28 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-17.269

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00544

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 septembre 2022




Cassation partielle


Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 544 F-D

Pourvoi n° E 21-17.269




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

La société P & M distribution, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-17.269 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel de Nîmes (4e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Abris conseil, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Regis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société P & M distribution, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Abris conseil, après débats en l'audience publique du 21 juin 2022 où étaient présents Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Regis, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 10 mars 2021), la société P & M distribution et la société Abris conseil ont conclu, le 19 novembre 2015, un contrat de distribution exclusive d'abris de piscine de la marque « Aquacomet ».

2. Invoquant un manquement de la société Abris conseil à ses objectifs d'achats annuels et à l'interdiction qui lui avait été faite de vendre d'autres abris de piscine que ceux de la marque Aquacomet, sur les secteurs relevant de l'exclusivité, la société P & M distribution lui a adressé, le 9 mai 2017, une lettre valant mise en demeure d'avoir à se conformer aux stipulations contractuelles dans le délai d'un mois, sous peine de résiliation de plein droit du contrat.

3. Le 9 juin 2017, la société P & M distribution a résilié unilatéralement le contrat aux torts de la société Abris conseil puis l'a assignée en indemnisation du préjudice subi du fait de la résiliation anticipée du contrat.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société P & M distribution fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation du fait de la résiliation anticipée du contrat, alors « que le juge doit constater la résolution lorsqu'il relève que les conditions d'application de clause résolutoire sont remplies, sans pouvoir apprécier la gravité du manquement imputable au débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, d'une part, que le contrat de distribution octroyait au concédant le droit de résilier le contrat "par anticipation en cas de violation de l'un quelconque des engagements en résultant", l'article 7 du contrat stipulant ainsi qu'en cas de violation de l'exclusivité le concédant était "en droit de résilier le présent contrat, automatiquement et aux torts du concessionnaire", d'autre part, que cette clause résolutoire avait été mise en oeuvre par le concédant par l'envoi d'une mise en demeure le 9 mai 2017, enfin, qu'il était établi que la société Abris conseil avait commis une faute contractuelle pour avoir "proposé deux abris de marque concurrente aux consorts [L] en méconnaissance de la clause d'exclusivité", de sorte que les conditions de la clause résolutoire étaient remplies ; qu'en refusant toutefois de constater la résolution du contrat aux torts exclusifs du concessionnaire et d'indemniser le concédant, au motif inopérant que ce manquement ne présentait pas une "gravité suffisante", la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

5. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

6. Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par la société P & M distribution au titre de la résiliation anticipée du contrat, l'arrêt, après avoir rappelé les termes de la clause prévoyant la résiliation automatique du contrat un mois après une mise en demeure restée sans effet, en cas de violation de l'un quelconque des engagements pris par les parties, puis relevé que la société Abris conseil avait proposé à la vente deux abris de marque concurrente, en violation de son engagement d'exclusivité, retient que cet acte isolé ne pouvait, à lui seul, justifier la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Abris conseil et qu'en l'absence de preuve d'une faute d'une particulière gravité, la société P & M distribution ne pouvait valablement dénoncer le contrat aux torts exclusifs du concessionnaire.

7. En statuant ainsi, alors qu'à défaut de stipulation en ce sens, il n'appartient pas au juge d'apprécier la gravité du manquement justifiant la mise oeuvre d'une clause prévoyant la résolution de plein droit du contrat en cas d'inexécution par l'une des parties de l'une quelconque de ses obligations, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déboute la société P & M distribution de ses demandes en paiement des sommes de 433 802 euros et 50 000 euros en réparation de ses préjudices au titre du manque à gagner résultant de la résiliation anticipée du contrat et en indemnisation des investissements nécessaires à la mise en place d'un nouveau contrat de distribution sur le secteur et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 10 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la société Abris conseil aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Abris conseil et la condamne à payer à la société P & M distribution la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société P & M distribution.

