28 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-15.136

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO01029

Texte de la décision

SOC.

CA3



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 septembre 2022




Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1029 F-D

Pourvoi n° M 21-15.136




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

Mme [N] [U], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 21-15.136 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2021 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Novatec Guadeloupe, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [U], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société Novatec Guadeloupe, après débats en l'audience publique du 29 juin 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 18 janvier 2021), Mme [U] a été engagée par la société Novatec Guadeloupe ( la société ) à compter du 30 septembre 2013 en qualité d'attachée commerciale, moyennant une rémunération mensuelle fixe équivalente au SMIC et une part variable comprenant commissionnement et primes.

2. Convoquée une première fois à un entretien préalable en vue d'un licenciement fixé au 21 novembre 2016, elle a été convoquée, par lettre du 5 décembre 2016, à un nouvel entretien préalable en vue d'un licenciement fixé au 14 décembre 2016, en même temps que sa mise à pied à titre conservatoire lui était chaque fois notifiée. Elle a été licenciée le 22 décembre 2016 pour faute grave.

3. Estimant être victime d'un harcèlement moral, elle a saisi, le 2 mars 2017, la juridiction prud'homale aux fins de faire annuler son licenciement et de solliciter le paiement de diverses sommes au titre de la rupture ainsi que de l'exécution de son contrat de travail.


Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.



Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir diverses sommes à ce titre (dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement et rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire) et de ses demandes relatives au harcèlement moral subi, alors « que sous peine de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, la lettre de licenciement pour motif disciplinaire doit être notifiée au salarié dans le délai d'un mois à partir de la date de l'entretien préalable peu important que l'employeur ait, de sa seule initiative, décidé de reporter celui-ci en raison de l'absence du salarié ; que ce délai expire à vingt-quatre heures le jour du mois suivant qui porte le même quantième que le jour fixé pour l'entretien ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 novembre 2016, la salariée avait été convoquée à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'à un licenciement prévu le 21 novembre 2016 avec mise à pied à titre conservatoire avec effet immédiat mais que l'employeur, sans démontrer qu'il avait été informé de l'impossibilité dans laquelle se trouvait la salariée de se présenter audit entretien ou qu'il avait accédé à une demande de sa part, avait décidé de reporter la date de l'entretien préalable en raison de l'absence de la salariée ; que pour dire la notification du licenciement en date du 22 décembre 2016 intervenue dans le délai d'un mois après le jour fixé pour l'entretien préalable, la cour d'appel a relevé qu'ayant commencé à courir le lendemain de la date du premier entretien, soit le mardi 22 novembre 2016, ce délai expirait le jeudi 22 décembre 2016 à vingt-quatre heures ; qu'en statuant ainsi, lorsqu'au regard de la date fixée pour le premier entretien, soit le 21 novembre 2016, le délai d'un mois expirait à vingt-quatre heures le jour du mois suivant qui portait le même quantième, soit le 21 décembre de sorte que la notification du licenciement intervenue le 22 décembre était tardive et donc le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles 640, 641 du code de procédure civile, L. 1332-2 du code du travail, dans sa version modifiée par la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, et R. 1332-3 de ce même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1332-2 et R. 1332-3 du code du travail et l'article 641 du code de procédure civile :

6. Il résulte des deux premiers textes que la lettre de licenciement pour motif disciplinaire doit être notifiée au salarié dans le délai d'un mois à partir de la date de l'entretien préalable alors même qu'il ne s'est pas présenté à cet entretien et que, à défaut, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

7.Aux termes de l'article 641, alinéa 2, du code de procédure civile, lorsqu'un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. A défaut d'un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.

