28 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-16.818

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00536

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 septembre 2022




Rejet


Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 536 F-D

Pourvoi n° Y 19-16.818




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

La société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de Mme [U] [B], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Cambio, a formé le pourvoi n° Y 19-16.818 contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société Orange, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société MJA, ès qualités, de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Orange, après débats en l'audience publique du 21 juin 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Michel-Amsellem, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1.Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 novembre 2018), afin de permettre aux opérateurs alternatifs à la société France Télécom d'accéder à la boucle locale pour le développement de l'accès à l'internet à haut débit par la technologie Asymetric digital subscriber line (ADSL) dans les meilleures conditions, cinq options ont été identifiées par l'Autorité de régulation des télécommunications (l'ART), dont l'option 1, dénommée « dégroupage de la boucle locale », consistant dans la fourniture de paires de cuivre nues à un opérateur alternatif qui installe ses équipements sur ces paires, soit en colocalisation physique, soit en colocalisation distante.

2. La société Cambio, dont le créateur est M. [Y], souhaitait développer ses activités dans le domaine de l'internet haut débit destiné aux très petites, petites et moyennes entreprises en utilisant la technologie ADSL. Elle a obtenu, le 8 novembre 2000, une autorisation d'exploitation pour un réseau expérimental jusqu'au 31 décembre 2001. Elle s'est d'abord tournée vers l'option 1.

3. Par jugement du 19 mai 2008, la liquidation judiciaire de la société Cambio a été ouverte et la société MJA, en la personne de Mme [B], a été désignée en qualité de liquidateur.

4. Reprochant à la société France Télécom d'avoir, par ses pratiques anticoncurrentielles, empêché la société Cambio de pénétrer sur le marché de l'ADSL entre 2001 et 2005, la société MJA, en qualité de liquidateur de celle-ci, ainsi que M. [Y], l'ont assignée, par acte du 31 décembre 2010, en réparation de leurs préjudices.

5. En cours de procédure devant les premiers juges, la société France Télécom est devenue la société Orange.

Examen des moyens

Recevabilité des moyens


6. La société Orange conteste la recevabilité des moyens en ce qu'ils concernent les chefs de dispositifs concernant M. [Y]. Elle fait valoir que la société MJA n'est pas recevable à critiquer les dispositions concernant M. [Y], qui n'a pas formé de pourvoi, lesquelles ne lui font pas grief.

7. Si la société MJA est sans intérêt à la cassation des dispositions de l'arrêt qui ne lui font pas grief, et que les moyens ne sont donc pas recevables en ce qu'ils concernent M. [Y], la société MJA est recevable à contester les seuls chefs de dispositif de l'arrêt attaqué lui faisant grief.

8. Les moyens sont donc recevables dans cette limite.

Sur le deuxième et le troisième moyens, ci-après annexés

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

10. La société MJA, ès qualités, fait grief à l'arrêt de la débouter de l'ensemble de ses demandes, alors « que l'Autorité de régulation des télécommunications avait imposé, en 2001, à la société France Télécom devenue Orange de fournir une prestation de câbles de renvoi de manière transparente et non discriminatoire ; qu'en se bornant à retenir, pour exclure toute faute de la société Orange dans la mise en oeuvre de la colocalisation distante, qu'il n'était pas établi que cette obligation n'avait pas été respectée par la société Orange, sans analyser, comme elle y avait été invitée, si les offres adressées par la société Orange à la société Cambio entre 2001 et 2005 étaient conformes aux textes lui imposant de fournir un tarif objectif, transparent, non discriminatoire et orienté vers les coûts, tels que résultant du règlement CE du 18 décembre 2000 et du décret du 12 septembre 2000, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code. »

Réponse de la Cour

11. L'arrêt relève d'abord que, s'agissant de la colocalisation distante, le règlement CE n° 2887/2000 du 18 décembre 2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale vise, au point B « service de colocalisation » de son annexe, les « Possibilités de colocalisation sur les sites mentionnés au point 1 (y compris colocalisation physique et, le cas échéant, colocalisation distante et colocalisation virtuelle) », sans plus de précision. Il observe que dans sa décision n° 05-0277 du 19 mai 2005, l'ART considère comme « proportionné que France Télécom propose aux opérateurs une offre de localisation distante de leurs équipements de dégroupage dans des conditions techniques et économiques leur permettant la formulation d'offres de détail viables ».

