22 septembre 2022
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 21/13452

Chambre 3-1

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT

DU 22 SEPTEMBRE 2022



N° 2022/274













N° RG 21/13452 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIDTJ







[J] [P] - [C]

S.A.S. ASIMPEX





C/



S.A.S. GENERALE DE SERVICES COMPTABLES





















Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Jean Paul ARMAND



Me Thierry Laurent GIRAUD











Décision déférée à la Cour :



Ordonnance de référé du Tribunal de Commerce de Marseille en date du 09 Septembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 2021R00109.





APPELANTS



Monsieur [J] [P] - [C]

né le 25 Septembre 1960 à [Localité 3], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Jean Paul ARMAND de la SCP BOLLET & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jean-Baptiste DÉPREZ, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant



S.A.S. ASIMPEX, dont le siège social est sis [Adresse 2]



représenté par Me Jean Paul ARMAND de la SCP BOLLET & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Jean-Baptiste DÉPREZ, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant







INTIMEE



S.A.S. GENERALE DE SERVICES COMPTABLES, dont le siège social est sis [Adresse 4]



représentée par Me Thierry Laurent GIRAUD, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assisté de Me Marc SPORTES, avocat au barreau de PARIS, plaidant







*-*-*-*-*





COMPOSITION DE LA COUR





L'affaire a été débattue le 23 Juin 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.



La Cour était composée de :





Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère







qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022.







ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022,



Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***













































EXPOSE DU LITIGE





La société Générale de Services Comptables (GSC), dirigée par M. [B] [P], a une activité d'expertise-comptable depuis 1998 et possédait deux établissements, dont l'un à [Localité 5].





M. [J] [P] [C], n'ayant pas la qualité d'expert-comptable, a quant à lui, été nommé salarié de l'établissement de [Localité 5] (dit « GSC 13 »), d'abord en qualité de chargé de mission puis en qualité de directeur de cabinet.





M. [J] [P] [C] était par ailleurs président et associé de la société Asimpex, société chargée du traitement informatique et de l'hébergement des données.





Les deux sociétés étaient liées par un contrat signé en 1998 par lequel la société Asimpex procédait au traitement informatique des données, à l'archivage numérique, à la sécurisation des données informatiques et à la gestion de la paie.





Ce contrat a pris fin le 1er juillet 2020 et, à l'occasion de la cession du fonds de commerce de la société Générale de Services Comptables (GSC) et de la société Asimpex, des dissensions sont apparues entre les parties.





Par requête en date du 21 janvier 2021 la société Générale de Services Comptables (GSC) a saisi le Président du Tribunal de Commerce de MARSEILLE d'une demande de désignation d'huissier de justice sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile en faisant valoir un procès à venir contre M. [J] [P] [C], notamment pour des fautes de gestion au sein de l'établissement marseillais de la société Générale de Services Comptables (GSC), et la rétention par la société Asimpex de la comptabilité de la société Générale de Services Comptables (GSC).





Par ordonnance sur requête du 28 janvier 2021 le Président du Tribunal de Commerce de MARSEILLE a fait droit à la désignation d'un huissier de justice à l'effet de se rendre au siège de la société Asimpex et au domicile de M. [J] [P] [C] afin d'appréhender divers documents listés à la décision.





Les opérations de saisie sont intervenues les 5 et 10 février 2021 et le 8 avril 2021 M. [J] [P] [C] et la société Asimpex ont sollicité la rétractation de l'ordonnance par assignation en référé.





Par ordonnance en date du 9 septembre 2021 le Président du Tribunal de Commerce de MARSEILLE s'est déclaré compétent et a :



- débouté M. [J] [P] [C] et la société Asimpex de leur demande de rétractation,

- confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 28 janvier 2021,















- condamné M. [J] [P] [C] et la société Asimpex à payer à la société Générale de Services Comptables (GSC) la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens,

- rejeté tout surplus des demandes



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Par déclaration en date du 21 septembre 2021 M. [J] [P] [C] et la société Asimpex ont interjeté appel de la décision.



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Par conclusions enregistrées le 5 novembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [J] [P] [C] et la société Asimpex font valoir que :



- il n'existe pas de motifs légitimes justifiant le recours à la procédure non contradictoire de l'article 145 du code de procédure civile dès lors que M. [B] [P] et sa compagne possédaient d'ores et déjà un accès à distance direct au serveur sur lesquels étaient enregistrées les données de la société Générale de Services Comptables (GSC) et de son établissement marseillais, et dès lors, qu'à la date des demandes en communication des mots de passe, l'établissement GSC 13 avait déjà été cédé et que son nouveau propriétaire était la société Les Experts [Localité 5],

- il n'existe pas de risque de dépérissement des preuves puisque la société Générale de Services Comptables (GSC) possédait un accès continu et ininterrompu à sa base de données et à ses archives, que la suppression de fichiers était décelable au moyen d'une expertise et qu'il n'existe aucun commencement de preuve pour établir que M. [J] [P] [C] aurait été « dirigeant de fait » de la société GSC 13,

