13 octobre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-11.754

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C201062

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Jetons de présence versés à des salariés ayant la qualité d'administrateur d'une société anonyme - Sommes abandonnées au profit d'organisations syndicales - Indifférence

Selon l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, sont soumises à une contribution à la charge de l'employeur les rémunérations visées aux articles L. 225-44 et L. 225-85 du code de commerce perçues par les administrateurs et membres des conseils de surveillance de sociétés anonymes et des sociétés d'exercice libéral à forme anonyme. Il importe peu, pour l'application de ces dispositions, que les rémunérations soient perçues par l'intermédiaire de tiers. Viole ce texte l'arrêt qui refuse de réintégrer dans l'assiette du forfait social les jetons de présence alloués aux représentants élus du personnel salarié au conseil de surveillance en rémunération de leur activité au motif que ceux-ci ont abandonné ces sommes au profit de leur organisation syndicale

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Rémunérations - Perception par un tiers - Indifférence - Cas - Jetons de présence perçus par des représentants du personnel et reversés à leur organisation syndicale

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 octobre 2022




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1062 F-B

Pourvoi n° K 21-11.754



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2022

L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Nord Pas-de-Calais, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 21-11.754 contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à la société [3], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 8 décembre 2020), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2010 à 2012, l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société), le 9 décembre 2013, une mise en demeure visant plusieurs chefs de redressement.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le second moyen, pris en quatrième branche

Enoncé du moyen

4. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler partiellement, pour utilisation d'une méthode illicite de contrôle, les chefs de redressement n° 11 et n° 13, alors « qu'en tout état de cause, le redressement ne peut être annulé que si l'URSSAF a recouru de manière irrégulière à la taxation forfaitaire ou recouru de manière irrégulière à la méthode de redressement par échantillonnage et extrapolation ; qu'il n'y a pas lieu d'annuler le redressement lorsque la méthode de calcul de l'URSSAF est seulement erronée, les juges du fond devant en pareil cas inviter l'URSSAF à modifier le montant des sommes réclamées ; qu'en l'espèce, l'arrêt a constaté que les inspecteurs de l'URSSAF avaient retenu une méthode spécifique de calcul de l'assiette plafonnée permettant de déterminer les cotisations du régime général et du complément vieillesse, que les modalités retenues pour déterminer cette masse salariale plafonnée constituaient une méthode illicite de calcul et que les redressements notifiés aux points 11 et 13 étaient irréguliers « au regard de la méthode de calcul des masses salariales plafonnées employées » mais que pour autant, cette méthode ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une taxation forfaitaire ; qu'en annulant lesdits redressements lorsqu'il résultait de ses constatations que l'URSSAF avait employé, non pas une taxation forfaitaire injustifiée, mais une méthode de calcul erronée et qu'il appartenait dans ce cas à la cour d'appel d'inviter l'URSSAF à modifier le montant des sommes réclamées, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 et l'article R. 242-5 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, le dernier dans sa version issue du décret n° 2009-1596 du 18 décembre 2009, applicable au litige. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article R. 242-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-1596 du 18 décembre 2009, alors en vigueur, que si le redressement doit être établi sur des bases réelles lorsque la comptabilité de l'employeur permet à l'agent de contrôle d'établir le chiffre exact des sommes à réintégrer, le recours par un organisme de sécurité sociale à une méthode de calcul contrevenant aux règles posées par le code de la sécurité sociale doit être sanctionné par l'annulation de la partie du redressement calculée de manière irrégulière.

6. Ayant retenu qu'en l'absence de mise en oeuvre de la procédure de taxation forfaitaire, les modalités retenues par l'URSSAF pour le calcul des masses salariales plafonnées constituaient une méthode illicite de calcul contraire à la règle d'ordre public de la détermination du redressement sur des bases réelles, la cour d'appel en a exactement déduit que les chefs de redressement concernés devaient être annulés à hauteur des sommes réclamées correspondant aux cotisations plafonnées.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler partiellement le chef de redressement n° 4, alors « que sont soumis au forfait social les jetons de présence perçus par les administrateurs d'une société ; que ces sommes sont perçues par les administrateurs dès lors qu'elles leur sont payées, ce paiement prendrait-il la forme d'un virement effectué sur le compte d'un tiers désigné par l'administrateur ; qu'en jugeant au contraire que les administrateurs n'avaient pas perçu leurs jetons de présence dès lors que ces sommes avaient été versées, à leur demande, sur le compte d'une organisation syndicale, la cour d'appel a violé l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009, applicable au litige :

9. Selon ce texte, sont soumises à une contribution à la charge de l'employeur les rémunérations visées aux articles L. 225-44 et L. 225-85 du code de commerce perçues par les administrateurs et membres des conseils de surveillance de sociétés anonymes et des sociétés d'exercice libéral à forme anonyme.

