29 septembre 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/10150

Pôle 5 - Chambre 9

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 9



ARRET DU 29 SEPTEMBRE 2022



(n° , 16 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10150 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDYQP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Mars 2021 - Tribunal Judiciaire de PARIS RG n° 19/14379





APPELANTS



Monsieur [X] [V]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 10] (CHINE)

[Adresse 2]

[T] - CHINE



Monsieur [Z] [J]

né le [Date naissance 4] 1962 à [Localité 7] (92)

[Adresse 11]

EMIRATS ARABES UNIS



S. A LU AZUR S.A. société de droit luxembourgeois

[Adresse 5]

L1147 LUXEMBOURG



Représentés par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050, avocat postulant

Représentés par Me Charles-stéphane MARCHIANI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0722, avocat plaidant





INTIME



Monsieur [F] [M]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334, avocat postulant

Représenté par Me Yoan HAVARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1537, avocat plaidant









COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 22 juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :



Madame Sophie MOLLAT, Présidente

Madame Isabelle ROHART, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère

qui en ont délibéré

GREFFIERE : Madame FOULON, lors des débats



ARRET :



- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Sophie MOLLAT, Présidente et par Madame FOULON, Greffière .




**********



Exposé des faits et de la procédure



Monsieur [F] [M] a été nommé président de la SAS AIGLE AZUR, qui exploite une compagnie aérienne, en août 2017.



Le 26 août 2019, Monsieur [F] [M] s'est vu notifier par huissier de justice un courrier daté du 23 août 2019 l'informant de sa révocation de son mandat de président, signé par Monsieur [X] [V], en sa qualité de président de la société anonyme LU AZUR, actionnaire de la société par actions simplifiée AIGLE AZUR.



Le même jour, Monsieur [X] [V] a adressé un communiqué à l'ensemble des salariés de la compagnie aérienne, co-signé par Monsieur [Z] [J], aux termes duquel Monsieur [V] était présenté comme assurant la présidence de la société AIGLE AZUR et Monsieur [J] les fonctions de directeur général de la société.

Ce communiqué a été diffusé dans la presse.



Plusieurs cadres dirigeants de la société AIGLE AZUR se sont vus notifier une mise à pied lors de leur arrivée sur leur lieu de travail, supprimer leur accès informatique professionnelle et interdire l'accès aux locaux.



Aux termes d'un procès-verbal du 26 août 2019, l'huissier de justice mandaté par Monsieur [F] [M] a constaté que ce dernier s'était vu refuser l'accès au siège de la société AIGLE AZUR par l'agent de sécurité et remettre des cartons avec des effets personnels à l'extérieur de la société.



Le même jour, Monsieur [F] [M] a déposé une déclaration de main courante.



Dans la nuit du 26 au 27 août 2019, le conseil de la société AIGLE AZUR a adressé un e-mail à Monsieur [V] en le mettant en demeure de faire cesser sans délai l'occupation illégale des locaux de la société et les mesures instaurées par lui pour en interdire l'accès à son président et à certains de ses salariés et de cesser immédiatement de s'attribuer et de se prévaloir de la qualité de président de la société AIGLE AZUR auprès de quiconque.



Monsieur [F] [M] a informé la Direction Générale de l'Aviation Civile (DGAC) de cette situation.



Le 27 août 2019, Monsieur [F] [M] s'est vu notifier par la DGAC une constatation de niveau 1 suivante : « Insuffisance de moyens financiers et matériels mis à la disposition du Cadre Responsable (') L'exploitant n'a pas démontré que le Cadre Responsable dispose de moyens financiers et matériels lui donnant autorité pour veiller à ce que toutes les activités soient financées et exécutées conformément aux exigences de sécurité applicables au CTA d'Aigle Azur (') Je vous demande de me présenter pour le 2 septembre 2019 au plus tard les éléments permettant de clore cette constatation. A défaut, je serai amené à prendre des mesures additionnelles sur le certificat de transporteur aérien d'Aigle Azur »



Après avoir découvert le transfert de la société AIGLE AZUR au registre du commerce et des sociétés de Créteil et la publication des nominations de Monsieur [V] en qualité de président de la société et de Monsieur [J] en qualité de directeur général sur l'extrait Kbis, Monsieur [F] [M] a déposé une requête devant le président du tribunal de commerce d'Evry aux fins de faire désigner un administrateur provisoire, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 27 août 2019.



Aux termes d'un procès-verbal du même jour, l'huissier de justice mandaté par Monsieur [F] [M] a constaté que ce dernier et l'administrateur provisoire, s'étaient vus refuser l'accès au siège de la société.



Le 27 août 2019, la société AIGLE AZUR a déposé plainte contre Monsieur [X] [V] et Monsieur [Z] [J] des chefs de faux et usage de faux, de violation de domicile et d'introduction frauduleuse dans un système automatisé de données auprès du Procureur de la République de Créteil.



Le 28 août 2019, Monsieur [F] [M] et la société AIGLE AZUR ont obtenu du président du tribunal de commerce d'Evry une ordonnance leur octroyant le concours de la force publique pour accéder au siège de la compagnie aérienne.



Le même jour, Monsieur [M] s'est de nouveau présenté au siège de la société.

Devant le nouveau refus qui lui a été opposé, l'huissier de justice qui l'accompagnait a sollicité le concours de la force publique pour pouvoir intégrer les lieux. Monsieur [M] a alors repris possession du siège social de la société.



Par courrier du 28 août 2019, la DGAC a notifié à Monsieur [F] [M] qu'elle clôturait la constatation de niveau 1 de la veille.



Le 2 septembre 2019, Monsieur [F] [M] et l'administrateur provisoire ont co-signé la déclaration de cessation des paiements de la société AIGLE AZUR et ont sollicité l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son égard.

Par jugement du même jour, le tribunal de commerce d'EVRY a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.



Par jugement en date du 16 septembre 2019 la liquidation judiciaire a été prononcée avec poursuite d'activité jusqu'au 27 septembre 2019.



Le 4 septembre 2019, Monsieur [F] [M] a annoncé sa démission de la présidence de la société AIGLE AZUR.



Par actes des 10 septembre, 20 novembre et 6 décembre 2019, Monsieur [F] [M] a fait assigner Monsieur [X] [V], Monsieur [Z] [J] et la société LU AZUR en réparation de ses préjudices devant le tribunal judiciaire de Paris.



Par jugement en date du 2.03.2021, qualifié de réputé contradictoire faute de constitution d'avocat par les défendeurs le tribunal judiciaire de PARIS a condamné:

- in solidum Monsieur [X] [V] et la SA LU AZUR à payer à Monsieur [F] [M] la somme de 15.000 euros,

- Monsieur [Z] [J] à payer à Monsieur [F] [M] la somme de 5000 euros,

- in solidum Monsieur [V], Monsieur [J] et la SA LU AZUR à payer à Monsieur [M] la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Le tribunal a rejeté les autres demandes et a ordonné l'exécution provisoire.