La société P&M Distribution fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté sa demande tendant à voir juger justifiée la résiliation anticipée du contrat de distribution et D'AVOIR rejeté, en conséquence, sa demande d'indemnisation à ce titre,

1°/ ALORS QUE le juge doit constater la résolution lorsqu'il relève que les conditions d'application de clause résolutoire sont remplies, sans pouvoir apprécier la gravité du manquement imputable au débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, d'une part, que le contrat de distribution octroyait au concédant le droit de résilier le contrat « par anticipation en cas de violation de l'un quelconque des engagements en résultant », l'article 7 du contrat stipulant ainsi qu'en cas de violation de l'exclusivité le concédant était « en droit de résilier le présent contrat, automatiquement et aux torts du concessionnaire », d'autre part, que cette clause résolutoire avait été mise en oeuvre par le concédant par l'envoi d'une mise en demeure le 9 mai 2017, enfin, qu'il était établi que la société Abris Conseil avait commis une faute contractuelle pour avoir « proposé deux abris de marque concurrente aux consorts [L] en méconnaissance de la clause d'exclusivité », de sorte que les conditions de la clause résolutoire étaient remplies ; qu'en refusant toutefois de constater la résolution du contrat aux torts exclusifs du concessionnaire et d'indemniser le concédant, au motif inopérant que ce manquement ne présentait pas une « gravité suffisante », la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du février 2016.

2°/ ALORS QUE, subsidiairement, le juge ne peut pas méconnaître les termes du litige ; qu'en l'espèce, afin de voir juger justifiée la « résiliation anticipée du contrat de distribution (…) aux torts exclusifs » du concessionnaire, la société P&M Distribution se prévalait notamment de la clause résolutoire insérée au contrat de distribution, dont elle rappelait l'existence et les conséquences à l'égard du juge, en sorte qu'il appartenait à tout le moins à la cour d'appel d'apprécier si les conditions de la clause résolutoire étaient effectivement remplies et justifiaient la demande dont elle était saisie ; qu'à supposer donc que la cour d'appel ait estimé que la demande formée par la société P&M Distribution reposait exclusivement sur un autre fondement, à l'exclusion de la clause résolutoire stipulée au contrat, elle a violé l'article 4 du code de procédure civile.

3°/ ALORS QUE, plus subsidiairement, la résolution du contrat est encourue en présence d'une inexécution suffisamment grave imputable au débiteur ; qu'en l'espèce, le concédant avait adressé au concessionnaire un premier avertissement par courriel du 14 octobre 2016 l'invitant à respecter l'exclusivité stipulée, tandis que la cour d'appel a constaté qu'au mépris de cet avertissement et des termes du contrat, au mois d'avril puis de mai 2017, le concédant avait méconnu l'exclusivité stipulée, laquelle était essentielle au contrat de distribution ; que le concédant avait donc commis une inexécution grave puisque c'était de manière délibérée, et en pleine connaissance des engagements souscrits, qu'il avait violé l'exclusivité contractée ; qu'en relevant toutefois que le fait d'avoir proposé deux abris concurrents à des prospects au mois d'avril puis de mai 2017, si elle constituait bien une faute, n'était pas d'une gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat de distribution, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

4°/ ALORS QUE, en outre, la résolution du contrat est encourue en présence d'une inexécution suffisamment grave imputable au débiteur ; qu'en l'espèce, au surplus, le concessionnaire s'était engagé à vendre un minimum de 30 abris par an à compter de la signature du contrat, objectif dont le concédant soulignait qu'il était inatteignable pour l'exercice en cours au jour de la résiliation, dès lors que, entre les mois de novembre 2016 et mai 2017, aucune vente n'avait été effectuée, situation qui ne pouvait s'expliquer ni par le type d'activité exercée, la vente d'abris de piscine n'étant pas une activité saisonnière, ni au regard des chiffres des exercices précédents, au cours desquels l'activité avait été soutenue pour la même période ; qu'en se bornant à relever, pour écarter toute violation de cet engagement, que le respect des quotas s'appréciait annuellement et non en cours d'année, sans même rechercher si l'absence de toute vente réalisée au mois de mai 2017 ne rendait pas inéluctable la violation de l'engagement annuel contracté, en sorte que la faute était d'ores et déjà certaine au jour de la rupture du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1184 du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

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