10. Il importe peu, pour l'application de ces dispositions, que les rémunérations soient perçues par l'intermédiaire de tiers.

11. Pour annuler le chef de redressement relatif à la réintégration, dans l'assiette du forfait social, des jetons de présence des représentants élus du personnel salarié au conseil d'orientation et de surveillance, l'arrêt relève que ces derniers ont, dès leur élection en cette qualité, fait savoir à l'employeur qu'ils abandonnaient à leur organisation syndicale leurs jetons de présence. Il constate que les sommes ont été versées à celle-ci par l'employeur, sans transiter par le compte bancaire des intéressés. Il en déduit que ces derniers n'ont pas perçu de jetons de présence.

12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les sommes litigieuses constituaient des jetons de présence alloués aux membres du conseil de surveillance en rémunération de leur activité, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule la partie du redressement faisant l'objet du point n° 4 de la lettre d'observations en ce qu'il porte sur la réintégration des jetons de présence de MM. [Z], [S] et [F], l'arrêt rendu le 8 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;

Condamne la société [3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] et la condamne à payer à l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF Nord Pas-de-Calais

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'Urssaf Nord Pas de Calais fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR annulé la partie du redressement faisant l'objet du point n°4 de la lettre d'observations en ce qu'il porte sur la réintégration des jetons de présence de Messieurs [Z], [S] et [F],

ALORS QUE sont soumis au forfait social les jetons de présence perçus par les administrateurs d'une société ; que ces sommes sont perçues par les administrateurs dès lors qu'elles leur sont payées, ce paiement prendrait-il la forme d'un virement effectué sur le compte d'un tiers désigné par l'administrateur ; qu'en jugeant au contraire que Messieurs [Z], [S] et [F] n'avaient pas perçu leurs jetons de présence dès lors que ces sommes avaient été versées, à leur demande, sur le compte d'une organisation syndicale, la cour d'appel a violé l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à l'espèce.

SECOND MOYEN DE CASSATION

L'Urssaf Nord Pas de Calais fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR annulé pour utilisation d'une méthode illicite de contrôle le redressement notifié en point 11 de la lettre d'observations à hauteur de la somme de 5.850, 53 € correspondant aux cotisations plafonnées RG CAS GENERAL pour 2010, à hauteur de la somme de 5.666 € correspondant aux cotisations plafonnées RG CAS GENERAL pour 2011, à hauteur de 108 € correspondant au cotisations plafonnées au titre du complément vieillesse 2012 et de la somme de 8.090 € correspondant aux cotisations plafonnées RG CAS GENERAL 2012, d'AVOIR dit bien fondé le redressement notifié au point n°11 de la lettre d'observations à hauteur uniquement de sa partie non annulée ci-dessus, d'AVOIR annulé pour utilisation d'une méthode illicite de contrôle le redressement notifié en point 13 de la lettre d'observations à hauteur de la somme de 56.385, 42 € correspondant aux cotisations plafonnées RG CAS GENERAL pour 2010 et de la somme de 59.776, 80 € au titre des cotisations plafonnées RG CAS GENERAL pour 2011,

1° - ALORS QUE l'inspecteur de Urssaf est en droit d'établir son redressement à partir d'une base plafonnée calculée à partir d'un ratio lorsqu'il ne peut identifier précisément les salariés bénéficiaires des avantages redressés ; que les mentions de la lettre d'observations font foi jusqu'à preuve contraire ; qu'en l'espèce, l'inspecteur de l'Urssaf a indiqué dans sa lettre d'observations du 11 septembre 2013 que lorsque la régularisation ne pouvait être identifiée à un salarié précis, l'assiette plafonnée était déterminée à partir d'un ratio calculé à partir des déclarations annuelles des données sociales ; qu'en jugeant irrégulière cette méthode de calcul au prétexte que l'Urssaf n'alléguait ni ne démontrait que la comptabilité de la caisse était irrégulière ni que ses inspecteur auraient sollicité la production d'éléments complémentaires que la caisse aurait refusé ou n'aurait pas été en mesure de lui fournir, sans rechercher si cette preuve ne résultait pas des mentions de la lettre d'observations attestant que les données comptables disponibles ne permettaient pas l'individualisation de la régularisation à effectuer ce qui justifiait le recours à la méthode retenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1, L. 243-7 et R. 242-5 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa version issue de la loi n°2011-1906 du 21 décembre 2011, le troisième dans sa version issue du décret n°2009-1596 du 18 décembre 2009, applicable au litige.