12. L'arrêt retient ensuite que, le 12 décembre 2003, la société France Télécom a publié une grille tarifaire pour la colocalisation distante, divisée entre les tarifs applicables aux câbles de renvoi entre les infrastructures de l'opérateur tiers et ses répartiteurs de moins de 5 000 lignes, pour lesquels une tarification précise était donnée, et les tarifs applicables aux câbles de renvoi entre les infrastructures de l'opérateur tiers et ses répartiteurs de plus de 5 000 lignes, pour lesquels un devis était requis, et que la grille tarifaire pour l'ensemble des répartiteurs a été proposée en 2005.

13. ll retient encore que le document fourni aux débats par la société MJA, intitulé « Analyse de l'offre de référence du 23 février 2001 en matière de dégroupage de la boucle locale », rédigé par elle-même, et dans lequel elle critique notamment la pratique de prestation « sur devis » de la société France Télécom, ne peut suffire à caractériser un manquement de la part de cette société et que la décision n° 05-0277 du 19 mai 2005 précitée, qui « porte sur la détermination des obligations imposées à France Télécom en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché pertinent des offres de gros d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre », adoptée indépendamment de toute procédure de sanction prévue par l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, ne relève aucun manquement quant à la prestation « sur devis » proposée par la société France Télécom concernant la colocalisation distante, manquement qui ne résulte pas plus de l'annexe de cette décision énumérant, parmi les éléments que l'offre de référence devra comprendre, a minima, une grille tarifaire comportant notamment « tous les tarifs liés à la colocalisation des équipements et tous les tarifs liés à l'environnement de la colocalisation ». Il retient enfin que la société MJA n'établit pas que l'obligation de fournir une prestation de câbles de renvoi de manière transparente et non discriminatoire, imposée par l'ART selon injonction du 8 février 2001 prise par décision n° 01-135, ainsi que la mise en demeure du 4 avril 2001, résultant de la décision n° 01-354, n'ont pas été respectées par la société France Télécom.

14. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a examiné, sur la période considérée, le comportement de la société France Télécom, s'agissant des offres relatives à la colocalisation distante au regard de l'état de ses obligations pour cette forme d'accès à la boucle locale et n'était pas tenue de suivre la société MJA, ès qualités, dans le détail de son argumentation, a légalement justifié sa décision.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société MJA, prise en la personne de Mme [B], en sa qualité de liquidateur de la société Cambio, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société MJA, en la personne de Mme [B], en qualité de liquidateur de la société Cambio.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société MJA ès qualités, et M. [Y], de l'ensemble de leurs demandes ;