Le tribunal a condamné les défendeurs en retenant les fautes commises par eux s'agissant d'avoir écarté Monsieur [M] président de la société AIGLE AZUR desdites fonctions de manière déloyale, brutale et vexatoire d'une part, sans respecter les règles de révocation par l'organe compétent prévues par le pacte des actionnaires de la société d'autre part, Monsieur [V] ayant en outre usurpé la qualité de président de la société AIGLE AZUR et attribué celle de directeur général à Monsieur [J] en n'hésitant pas à rendre lesdites informations immédiatement publiques par la diffusion d'un communiqué aux salariés de la société et dans la presse.

Le tribunal relevait en outre que la cessation de ces agissements irréguliers avait nécessité l'intervention de la force publique et que l'ensemble des agissements des défendeurs avait causé un préjudice certain à Monsieur [M] s'agissant de l'atteinte porté à son image et des impacts psychologiques.



Monsieur [V], Monsieur [J] et la société LU AZUR ont formé appel du jugement rendu, par déclaration d'appel du 3.05.2021.



Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 31 mai 2022, la société LU AZUR, Monsieur [X] [V] et Monsieur [Z] [J] demandent à la cour de :

A titre principal :

Vu l'article L. 211-3 du Code de l'organisation judiciaire,

Vu l'article L. 721-3 du Code de commerce,

Vu l'article 90 alinéa 2,

Vu les pièces du dossier,

Vu les moyens de droit et de fait développés par les appelants,

ANNULER le jugement du tribunal judiciaire de Paris n° RG 19/14379 du 2 mars 2021

DEBOUTER M. [F] [M] de ses demandes à l'encontre de la société LU AZUR, de M. [X] [V] et de M. [Z] [J] ,



A titre subsidiaire :

Vu l'article 112 du Code de procédure civile,

Vu les pièces du dossier,

Vu les moyens de droit et de fait,

ANNULER le jugement du tribunal judiciaire de Paris n°RG 19/14379 du 2 mars 2021 comme ayant été rendu à défaut de droit d'agir de M. [F] [M] à l'encontre de la société LU AZUR, de M. [X] [V] et de M. [Z] [J] ;

DECLARER irrecevables l'ensemble des demandes de M. [F] [M] à l'encontre de la société LU AZUR, de M. [X] [V] et de M. [Z] [J] pour cause de défaut de droit d'agir.



A titre très subsidiaire :

Vu l'article 479 du Code de procédure civile,

Vu les pièces du dossier,

Vu les moyens de droit et de fait développés par les appelants,

ANNULER le jugement du tribunal judiciaire de Paris n°RG 19/14379 du 2 mars 2021 comme ayant été rendu en violation de l'article 479 du Code de procédure civile applicable au jugement réputé contradictoire en cas de non comparution des demandeurs ;

JUGER n'y avoir lieu à l'effet dévolutif de l'appel.



A titre infiniment subsidiaire :

Vu l'article 1240 du Code civil,

Vu les pièces du dossier,

Vu les moyens de droit et de fait,

ANNULER le jugement du tribunal judiciaire de Paris n°RG 19/14379 du 2 mars 2021;

REJETER, par l'effet dévolutif de l'appel, l'ensemble des demandes de M. [F] [M] à l'encontre de la société LU AZUR, de M. [X] [V] et de M. [Z] [J].



En tout état de cause :

Vu les articles 1240 du Code civil, 954 et 700 du Code de procédure civile

JUGER que la Cour de céans nest pas valablement saisie des conclusions d'appel incident de M. [F] [M] à défaut pour celui-ci d'avoir demandé dans le dispositif de ses conclusions la réformation du jugement de première instance sur le quantum des indemnités qui lui ont été allouées ;

CONDAMNER M. [F] [M] payer à LU AZUR SA la somme de 373 575 euros ; CONDAMNER M. [F] [M] à payer à M. [X] [V] une somme de 30 000 euros;

CONDAMNER M. [F] [M] à payer à M. [Z] [J] une somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER M. [F] [M] à payer à LU AZUR SA la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER M. [F] [M] à payer à M. [X] [V] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER M. [F] [M] à payer à M. [Z] [J] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER M. [F] [M] aux entiers dépens. 



Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 18 mai 2022, Monsieur [F] [M] demande à la cour de :

DEBOUTER Messieurs [X] [V], [Z] [J] et la société LU AZUR de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à l'encontre de Monsieur [F] [M];

CONFIRMER le jugement rendu le 2 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a jugé que Monsieur [F] [M] faisait incontestablement la preuve d'une faute commise par les appelants ;

Statuant à nouveau sur le quantum,

DIRE ET JUGER que les agissements fautifs d'une gravité sans précédent commis par Messieurs [X] [V], [Z] [J] et la société LU AZUR ont causé directement un préjudice moral significatif à Monsieur [F] [M] qu'il convient de réparer à sa juste mesure ;

CONDAMNER solidairement Monsieur [X] [V] et la société LU AZUR, dont il est le dirigeant et l'unique associé, à payer à Monsieur [F] [M] la somme de 400.000 € en réparation de son préjudice moral ;

CONDAMNER Monsieur [Z] [J], complice des agissements de M. [X] [V], à payer à Monsieur [F] [M] la somme de 50.000 € en réparation de son préjudice moral;

En tout état de cause,CONDAMNER solidairement Monsieur [X] [V], [Z] [J] et LU AZUR à payer à Monsieur [F] [M] la somme de 40.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LES CONDAMNER aux entiers dépens. 




MOTIFS DE LA DECISION



Sur la nullité du jugement pour incompétence du tribunal



Les appelants sollicitent à titre principal la nullité du jugement du tribunal judiciaire du 2 mars 2021 pour incompétence.

Ils rappellent les dispositions de l'article 33 du Code de procédure civile, de l'article L. 211-3 du Code de l'organisation judiciaire et de l'article L. 721-3 du Code de commerce qui donne compétence aux tribunaux de commerce pour connaître des contestations relatives aux sociétés commerciales. Ils considèrent que dans la mesure où Monsieur [M] conteste les conditions de révocation en tant que président de la société par actions simplifiée AIGLE AZUR, il s'agit d'une contestation relative au fonctionnement de la société qui a un caractère commercial et qu'il s'ensuit que c'est le tribunal de commerce qui aurait dû être saisi, le tribunal judiciaire étant matériellement incompétent pour en connaître. Ils ajoutent qu'à la date des assignations, la société AIGLE AZUR était enregistrée auprès du tribunal de commerce de Créteil.