8. Pour dire que la procédure de licenciement était régulière, la notification n'étant pas tardive, l'arrêt constate d'une part que la salariée a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 21 novembre 2016 auquel elle ne s'est pas présentée et d'autre part que l'employeur a décidé de reporter la date de l'entretien en raison de l'absence de la salariée sans démontrer avoir été informé de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de se présenter à l'entretien ni avoir accédé à la demande de la salariée d'un nouvel entretien. L'arrêt retient toutefois que le point de départ du délai d'un mois de notification du licenciement disciplinaire a commencé à courir le lendemain de la date du premier entretien, soit le mardi 22 novembre 2016, et que ce délai a expiré le jeudi 22 décembre 2016 à vingt-quatre heures, de sorte que la notification du licenciement pour faute grave en date du 22 décembre 2016, cachet de la poste faisant foi, est intervenue dans le délai d'un mois après le jour fixé pour l'entretien préalable.

9. En statuant ainsi, alors que le délai d'un mois pour notifier le licenciement pour motif disciplinaire expirait le jour du mois suivant portant le même quantième que le jour de l'entretien préalable au licenciement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont elle aurait dû déduire que le délai expirait le 21 décembre 2016 à minuit, de sorte que la notification du licenciement intervenue le jeudi 22 décembre 2016 était tardive, a violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du troisième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [U] de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en condamnation de la société Novatec Guadeloupe au paiement de sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement et de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, l'arrêt rendu le 18 janvier 2021 entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée ;

Condamne la société Novatec Guadeloupe aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Novatec Guadeloupe et la condamne à payer à Mme [U] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour Mme [U]


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Mme [N] [U] fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre du 26 février 2019 en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes relatives au harcèlement moral, de celles tendant à voir la société Novatec Guadeloupe condamnée à lui payer la somme de 3 186,87 euros au titre des commissions impayées et de 318,69 euros au titre des congés payés y afférents et de ses demandes tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir diverses sommes à ce titre (dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement et rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire),

1°) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, la cour d'appel, étudiant isolément les griefs invoqués par la salariée, a relevé que si l'augmentation du seuil de déclenchement des commissions était établie à compter du 1er juin 2014, de même que la mise en place d'un nouveau plan de commissionnement et d'une évolution du barème pour le secteur Eurofid dès le 28 avril 2016, cette situation, dont il n'était ni allégué, ni démontré, qu'elle avait eu une incidence défavorable sur la part variable de sa rémunération, entrait dans le pouvoir de direction de l'employeur et ne concernait pas spécifiquement la salariée ; que l'arrêt a ensuite retenu que la salariée avait formulé une unique sollicitation quant au remboursement de ses frais kilométriques et que l'employeur avait apporté une réponse à cette revendication ; que la cour a ajouté que les multiples courriers de la salariée par lesquels elle sollicitait des précisions sur l'absence de paiement de certaines commissions, et auxquels il avait été répondu parfois avec agacement, procédaient d'une incompréhension de la salariée sur le mode de fonctionnement desdits commissionnements ; qu'examinant ensuite le grief tiré de l'attribution à Mme [J] de contacts commerciaux qui relevaient de la zone géographique de la salariée, la cour d'appel a considéré qu'en dehors des mails de la salariée des 21 septembre 2015, 2 octobre 2015, 13 octobre 2015, 8 décembre 2015 et 17 décembre 2015, auxquels l'employeur avait systématiquement répondu sur un ton respectueux et bienveillant, aucun autre document ne permettait de considérer que l'employeur avait volontairement attribué à Mme [J] certains contacts au détriment de la salariée ; que procédant par la suite à l'étude de l'agression verbale invoquée par la salariée, la cour d'appel a relevé que si elle avait donné lieu à un dépôt de plainte, ladite plainte avait été classée sans suite, qu'elle s'inscrivait dans un contexte de difficultés relationnelles et n'était corroborée par aucun autre élément de sorte que peu important les attestations de M. [D] et Mme [V] évoquant le « mépris » affiché par l'employeur à l'égard de sa salariée et son souhait de « la voir quitter la société » ou les divers documents médicaux justifiant d'une altération de la santé de la salariée, seule devait être considérée comme établie l'existence d'une sanction disciplinaire abusive ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui, sous couvert d'une recherche de la matérialité des éléments invoqués par la salariée, a procédé à une appréciation séparée desdits éléments et examiné dès ce stade les éléments avancés par l'employeur pour les justifier, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1, dans sa version modifiée par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail ;