AUX MOTIFS QUE (…) dans le cadre du processus d'ouverture à la concurrence de ce marché du haut débit, l'ART, puis le Conseil de la concurrence, ont exercé leur contrôle sur les conditions dans lesquelles la société Orange, opérateur historique, avait satisfait aux obligations que son statut lui imposait. ; que par décision n° 00-1326 du 14 décembre 2000, l'ART a mis en demeure la société France télécom devenue Orange de fournir entre le 2 janvier 2001 et le 1er mars 2001 la taille de chacun des répartiteurs par tranche de capacité de 5.000 paires et la surface disponible en m2 pour la colocalisation. ; que par décision n° 01-135 du 8 février 2001, l'ART a demandé à la société la société France télécom devenue Orange de préciser avant le 23 février 2001 les modalités des prestations définies dans l'offre qu'elle avait publiée le 22 novembre 2000 et d'en publier une nouvelle avant le 23 février 2001 ; que par décision n° 01-354 du 4 avril 2001, l'ART a constaté, en substance, que la nouvelle offre publiée le 23 février 2001 par la société France télécom devenue Orange, ne répondait pas à ses attentes en matière de localisation distante et aux frais d'accès au service. L'ART a mis alors en demeure Orange de présenter une offre de référence respectant les termes de la décision du 8 février 2001, avant le 13 avril 2001 : que par décision n° 01-377 du 26 avril 2001, l'ART met en demeure Orange, conformément à l'avant-dernier alinéa de l'article D. 99-23 du code des postes et télécommunications, de traiter les demandes de colocalisation des demandeurs d'accès à la boucle locale dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, lui demandant de présenter d'ici le 10 mai 2001 les mesures qu'elle compte prendre pour respecter ces dispositions ; que par décision du 16 avril 2002, l'ART impose à Orange des modifications de son offre de référence ; que le 14 juin 2002, cette dernière publie une offre de référence pour le dégroupage, prenant en compte les nouvelles dispositions fonctionnelles et tarifaires ; que le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 05 D 59 du 7 novembre 2005 relative à des pratiques mises en oeuvre par la société France Télécom devenue Orange dans le secteur de l'internet haut débit, confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 4 juillet 2006, relève au paragraphe 131 pour motiver la sanction qu'il inflige à cette société en raison de l'infraction à l'article L. 420-2 du code de commerce au titre de l'option 3 que, "En l'espèce, l'importance du dommage à l'économie doit s 'apprécier en prenant en compte que la pratique reprochée à France télécom s'est traduite par un retard important pris par l'entrée des opérateurs concurrents sur ce marché. Ce n 'est qu'à partir du début de l'année 2003 que des offres alternatives à l'option 5 de France Télécom ont été proposées par des opérateurs téléphoniques concurrents de France Télécom, basées sur la mise en oeuvre effective du dégroupage de la boucle locale (l'option 1), et par des offres basées sur l'utilisation des possibilités offertes par l'option 3. Dans l'avis n° 05-A-03 du 31 janvier 2005, le conseil de la concurrence constatait que la part de marché des opérateurs alternatifs sur l'offre de gros nationale (option 5) était passé de 0 % en janvier 2003 à 56% en octobre 2004" (…) ; que s'agissant de la colocalisation distante, le règlement CE n° 2887/2000 du 18 décembre 2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale précité, vise au point B "service de colocalisation" de son annexe : "2. Possibilités de colocalisation sur les sites mentionnés au point 1 (y compris colocalisation physique et, le cas échéant, colocalisation distante et colocalisation virtuelle)", sans plus de précision ; que dans sa décision n° 05-0277 du 19 mai 2005 l'ART considère comme "proportionné que France télécom propose aux opérateurs une offre de localisation distante de leurs équipements de dégroupage dans des conditions techniques et économiques leur permettant la formulation d'offres de détail viables" ; que le 12 décembre 2003, la société France télécom devenue Orange a publié une grille tarifaire pour la colocalisation distante divisée entre les tarifs applicables aux câbles de renvoi entre les infrastructures de l'opérateur tiers et ses répartiteurs de moins de 5 000 lignes, pour lesquels une tarification précise était donnée, et les tarifs applicables aux câbles de renvoi entre les infrastructures de l'opérateur tiers et ses répartiteurs de plus de 5 000 lignes, pour lesquels un devis était requis ; que la grille tarifaire pour l'ensemble des répartiteurs a été proposée en 2005 ; que toutefois, il ne peut être déduit de ce qui précède, comme le fait la Selafa MJA, ès qualités, un comportement fautif de la société Orange à son égard ; que le document fourni au débat par l'appelante intitulé "Analyse de l'offre de référence du 23 février 2001 en matière de dégroupage de la boucle locale" rédigé par elle-même et dans lequel elle critique notamment la pratique de prestation "sur devis" de la société France télécom devenue Orange ne peut suffire à caractériser un manquement de la part de l'intimée ; qu'en outre, la décision n° 05-0277 du 19 mai 2005 précitée qui "porte sur la détermination des obligations imposées à France télécom en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché pertinent des offres de gros d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre", adoptée indépendamment de toute procédure de sanction prévue par l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques, ne relève aucun manquement quant à la prestation "sur devis" proposée par la société Orange concernant la colocalisation distante, manquement qui ne résulte pas plus de l'annexe de cette décision énumérant parmi les éléments que l'offre de référence devra comprendre "a minima" une grille tarifaire notamment "tous les tarifs liés à la colocalisation des équipements et tous les tarifs liés à l'environnement de la colocalisation" ; que de même, il n'est pas caractérisé par la Selafa MJA, ès qualités, que l'obligation de fournir une prestation de câbles de renvoi de manière transparente et non discriminatoire imposée par l'ART selon injonction du 8 février 2001 (décision n°01-135) et la mise en demeure du 4 avril 2001 (décision n° 01-354), n'ont pas été respectées par la société Orange ; que la Selafa MJA, ès qualités, échoue donc à caractériser un comportement fautif de la société Orange au titre de la colocalisation distante ;