En réponse aux arguments de Monsieur [M], ils font valoir que les actionnaires de la société AIGLE AZUR n'ont engagé aucune action en vue de contester la nomination de Messieurs [V] et [J] et rappellent que sur le fondement de la règle du contrôle effectif des intérêts communautaires applicable aux transporteurs aériens, seules les sociétés DGN CORPORATION et LU AZUR étaient compétentes pour décider du changement de président et de la nomination d'un directeur général. Ils soutiennent que les actionnaires de la société AIGLE AZUR n'étant pas satisfaits de la gestion de la société par Monsieur [M], la décision de le révoquer et de nommer Messieurs [V] et [J] était suspendue à la possibilité pour la société LU AZUR d'assurer un financement de la société AIGLE AZUR à hauteur de 15 millions d'euros pour pérenniser sa situation et qu'une fois que la société LU AZUR disposait de ces sommes, la décision des actionnaires de la société AIGLE AZUR était définitive, ce qui fut le cas le 20 août 2019. Ils contestent donc le fait qu'aucune décision de révocation de Monsieur [M] n'ait été prise par la collectivité des actionnaires.



Monsieur [F] [M] fait valoir en premier lieu que les appelants demandent à la cour d'annuler le jugement comme ayant été rendu par une juridiction incompétente mais que les conclusions des appelants ne précisent pas quelle juridiction aurait été territorialement et matériellement compétente pour statuer sur l'action initiée par Monsieur [F] [M], alors que la partie qui se prévaut d'une exception d'incompétence doit expressément désigner la juridiction qu'elle estime territorialement et matériellement compétente.



En second lieu il ajoute que la cour dispose du pouvoir d'infirmer le jugement dont elle considère la juridiction incompétente mais pas de l'annuler et que la cour qui n'est pas réellement saisie d'une exception d'incompétence doit la déclarer irrecevable.

S'agissant de la compétence matérielle du tribunal, il justifie de la compétence du tribunal judiciaire en indiquant qu'il n'a jamais fait l'objet de décision de révocation de ses fonctions de président de la société AIGLE AZUR et fait valoir que le litige n'est donc pas lié à ses conditions de révocation en qualité de président de la société AIGLE AZUR. Il expose qu'il a engagé une action en réparation du préjudice personnel et direct qu'il a subi du fait du comportement fautif de Messieurs [V] et [J] et de la société LU AZUR puisqu'il a été la victime d'un véritable « putsch » dirigé contre sa personne, organisé sciemment et de manière préméditée par Monsieur [V] avec la complicité de Monsieur [J] pour l'écarter de la compagnie AIGLE AZUR.



Sur la compétence territoriale du tribunal, Monsieur [M] précise qu'au jour de l'assignation, son domicile était situé à Paris et qu'il a la nationalité française, que le litige a pris place en France et que la société AIGLE AZUR avait son siège social à PARAY-VIEILLE-POSTE et que les agissements fautifs des codéfendeurs ont tous été commis en France. Il explique que son action étant fondée sur les dispositions de l'article 1240 du Code civil, l'action revêt une nature délictuelle et qu'il disposait de l'option de compétence édictée à l'article 46 du Code de procédure civile et qu'étaient ainsi territorialement compétentes la juridiction du fait dommageable et la juridiction dans le ressort duquel le dommage a été subi, que la faute qui consiste dans le courrier de révocation signé par Monsieur [V] lui a été signifié à son domicile à [Localité 9] et constitue le lieu du fait dommageable et donc le lieu de naissance du préjudice.



Monsieur [M] en conclut que le préjudice qu'il a subi résultant de la diffusion du communiqué et du blocage de l'accès au siège social doit être considérées comme ayant été subi dans le ressort du tribunal de Paris. Monsieur [M] rappelle également qu'en application de l'article 42 du Code de procédure civile, si le défendeur n'a pas de domicile ou de résidence connue, il peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s'il demeure à l'étranger et qu'il demeurait à [Localité 9] jusqu'en juillet 2020.



Sur ce



Aux termes de l'article L 721-3 du code de commerce les tribunaux de commerce connaissant des contestations relatives aux sociétés commerciales.



L'action introduite par Monsieur [M] n'est pas une action relative à la vie sociale stricto sensu, et en particulier en contestation de sa révocation de son mandat de président de la société AIGLE AZUR, qui si elle avait été engagée l'aurait opposé à la société AIGLE AZUR, mais est une action fondée sur la responsabilité délictuelle engagée à l'encontre d'un des associés de la société AIGLE AZUR, la société LU AZUR représentée par son président Monsieur [V], et contre deux personnes physiques Monsieur [V] et Monsieur [J] pour les fautes commises par eux à son encontre dans le cadre des événements ayant vu la révocation de Monsieur [M] par LU AZUR et la prise de la direction de la société par Monsieur [V] et Monsieur [J] le 26.08.2019.



Il s'ensuit que bien que les fautes aient été commises dans le cadre des relations professionnelles qui existaient entre les parties, Monsieur [V] étant le président de la société actionnaire de la société dont Monsieur [M] était le président, l'action est une action personnelle de Monsieur [V] à l'encontre des appelants qui relève donc du tribunal judiciaire et non du tribunal de commerce.



Il convient donc de rejeter la demande de voir prononcer la nullité du jugement rendu par le tribunal judiciaire de PARIS pour incompétence.



Sur le défaut de droit d'agir de Monsieur [M] à l'encontre de Monsieur [V], de Monsieur [J] et de la société LU AZUR



Les appelants font valoir que Monsieur [M] est irrecevable pour défaut de droit d'agir à leur encontre dès lors qu'ils ne peuvent être considérés comme les auteurs de la révocation de Monsieur [M].

Ils expliquent que si c'est bien la société LU AZUR qui est à l'initiative de la révocation de Monsieur [M] de ses fonctions de président de la société AIGLE AZUR, cette révocation et la nomination de Messieurs [V] et [J] ont été décidées d'un commun accord entre la société LU AZUR et la société DGN CORPORATION et ils font valoir que cette volonté de révoquer Monsieur [M] ressort de courriels de Monsieur [R] [H], dirigeant de la société DGN CORPORATION, sous la réserve du financement de la société AIGLE AZUR à hauteur de 10 millions d'euros puis de 15 millions d'euros. Ils indiquent que le 20 août 2019, la société LU AZUR a obtenu un financement de 15 millions d'euros et que la décision des dirigeants exécutifs des actionnaires de la société AIGLE AZUR d'évincer Monsieur [M] s'est donc matérialisée, que Monsieur [X] [V] a été nommé président et Monsieur [Z] [J] directeur général de la société.