2°) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, la cour d'appel, par motifs réputés adoptés, a relevé que ne pouvaient être considérés comme étant à bon escients les faits relatifs aux demandes de paiement des commissions, de surprimes, des heures supplémentaires, des frais kilométriques et de non-paiement des indemnités journalières ; que le jugement a ensuite retenu que les différentes plaintes pénales déposées par la salariée ne pouvaient être prises en compte dès lors qu'elles avaient été classées sans suite, la salariée ne justifiant pas du paiement de la consignation dans le cadre de la plainte avec constitution de partie civile et donc de la mise en oeuvre de l'action publique ; que concernant la mise à disposition d'un véhicule de service, le conseil a remarqué que le décalage de quelques jours n'était pas suffisant pour caractériser un fait susceptible de constituer un harcèlement moral, l'employeur justifiant sa priorisation en raison de l'absence de véhicule personnel de l'autre employée ; que s'agissant ensuite des modifications de sa zone de prospection, le conseil a retenu d'une part que si d'autres commerciaux étaient intervenus sur la zone telle que définie par le contrat de travail, l'employeur n'avait pas modifié son périmètre de prospection et d'autre part qu'en l'absence d'exclusivité sur sa zone de prospection, la salariée ne pouvait tirer de ce fait un exemple de harcèlement moral ; que le conseil a ajouté que la circonstance que certaines affaires aient été confiées à une autre personne était expliquée par l'employeur par le fait que la salariée n'avait pas donné suite aux demandes de renseignements transmises par sa direction, ce fait non utilement combattu par la salariée étant attesté par les échanges de courriels ; que le jugement a enfin relevé que pour ce qui est de l'enregistrement figurant sur le Cederom produit, il ne pouvait pas être retenu en ce qu'il avait été réalisé à l'insu des personnes concernées et que sa mauvaise qualité ne permettait pas d'entendre celui présenté comme M. [C] proférer des injures ou d'en déduire une quelconque agressivité à l'endroit de la personne présentée comme la salariée ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui, par motifs réputés adoptés, a procédé à une appréciation séparée des éléments de fait invoqués par la salariée au soutien de sa demande de harcèlement moral et examiné dès ce stade les éléments avancés par l'employeur pour les justifier, a violé les textes susvisés ;

3°) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, la salariée faisait valoir que devant le silence observé par l'employeur (en la personne du directeur général, M. [C]) face à ses mail et courrier où elle faisait part de situations mettant en danger sa santé, elle avait été amenée à lui adresser un courrier, sous pli recommandé du 29 juillet 2015, pour lui exposer la situation qu'elle subissait (« propos désobligeants et dévalorisantes, informations contradictoires, différences d'équité de traitement entre salariés »), lui faire part de ce qu'elle en était « profondément affectée » et qu'il en résultait « pression et stress » et inviter l'employeur à « intervenir au plus vite. En effet en votre fonction de directeur général, vous permettrait de mener de mener une campagne de prévention, concernant de tels agissements » ; qu'elle produisait également un courriel qu'elle avait adressé à M. [X], le 30 mars 2015, avec mise en copie du directeur général, où elle déclarait que « suite à la réunion de ce jour, vous m'avez interpelé de manière particulière vive et désagréable devant plusieurs de nos collaborateurs, alors que je vous ai demandé d'arrêter à plusieurs reprises, vous avez persisté. J'apprécierais que soit observée une neutralité effective de propos répétitifs tenus à mon égard et leur propagation » ; qu'étaient également produits plusieurs courriers adressés par la salariée à l'inspection du travail pour y dénoncer différents manquements de l'employeur (non-déclaration de la salariée sur le registre du personnel, dégradation importante de ses conditions de travail, diffusion dans l'entreprise d'informations confidentielles la concernant, expression par l'employeur de son intention de la licencier, non-paiement de certaines heures, défaut ou retard de transmission des fiches de paie, non-remboursement de frais professionnels, non-respect du contrat concernant le versement des commissions, défaut de visites médicales obligatoires, absence de tickets restaurants ou d'une pièce pour se restaurer) et solliciter son intervention « afin de que [ses] conditions de travail de salariée redeviennent normales » ; qu'en écartant le harcèlement moral, sans examiner l'intégralité des éléments invoqués par la salariée, ni a fortiori rechercher si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissaient supposer l'existence d'un tel harcèlement, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1, dans sa version modifiée par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail ;