ALORS QUE l'Autorité de régulation des télécommunications avait imposé, en 2001, à la société France Télécom devenue Orange de fournir une prestation de câbles de renvoi de manière transparente et non discriminatoire ; qu'en se bornant à retenir, pour exclure toute faute de la société Orange dans la mise en oeuvre de la colocalisation distante, qu'il n'était pas établi que cette obligation n'avait pas été respectée par la société Orange, sans analyser, comme elle y avait été invitée, si les offres adressées par la société Orange à la société Cambio entre 2001 et 2005 étaient conformes aux textes lui imposant de fournir un tarif objectif, transparent, non discriminatoire et orienté vers les coûts, tels que résultant du règlement CE du 18 décembre 2000 et du décret du 12 septembre 2000, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société MJA ès qualités, et M. [Y], de l'ensemble de leurs demandes ;

AUX MOTIFS QU'en ne répondant pas à la demande de la société Cambio en publiant une offre de référence viable dans une délai compatible avec les impératifs économique, la société Orange a commis une faute au titre de l'option 1 (…) ; que sur le préjudice en lien causal, s'agissant de la réparation d'une perte de chance, outre que le préjudice doit être direct, la perte de chance doit être certaine ce qui suppose la disparition certaine d'une éventualité favorable ; que sur le lien de causalité entre les fautes précédemment caractérisées et le préjudice invoqué, la Selafa MJA, ès qualités, fait valoir que les nombreuses manoeuvres dilatoires de la société Orange, systématiques et renouvelées pendant plus de 17 mois, soit jusqu'au 15 octobre 2002, pour empêcher les opérateurs alternatifs de recourir à l'option 1 ont eu raison de son plan d'affaires initial fondé sur le dégroupage et sont donc responsables de son abandon ; qu'ainsi que l'a relevé le tribunal, si la société Cambio a bien participé à la phase expérimentale et a démarré un partenariat avec la société QSC, cette dernière a, par courriel du 6 novembre 2000 sans motif explicite, mis fin au projet envisagé avec la société Cambio ; que de même, selon le rapport d'expertise élaboré en établi à la demande de la société Cambio par Mme [S] [D] (pièce 39 appelante) : "Très vite Cambio se rend compte que le modèle de niche de Cambio et son statut de jeune entreprise ne lui permettent pas d'envisager la colocalisation dans les locaux de FT les coûts fixes et les garanties financières (plusieurs dizaines de millions) demandées ne sont pas envisageables pour un opérateurs 'adressant à un marché de niche. Cela se vérifiera lorsque l'Arcep publiera son modèle du coût de l'accès dégroupé début 2005. Cambio se tourne donc dès mi 2001 vers l'option 3 en rachetant à Claranet des accès Adsl..." ; qu'enfin, il n'est pas contesté que l'option 1 requiert de l'opérateur alternatif des investissements importants s'augmentant à plusieurs millions d'euros ; qu'or la société Cambio ne démontre pas qu'à l'époque des agissements anti concurrentiels de la société Orange, reconnaissant elle-même que l'option 1 a été mise en oeuvre de manière effective à compter de 2003, elle avait la capacité financière de participer à celle-ci ; que le plan d'affaires que la société Cambio fournit au débat (pièce 47), outre qu'il n'est pas daté, ne mentionne aucune source de financement autre que les apports en capital de son fondateur M. [Y] ; que les autres éléments qu'elle communique, soit une aide de l'ANVAR de 100.000 euros attribuée le 23 novembre 2003 (pièce 22 appelante), des extraits de relevés de compte de la société Cambio faisant apparaître des versements de 38.000 euros en décembre 2000, 36.000 euros en février 2001, 10.000 euros en juillet 2003, 50.000 euros en décembre 2003 et 10.000 euros en novembre 2006, le grand livre des comptes généraux ainsi que l'attestation en date du 17 janvier 2015 de M. [G] témoignant avoir participé, en tant que membre de l'association XMP-BA (business angels des anciens de l'école Polytechnique), à une prise de participation en numéraire dans la société Cambio sans précision de date ou de montant ou un contrat de recherche de financement (pièce 40 appelante) conclu le 30 novembre 2001 entre la société Cambio et la société Multeam pour une durée de trois mois sans justification d'une proposition de financement obtenue, ne corroborent nullement les affirmations de l'appelante selon lesquelles elle aurait bénéficié de 576.000 euros de financements externes, et ne peuvent en tout état de cause, suffire à démontrer que la société Cambio était susceptible de disposer des fonds nécessaires à sa participation à l'option l (…) ;