Ils font observer que ces nominations n'ont pas fait l'objet de contestations de la part des sociétés DGN CORPORATION et HNA GROUP.



Monsieur [M] explique que c'est en partant du postulat péremptoire qu'il aurait fait l'objet d'une décision de révocation de la part de la société AIGLE AZUR que les appelants déduisent que son action aurait dû être engagée contre la société et non contre eux mais rappelle à cet égard qu'il n'a fait l'objet d'aucune décision de révocation et que les appelants ne produisent aucune décision de révocation et ne visent pas au débat la décision du comité exécutif de la société qu'ils ont produit au tribunal de Créteil pour obtenir la modification de l'extrait Kbis de la société.

Il expose qu'il verse aux débats des éléments qui permettent d'établir que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, les actionnaires de la société AIGLE AZUR ne l'ont pas révoqué et n'ont pas désigné Messieurs [V] et [J] en qualité de président et de directeur général de la société ainsi que les déclarations du représentant de l'actionnaire communautaire de la société, la société DGN CORPORATION, indiquant qu'aucun COMEX n'avait été convoqué aux fins de le révoquer et de nommer Messieurs [V] et [J].

Monsieur [M] considère être nullement dépourvu de droit d'agir à l'encontre de Monsieur [X] [V], de Monsieur [Z] [J] et de la société LU AZUR pour les voir condamnés à réparer le préjudice subi du fait de leurs agissements fautifs.



Sur ce



Les appelants fondent la fin de non recevoir soulevée par eux sur le fait que LU AZUR ne peut être considérée comme l'auteur de la décision de révocation de Monsieur [M], ni en conséquence le président de LU AZUR, Monsieur [V], et encore moins Monsieur [J] qui n'a pas de responsabilité dans la société actionnaire de AIGLE AZUR.



Cependant l'action engagée par Monsieur [M] n'est pas une action visant à contester l'existence de sa révocation, ou à contester le fondement d'une révocation (dont il dit qu'elle n'existe pas) fondée sur le droit des sociétés mais est une action pour faire constater les fautes commise par les appelants à son encontre fondée sur la responsabilité délictuelle personnelle de chaque appelant. A ce titre Monsieur [M] dispose donc d'un droit d'agir à l'encontre des appelants au regard du fondement juridique choisi par lui.



En conséquence il y a lieu de rejeter la fin de non recevoir tiré du défaut de droit d'agir.



Sur la violation de l'article 479 du Code de procédure civile



Monsieur [V], Monsieur [J] et la société LU AZUR rappellent les dispositions de l'article 479 du Code de procédure civile et font valoir qu'ils sont domiciliés à l'étranger et que le jugement indique seulement qu'ils « n'ont pas constitué avocat malgré les assignations qui leur ont été régulièrement délivrées, emportant saisine régulière de ce tribunal » mais ne constate pas les diligences faites en vue de donner connaissance de l'acte introductif d'instance aux demandeurs et ne précise donc pas les modalités de signification des assignations délivrées aux appelants, qu'en l'absence de constatation des diligences il convient de prononcer la nullité du

jugement entrepris, sans que l'effet dévolutif de l'appel ne puisse opérer.



Monsieur [M] commence par faire observer que les appelants ne contestent pas la régularité de la signification qui leur a été faite à chacun de l'exploit introductif d'instance et ne prétendent pas avoir subi le moindre grief qui résulterait d'une signification irrégulière de cet exploit.

Il estime donc que le jugement n'encourt pas la nullité sur ce fondement, la nullité n'étant pas prévue par le Code de procédure civile.

Monsieur [M] ajoute qu'il est faux d'affirmer que le tribunal n'a pas vérifié la régularité des exploitations signifiés aux codéfendeurs, puisque le premier juge a visé l'article 472 du Code de procédure dans le jugement de première instance et a pris le soin de préciser que les défendeurs n'avaient « pas constitué avocat malgré les assignations qui leur ont été régulièrement délivrées, emportant saisine régulière de ce tribunal », après avoir vérifié la régularité des significations réalisées à chacun des défendeurs. Il indique avoir versés aux débats les justificatifs de signification à chacun des défendeurs et que ces éléments attestent de la régularité de la signification réalisée par l'étude ABC JUSTICE.



Sur ce



La cour constate que les appelants ne contestent pas la régularité de la signification des assignations qui leur ont été délivrées mais soutiennent que le tribunal n'a pas apprécié les modalités de signification des assignations et qu'en l'absence d'une telle vérification le jugement doit être annulé.





Il ressort de la lecture du jugement que celui ci indique que Monsieur [X] [V], Monsieur [Z] [J] et la SA LU AZUR n'ont pas constitué avocat malgré les assignation qui leur ont été régulièrement délivrées, emportant saisine régulière de ce tribunal. Or le texte prévoit que le jugement par défaut ou le jugement réputé contradictoire rendu contre une partie demeurant à l'étranger doit constater expressément les diligences faites en vue de donner connaissance de l'acte introductif d'instance au défendeur. En l'espèce le jugement ne vise pas expressément les diligences effectués et ne permet pas à la cour d'appel de s'assurer des conditions d'assignation des défendeurs non comparants.

En conséquence sa nullité doit être prononcée.



S'agissant de l'absence d'effet dévolutif de l'appel les appelants n'apportent aucune explication en droit qui justifierait qu'il ne soit pas application de l'effet dévolutif dans la mesure où ils ne contestent pas avoir été régulièrement assignés et le fait que la juridiction a donc été valablement saisie.

Il y a donc lieu de faire application de l'effet dévolutif de l'appel.



Sur le fond



Les appelants font grief au jugement d'avoir caractérisé une révocation fautive de Monsieur [M] de ses fonctions de président de la société AIGLE AZUR, en se fondant sur divers éléments alors que la lettre de révocation de Monsieur [M] ne peut être considérée comme fautive dans sa rédaction, que le communiqué adressé aux salariés de la société était nécessaire au regard de la situation de la société et du bilan de la direction sortante, que les procès-verbaux de constat d'huissier ne prouvent aucune révocation fautive de Monsieur [M] mais au contraire caractérisent la faute de Monsieur [M] qui a cherché à entraver la direction de la nouvelle équipe dirigeante, que la constatation émise puis clôturée par la DGAC est inopérante à établir le caractère fautif de la révocation de Monsieur [M] puisqu'il s'agit d'un acte administratif qui ne se réfère pas au processus de nomination de Messieurs [V] et [J].



