28 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-18.675

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C100693

Titres et sommaires

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Discipline - Procédure - Appel - Délai - Point de départ - Détermination - Portée

L'article 36 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels, qui dispose que le délai d'appel à l'encontre d'une décision rendue en matière disciplinaire est d'un mois et court, à l'égard de l'officier public ou ministériel, du jour de la décision quand celle-ci est rendue en présence de l'intéressé ou de son défenseur, poursuit un but légitime de célérité de traitement des poursuites disciplinaires diligentées contre les officiers publics ou ministériels, en vue du prononcé d'un jugement dans un délai raisonnable. L'absence d'information délivrée au notaire quant aux voies et délais de recours applicables à la décision rendue en sa présence ne constitue pas une atteinte disproportionnée à son droit d'accès au juge et à un recours effectif garantis par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il est un professionnel du droit, officier public ou ministériel, en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel dans les formes et délais requis par le texte relatif à la discipline de sa profession

CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6, § 1 - Tribunal - Accès - Atteinte excessive - Défaut - Appel - Délai - Point de départ - Décision rendue en matière disciplinaire par une chambre des notaires - Présence de l'intéressé

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 septembre 2022




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 693 F-B

Pourvoi n° N 20-18.675




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2022

M. [P] [R], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 20-18.675 contre l'arrêt rendu le 11 juin 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige l'opposant :

1°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, palais Montclar, rue Peyrese, 13100 Aix-en-Provence,

2°/ à Mme [U] [C], domiciliée [Adresse 1],

3°/ à la chambre régionale de discipline des notaires, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [R], après débats en l'audience publique du 5 juillet 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [R] de ce qu'il se désiste de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile dirigée contre la chambre régionale de discipline des notaires.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 juin 2020) et les productions, le 21 février 2019, un procureur de la République a engagé des poursuites disciplinaires à l'encontre de M. [R], notaire.

3. Un jugement du 3 décembre 2019, rendu en la présence de M. [R] et de son avocat, a prononcé des sanctions disciplinaires.

4. Le 21 février 2020, M. [R] en a interjeté appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. M. [R] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme tardif son recours contre le jugement, alors :

« 1°/ que l'appel du jugement en matière disciplinaire est formé dans le délai d'un mois ; que le délai court à l'égard de l'officier public ou ministériel du jour de la décision quand celle-ci est rendue en présence de l'intéressé ou de son défenseur, et, dans le cas contraire, du jour de la notification qui lui en est faite ; qu'il en résulte, quel que soit le mode de connaissance de la décision, que les délais de recours ne sont opposables qu'à condition d'avoir été portés à la connaissance de l'officier ministériel, soit à l'audience, soit par voie de notification ; qu'en énonçant, pour déclarer irrecevable le recours formé par Me [R] plus d'un mois après le prononcé du jugement, qu'il n'était pas prévu que soient énoncés à l'audience le délai et les modalités du recours, cependant que ces dispositions impliquent, pour que le délai d'appel soit opposable, que l'officier ministériel soit informé des voies et délais de recours, à l'audience ou par notification, ce qui n'avait pas été le cas, la cour d'appel a violé l'article 36 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels ;

2°/ que, subsidiairement, le droit d'accès à un tribunal et à un recours effectif garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique que le délai d'appel d'un jugement prononçant une sanction contre un officier public ne lui soit opposable que si ce jugement a été porté à sa connaissance avec l'indication des voies et délais de recours ; qu'en supposant que l'article 36 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels fasse courir le délai d'appel par la seule présence de l'officier ministériel à l'audience, sans information sur les voies et délais de recours, ce texte serait alors incompatible l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en s'étant déterminée ainsi, la cour d'appel a violé la stipulation susvisée. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 36 du décret n° 73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels alors en vigueur, le délai d'appel à l'encontre d'une décision rendue en matière disciplinaire est d'un mois et court, à l'égard de l'officier public ou ministériel, du jour de la décision quand celle-ci est rendue en présence de l'intéressé ou de son défenseur. Dans le cas contraire, il court du jour de la notification qui lui est faite.

7. Cette disposition poursuit un but légitime de célérité de traitement des poursuites disciplinaires diligentées contre les officiers publics ou ministériels, en vue du prononcé d'un jugement dans un délai raisonnable. L'absence d'information délivrée à l'intéressé quant aux voies et délais de recours applicables à la décision rendue en sa présence ne constitue pas une atteinte disproportionnée à son droit d'accès au juge et à un recours effectif, dès lors qu'il est un professionnel du droit, officier public ou ministériel, en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel dans les formes et délais requis par le texte relatif à la discipline de sa profession.

8. Ayant relevé que M. [R] avait comparu à l'audience du 9 décembre 2019 au cours de laquelle avait été rendue la décision le condamnant à des sanctions disciplinaires, la cour d'appel en a exactement déduit, sans méconnaître les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que l'appel formé le 21 février 2020 était irrecevable comme tardif.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [R] aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. [R].

Me [R] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable comme tardif son recours contre le jugement rendu le 3 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Nice ;

Alors que 1°) l'appel du jugement en matière disciplinaire est formé dans le délai d'un mois ; que le délai court à l'égard de l'officier public ou ministériel du jour de la décision quand celleci est rendue en présence de l'intéressé ou de son défenseur, et, dans le cas contraire, du jour de la notification qui lui en est faite ; qu'il en résulte, quel que soit le mode de connaissance de la décision, que les délais de recours ne sont opposables qu'à condition d'avoir été portés à la connaissance de l'officier ministériel, soit à l'audience, soit par voie de notification ; qu'en énonçant, pour déclarer irrecevable le recours formé par Me [R] plus d'un mois après le prononcé du jugement, qu'il n'était pas prévu que soient énoncés à l'audience le délai et les modalités du recours, cependant que ces dispositions impliquent, pour que le délai d'appel soit opposable, que l'officier ministériel soit informé des voies et délais de recours, à l'audience ou par notification, ce qui n'avait pas été le cas, la cour d'appel a violé l'article 36 du décret n°73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels ;

Alors que 2°) et subsidiairement, le droit d'accès à un tribunal et à un recours effectif garanti par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique que le délai d'appel d'un jugement prononçant une sanction contre un officier public ne lui soit opposable que si ce jugement a été porté à sa connaissance avec l'indication des voies et délais de recours ; qu'en supposant que l'article 36 du décret n°73-1202 du 28 décembre 1973 relatif à la discipline et au statut des officiers publics ou ministériels fasse courir le délai d'appel par la seule présence de l'officier ministériel à l'audience, sans information sur les voies et délais de recours, ce texte serait alors incompatible l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en s'étant déterminée ainsi, la cour d'appel a violé la stipulation susvisée.

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