1°) ALORS QUE si la victime d'un abus de position dominante l'ayant empêchée de pénétrer sur le marché doit justifier, pour établir le lien de causalité entre la faute commise et son préjudice, qu'elle avait la capacité de réunir des fonds au moment des pratiques anticoncurrentielles, elle n'est pas pour autant tenue de démontrer qu'elle disposait dès l'origine de la totalité des fonds nécessaires à la réalisation de son projet ; qu'en affirmant, pour conclure à l'absence de lien de causalité entre la faute de France Télécom devenue Orange au titre de la mise en oeuvre de l'option I « que la société Cambio ne démontre pas qu'à l'époque des agissements anti concurrentiels de la société Orange (…) elle avait la capacité financière de participer à celle-ci », la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;

2°) ALORS QU'en se bornant à considérer, pour exclure tout lien de causalité entre la faute avérée de la société Orange dans les conditions de mise en oeuvre de l'option I et le préjudice de la société Cambio, que celle-ci ne justifiait pas de la capacité financière pour participer à ce projet, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si la société Cambio n'avait pas obtenu une autorisation provisoire pour établir et exploiter un réseau de télécommunications au public après analyse approfondie de son plan d'affaires par l'ART conformément à l'article L. 33-1 du code des postes et télécommunications, dans sa version alors applicable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;

3°) ALORS QU'en considérant, pour dire que les apports de M. [Y] et les financements externes obtenus ne pouvaient pas suffire à démontrer que la société Cambio était susceptible de disposer des fonds nécessaires à sa participation à l'option I, « qu'il n'est pas contesté que l'option 1 requiert de l'opérateur alternatif des investissements importants s'augmentant à plusieurs millions d'euros » quand le mandataire liquidateur de la société Cambio avait mis en avant la spécificité du projet et du modèle économique de la société Cambio en précisant expressément que « le plan d'affaires de CAMBIO (…) nécessitait beaucoup moins d'investissements » que celui des autres opérateurs car il « ciblait une zone géographique très restreinte, essentiellement concentrée sur I'lle-de-France, pour la fourniture de service à valeur ajoutée aux TPE et PME » si bien que « les investissements envisagés par CAMBIO pour l'accès au marché par l'option 1 étaient raisonnablement évalués à moins de 2 millions d'euros, contre près de 100 millions d'euros » pour un autre opérateur, la cour d'appel qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QU'un lien de causalité entre la faute et le préjudice est établi lorsque le comportement anticoncurrentiel de l'opérateur historique a fait perdre à un nouvel opérateur une chance de lever des fonds pour réaliser son projet : qu'en se bornant à affirmer que la société Cambio ne démontrait pas qu'elle était susceptible de disposer des fonds nécessaires à sa participation à l'option l, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si les offres présentées par la société Orange n'étaient pas totalement dissuasives sur le plan financier pour des investisseurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société MJA ès qualités, et M. [Y], de l'ensemble de leurs demandes ;