S'agissant des ordonnances sur requête de la présidente du tribunal de commerce d'Evry des 27 et 28 août 2019, ils font valoir qu'elles ont été rendues sur requête de Monsieur [M] alors que révoqué il n'avait donc pas qualité pour agir en nomination d'un administrateur provisoire et par une juridiction incompétente, puisqu'à la date des ordonnances la société AIGLE AZUR était enregistrée au greffe du tribunal de commerce de Créteil.

Sur la déclaration de main courante effectuée par Monsieur [M], ils estiment que celle-ci est partiale et ne peut servir de preuve à ses prétentions au fond.

Enfin, ils estiment que la référence à des articles de presse n'est pas circonstanciée et ne peut prouver une quelconque faute des appelants dès lors qu'aucun article n'est visé et qu'aucun fait n'est explicitement visé.



Ils font valoir que c'est à Monsieur [M] de supporter la charge de la preuve dans la mesure où, contrairement à l'intimé, ils ne contestent pas la révocation de Monsieur [M] et la nomination de Messieurs [V] et [J] en qualités de président et de directeur général.



Ils rappellent que les sociétés DGN CORPORATION et LU AZUR ont décidé d'un commun accord le changement de direction de la société dès que la société LU AZUR était en mesure de mettre la somme de 15 millions d'euros à disposition de la société AIGLE AZUR, pour assurer sa survie et que cette condition a été levée le 20 août 2019, rendant ainsi effective la décision des actionnaires de la société AIGLE AZUR.

S'agissant du courriel du 26 août 2019 de Monsieur [H] visé par l'intimé, ils font observer que Monsieur [V] et Monsieur [H] échangent régulièrement et que ce dernier n'a jamais adressé de mise en demeure ou engagé une quelconque action pour contester l'éviction de Monsieur [M] et la nomination de Messieurs [V] et [J], alors même que le changement de direction ne pouvait se faire sans son accord.



Ils concluent à l'absence de caractère déloyal, brutal ou vexatoire de la révocation de Monsieur [M] et critiquent la qualification retenue par le tribunal. Ils soutiennent que la révocation de Monsieur [M] n'était pas déloyale puisque sa gestion lui était reprochée de longue date par les associés de la société, qu'ils ont rejeté les comptes sociaux et refusé de donner quitus à Monsieur [M] de sa gestion lors de l'assemblée générale de 26 juillet 2019 et se sont opposés à sa volonté d'écarter un des commissaires aux comptes de la société. Ils réfutent également tout caractère brutal de la révocation de Monsieur [M], et font valoir que c'est l'urgence de la situation qui a présidé aux modalités d'éviction de Monsieur [M] pour assurer un rapide et efficient changement de direction.

Ils soutiennent enfin que la révocation de Monsieur [M] n'était pas vexatoire, puisqu'il en a été informé par huissier à son domicile, mais qu'il s'est lui-même placé dans une situation vexatoire en se rendant au siège de la société et et idnique que le communiqué adressé aux salariés ne le nommait pas et ne comportait aucun élément vexatoire.



Monsieur [M] demande à la cour de débouter Messieurs [V] et [J] et la société LU AZUR de leurs demandes et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu le caractère fautif de leurs agissements.

Il relève que les appelants font valoir que ses pièces ne permettraient pas de caractériser une révocation fautive et cela en se fondant sur l'existence d'une prétendue décision de révocation de ses fonctions de président alors qu'aucun COMEX ne s'est réuni pour le démettre de ses fonctions et qu'il n'a jamais été révoqué de son mandat de président de la compagnie AIGLE AZUR et que Messieurs [V] et [J] n'ont jamais été désignés président et directeur général de la compagnie aérienne.

Il affirme que l'extrait Kbis de la société AIGLE AZUR mentionnant que Monsieur [V] est le président de la société et que Monsieur [J] en est le directeur général constitue une tentative d'escroquerie au jugement et a été obtenu par les appelants en communiquant de fausses informations au greffe. Il explique qu'une plainte pour faux et usage de faux a été déposée par la société AIGLE AZUR, représentée par la SELARL FHB.

Il fait valoir que si les échanges d'e-mails intervenus entre Monsieur [V] et Monsieur [H] peuvent traduire une volonté de se séparer de Monsieur [M] ces échanges ne sauraient valoir décision de révocation par l'organe compétent de la société AIGLE AZUR dont les modalités sont fixées par la collectivité des associés dans un pacte d'actionnaires du 30 juillet 2017.



Monsieur [M] fait valoir que Monsieur [V], Monsieur [J] et la société LU AZUR ont ainsi commis des fautes d'une particulière gravité s'agissant de manoeuvres frauduleuses de Monsieur [V], mises en oeuvre avec la complicité de Monsieur [J], visant à l'écarter par tous moyens de la société, relèvant d'une véritable intention de nuire

Il rappelle ainsi qu'après avoir annoncé aux 1 167 salariés qu'il était désigné président de la société, Monsieur [V] a pénétré dans les locaux du siège de la société et mandaté les agents de sécurité pour lui bloquer l'accès, fait désactiver ses badges d'accès, s'est introduit dans le système informatique de la compagnie pour y puiser des données comptables et a attribué un ordinateur de la compagnie à Monsieur [J] qui n'avait pas de fonction dans la société, que ces opérations frauduleuses qui ont duré près de trois jours n'ont pu être interrompues que par la désignation d'un administrateur provisoire et le recours à la force publique. Il considère que de tels agissements sont d'autant plus grave qu'ils sont le fait de personnes du monde des affaires ayant occupé des fonctions publiques et ayant diverses distinctions.



Sur ce



L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.



Les appelants fondent l'essentiel de leur position sur le fait que Monsieur [M] aurait fait l'objet d'une révocation et que Monsieur [V] a été désigné à sa place comme président de la société et que compte tenu de la situation financière dans laquelle était AIGLE AZUR la mise en oeuvre de cette décision s'est faite dans l'urgence.



Cependant la cour constate que les appelants ne produisent aucune décision prise par le comité exécutif de la société AIGLE AZUR révoquant Monsieur [M] et désignant à sa place Monsieur [V] en qualité de président et Monsieur [J] en qualité de directeur général conformément au pacte d'associé signé par les associés le 31.07.2017 qui étaient alors: Weaving Invest à hauteur de 32%, HNA Aviation Holding Co. Limited à hauteur de 48% et Lu Azur à hauteur de 20%, cette dernière société étant représentée par son président Monsieur [V].



En effet selon l'article 2.6 dudit pacte les parties s'assureront que les décisions suivantes ne sont pas prises par Aigle Azur ni par aucune de ses filiales, sans l'approbation du Comité Exécutif prise par un vote à la majorité, laquelle n'est pas réputée donné sans le vote favorable d'auc moins deux mebres du Comité exécutif représentant Weaving Invest ou du membre de Lu Azur:

(...)

