12 octobre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-21.427

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C300717

Titres et sommaires

ASSURANCE RESPONSABILITE - Garantie - Conditions - Réclamation du tiers lésé - Réclamation postérieure à la résiliation de la police - Souscription d'une seconde garantie de même nature - Garantie subséquente attachée au contrat initial - Expiration - Condition

Il résulte de l'article L. 124-5, alinéa 4, du code des assurances que lorsque l'assuré a eu connaissance du dommage postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie d'un premier contrat, en base réclamation, la souscription de la même garantie, en base réclamation, auprès d'un second assureur met irrévocablement fin à la période de garantie subséquente attachée au contrat initial

Texte de la décision

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 octobre 2022




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 717 FS-B

Pourvoi n° Z 21-21.427




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 OCTOBRE 2022

La société Dragui constructions, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], a formé le pourvoi n° Z 21-21.427 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [W] [C], domicilié [Adresse 1],

2°/ à M. [T] [M], domicilié [Adresse 4],

3°/ à la société Haute Coiffure Josy, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],

4°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

5°/ à la société Elite Insurance Company Limited, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

6°/ à la société Enola, dont le siège est [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Dragui constructions, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Mmes Abgrall, Grall, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, Davoine, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Dragui constructions du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. [M] et [C], la société Haute Coiffure Josy, la société Enola et la société Elite Insurance Company Limited.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 juin 2021), en mai 2013, un maître de l'ouvrage a confié des travaux de réfection de la toiture d'un bâtiment à la société Dragui constructions, assurée en responsabilité décennale et en responsabilité civile professionnelle auprès de la société Axa France IARD (la société Axa) jusqu'au 1er janvier 2014, puis auprès de la société Elite Insurance Company Limited (la société Elite), laquelle a été placée sous administration judiciaire et déclarée insolvable par la Cour suprême de Gibraltar en décembre 2019.

3. Ensuite des travaux réalisés, des infiltrations sont survenues en février 2014.

4. Le maître de l'ouvrage, le preneur selon bail commercial et une société exploitant son activité dans l'immeuble ont, après expertise, assigné la société Dragui constructions et ses deux assureurs en réparation des désordres et de leurs préjudices matériels et immatériels subséquents. La société Dragui constructions a recherché la garantie de ses deux assureurs.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société Dragui constructions fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation à garantie de la société Axa à hauteur de la seule somme allouée au titre de la réparation des désordres décennaux et de rejeter ses autres demandes, alors « que la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation et que la première réclamation est formulée entre la prise d'effet de la garantie et l'expiration du délai subséquent, sans qu'il importe que cette garantie ait été resouscrite dès lors que l'assureur auprès duquel elle l'a été est insolvable ; qu'en considérant, pour limiter la garantie de la société Axa France au montant des travaux de reprise de la toiture, soit 17 313,60 € TTC et en exclure les dommages matériels aux existants et les dommages immatériels, pourtant garantis par la police souscrite auprès de cet assureur par la société Dragui constructions, que la police souscrite en base réclamation auprès de la société Elite Insurance Compagny Limited, le 7 janvier 2014, prévoyait également la garantie des dommages matériels aux existants et des dommages immatériels de sorte « qu'en présence d'un nouveau contrat garantissant ces dommages « en base réclamation », la SA Axa France IARD n'[était] pas tenue de garantir les dommages matériels aux existants et immatériels », bien qu'elle ait relevé que la société Elite Insurance avait été placée en liquidation judiciaire et était insolvable, ce qui privait la garantie souscrite de toute efficacité, la cour d'appel a violé l'article L. 124-5 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article L. 124-5, alinéa 4, du code des assurances, la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, et que la première réclamation est adressée à l'assuré ou à son assureur entre la prise d'effet initiale de la garantie et l'expiration d'un délai subséquent à sa date de résiliation ou d'expiration mentionné par le contrat, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs des sinistres. Toutefois, la garantie ne couvre les sinistres dont le fait dommageable a été connu de l'assuré postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration que si, au moment où l'assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n'a pas été resouscrite ou l'a été sur la base du déclenchement par le fait dommageable.

7. Il résulte de ce texte que, lorsque l'assuré a eu connaissance du dommage postérieurement à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie d'un premier contrat, en base réclamation, la souscription de la même garantie, en base réclamation, auprès d'un second assureur met irrévocablement fin à la période de garantie subséquente attachée au contrat initial.

8. La cour d'appel a relevé que les garanties complémentaires souscrites par la société Dragui constructions auprès de la société Axa incluant les dommages matériels aux existants et les dommages immatériels étaient déclenchées en base réclamation, que ce contrat avait été résilié au 1er janvier 2014 et que l'entreprise avait souscrit, le 7 janvier suivant, une même garantie, en base réclamation, auprès de la société Elite.

9. Elle en a exactement déduit, le sinistre ayant été connu de l'assuré postérieurement à la résiliation de la police souscrite auprès de la société Axa, que celle-ci n'était pas tenue aux garanties de l'assurance facultative au titre de la période subséquente.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Dragui constructions aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze octobre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Dragui constructions

La société Dragui Constructions fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société AXA à relever et garantir la société Dragui Constructions à hauteur de 17 313,60 € TTC seulement et d'AVOIR écarté, pour le surplus, les demandes par lesquelles elle avait sollicité que cet assureur soit condamné à la garantir des autres condamnations prononcées à son encontre ;

ALORS QUE la garantie déclenchée par la réclamation couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation et que la première réclamation est formulée entre la prise d'effet de la garantie et l'expiration du délai subséquent, sans qu'il importe que cette garantie ait été resouscrite dès lors que l'assureur auprès duquel elle l'a été est insolvable ; qu'en considérant, pour limiter la garantie de la société AXA France au montant des travaux de reprise de la toiture, soit 17 313,60 € TTC et en exclure les dommages matériels aux existants et les dommages immatériels, pourtant garantis par la police souscrite auprès de cet assureur par la société Dragui Constructions, que la police souscrite en base réclamation auprès de la société Elite Insurance Compagny Limited, le 7 janvier 2014, prévoyait également la garantie des dommages matériels aux existants et des dommages immatériels de sorte « qu'en présence d'un nouveau contrat garantissant ces dommages « en base réclamation », la SA AXA France Iard n'[était] pas tenue de garantir les dommages matériels aux existants et immatériels » (arrêt page 23, al. 1er), bien qu'elle ait relevé que la société Elite Insurance avait été placée en liquidation judiciaire et était insolvable (arrêt page 15, pénultième al. et page 22, al. 3), ce qui privait la garantie souscrite de toute efficacité, la cour d'appel a violé l'article L. 124-5 du code des assurances.

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