AUX MOTIFS QUE (…) le refus de la société Orange de fournir une offre option 3 concurrentielle jusqu'au 15 octobre 2002 ainsi que la pratique des prix prédateurs de la société Wanadoo sur le marché du détail à laquelle se sont heurtées les fournisseurs d'accès à internet, les tarifs de l'option 5 et notamment ceux de la composante "FreeSP" ne permettant pas de répliquer les tarifs pratiqués par la société Wanadoo, sont autant de comportements fautifs de la société Orange à l'égard de la société Cambio (…) ; que s'agissant de l'option 3, s'il peut être retenu comme le soutient la société Cambio, que la société Orange ne peut lui reprocher de ne pas avoir candidaté à cette option alors qu'elle est l'instigatrice de la fermeture du marché concernant celle-ci et qu'il était pratiquement impossible de concurrencer la société Orange sur le marché de l'ADSL pendant les années 2000 et 2001, il n'en demeure pas moins qu'il appartient à la société Cambio de démontrer qu'en l'absence des faits reprochés à la société Orange, elle avait une chance de pénétrer le marché ; qu'or, aucun élément autre que le rapport établi en 2010 par Mme [S] [D] à la demande de l'appelante ne vient conforter la thèse selon laquelle le contrat signé avec la société Claranet 12 juillet 2001 n'a pas été poursuivi en raison des pratiques anticoncurrentielles de la société Orange ; que s'il ressort des échanges entre la société Cambio et la société Claranet aux mois de septembre et octobre 2001 (pièces à 125 de l'appelante) que la couverture géographique de l'offre Claranet était liée à l'offre Adsl Connect ATM (ACA) de la société Orange, il convient de relever que cette couverture n'avait qu'une valeur indicative dans le contrat et que, selon la société Claranet, elle ne pouvait faire l'objet de réserve de la part de la société Cambio ; que de même, la société Cambio échoue à démontrer que le partenariat avec la société Claranet ne pouvait prospérer en raison de l'effet de ciseau tarifaire imposé par la société Orange sur l'offre ACA ; que le contrat avec la société Télé 2 fourni au débat (pièce 171 appelante) n'est ni daté, ni signé ; que la Selafa MJA, ès qualités, affirme que ce partenariat n'a pas été poursuivi par la société Télé 2 en raison des pratiques anti-concurrentielles de la société Orange et de sa filiale Wanadoo ; que toutefois, ainsi que le fait valoir l'intimée, l'attestation de Mme [P] [L] fournie au débat pour corroborer cette affirmation n'est pas conforme à l'article 202 du code de procédure civile en ce qu'elle n'est pas datée et ne comporte pas en pièce jointe un document justifiant de l'identité du signataire ; que la cour juge en conséquence que cette attestation ne présente pas en l'espèce de garantie suffisante pour emporter sa conviction et ne sera pas prise en considération ; qu'en outre, ainsi que le fait remarquer la société Orange, ce contrat suggère que la société Cambio est chargée de prestations de services techniques auprès de la société Télé 2 qui, elle, est titulaire de la licence d'opérateur du réseau (article L. 33-1 du code des postes et télécommunications) ; qu'en conséquence ce projet de partenariat démontre que la société Cambio ne pouvait pas signer un contrat fondé sur l'option 3 après l'expiration de sa licence expérimentale le 31 décembre 2001 dont elle n'a pas sollicité la prolongation ; que surtout, ainsi qu'il a été précédemment relevé, la société Cambio ne démontre pas sa capacité à réunir des fonds dès l'année 2000 lui permettant d'accéder en direct au marché de l'option 3 ; qu'aucun élément ne vient donc corroborer les affirmations de l'appelante selon lesquelles elle a abandonné ses projets sur l'option 3 en raison des seules pratiques anti-concurrentielles de la société Orange ; qu'aussi la société Orange aurait-elle publié une offre de référence viable dans un délai compatible avec les impératifs économiques et répondu à la demande de la société Cambio dès 2001, cette dernière échoue à démontrer qu'elle était dans la capacité de participer au dégroupage de la boucle locale (option 1 ou option 3) ; que le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la la Selafa MJA, ès qualités, à ce titre ;