La désignation/recrutement et la révocation du Président, et sur proposition du Président des personnes occupant les fonctions suivantes au sein d'Aigle Azur ou de ses Filiales: président (autre que celui d'Aigle Azur) directeurs généraux, tout autres mandataires sociales, et tout responsables désignés conformément à la législation des transports;

(...)

Nonobstant ce qui précède dans l'hypothèse où deux (et seulement deux) membres du Comité exécutif représentant Weaving Invest ou Lu Azur a voté en faveur de la décision soumise au Comité exécutif ladite décision devra être soumise à un second vote dans les deux semaines qui suivront le premier vote. La décision en question devra ainsi être prise à la majorité des seuls membres représentant Weaving Invest ou Lu Azur (HNA étant néanmoins autorisé à voter) i;e; au moins deux membres représentant Weaving Invest ou Lu Azur.



Il convient de préciser que DGN Corporation a acquis l'intégralité de la participation de Weaving Invest au capital social de AIGLE AZUR par contrat de cession du 26.09.2017.



Le fait que les actionnaires de AIGLE AZUR aient discuté par mail dans le courant du second semestre de la révocation éventuelle de Monsieur [M] et de la nomination en suivant de Monsieur [V] en qualité de président sous la condition qu'il apporte une somme de 15 millions d'euros dans la société ne permet pas à Monsieur [V] de soutenir qu'une décision avait été prise par le comité exécutif lors d'une réunion et après un vote dans les conditions de majorité prévues par le pacte d'associé.

En effet les discussions par mail des associés, s'agissant de l'évolution de la société et de la nécessité d'un apport conséquent de trésorerie, ainsi que de la question de sa gouvernance, ne remplacent pas ou ne constituent pas une décision prise par le comité exécutif.



Il en résulte qu'aucune décision n'a été prise par le comité exécutif relative à la révocation de Monsieur [M] et à la nomination comme président de la société AIGLE AZUR de Monsieur [V].



Cette absence de décision a été confirmée dès le 26 août 2019, par:

- [R] [H] en sa qualité de propriétaire de DGN Corps par mail adressé à 17h16 dans lequel il indique qu'il n'a pas révoqué Monsieur [M] qui reste le président d'Aigle Azur et qu'il nie le pouvoir et les allégations de Monsieur [X] [V] qui affirme publiquement être le président d'AIGLE AZUR et qu'il réfute également les pouvoirs et la nomination de Monsieur [Z] [J]

- HNA indiquant aux termes d'un mail adressé par Monsieur [B] [G]: En tant qu'actionnaire détenant 48% du capital d'Aigle Azur, HNA n'a aucune information concernant la base légale sur laquelle la révocation d'hier matin est intervenue à l'intiative de Lu Azur,

-puis le 27 août par Monsieur [N] [I] membre du comité exécutif d'AIGLE AZUR nommé par l'actionnaire DGN Corps qui expose dans une attestation que seul le COMEX est habilité à nommer ou révoquer le président, que le COMEX convoqué le 23 août afin de valider une offre de cession d'actfs à la compagnie Vueling a été annulé le matin même à la demande de LUAZUR sans qu'une nouvelle date soit arrêtée, qu' aucun COMEX d'AIGLE AZUR n'a été convoqué aux fins de révoquer Monsieur [M] ou de nommer Monsieur [V] au poste de président ou Monsieur [J] au poste de directeur génétal de la société AIGLE AZUR SA, qu'en conséquence aucun des votes requis pour la révocation de Monsieur [M] ou la nomination de Messieurs [V] et [J] n'a eu lieu dans le cadre du Comex, seul habilité à prendre de telles décisions.



Monsieur [V] en qualité de président de LU AZUR et à ce titre en tant que signataire du pacte d'associé était parfaitement au courant de la nécessité d'un vote en COMEX pour révoquer le président et pour être nommé à sa place. Par ailleurs sa longue pratique du monde des affaires en qualité de dirigeant de société faisait de lui un actionnaire particulièrement aguerri s'agissant de la formalisation des décisions prises par les actionnaires. Il ne pouvait donc se méprendre sur la réalité de la situation et c'est avec une particulière mauvaise foi qu'il soutient encore aujourd'hui qu'une décision de révocation de Monsieur [M] et de nomination de lui même à la tête d'AIGLE AZUR avait été prise par les actionnaires.



En outre cette décision aurait pu parfaitement être prise lors du COMEX qui était initialement prévu le 23 août. Or le COMEX prévu le 23 août a été annulé à la demande même de LU AZUR ainsi qu'en rapporte la preuve Monsieur [I] représentant de DGN Corps et il n'est pas rapporté la preuve que la société LU AZUR ait demandé la fixation en urgence d'un nouveau COMEX.



Monsieur [V] en sa qualité de président de LU AZUR s'est donc délibèrement affranchi des règles régissant le fonctionnement de la société AIGLE AZUR pour révoquer unilatéralement le PDG de celle ci et se désigner comme président. Ces agissements s'apparentent à une voie de fait civile s'agissant d'une atteinte violente à une situation légitime faite par une personne dont l'action ne peut se justifier par aucune disposition contractuelle, légale ou réglementaire



S'agissant des fautes et des responsabilités



La société LU AZUR qui était actionnaire de la société AIGLE AZUR représentée par Monsieur [V] son président a donc commis une faute à l'encontre du Monsieur [M] en procédant à sa révocation alors qu'aucune décision du comité exécutif n'avait été prise en ce sens, en nommant Monsieur [V] en lieu et place de Monsieur [M]. Ces agissements fautifs se sont concrétisés par la signification à Monsieur [M] à son domicile de la notification de sa révocation.

En l'absence de lien contractuel entre la société LU AZUR et Monsieur [M] qui n'était contractuellement lié qu'avec AIGLE AZUR le comportement fautif de l'actionnaire relève des dispositions de l'article 1240 du code civil.



Monsieur [V], au titre des fonctions usurpées de président de AIGLE AZUR qui sont indépendantes de ses fonctions en qualité de président de LU AZUR a commis également des fautes vis à vis de Monsieur [M] constituées par le fait d'avoir mise en oeuvre la décision illégale de révocation et de nomination et à ce titre:

-de s'être comporté comme leprésident de la société AIGLE AZUR,

- d'avoir mis en oeuvre l'éviction de Monsieur [M] de la société en lui interdisant l'accès à la société et à son bureau, en lui faisant remettre,à l'extérieur de la société, ses affaires personnelles dans deux cartons, en faisant fermer les accès de Monsieur [M] à sa messagerie professionnelle et à tout accès informatique à la société, en se présentant en lieu et place de Monsieur [M], tant en interne qu'en externe, comme président de la société.