2° - ALORS QUE lorsqu'une partie, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement entrepris, elle est réputée s'en approprier les motifs ; qu'il appartient à la cour d'appel qui infirme le jugement d'en réfuter les motifs déterminants ; qu'en jugeant irrégulière la méthode de calcul de l'assiette plafonnée employée par l'Urssaf au prétexte qu'elle n'alléguait ni ne démontrait que la comptabilité de la caisse était irrégulière, ni que ses inspecteurs auraient sollicité la production d'éléments complémentaires que la caisse aurait refusé ou n'aurait pas été en mesure de lui fournir, sans réfuter les motifs déterminants des premiers juges ayant expressément constaté qu'il « résult (ait) de la lettre d'observations que les données comptables disponibles ne permettaient pas l'individualisation, salarié par salarié, de la régularisation à effectuer », que « dans ces cas », les inspecteurs avaient recouru à la méthode litigieuse de calcul de l'assiette plafonnée, et que la caisse n'avait pas « produit des éléments comptables permettant de mieux affiner les calculs », jugement dont l'Urssaf sollicitait la confirmation sur ce point sans énoncer de nouveaux moyens, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 al. 6 du code de procédure civile.

3° - ALORS QUE l'inspecteur de Urssaf est en droit d'établir son redressement à partir d'une base plafonnée calculée à partir d'un ratio lorsqu'il ne peut identifier précisément les salariés bénéficiaires des avantages redressés ; que si les déclarations annuelles des données sociales permettent de déterminer le plafond annuel ou le plafond réduit appliqué à chaque salarié, elles ne permettent pas à l'inspecteur d'identifier précisément les salariés bénéficiaires des avantages redressés ; qu'en jugeant irrégulière la méthode de calcul de l'assiette plafonnée de l'Urssaf au prétexte qu'elle était en possession de la déclaration annuelle des données sociales qui permettaient à l'organisme de déterminer le plafond annuel ou le plafond réduit appliqué à chaque salarié, la cour d'appel qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 242-1, , R. 242-5 alinéa 1 et R. 243-14 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa version issue du décret n°2009-1596 du 18 décembre 2009, applicable au litige, et le troisième dans sa version applicable avant son abrogation par le décret n°2016-1567 du 21 novembre 2016.

4° - ALORS en tout état de cause QUE le redressement ne peut être annulé que si l'Urssaf a recouru de manière irrégulière à la taxation forfaitaire ou recouru de manière irrégulière à la méthode de redressement par échantillonnage et extrapolation ; qu'il n'y a pas lieu d'annuler le redressement lorsque la méthode de calcul de l'Urssaf est seulement erronée, les juges du fond devant en pareil cas inviter l'Urssaf à modifier le montant des sommes réclamées ; qu'en l'espèce, l'arrêt a constaté que les inspecteurs de l'Urssaf avaient retenu une méthode spécifique de calcul de l'assiette plafonnée permettant de déterminer les cotisations du régime général et du complément vieillesse, que les modalités retenues pour déterminer cette masse salariale plafonnée constituaient une méthode illicite de calcul et que les redressements notifiés aux points 11 et 13 étaient irréguliers « au regard de la méthode de calcul des masses salariales plafonnées employées » mais que pour autant, cette méthode ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une taxation forfaitaire ; qu'en annulant lesdits redressements lorsqu'il résultait de ses constatations que l'Urssaf avait employé, non pas une taxation forfaitaire injustifiée, mais une méthode de calcul erronée et qu'il appartenait dans ce cas à la cour d'appel d'inviter l'Urssaf à modifier le montant des sommes réclamées, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 et l'article R. 242-5 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, le dernier dans sa version issue du décret n°2009-1596 du 18 décembre 2009, applicable au litige.

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