation de cette lésion au 21 septembre 2013, compte tenu des référentiels dont il dispose, sans affirmer que les arrêts de travail postérieurs au 21 septembre 2013 sont totalement étrangers au travail.

6. Par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée de l'élément de preuve ainsi soumis à son examen, la cour d'appel a, sans dénaturation, décidé que l'employeur ne rapportait pas la preuve qui lui incombait, de sorte que la présomption d'imputabilité s'appliquait à l'ensemble des soins et arrêts de travail en cause.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société [3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt-deux.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [3]

La société [3] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré l'ensemble des soins et arrêts de travail prescrits à M. [P] [R] entre le 10 août 2013 et le 30 mai 2014 et pris en charge par la CPAM du Val-de-Marne au titre de l'accident du travail du 9 août 2013 opposable à la société [3] ;

ALORS QUE des lésions postérieures à un accident du travail ne peuvent être prises en charge au titre de la législation professionnelle lorsqu'elles n'ont aucun rapport avec cet accident mais sont imputables à un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte ; que la présomption d'imputabilité des lésions à l'accident du travail initial cesse à la date de la consolidation ; que si le juge de sécurité sociale n'est pas lié par les conclusions d'un médecin expert sur le lien entre un accident du travail et le décès de la victime survenu postérieurement, il ne peut écarter ces conclusions qu'après avoir examiné les motifs du rapport ayant déterminé ces conclusions et s'être expliqué, d'une part, sur les lésions consécutives à l'accident et, d'autre part, sur leur date de consolidation ; qu'au cas présent, le médecin-expert avait relevé, dans ses conclusions, que « sur le plan médicolégal, l'accident du travail du 09/08/2013 a été exclusivement responsable d'un lumbago aigu survenant sur un rachis antérieurement pathologique » que « la consolidation médicolégale des lésions accidentelles dont l'assuré […] a été victime peut être fixée au 21/09/2013, en raison de l'absence de complication, de rééducation fonctionnelle, d'intervention chirurgicale pour état déficitaire » et qu' « au-delà de cette date les arrêts de travail prescrits sont en rapport avec l'état antérieur vertébral connu, objectivé par une radiographie de 2013 » ; qu'en se contentant d'affirmer que l'expert « n'affirme pas que les arrêts de travail postérieurs au 21 septembre 2013 sont totalement étrangers au travail » et que l' « expertise n'est donc pas de nature à renverser la présomption d'imputabilité dont bénéficie la caisse », sans répondre aux conclusions de l'expert, dont la société [3] demandait l'homologation, quant à la nature des lésions consécutives à l'accident du 9 août 2013 et à la date de consolidation de ces lésions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale ;

2. ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les éléments produits aux débats ; qu'au cas présent, le rapport d'expertise énonce que « la notion de sciatalgie intervient quand il y a un état antérieur, soit à type d'arthrose interapophysaire postérieure, d'arthrose discale ou éventuellement une hernie discale préexistante qui aurait été ravivée à ce moment-là » (Rapport, p. 9), qu' « au-delà [du 21 septembre 2013] les arrêts de travail prescrits sont en rapport avec l'état antérieur vertébral connu, objectivé par une radiographie de 2013 signalée dans le rapport de l'expert pour le TCI puis confirmé par l'IRM du 04/11/2013, et pris en compte pour fixer le taux d'IP relatif à l'accident du 09/08/2013. Les arrêts de travail et les soins en rapport avec l'accident travail du 09/08/2013 s'étendent jusqu'au 21/09/2013, au-delà, les soins et les arrêts de travail sont à prendre en charge sur le risque maladie au titre d'un état antérieur dégénératif arthrosique lombaire qui évolue pour son propre compte » (Rapport, p. 10-11) et encore qu' « Il existe un état antérieur dégénératif étagé du rachis dans son ensemble corroboré par la radiographie de 2013, signalée dans le rapport établi par le Docteur [Y] le 17/02/2015 pour le Tribunal du Contentieux de l'Incapacité, corroboré par l'IRM du 04/11/2013. Cet état antérieur dégénératif évolue pour son propre compte. L'état antérieur a été temporairement aggravé par l'accident survenu le 09/08/2013. Il a nécessité un arrêt de travail et des soins qui ne sauraient excéder le 21/09/2013 » (Rapport, p. 11) ; qu'en énonçant néanmoins qu' « il ne résulte ainsi nullement de ce rapport d'expertise un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les arrêts de travail postérieurs », la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise en violation du principe susvisé.

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