Enfin s'agissant de Monsieur [J], celui ci n'exerçait avant le 26 août 2019 aucune fonction au sein de la société. Il a été étroitement associé par Monsieur [V] à la mise en oeuvre de la révocation de Monsieur [M] et à sa prise de contrôle de la société. Il ne pouvait pas ignorer le caractère infondé de celle ci en l'absence de toute réunion du COMEX, et au regard du déroulement des faits et de leur caractère anormal très éloigné du processus usuel de nomination. Il ne pouvait pas plus ignorer le caractère illégal de sa propre nomination, le COMEX étant le seul organe à pouvoir décider de sa nomination en remplacement du directeur général en place. Il a, en usurpant cette qualité de directeur général, effectué différents actes de direction de la société qui constituent des fautes vis à vis de Monsieur [M] dont la suppression des accès informatiques et la mise en oeuvre de l'interdiction d'entrée dans les locaux.



Il s'ensuit que les trois appelants seront condamnés sur le fondement de l'article 1240 du code civil à réparer les préjudices subis par Monsieur [M] au titre de la révocation illégale dont celui ci a été l'objet le 26.08.2019 et de sa mise en oeuvre.



Sur les préjudices



Les appelants font valoir que les demandes indemnitaires de Monsieur [M] en augmentation par rapport aux sommes allouées par le tribunal sont irrecevables faute pour l'intimé d'avoir demander l'annulation ou l'infirmation du jugement dans ses conclusions.



Ils concluent à l'absence de préjudice qui leur soit imputable du fait de la révocation. Ils contestent toute atteinte à la réputation de Monsieur [M] et rappellent qu'il a été révoqué de plusieurs fonctions de dirigeant social dans des sociétés du domaine de l'aviation. Ils considèrent par ailleurs que Monsieur [M] est responsable de la résonance médiatique de sa révocation des fonctions de président de la société AIGLE AZUR et reprochent au tribunal de ne pas avoir indiqué en quoi les articles de presse et émission relatant sa révocation émanerait de la seule initiative des appelants, qui auraient été animés d'une volonté de lui nuire, et font observer que ces parutions ont vraisemblablement été nourries par Monsieur [M] lui-même, au regard d'éléments de langage qu'il emploie pour qualifier sa révocation tels que « putsch ». Ils rappellent par ailleurs que l'éviction n'a jamais été contestée par les actionnaires de la société.

Les appelants reprochent par ailleurs à Monsieur [M] l'état de cessation des paiements de la société et font valoir qu'ils ne peuvent être rendus responsables de la crise de la société, qui est imputable à la gestion sociale de Monsieur [M]. Ils rappellent que Monsieur [M] a le 2 septembre 2019 déposé une déclaration de cessation des paiements de la société, deux jours avant d'annoncer sa démission de la présidence.



Monsieur [M] réplique que ses conclusions d'intimé signifiées le 24 janvier 2022 répondent aux exigences de forme de l'article 954 du Code de procédure civile et sont en toute hypothèse recevables en cause d'appel en tant que demande additionnelle conformément à l'article 566 du Code de procédure civile. Il souligne qu'en tout état de cause, si la cour annulait le jugement sur ce fondement, elle serait tenue de statuer sur le fond de l'affaire compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel.



Il expose que les agissements graves de Monsieur [V], de Monsieur [J] et de la société LU AZUR ont porté atteinte à son image et à sa réputation qui était excellente dans le domaine de l'aviation. Il fait valoir que son préjudice moral est caractérisé par les circonstances brutales et vexatoires dans lesquelles il a été évincé de la société pendant trois jours en toute illégalité, l'atteinte à sa réputation professionnelle résultant des circonstances relayées dans les médias et par le dénigrement public dont il a fait l'objet et par le trouble moral et psychologique résultant des conditions traumatisantes de son éviction.

Il rappelle que Monsieur [V] a ensuite usurpé la qualité de président de la compagnie et attribué la qualité de directeur général à son complice Monsieur [J], s'est présenté en cette qualité auprès des salariés et dans la presse, qu'il a recruté sa propre société de sécurité pour lui faire barrage et lui refuser l'accès, que Monsieur [M] s'est fait remettre un carton avec ses affaires personnelles sur le trottoir devant le siège de la société et que c'est en raison du concours apporté par la force publique, après des tentatives infructueuses d'accéder au siège, que Monsieur [V] a été forcé de quitter les locaux du siège de la société AIGLE AZUR. Il rappelle que Monsieur [J] a occupé illégalement les lieux mais a aussi fait pénétrer son propre huissier, ses experts-comptables et son équipe de sécurité.

Il expose que les faits dont il a été victime ont porté atteinte à sa réputation professionnelle et ont eu une incidence négative sur la poursuite de sa carrière.

Il reproche en outre à Messieurs [V] et [J] un dénigrement public via le communiqué du 26 août 2019 et les commentaires de Monsieur [J] dans des émission de télévision et de radio. Il estime que ce putsch a eu des répercussions morales et psychologiques sur sa personne et cite le compte-rendu du médecin qu'il l'a examiné au service médical d'urgence de l'aéroport d'[Localité 8] faisant état d'un stress post traumatique, d'une lassitude évidente et d'une perte de confiance, d'un risque cardio-vasculaire avec prise de poids récente, tabagisme majoré et d'une atteinte à sa thymie et des signes effectifs de burn-out.



Sur ce



Le jugement a été annulé. En conséquence les considérations des appelants sur l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé visant à une augmentation du montant des dommages et intérêts qui doivent lui être alloués, sont sans objet puisque la cour, du fait de l'annulation du jugement, est saisi de l'entier litige.



Les agissements des trois appelants ont été d'une rare violence psychologique à l'encontre de Monsieur [M] par le fait même du caractère illégal de la révocation, que de la mise en oeuvre brutale de cette révocation illégale.

En effet Monsieur [M] a été interdit de pénétrer dans sa société, ses accès informatiques ont été supprimés, ses collaborateurs les plus proches ont subi les mêmes traitements.

La communication apportée à cette récusation illégale a porté atteinte à la réputation professionnelle de Monsieur [M] en laissant croire, faussement, au fait qu'AIGLE AZUR l'avait démis brutalement de ses fonctions de PDG, ce qui ne pouvait qu'amener les tiers à avoir des soupçons sur ses compétences manageriales. Le fait qu'ensuite, Monsieur [M] ait réussi à réintégrer ses fonctions n'a pas permis d'effacer l'effet médiatique de sa révocation au regard du placement, quasi immédiatement après, d'AIGLE AZUR en redressement puis en liquidation judiciaire.