4°) ALORS QUE lorsque l'employeur soumet à la signature du salarié un plan de commissionnement, la fixation des objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable revêt nécessairement une nature contractuelle de sorte que leur modification, quelle que soit son incidence sur la rémunération du salarié, ne peut intervenir sans son accord ; qu'en l'espèce, il était constant que le contrat de travail précisait que « Mme [N] [U] bénéficiera du commissionnement et des primes précisées dans l'annexe 1 (…) » ; que ladite annexe, qui comportait à chaque page le paraphe de la salariée et in fine sa signature précédée de la mention manuscrite « lu et approuvé », détaillait, de première part, le seuil de déclenchement des commissions (six contrats ou 7 000 € de CA validés), de deuxième part, le barème de commissionnements applicable à des produits déterminés dans le respect de bases tarifaires strictement définies (quantités cartes, tarif imprimé, tarif unitaire, % de commission), de troisième part, les conditions d'octroi d'une surprime de commissions, de quatrième part, l'objectif minimal du collaborateur et enfin les conditions d'abonnement au « back office » et de prise en charge de certains frais ; qu'en jugeant qu'aucun accord n'avait été conclu entre la société et la salariée relativement aux commissions applicables ce qui laissait supposer une fixation unilatérale par l'employeur des objectifs et la possibilité pour lui de les modifier unilatéralement conformément à son pouvoir de direction, sans rechercher si la contractualisation des objectifs et modalités ouvrant droit auxdites commissions ne découlait pas du fait que le plan de commissionnement initial avait été soumis pour signature à la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104 du code civil ;

5°) ALORS QUE lorsque l'employeur sollicite l'accord du salarié pour une modification, il reconnaît par là-même qu'il s'agit d'une modification de son contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'était joint au courrier adressé à la salariée le 11 juin 2014 concernant l'application de nouveaux taux de commissionnement un « avenant » décrivant les nouvelles conditions relatives au commissionnement et notamment les objectifs chiffrés à atteindre et le pourcentage des commissions sur le prix de vente ; qu'en jugeant que la détermination des objectifs relevait du pouvoir de direction de l'employeur, sans tirer les conséquences de ses constatations dont il ressortait qu'en soumettant à la salariée un avenant, l'employeur reconnaissait par là-même que le nouveau plan de commissionnement mis en place en juin 2014 emportait modification du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104 du code civil.

6°) ALORS QUE l'employeur ne peut changer seul le mode de calcul relatif à la partie variable de la rémunération ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté qu'outre une augmentation du seuil de déclanchement des commissions, les nouveaux plans de commissionnements imposés par l'employeur emportaient modification du barème desdits commissionnements, à tout le moins pour le secteur Eurofid ; qu'en écartant néanmoins toute modification du contrat du travail, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales découlant de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104 du code civil.


DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
(SUBSIDIAIRE DU PREMIER)

Mme [N] [U] fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à voir la société Novatec Guadeloupe condamnée à lui payer la somme de 3 186,87 euros au titre des commissions impayées et de 318,69 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur les commissions impayées, de ses demandes tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir diverses sommes à ce titre (dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement et rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire) et de ses demandes relatives au harcèlement moral subi,

1°) ALORS QUE le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues en sorte que lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire ; qu'en se fondant, pour dire que l'employeur produisait des éléments justifiant que les retenues opérés sur les commissions de la salariée étaient justifiées, sur des courriers envoyés par celui-ci à la salariée qui l'interrogeait sur l'absence de règlement de plusieurs commissions ou un calcul confectionné par ses soins, sans exiger de lui qu'il fournisse les éléments objectifs pertinents à partir desquels il avait déterminé la rémunération variable de la salariée, notamment ceux justifiant les encaissements réalisés, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 dudit code ;

