29 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-10.989

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C200992

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 septembre 2022




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 992 F-D

Pourvoi n° D 21-10.989








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022

M. [T] [N], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-10.989 contre le jugement rendu le 25 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Saint-Quentin (service civil), dans le litige l'opposant à la société [3], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, prise en qualité de madataire à la liquidation judiciaire de la société [4], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [N], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [3], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (Saint-Quentin, 25 novembre 2020), rendu en dernier ressort, et les productions, la société [4], ayant pour représentant légal M. [N], a été mise, le 19 janvier 2015, en redressement judiciaire, la procédure étant convertie en liquidation judiciaire le 6 mars 2015 et la société [3] (le liquidateur) désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

2. Après avoir été condamné à payer au liquidateur une certaine somme au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif, M. [N] a saisi une commission de surendettement des particuliers qui a déclaré irrecevable sa demande tendant au traitement de sa situation financière.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [N] fait grief au jugement de déclarer irrecevable sa demande tendant à bénéficier des mesures de traitement des situations de surendettement, alors « que la situation de surendettement est caractérisée par l'impossibilité de faire face à un engagement de cautionner ou d'acquitter solidairement la date d'un entrepreneur individuel ou d'une société, quel que soit le caractère professionnel de la dette en résultant ; que le juge des contentieux de la protection qui a constaté que l'unique dette de Monsieur [N] résultait d'une condamnation en paiement suite à une action en responsabilité pour insuffisance d'actif dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SAS [4] dans laquelle il exerce les fonctions de dirigeant, ne pouvait considérer qu'il était de ce fait exclu du bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement sans violer l'alinéa 3 de l'article L.711-1 du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 711-1, alinéa 3, du code de la consommation, l'impossibilité de faire face à un engagement de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société caractérise également une situation de surendettement.

5. La condamnation à paiement, sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce, du dirigeant d'une société placée en liquidation judiciaire en raison d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif ne correspond pas à un engagement de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette de la société, de sorte que l'impossibilité de faire face à cette dette ne peut caractériser, en application de ces dispositions, une situation de surendettement.

6. Le moyen, qui manque en fait, ne peut, dès lors, être accueilli.

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

7. M. [N] fait le même grief au jugement, alors :

« 2°/ que la situation de surendettement est également caractérisée par l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ces dettes non professionnelles exigibles ou à échoir ; qu'une dette professionnelle s'entendant des dettes nées pour le besoin ou au titre d'une activité professionnelle, le juge des contentieux de la protection, qui a relevé qu'il n'était pas contesté que Monsieur [T] [N] n'était pas rémunéré pour son mandat social au sein de la SAS [4], ne pouvait considérer que la dette née de sa condamnation en paiement suite à une action responsabilité pour insuffisance d'actif dans le cadre de la liquidation de cette société dans laquelle il exerçait un mandat social devait être considérée comme née pour le besoin ou au titre d'une activité professionnelle sans violer de plus fort l'alinéa 2 de l'article L.711-1 du code de la consommation ;

3°/ qu'en toute hypothèse, en se bornant à faire état du fait que la société dans laquelle Monsieur [N] aurait exercé les fonctions de dirigeant était de nature commerciale, sans s'expliquer sur les conditions d'exercice par Monsieur [N] de cette activité et sans caractériser en conséquence que celle-ci revêtait les caractères d'une activité professionnelle, le juge des contentieux de la protection a privé sa décision de base légale au regard de l'alinéa 2 de l'article L.711-1 du code de la consommation ;

4°/ qu'en toute hypothèse, ne saurait être considérée comme née pour le besoin ou au titre d'une activité professionnelle la condamnation en paiement prononcée contre un dirigeant social suite à une action en responsabilité pour insuffisance d'actif dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire ; qu'en jugeant le contraire, le juge des contentieux de la protection a violé l'alinéa 2 de l'article L.711-1 du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

8. Selon l'article L. 711-1, alinéa 2, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2022-172 du 14 février 2022, la situation de surendettement est caractérisée par l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir.

9. Il résulte de ces dispositions que les dettes professionnelles s'entendent des dettes nées pour les besoins ou au titre d'une activité professionnelle.

10. Les fonctions de gérant de société constituant, par nature, une activité professionnelle, peu important qu'elles ne soient pas rémunérées, la condamnation, sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce, du dirigeant d'une société placée en liquidation judiciaire en raison d'une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif constitue une dette née au titre de cette activité professionnelle au sens des dispositions qui précèdent.

11. Ayant relevé que l'endettement de M. [N] était constitué d'une seule dette résultant de sa condamnation pour insuffisance d'actif et exactement retenu que, même si ce dernier n'était pas rémunéré pour son mandat, cette dette s'analysait en une dette professionnelle, le tribunal en a déduit, à bon droit, que celui-ci devait être déclaré irrecevable au bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers.

12. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [N] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [N] et le condamne à payer à la société [3], en qualité de liquidateur judiciaire de la société [4], la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour M. [N]

Monsieur [T] [N] fait grief au jugement attaqué d'avoir déclaré irrecevable sa demande tendant à bénéficier des mesures de traitement des situations de surendettement ;

Alors, de première part, que la situation de surendettement est caractérisée par l'impossibilité de faire face à un engagement de cautionner ou d'acquitter solidairement la date d'un entrepreneur individuel ou d'une société, quel que soit le caractère professionnel de la dette en résultant ; que le juge des contentieux de la protection qui a constaté que l'unique dette de Monsieur [N] résultait d'une condamnation en paiement suite à une action en responsabilité pour insuffisance d'actif dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SAS [4] dans laquelle il exerce les fonctions de dirigeant, ne pouvait considérer qu'il était de ce fait exclu du bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement sans violer l'alinéa 3 de l'article L.711-1 du code de la consommation ;

Alors, de deuxième part, que la situation de surendettement est également caractérisée par l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ces dettes non professionnelles exigibles ou à échoir ; qu'une dette professionnelle s'entendant des dettes nées pour le besoin ou au titre d'une activité professionnelle, le juge des contentieux de la protection, qui a relevé qu'il n'était pas contesté que Monsieur [T] [N] n'était pas rémunéré pour son mandat social au sein de la SAS [4], ne pouvait considérer que la dette née de sa condamnation en paiement suite à une action responsabilité pour insuffisance d'actif dans le cadre de la liquidation de cette société dans laquelle il exerçait un mandat social devait être considérée comme née pour le besoin ou au titre d'une activité professionnelle sans violer de plus fort l'alinéa 2 de l'article L.711-1 du code de la consommation ;

Alors, de troisième part qu'en toute hypothèse, en se bornant à faire état du fait que la société dans laquelle Monsieur [N] aurait exercé les fonctions de dirigeant était de nature commerciale, sans s'expliquer sur les conditions d'exercice par Monsieur [N] de cette activité et sans caractériser en conséquence que celle-ci revêtait les caractères d'une activité professionnelle, le juge des contentieux de la protection a privé sa décision de base légale au regard de l'alinéa 2 de l'article L.711-1 du code de la consommation ;

Et alors enfin, qu'en toute hypothèse, ne saurait être considérée comme née pour le besoin ou au titre d'une activité professionnelle la condamnation en paiement prononcée contre un dirigeant social suite à une action en responsabilité pour insuffisance d'actif dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire ; qu'en jugeant le contraire, le juge des contentieux de la protection a violé l'alinéa 2 de l'article L.711-1 du code de la consommation ;

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