Par ailleurs des termes critiquables ont été utilisés à l'encontre de Monsieur [M] dans le communiqué à destination des salariés qui indique que les actionnaires ont été longtemps tenus dans l'ignorance cette situation (ie la situation de l'entreprise), que les errements stratégiques des deux dernières années doivent cesser, que toutes les solutions explorés jusqu'à présent ont consisté-au grand détriment des salariés- à brader ces actifs dans une démarche de court terme, sans vision pour l'avenir et sans le réel souci de sauver l'entreprise, et écrit que dans son travail préparatoire, Lu Azur, privé d'information par l'ancienne direction, a pu s'appuyer sur des salariés déterminés. Les termes utilisés: tenus dans l'ignorance, errements stratégiques, brader les actifs, sans réel souci de sauver l'entreprise, privé d'information par l'ancienne direction, sont contraires à la réalité de la situation s'agissant:

- de l'absence d'informations puisque Monsieur [V] était informé de la situation de l'entreprise, ce pour quoi il a décidé d'en prendre unilatéralement la direction,

-portent atteinte à la probité de Monsieur [M] vis à vis des salariés de l'entreprise qu'il dirige s'agissant du fait de soutenir que l'intimé n'a pas le réel souci de sauver l'entreprise, adopte des solutions contraires aux intérêts des salariés et brade les actifs,

- sont de nature à porter atteinte à la légitimité du PDG par l'utilisation des termes 'errements stratégiques'.

Les termes utilisés dans le communiqué constituent donc des fautes qui ont porté préjudice à la réputation de Monsieur [M].



S'agissant des interviews de Monsieur [J] sur RTL le 6.09.2019 dont la retranscription constitue la pièce 66 de l'intimé et sur BFM TV le 6.09.2019 dont la restranscription constitue la pièce 65 de l'intimé, Monsieur [J] utilise les termes suivants:

le management a clairement failli dans la stratégie de gestion de l'entreprise,

quand on en arrive à des niveaux de perte aussi importants après avoir prétendu qu'on gagnerait de l'argent c'est méconnaître ce métier,

carence dans le management,

pour en arriver là il a fallu en faire des erreurs

oui, a minima, il y a eu des erreurs techniques de gestion pour le moins.



Cependant ces termes ne dépassent pas la liberté d'expression qui est reconnue à chacun, en l'absence de termes dénigrants ou injurieux et d'attaques personnelles contre Monsieur [M] auquel Monsieur [J] reproche, dans le droit fil de la position de Monsieur [V], les décisions stratégiques prises de développement des lignes moyen courrier et l'éloignement de son marché de niche à savoir les vols avec l'Algérie.



S'agissant du préjudice les fautes commises ont eu un effet direct sur la santé de Monsieur [M] victime de violences psychologiques professionnelles dont rapporte la preuve le certificat médical établi le 5.09.2019 (pièce 38 de l'intimé) et produit aux débats qui fait état d'un stress post traumatique avec troubles du sommeil, cauchemars, fatigue importante, perte de confiance. Le médecin indique que Monsieur [M] présente des signes effectifs de burn-out.



Le préjudice moral et professionnel de Monsieur [M] est donc établi.



Il convient de condamner à ce titre la SA LU AZUR et Monsieur [V] in solidum à payer à Monsieur [M] la somme de 100.000 euros et Monsieur [J] la somme de 30.000 euros.



Sur les demandes de préjudice articulées par la SA LU AZUR, Monsieur [V] et Monsieur [J]



Les appelants soutiennent que Monsieur [M] en saisissant les 27 et 28 août 2019 la présidente du tribunal de commerce d'Evry en vue de la nomination d'un administrateur provisoire, en qualité de président de la société AIGLE AZUR, alors qu'il n'était plus président de la société à cette date s'est livré à une usurpation des fonctions de président. Ils considèrent que cette usurpation a eu comme conséquence la nomination d'un administrateur provisoire, puis l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire qui a entraîné une procédure de liquidation judiciaire et que la société LU AZUR a subi un préjudice de ce fait, dans la mesure où elle détenait 20 % du capital social de la société AIGLE AZUR.

Messieurs [V] et [J] estiment avoir subi un préjudice du fait de la couverture médiatique des déboires de la société AIGLE AZUR et de l'affirmation infamante selon laquelle ils auraient participé à un « putsch ». Ils relatent à cet égard des articles de presse, alimentés par des déclarations et entretiens de Monsieur [M].



Sur ce



La cour ayant retenu que la SA LU AZUR, Monsieur [V] et Monsieur [J] avaient commis des fautes constituées par la révocation illégale de Monsieur [M], la nomination illégale de Monsieur [V] en qualité de président, la mise en oeuvre de cette décision illégale qui plus est dans des conditions brutales et vexatoires vis à vis de Monsieur [M] ainsi que des faits de dénigrement à l'encontre de ce dernier, les demandes des appelants qui soutiennent que Monsieur [M] a usurpé la qualité de président, doivent être rejetées. Il conviendra pour les mêmes raisons qui tiennent aux fautes retenues à l'encontre des appelants de les débouter de leurs demandes de réparation du préjudice subi du fait de la couverture médiatique qu'ils ont eux même orchestré au moment de la mise en oeuvre de la voie de fait de nature civile.



Sur les autres demandes



Il est inéquitable de laisser Monsieur [M] supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense en première instance et en appel et il lui est alloué la somme de 40.000 euros à ce titre.



Les dépens de première instance et d'appel sont mis à la charge des appelants.



PAR CES MOTIFS



Rejette l'exception d'incompétence du tribunal judiciaire articulée par les demandeurs



Déboute la société LU AZUR, Monsieur [V] et Monsieur [J] de la fin de non recevoir tiré du défaut de droit d'agir de Monsieur [M]



Prononce la nullité du jugement rendu compte tenu de la violation des dispositions de l'article 479 du code de procédure civile



Déboute la société LU AZUR, Monsieur [V] et Monsieur [J] de leur demande disant n'y avoir lieu à effet dévolutif



Dit n'y avoir lieu de statuer sur l'absence de saisine de la cour au titre des demandes de Monsieur [M] sur le quantum des condamnations au regard du prononcé de la nullité du jugement



Et statuant à nouveau



Condamne in solidum la société LU AZUR et Monsieur [V] à payer à Monsieur [M] la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts



Condamne Monsieur [J] à payer à Monsieur [M] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts



Déboute les intimés de leurs demandes de dommages intérêts



Condamne in solidum la société LU AZUR, Monsieur [V] et Monsieur [J] à payer à Monsieur [M] la somme de 40.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile



Condamne in solidum la société LU AZUR, Monsieur [V] et Monsieur [J] aux dépens de première instance et d'appel.







La greffière La présidente

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.