2°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes du litige tels qu'ils résultent des prétentions respectives des parties énoncées dans leurs conclusions ; qu'en l'espèce, il ressort des conclusions d'appel de la salariée que sa demande au titre des commissions non payées qu'elle chiffrait à la somme de 3 186,87 euros intégrait les surprimes non perçues entre février 2014 et septembre 2016, ses calculs ayant été arrêtés notamment au regard d'une pièce visée au bordereau sous le numéro 182 « tableau de surprime non perçues (3 feuillets) » qui couvrait la période « février 2014 à octobre 2016 » ; que l'employeur reconnaissait lui-même, dans ses écritures, que la demande de la salariée portait sur « le versement de rappel de commissions et de surprimes de février 2014 à septembre 2016 » ; qu'en affirmant que la salariée n'avait pas repris, en appel, sa demande au titre du rappel de surprimes de février 2014 à septembre 2016, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé, ce faisant, l'article 4 du code de procédure civile.


TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
(SUBSIDIAIRE AUX DEUX PREMIERS)

Mme [N] [U] fait grief à la décision attaquée d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à obtenir diverses sommes à ce titre (dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement et rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire) et de ses demandes relatives au harcèlement moral subi,

1°) ALORS QUE sous peine de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, la lettre de licenciement pour motif disciplinaire doit être notifiée au salarié dans le délai d'un mois à partir de la date de l'entretien préalable peu important que l'employeur ait, de sa seule initiative, décidé de reporter celui-ci en raison de l'absence du salarié ; que ce délai expire à vingt-quatre heures le jour du mois suivant qui porte le même quantième que le jour fixé pour l'entretien ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que, par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 novembre 2016, la salariée avait été convoquée à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'à un licenciement prévu le 21 novembre 2016 avec mise à pied à titre conservatoire avec effet immédiat mais que l'employeur, sans démontrer qu'il avait été informé de l'impossibilité dans laquelle se trouvait la salariée de se présenter audit entretien ou qu'il avait accédé à une demande de sa part, avait décidé de reporter la date de l'entretien préalable en raison de l'absence de la salariée ; que pour dire la notification du licenciement en date du 22 décembre 2016 intervenue dans le délai d'un mois après le jour fixé pour l'entretien préalable, la cour d'appel a relevé qu'ayant commencé à courir le lendemain de la date du premier entretien, soit le mardi 22 novembre 2016, ce délai expirait le jeudi 22 décembre 2016 à vingt-quatre heures ; qu'en statuant ainsi, lorsqu'au regard de la date fixée pour le premier entretien, soit le 21 novembre 2016, le délai d'un mois expirait à vingt-quatre heures le jour du mois suivant qui portait le même quantième, soit le 21 décembre de sorte que la notification du licenciement intervenue le 22 décembre était tardive et donc le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles 640, 641 du code de procédure civile, L. 1332-2 du code du travail, dans sa version modifiée par la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, et R. 1332-3 de ce même code ;

2°) ALORS subsidiairement QU'en cas de contestation, il appartient aux juges de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement ; qu'en l'espèce, la salariée faisait valoir, preuve à l'appui, que son licenciement n'avait été mis en oeuvre qu'aux fins de rompre brutalement son contrat de travail face à son refus de voir sa rémunération modifiée et en représailles à ses plaintes de harcèlement moral et de discrimination salariale ; qu'en jugeant que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement caractérisaient une faute grave légitimant la rupture immédiate du contrat de travail, sans rechercher si la véritable cause de la rupture ne résidait pas dans le souhait de l'employeur d'écarter une salariée qui refusait d'accepter ce qu'elle considérait être une modification de son contrat de travail et se déclarait victime d'agissements de harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail, ces deux derniers textes dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.