27 septembre 2022
Cour d'appel de Rennes
RG n° 22/00458

3ème Chambre Commerciale

Texte de la décision

3ème Chambre Commerciale





ARRÊT N°474



N° RG 22/00458 - N° Portalis DBVL-V-B7G-SND6













S.A.S. DUNE



C/



M. [M] [Z]



































Copie exécutoire délivrée



le :



à : Me GUIDEC

Me BONTE











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,





GREFFIER :



Madame Frédérique HABARE, lors des débats et Madame Julie ROUET lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publique du 28 Juin 2022





ARRÊT :



Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats







****





APPELANTE :



S.A.S. DUNE, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTES sous le numéro 823 871 082 prise en la personne de ses representants legaux

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée par Me Renaud GUIDEC de la SELARL DENIGOT - SAMSON - GUIDEC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES





INTIMÉ :



Monsieur [M] [Z]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 11]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Pauline DROUAULT substituant Me Bruno NOINSKI de la SELARL A2C AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de LORIENT

Représenté par Me Mikaël BONTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES









La SAS DUNE, dont le dirigeant est M. [F] [I], a décidé de faire construire un trimaran de compétition de type MULTI 50, puis de la faire participer au Pro Sailing Tours, puis à la Transat Jacques Vabre et à la Route du Rhum.



A cette fin, courant 2018, Monsieur [I] s'est rapproché de Monsieur [M] [Z], navigateur et skipper professionnel francais, afin de lui proposer une collaboration sur le long terme comprenant tant :

- sa participation à la construction d'un trimaran Multi 50,

- sa participation aux courses sur ce même bateau.



Parallélement, la société DUNE a passé commande auprés de la société italienne PERSICO MARINE de la construction d'une plateforme de trimaran Multi 50, sa peinture et de quatre appendices.

ll était initialement prévu une livraison fin mars 2020 au port italien de [8], mais suite à des retards dans le planning annoncé, le navire n'a été remis à l'eau a [Localité 10] que le 8 mars 2021.



A la fin du mois de mars 2021, la société DUNE a formalisé l'inscription du navire à la Transat JACQUES VABRE en versant les frais d'inscription de 6.480 euros.



La premiere épreuve du PRO SAILING TOUR, à laquelle il est impératif de participer pour pouvoir s'aligner au départ de la Transat JACQUES VABRE, était prévue a [Localité 6] du 19 au 23 mai 2021, puis au départ de [Localité 7] du 26 au 30 mai 2021.



Le 8 avril 2021, Monsieur [F] [I] a annoncé a son équipe (et confirmé par écrit Ie 12 avril 2021) sa décision de se mettre en retrait du projet.



Le navire a ensuite été mis en location et confié à Monsieur [O] [U] qui, l|'a remonté de [Localité 10] à [Localité 9] et s'est aligné au départ de la première étape du PST à [Localité 6] le 19 mai 2021.



Considérant que la rupture de la collaboration lui avait causé un préjudice, Monsieur [Z], a, par courriel du 28 avril 2021 adressé à Monsieur [I] par l'intermédiaire de son conseil, mis en demeure ce dernier d'accepter une transaction de 250.000 euros pour l'indemniser de son préjudice.



Monsieur [Z] a, par requête du 16 décembre 2021, sollicité et obtenu du président du tribunal de commerce de LORIENT par ordonnance du 17 décembre 2021, l'autorisation de faire pratiquer une saisie-conservatoire du bateau amarré à la TRINITE-SUR-MER afin de garantir son éventuelle créance de dommages et intéréts.



La saisie-conservatoire du bateau a été dénoncée à la société DUNE le 22 décembre 2021.



Par exploit d'huissier du 29 décembre 2021, Ia société DUNE a fait assigner Monsieur [M] [Z] devant le juge des référés du tribunal de commerce de LORIENT pour |'audience du jeudi 6 janvier 2022 à 9h00, étant précisé que conformément a l'article 858 du code de procédure civile, dans les affaires maritimes, une assignation peut étre délivrée d'heure à heure, sans autorisation du président lorsqu'il s'agit de matieres urgentes et provisoires.



Monsieur [M] [Z] a, parallèlement, par exploit d'huissier du 22 décembre 2021, fait assigner la société DUNE, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [F] [I], devant le tribunal de commerce de NANTES afin d'étre indemnisé de son préjudice chiffré à 334.260 euros.





Par ordonnance du 07 janvier 2022, le président du tribunal de commerce de Lorient a :

- déclaré valides l'ordonnance de saisie-conservatoire du 17 décembre 2021 et ses actes subséquents ;

- ordonné la mainlevée de la saisie-conservatoire du navire PW50 immatriculé sous le n° [Immatriculation 12], propriété de la société DUNE dont le siège est situé [Adresse 3] (RCS de Nantes n°823 871 082), qui se trouve actuellement amarré dans le port de [Localité 9] ;

- ordonné la substitution de la saisie-conservatoire du navire PW50 immatriculé sous le n°[Immatriculation 12] par une garantie financière prenant la forme d'un virement de 300.000 euros sur le compte CARPA du cabinet A2C ou de toute garantie bancaire équivalente ;

- débouté la société DUNE de sa demande de dommages et intéréts d'un montant de 10.000 euros;

- débouté Monsieur [M] [Z] et la société DUNE de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Monsieur [M] [Z] aux entiers dépens de l'instance ;

- débouté les parties de toutes Ieurs autres demandes, fins et conclusions.





