28 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-19.005

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO01036

Texte de la décision

SOC. / ELECT

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 septembre 2022




Cassation


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1036 F-D

Pourvoi n° S 21-19.005




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

La Compagnie d'exploitation des services auxiliaires aériens - Servair, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° S 21-19.005 contre le jugement rendu le 22 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Bobigny (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :

1°/ au syndicat CGT de Servair 1, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à M. [E] [R], domicilié [Adresse 3],

3°/ à M. [M] [B], domicilié [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires.

Sur le rapport de Mme Agostini, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Compagnie d'exploitation des services auxiliaires aériens - Servair, après débats en l'audience publique du 29 juin 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Agostini, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Bobigny, 22 juin 2021), le 13 octobre 2020, le syndicat CGT Servair 1 (le syndicat CGT) a notifié à la société Compagnie d'exploitation des services auxiliaires aériens - Servair (la société) la désignation de MM. [R] et [B] en qualité de délégués syndicaux de l'établissement Servair 1.

2. Le 26 octobre 2021, la société a saisi le tribunal judiciaire d'une demande d'annulation de ces désignations.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief au jugement de la débouter de ses demandes tendant à l'annulation des désignations, alors « que la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, qui a réformé les conditions de désignation d'un délégué syndical, n'a pas remis en cause le principe selon lequel le délégué syndical doit être désigné parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages aux dernières élections professionnelles en vue de garantir sa légitimité à négocier et conclure les accords collectifs ; que le législateur a simplement entendu éviter l'absence de délégué syndical pour des raisons non imputable au syndicat ; qu'il en résulte que l'article L. 2143-3 du code du travail, qui prévoit qu'un syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ''si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées au premier alinéa'' renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical doit s'interpréter comme subordonnant cette dérogation à la condition que tous les candidats présentés par ce syndicat ayant obtenu au moins 10 % des suffrages, et non pas seulement les élus remplissant cette condition, aient préalablement renoncé à leur droit d'être désigné délégué syndical ; qu'en l'espèce, il est constant que vingt et un candidats présentés par le syndicat CGT aux élections des membres du comité social et économique d'établissement ont obtenu au moins 10 % des voix, que quatre d'entre eux ont été élus et que le syndicat CGT a néanmoins choisi de désigner en qualité de délégués syndicaux deux candidats qui avaient obtenu moins de 10 % des suffrages ; qu'en affirmant que la seule renonciation des quatre élus CGT à leur droit d'être désigné délégué syndical autorisait le syndicat CGT à désigner en qualité de délégué syndical deux candidats désavoués par les électeurs, au motif inopérant que la loi permet la révocation d'un élu, et non celle d'un candidat ''renégat'', le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2143-3 du code du travail. ».

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 2143-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 :

4. L'article L. 2143-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, fait obligation au syndicat représentatif qui désigne un délégué syndical de le choisir parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique. Aux termes du deuxième alinéa de ce texte, si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa de ce texte, ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit ces conditions, ou si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33.

5. Eu égard aux travaux préparatoires à la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, la mention du même texte selon laquelle « si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33 », doit être interprétée en ce sens que lorsque tous les élus ou tous les candidats qu'elle a présentés aux dernières élections professionnelles ont renoncé à être désignés délégué syndical, l'organisation syndicale peut désigner comme délégué syndical l'un de ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou l'un de ses anciens élus ayant atteint la limite de trois mandats successifs au comité social et économique.

6. Pour débouter la société de sa demande d'annulation des désignations, le jugement retient que les élus du syndicat CGT ayant recueilli 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique ont renoncé expressément par écrit à être désigné délégué syndical de sorte que, nonobstant l'absence de renonciation écrite des candidats présentés par ce syndicat, non élus ayant recueilli 10 % des suffrages exprimés, le syndicat pouvait valablement désigner comme délégué syndical deux candidats qui n'avaient pas recueilli à titre personnel 10 % des suffrages exprimés.

7. En statuant ainsi, le tribunal judiciaire a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 22 juin 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Bobigny ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Créteil ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux, et signé par lui et Mme Sommé conseiller en ayant délibéré, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452,456 et 1021 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Compagnie d'exploitation des services auxiliaires aériens - Servair

La société Servair fait grief au jugement attaqué de l'AVOIR déboutée de ses demandes tendant à l'annulation des désignations de MM. [R] et [B] en qualité de délégués syndicaux de l'établissement Servair 1 en date du 13 octobre 2020 ;

ALORS QUE la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, qui a réformé les conditions de désignation d'un délégué syndical, n'a pas remis en cause le principe selon lequel le délégué syndical doit être désigné parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages aux dernières élections professionnelles en vue de garantir sa légitimité à négocier et conclure les accords collectifs ; que le législateur a simplement entendu éviter l'absence de délégué syndical pour des raisons non-imputable au syndicat ; qu'il en résulte que l'article L. 2143-3 du code du travail, qui prévoit qu'un syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus « si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées au premier alinéa » renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical doit s'interpréter comme subordonnant cette dérogation à la condition que tous les candidats présentés par ce syndicat ayant obtenu au moins 10 % des suffrages, et non pas seulement les élus remplissant cette condition, aient préalablement renoncé à leur droit d'être désigné délégué syndical ; qu'en l'espèce, il est constant que vingt et un candidats présentés par le syndicat CGT aux élections des membres du comité social et économique d'établissement ont obtenu au moins 10 % des voix, que quatre d'entre eux ont été élus et que le syndicat CGT a néanmoins choisi de désigner en qualité de délégués syndicaux deux candidats qui avaient obtenu moins de 10 % des suffrages ; qu'en affirmant que la seule renonciation des quatre élus CGT à leur droit d'être désigné délégué syndical autorisait le syndicat CGT à désigner en qualité de délégué syndical deux candidats désavoués par les électeurs, au motif inopérant que la loi permet la révocation d'un élu, et non celle d'un candidat « renégat », le tribunal judiciaire a violé l'article L. 2143-3 du code du travail.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.