29 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-17.235

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C200990

Texte de la décision

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 septembre 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 990 F-D

Pourvoi n° T 21-17.235




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2022

M. [I] [Z] [O], domicilié [Adresse 3], [Localité 4], a formé le pourvoi n° T 21-17.235 contre l'arrêt rendu le 12 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 13), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Transports bâtiments travaux publics, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 5],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Seine-Saint-Denis, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 4],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [O], de Me Haas, avocat de la société Transports bâtiments travaux publics, et après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mars 2021), M. [O] a relevé appel, le 30 juillet 2018, d'un jugement rendu par un tribunal des affaires de sécurité sociale ayant rejeté ses demandes tenant à voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur, la société Transports bâtiments travaux publics, à l'origine de son accident du travail et obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 562 et 933 du code de procédure civile :

3. Selon le premier de ces textes, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. Selon le second, régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, la déclaration désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour.

4. Si, pour les procédures avec représentation obligatoire, il a été déduit de l'article 562, alinéa 1er du code de procédure civile, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, publié) et que de telles règles sont dépourvues d'ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, publié), un tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant en matière de procédure sans représentation obligatoire constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit. La faculté de régularisation de la déclaration d'appel ne serait pas de nature à y remédier (2e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-13.673, publié).

5. Il en résulte qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, y compris lorsque les parties ont choisi d'être assistées ou représentées par un avocat, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement.

6. Il doit en être de même lorsque la déclaration d'appel, qui omet de mentionner les chefs de dispositif critiqués, ne précise pas si l'appel tend à l'annulation ou à la réformation du jugement.

7. Pour dire n'y avoir lieu de statuer sur les demandes de M. [O] en l'absence d'effet dévolutif de l'appel, l'arrêt retient que le conseil de M. [O] a interjeté appel par voie électronique en indiquant au titre de la mention objet/portée de l'appel : « total », que l'appel ne tend pas à l'annulation du jugement et que la déclaration d'appel ne mentionne aucun chef de jugement critiqué de sorte qu'elle n'opère pas d'effet dévolutif et que l'appel de M. [O] n'a donc saisi d'aucune demande la cour qui n'est investie de la connaissance d'aucun litige.

8. En statuant ainsi, alors que la procédure d'appel d'une décision du tribunal des affaires de sécurité sociale est sans représentation obligatoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Transports bâtiments travaux publics aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Transports bâtiments travaux publics et la condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. [O]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes de M. [O] en l'absence d'effet dévolutif de l'appel

1°) ALORS QUE l'effet dévolutif opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou que l'objet du litige est indivisible qu'en jugeant que la déclaration d'appel de M. [O] portant mention appel « total », ne permet pas de retenir que la dévolution de l'appel s'opère pour le tout « au regard d'un objet du litige indivisible » aux motifs de « l'absence de mention de tout chef du jugement critiqué », quand le fait même que l'objet du litige soit indivisible rend inutile la mention d'un des chefs de dispositif critiqués dans l'acte d'appel, la cour d'appel qui a statué par un motif impropre à justifier sa décision, a violé les articles 562 et 933 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en ne recherchant pas si l'objet du litige n'aurait pas été indivisible en ce sens que tous les chefs de demandes de M. [O] étaient dépendants de la reconnaissance préalable d'une faute inexcusable de son employeur à l'origine de son accident du travail, ce qui était de nature à faire produire à son acte d'appel portant mention appel « total » son plein effet dévolutif, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 562 et 933 du code de procédure civil.

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