- les opérations d'expertise ne sont pas proportionnées puisque c'est l'intégralité du contenu des adresses électroniques de Mme [L] [P] et de la société GSC 13 qui ont été saisies, incluant des documents transmis aux « Experts [Localité 5] », des correspondances d'avocat ; les opérations effectuées au domicile de M. [J] [P] [C] ont été traumatisantes et vexatoires pour sa famille ainsi que celles menées au sein de la société Asimpex,

- aucune circonstance ne justifie le recours à la procédure sur requête ; le recours à cette procédure est conditionné par la preuve de circonstances exigeant que les mesures ne soient pas prises contradictoirement or, la société Générale de Services Comptables (GSC) disposait déjà d'éléments ; par ailleurs, plusieurs griefs peuvent également être invoqués contre M. [B] [P] et sa compagne



Ainsi, les appelants demandent à la Cour de réformer l'ordonnance de référé rendue le 9 septembre 2021 et statuant à nouveau, de :



- prononcer la rétractation de l'ordonnance du 28 janvier 2021 ordonnant la mesure d'instruction,

- prononcer l'annulation de la saisie et du procès-verbal en découlant,

- prononcer la restitution de l'intégralité des biens matériels et immatériels saisis par la SCP Plaisant-Lambert-Busutill,

- condamner la société GSC au paiement d'une somme de 5.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société GSC à payer à AS la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



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Par conclusions enregistrées le 3 décembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Générale de Services Comptables (GSC) rétorque que :



- elle avait des raisons légitimes de croire que M. [J] [P] [C], en qualité de « dirigeant de fait » du cabinet marseillais, est à l'origine de diverses malversations, remboursements injustifiés à son profit, augmentations de salaire, rétention de matériel, omission de la déclaration préalable d'embauche d'un salarié, déclaration tardive de revenus d'un client,

- en dépit de la cession de l'établissement de [Localité 5], M. [J] [P] [C] a poursuivi de fait l'exécution du contrat de prestation et n'a pas, malgré les multiples demandes qui lui ont été adressées, restitué les archives comptables, fiscales, sociales, juridiques et contractuelles de la société Générale de Services Comptables (GSC),

- la mesure était utile dès lors que la restitution de ces archives était prévue contractuellement et que la cession du fonds n'a pas éteint cette obligation,

- la mesure était circonscrite, tant dans son objet que dans son but, aux faits litigieux,

- les circonstances justifiaient de déroger au principe du contradictoire en l'état du risque de dissimulation voire d'altération de documents.



La société intimée demande ainsi à la Cour de confirmer l'ordonnance et y ajoutant de condamner M. [J] [P] [C] et la société Asimpex à lui verser la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



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Par ordonnance d'incident rendue le 1er mars 2022 le Président a rejeté la demande en caducité de la déclaration d'appel formée par la société Générale de Services Comptables (GSC), a dit que l'instruction de l'affaire serait clôturée par ordonnance du 23 mai 2022 et renvoyé l'examen de l'affaire au 23 juin 2022.



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Le 23 juin 2022 l'affaire a été retenue et mise en délibéré au 22 septembre 2022.






MOTIFS





A titre liminaire il convient de relever que la compétence du Président du Tribunal de Commerce de MARSEILLE à l'origine de l'ordonnance attaquée n'est pas contestée en cause d'appel, et doit dès lors être considérée comme acquise.



Sur la mesure ordonnée :



Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.



L'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse. S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance conformément à l'article 496 du code de procédure civile aux fins de rétractation.











Les mesures légalement admissibles sont celles qui sont circonscrites dans le temps et dans leur objet. Elles doivent également être proportionnées à l'objectif poursuivi et aux intérêts antinomiques en présence.



En l'espèce, la société Générale de Services Comptables (GSC) expose qu'à l'occasion de la cession de son fonds, intervenue le 29 juillet 2020 avec effet rétroactif au 1er juillet, elle a découvert les malversations et omissions qui auraient été commises par M. [J] [P] [C], directeur de cabinet de l'établissement marseillais, se présentant par ailleurs comme le dirigeant de fait de cet établissement.





Elle ajoute que dans le contexte de la cession imminente de la société Asimpex, dont M. [J] [P] [C] était le dirigeant, et compte-tenu du contrat de prestations de services passé avec la société Générale de Services Comptables (GSC), il était impératif pour elle de disposer de ses archives comptables, fiscales, sociales, juridiques et contractuelles détenues par la société Asimpex.