1°) ALORS QU'un lien de causalité n'existe pas seulement lorsque la faute est exclusivement à l'origine du dommage, mais aussi lorsqu'elle a contribué à sa survenance ; qu'en affirmant, pour exclure tout lien causal entre la faute commise par la société Orange dans la mise en oeuvre de « l'option 3 » et le préjudice subi par la société Cambio, « qu'aucun élément ne vient (…) corroborer les affirmations de l'appelante selon lesquelles elle a abandonné ses projets sur l'option 3 en raison des seules pratiques anti-concurrentielles de la société Orange », la cour d'appel qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;

2°) ALORS QU'en reprochant à la société Cambio, pour conclure à l'absence de lien de causalité entre la faute de la société Orange au titre de la mise en oeuvre de l'option 3 et son préjudice, qu'elle n'était plus en capacité de signer directement avec la société Orange un contrat fondé sur l'option 3 après l'expiration de sa licence expérimentale le 31 décembre 2001, dont elle n'avait pas sollicité la prorogation, après avoir admis que la société Orange ne pouvait pas lui reprocher de ne pas avoir candidaté à cette option dans la mesure où il était pratiquement impossible de concurrencer la société Orange pendant les années 2000 et 2001, au regard de ses pratiques répréhensibles, ce dont il résulte qu'au moment du changement de stratégie de la société Cambio consécutif aux pratiques anticoncurrentielles de la société Orange, cet opérateur alternatif n'était pas en mesure de concurrencer directement l'opérateur historique et de signer directement un contrat avec lui, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;

3°) ALORS QU'en se bornant à affirmer que « la société Cambio échoue à démontrer que le partenariat avec la société Claranet ne pouvait prospérer en raison de l'effet de ciseau tarifaire imposé par la société Orange sur l'offre ACA », sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait, ni procéder à leur analyse, même sommaire, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QU'en affirmant qu'il n'était pas démontré que le contrat signé avec la société Claranet le 12 juillet 2001 n'avait pas été poursuivi en raison des pratiques anticoncurrentielles de la société Orange, ou encore que « la société Cambio échoue à démontrer que le partenariat avec la société Claranet ne pouvait prospérer en raison de l'effet de ciseau tarifaire imposé par la société Orange sur l'offre ACA », tout en constatant que « l'offre Claranet était liée à l'offre Adsl Connect ATM (ACA) de la société Orange », ce dont il résultait que le contrat Claranet était directement lié à l'offre de France Télécom au titre de l'option 3 en la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;

5°) ALORS QU'en reprochant à la société Cambio de ne pas avoir poursuivi en 2001-2002 son contrat de partenariat avec la société Télé 2 portant sur le développement de l'option 3, tout en constatant que la société Orange avait abusivement refusé de fournir une offre option 3 concurrentielle jusqu'au 15 octobre 2002 ou encore qu'il était pratiquement impossible de concurrencer la société Orange pendant les années 2000 et 2001 sur l'option 3, ce dont il résultait que l'espace économique en option 3 était inexistant entre le 31 décembre 2001 et le 15 octobre 2002, soit pendant la négociation du partenariat avec Télé 2 portant précisément sur cette option, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé de l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code ;

6°) ALORS QU'il existe un lien de causalité entre la faute et le préjudice lorsque le comportement anticoncurrentiel de l'opérateur historique a fait perdre à un nouvel opérateur une chance de lever des fonds pour réaliser son projet ; qu'en se bornant à affirmer, pour conclure à l'absence de lien de causalité entre la faute de France Télécom devenue Orange au titre de la mise en oeuvre de l'option 3 et le préjudice subi par la société Cambio que celle-ci « ne démontre pas sa capacité à réunir des fonds dès l'année 2000 lui permettant d'accéder en direct au marché de l'option 3 », sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si les offres présentées par la société Orange n'étaient pas dissuasives sur le plan financier pour des investisseurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 du même code.

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