Appelante de cette ordonnance, la société DUNE, par conclusions du 02 juin 2022, a demandé que la Cour :

- confirme l'ordonnance du Président du Tribunal de commerce de LORIENT en ce qu'il ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée sur le navire PW5O ;

- infirme l'ordonnance du Président du Tribunal de commerce de LORIENT en ce qu'il ordonné la substitution d'une garantie financière ou bancaire à la saisie conservatoire infondée du navire PW5O ;

- déboute [M] [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- dise que la garantie financière fournie par la société DUNE est sans objet ;

- condamne [M] [Z] à verser à la société DUNE la somme de 10.000,00 euros titre de dommages et intérêts outre 3.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.





Par conclusions du 31 mai 2022, Monsieur [M] [Z] a demandé que la Cour :

- confirme l'ordonnance rendue le 7 janvier 2022 par le Président du Tribunal de commerce de Lorient en ce qu'elle a :

- déclaré valide l'ordonnance de saisie conservatoire rendue le 17 décembre 2021 et ses actes subséquents ;

- ordonne la substitution de la saisie conservatoire du navire par une garantie financière à hauteur de 300.000 euros ;



- déboute la société Dune de sa demande de dommages-intérêts ;

- Infirme l'ordonnance rendue le 7 janvier 2022 en ce qu'elle a jugé que les conditions de la saisie conservatoire n'étaient pas remplies et ordonné la mainlevée de la saisie à ce titre ;

- condamne la société Dune au paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.






MOTIFS DE LA DÉCISION:



A défaut de contrat signé entre les parties, les échanges de courriels versés aux débats démontrent que :

- au mois d'octobre 2018, la société DUNE a contacté M. [Z] en lui proposant de devenir BOAT CAPTAIN de son navire à compter d'avril 2019, en lui assurant de la possibilité de devenir skipper après trois ou quatre saisons,

- en mai 2019, M. [Z] a accepté une mission de conseil et responsable technique, commencée dès novembre 2018, devant se poursuivre comme navigant technique, responsable équipe technique et participation aux entraînements.



M. [Z] a été payé des factures d'assistance technique dans le projet de construction d'un Multi 50 qu'il a émises.



Ses prestations se sont poursuivies et ont été payées jusqu'au mois d'avril 2021, date à laquelle la société DUNE a déclaré mettre fin au projet alors même qu'elle avait payé l'inscription à la transat Jacques Vabre.



M. [Z], dans un courriel rédigé par son conseil du 28 avril 2021, s'est prévalu d'un gain manqué et d'un préjudice sportif évalués à 250.000 euros.



Selon le tableau constituant sa pièce numéro 26, son gain manqué serait de 214.260 euros TTC pour les prestations qu'il aurait dû effectuer en 2021 et 2022 pour le bateau si la société DUNE n'avait pas abruptement mis fin au contrat : convoyages divers, assistance technique lors des mises à l'eau et préparation du bateau, participation aux courses.



En vertu des dispositions de l'article 1 de la Convention Internationale de Bruxelles du 10 mai 1952, constitue une créance maritime l'allégation d'un droit ou d'une créance fondée sur les causes suivantes (...): 'pilotage' (...) 'salaire des capitaines, officers, hommes d'équipage'.



L'allégation d'un gain manqué en raison de la rupture d'un contrat oral comportant des convoyages, une assistance technique lors des opérations d'entretien et de préparation du bateau et une participation à des courses rentre dans les prévisions des dispositions de l'article 1 de la convention internationale susvisée.



M. [Z] dispose donc d'une créance maritime contre la société DUNE.



En vertu des dispositions des articles 4 et 5 de la Convention, tout demandeur détenteur d'une créance maritime peut saisir le navire auquel elle se rapporte avec l'autorisation d'un tribunal.



Tel est le cas en l'espèce, la saisie ayant a été autorisée par ordonnance du Président du tribunal de commerce de Lorient.



Dès lors, la saisie conservatoire a été régulièrement pratiquée, les dispositions générales du code des procédures civiles d'exécution s'effaçant devant les dispositions spéciales de la convention internationale précitée.



De la même façon, l'article 5 de la convention prévoit qu'une garantie suffisante peut être substituée à la saisie, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur l'existence d'une quelconque menace sur le recouvrement de la créance maritime alléguée.



La société DUNE avait demandé devant le premier juge cette substitution pour le cas où la saisie conservatoire serait jugée légitime.



M. [Z] ne peut tout à la fois demander la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la mise en place d'une garantie bancaire et son infirmation en ce qu'il a ordonné la mainlevée de la saisie, les deux mesures se substituant l'une à l'autre.



Par conséquent, l'ordonnance déférée est aussi confirmée en ce qu'elle a ordonnée la mainlevée de la saisie et ordonné la mise en oeuvre d'une garantie bancaire de 300.000 euros.



Compte tenu de ce qui précède, aucune procédure abusive ne peut être reprochée à M. [Z] et le jugement déféré est confirmé en ce qu'il débouté la société DUNE de sa demande indemnitaire.



La société DUNE, qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel.



Les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.





PAR CES MOTIFS:



La Cour,



Confirme le jugement déféré.



Condamne la société DUNE aux dépens d'appel.



Rejette les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





Le Greffier, Le Président,

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