Au regard de la requête déposée le 22 janvier 2021 devant le Président du Tribunal de Commerce de MARSEILLE sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, il apparaît que la société Générale de Services Comptables (GSC) disposait d'ores et déjà d'éléments permettant, sinon d'engager la responsabilité de M. [J] [P] [C], à tout le moins de rendre plausible l'existence de surfacturations et dépenses disproportionnées et l'existence d'omissions (défaut de déclaration fiscale au titre des revenus de l'année 2018 suivant assignation en référé des consorts [M], omission de déclaration préalable d'embauche d'un salarié).





En outre, la résistance de M. [J] [P] [C] à communiquer certaines pièces sollicitées par la société Générale de Services Comptables (GSC), en dépit de trois courriels (27 juillet, 27 juillet et 31 juillet 2020), d'une lettre recommandée avec accusé de réception (7 août 2020), d'une lettre officielle adressée par le Conseil de la société Générale de Services Comptables (26 août 2020) et de deux sommations faites par huissier de justice (28 août 2020), a pu conforter le risque de dissimulation des informations et pièces détenues par la société Asimpex et M. [J] [P] [C].





Si la cession de la société Générale de Services Comptables (GSC) au 29 juillet 2020 (avec effet au 1er juillet) ainsi que la rupture du contrat de prestations de services conclu avec la société Asimpex, intervenue le 15 juin 2020 (avec effet au 1er juillet) peuvent expliquer la suppression de l'accès direct dont bénéficiait M. [B] [P] et sa compagne aux logiciels d'archivage et de gestion, en dépit des dénégations des appelants, il n'en demeure pas moins que la société Asimpex était tenue, aux termes de l'article 3.3 du contrat de prestations, de restituer à première demande « tous les documents, fichiers et matériels qui lui auront été communiqués et mis à disposition dans le cadre de l'exécution des prestations demandées », ce dont elle ne justifie pas malgré sept demandes en ce sens.





Ainsi, ces circonstances, telles que rappelées à la requête, ont valablement justifié, d'une part, le recours à la procédure de l'article 145 du code de procédure civile afin d'établir avant tout procès la preuve de faits tendant à corroborer l'existence d'irrégularités de gestion de la part de M. [J] [P] [C], en qualité de directeur de cabinet de GSC 13, et d'autre part, le recours à une procédure non contradictoire conformément à l'article 493 du code de procédure civile eu égard au risque de dépérissement de preuves en raison de l'obstruction manifestée par M. [J] [P] [C] et la société Asimpex et en raison de la cession en cours de cette dernière.



Enfin, la mission confiée à la SCP Plaisant-Lambert-Busuttil, huissiers de justice, ne peut être considérée comme disproportionnée à l'objectif poursuivi dès lors qu'elle porte sur des documents listés précisément et en lien avec l'exécution du contrat de prestations de service conclu le 30 juillet 1998 entre la société Générale de Services Comptables (GSC) et la société Asimpex.



Par ailleurs, la référence à Mme [L] [P], par ailleurs épouse de M. [J] [P] [C], se justifie par sa qualité d'actionnaire à hauteur de 50 % de la société Asimpex, à charge pour l'huissier de justice de procéder au retrait éventuel des pièces qui s'avéreraient sans lien avec l'exécution de sa mission et d'en référer au juge chargé de la mesure en cas de difficulté.



De même, les opérations ordonnées au domicile des époux [P] n'apparaissent pas disproportionnées dès lors qu'il ressort des courriers émis par la société Générale de Services Comptables (GSC), et non contredits par les appelants, que les archives de cette société étaient entreposées à leur domicile, et qu'ils auraient prétexté de ce fait qu'elles étaient indisponibles (courrier du 7 août 2020).



En conséquence, il y a lieu de confirmer l'ordonnance rendue le 9 septembre 2021 par le Président du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en ce qu'elle a rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 28 janvier 2021.





Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :





Au visa de l'article 1241 du code civil l'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne peut constituer un abus de droit susceptible de donner lieu à dommages-intérêts que dans des circonstances particulières le rendant fautif, et notamment lorsqu'est caractérisée une intention malveillante ou une volonté de nuire de la part de celui qui l'exerce.



En l'espèce, le renvoi aux motifs adoptés ci-dessus conduit à considérer que la procédure initiée par la société Générale de Services Comptables (GSC) présente un caractère fondé excluant tout abus de procédure.



L'ordonnance sera dès lors confirmée de ce chef en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la société Asimpex et M. [J] [P] [C].





Sur les frais et dépens :





La société Asimpex et M. [J] [P] [C] conserveront la charge des entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et seront tenus de payer à la société Générale de Services Comptables (GSC) la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS





La Cour,



Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 9 septembre 2021 par le Président du Tribunal de Commerce de MARSEILLE,



Y ajoutant,



Condamne la société Asimpex et M. [J] [P] [C] aux entiers dépens de la procédure d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,



Condamne la société Asimpex et M. [J] [P] [C] à payer à la société Générale de Services Comptables (GSC) la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





Le GREFFIER Le PRÉSIDENT

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