22 septembre 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/21523

Pôle 1 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21523 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEZTS



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Novembre 2021 -Président du TC de PARIS 04 - RG n° 2021037109





APPELANTE



S.A.S. PICARD SURGELES agissant poursuites et diligences de son représentant légal en cette qualité au siège,



[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Alexandra LE CORRONCQ, de la société OSMOSE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P444







INTIMEE



S.A.S. GLACES THIRIET prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège,



[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée et assistée par Me Annette SION de l'ASSOCIATION HOLLIER-LAROUSSE & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0362







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 juin 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseiller chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Marie-Hélène MASSERON, Président,

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseiller,



Greffier, lors des débats : Marie GOIN



ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Marie-Hélène MASSERON, Président et par Saveria MAUREL, Greffier présent lors de la mise à disposition.




*****



EXPOSE DU LITIGE



Les sociétés Picard Surgelés et GlacesThiriet sont spécialisées toutes deux dans l'élaboration de produits alimentaires surgelés.



Par requête en date du 17 juin 2021, la société Glaces Thiriet a soumis au président du tribunal de commerce de Paris une demande portant sur une mesure d'instruction in futurum au visa de l'article 145 du code de procédure civile, afin qu'il soit donné mission à un huissier de justice de se rendre dans certains magasins de la société Picard et d'en photographier l'agencement. Pour ce faire, la société GlacesThiriet faisait valoir que l'agencement et la décoration des magasins de la société Picard Surgelés était très proche de ce qu'elle fait elle-même et que la mesure sollicitée s'inscrivait dans un contexte de concurrence déloyale.



Par ordonnance de même date, il a été fait droit à la demande et la société Duparc & Flament, prise en la personne de l'un de ses associés, huissier audiencier, a été nommée



La société Duparc & Flament a effectué sa mission le 19 juillet 2021 et en a dressé constat.



Par exploit du 5 août 2021, la société Picard Surgelés a fait assigner la société Glaces Thiriet devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de voir :



- prononcer la nullité de la requête présentée par la société Glaces Thiriet en date du 17 juin 2021 devant le président du tribunal de commerce de Paris,

- rétracter l'ordonnance rendue le 17 juin 2021 par le président du tribunal de commerce de Paris en sa totalité ;

- faire interdiction à la société Glaces Thiriet de conserver, copier, utiliser ou communiquer un quelconque document photographié, copié ou appréhendé lors des opérations réalisées en exécution de cette ordonnance ;

- faire interdiction à la société Glaces Thiriet d'utiliser, à quelques fins que ce soit et devant quelque juridiction que ce soit, les procès-verbaux dressés par les huissiers les 19 juillet 2021 en application de l'ordonnance du 17 juin 2021, ainsi que les pièces et / ou informations recueillies par les huissiers désignés ou délégués ;

- dire qu'à défaut, toute communication de ces éléments, objets des constatations des huissiers, par la société Glaces Thiriet, ou avec son accord ou sur son instigation, constituera une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- ordonner à la société Glaces Thiriet de restituer à la société Picard Surgelés les procès-verbaux de constat et les éléments recueillis au cours des mesures d'instruction réalisées en exécution de cette ordonnance ;

- ordonner aux sociétés Duparc-Flament, Burignat-Lesson, Blamayer, Delanoë-Touzé, Acta Plerson et associés, prises en la personne de l'un de leurs associés, de restituer à la société Picard Surgelés ou de détruire les éléments recueillis aux cours des mesures d'instruction réalisées en exécution de cette ordonnance et la mise à disposition ou la destruction des copies éventuellement réalisées ;

- condamner la société Glaces Thiriet à verser à la société Picard Surgelés la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la société Glaces Thiriet à verser à la société Picard Surgelés la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance du 19 novembre 2021, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris :



- s'est déclaré compétent pour statuer en référé sur la demande de rétractation de l'ordonnance rendue le 17 juin 2021 et dit que les demandes formulées par la société Picard Surgelés en nullité de la requête présentée par la société Glaces Thiriet en date du 17 juin 2021 devant le président du tribunal de commerce de Paris et de rétractation totale de l'ordonnance du 17 juin 2021 rendue sur le fondement de la requête n°2021001001087 présentée par la société Glaces Thiriet en date du 17 juin 2021 devant le président du tribunal de commerce de Paris sont recevables ;

- a dit la société Picard Surgelés mal fondée en sa demande de rétractation de l'ordonnance du 17 juin 2021 et l'en a débouté ;

- a corrigé l'erreur matérielle contenue dans l'ordonnance du 17 juin 2021, et dit qu'il convient de remplacer dans l'ordonnance les termes "articles 874 et 875" par l'article 145 du code de procédure civile" ;

- a condamné la société Picard Surgelés à payer à la société Glaces Thiriet la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;

- a condamné en outre la société Picard Surgelés aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 41,94 euros TTC dont 6,78 euros de TVA.



Par déclaration du 7 décembre 2021, la société Picard Surgelés a relevé appel de cette décision sauf en ce qu'elle a retenu sa compétence pour statuer en référé sur la demande de rétractation de l'ordonnance rendue le 17 juin 2021.



Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 9 mai 2022, la société Picard Surgelés demande à la cour de :



- confirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris le 19 novembre 2021 en ce qu'il :


s'est déclaré compétent pour statuer en référé sur la demande de rétractation de l'ordonnance du 17 juin 2021 ;

a dit recevable la demande de la société Picard Surgelés tendant à voir prononcer la nullité de la requête présentée par la société Glaces Thiriet le 17 juin 2021 devant le tribunal de commerce de Paris ;

a dit recevable la demande de la société Picard Surgelés tendant à la rétractation totale de l'ordonnance du 17 juin 2021 rendue sur le fondement de la requête présentée par la société Glaces Thiriet le 17 juin 2021 devant le tribunal de commerce de Paris ;


- infirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris le 19 novembre 2021 en ce qu'elle a :


dit la société Picard Surgelés mal fondée en sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la requête et rétracter l'ordonnance du 17 juin 2021 et l'a déboutée ;

corrigé une erreur matérielle contenue dans l'ordonnance du 17 juin 2021 en remplaçant les termes « articles 874 et 875 » par « article 145 du code de procédure civile » ;

condamné la société Picard Surgelés à payer à la société Thiriet la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 et débouté pour le surplus ;

rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;

condamné la société Picard Surgelés aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 41,94 euros TTC dont 6,78 euros de TVA ;

prononcé l'exécution provisoire de la décision.


Et statuant à nouveau,

- déclarer que l'appel de la société Picard Surgelés est recevable et bien fondé ;

- débouter la société Thiriet de son appel incident tenant à l'infirmation de l'ordonnance du 19 novembre 2021 en ce que le tribunal s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande de nullité de la requête afin de constat et de sa demande tenant à la confirmation de l'ordonnance pour le surplus ;



- prononcer la nullité de la requête n° 2021001001087 présentée par la société Glaces Thiriet en date du 17 juin 2021 devant le président du tribunal de commerce de Paris ;

- rétracter l'ordonnance du 17 juin 2021 rendue par le président du tribunal de commerce de Paris sur le fondement de la requête n° 2021001001087 présentée par la société Glaces Thiriet le 17 juin 2021;

- annuler les procès-verbaux dressés par les huissiers les 19 juillet 2021 en application de l'ordonnance du 17 juin 2021 ;

- faire interdiction à la société Glaces Thiriet de conserver, copier, utiliser, communiquer un quelconque document photographié, copié ou appréhendé lors des opérations réalisées en exécution de cette ordonnance ;

- faire interdiction à la société Glaces Thiriet d'utiliser, à quelque fin que ce soit et devant quelque juridiction que ce soit, les procès-verbaux dressés par les huissiers les 19 juillet 2021 en application de l'ordonnance du 17 juin 2021, ainsi que les pièces et/ou informations recueillies par les huissiers désignés ou délégués ;

- dire qu'à défaut, toute communication des éléments, objets des constatations des huissiers, par la société Glaces Thiriet, ou avec son accord ou sur son instigation, constituera une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- ordonner à la société Glaces Thiriet de restituer à la société Picard Surgelés les procès-verbaux de constat et les éléments recueillis au cours des mesures d'instruction réalisées en exécution de cette ordonnance ;

- ordonner aux sociétés Duparc-Flament, Burignat-Lesson, Balmayer, Delanoë-Touzé, Acta Pierson et associés, prises en la personne de l'un de leurs associés, de restituer à la société Picard Surgelés ou, de détruire, les éléments recueillis au cours des mesures d'instruction réalisées en exécution de cette ordonnance et la mise à disposition ou la destruction des copies éventuellement réalisées ;

- condamner la société Glaces Thiriet à verser à la société Picard Surgelés la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la société Glaces Thiriet à verser à la société Picard Surgelés la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



La société Picard Surgelés fait valoir notamment que :



- le président du tribunal de commerce de Paris est compétent pour statuer sur la nullité de la requête de la société Thiriet, celle-ci étant un acte de procédure ;



- ladite requête ne comporte pas les mentions obligatoires de l'article 57 du code de procédure civile car elle ne vise que les "boutiques Picard", alors qu'en outre, ces dispositions ont vocation à s'appliquer du fait de la nature contentieuse de la requête, de sorte que la requête est nulle ;



- le défaut de précision dans la requête déposée par la société Glaces Thiriet lui a causé un grief en ce que certaines opérations ont eu lieu chez des partenaires commerciaux de la société Picard Surgelés ;



- l'ordonnance rendue doit être rétractée, car la société Glaces Thiriet ne justifie ni d'une urgence, ni d'une justification à la dérogation au principe du contradictoire ;



- le motif légitime fait de plus défaut.



Par ordonnance du 25 mai 2022, le président de la chambre saisie a déclaré irrecevables les conclusions notifiées le 19 avril 2022 par la société Glaces Thiriet.




















SUR CE,



Sur la nullité de la requête présentée par la société Glaces Thiriet



L'article 57 du code de procédure civile dispose que la requête saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé. Elle contient, outre les mentions énoncées à l'article 54, également à peine de nullité, l'indication des noms, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social, lorsqu'elle est formée par une seule partie.



Dans le cadre de l'article 145 du code de procédure civile, la demande intervenant avant tout procès, et sans débat contradictoire, la personne "contre qui la demande est formée" peut être celle dont ont craint qu'elle ne fasse disparaître les preuves recherchées contre elle, preuves détenues par elle-même ou par un tiers, et par conséquent, celle que l'on aurait assignée, si l'on avait agi par voie contradictoire, mais aussi la personne chez qui la mesure doit être exécutée. La personne intéressée pour agir en rétractation est donc bien la personne supportant l'exécution de la mesure et/ou le défendeur potentiel à l'action au fond envisagée.



L'article 114 du code de procédure civile dispose en outre qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.



La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.



Il est ainsi constant que la nullité pour omission de l'une des mentions exigées pour la désignation de la personne contre qui la mesure est demandée au sens des dispositions de l'article 57 du code de procédure civile n'est encourue que si le destinataire établit que le vice lui cause un grief.



En l'espèce, la société Picard Surgelés fait grief à la société Glaces Thiriet de n'avoir pas indiqué aux termes de sa requête sa dénomination et l'adresse de son siège social, ce qui lui causerait grief dans la mesure où cette requête a été dirigée en réalité contre des tiers, deux magasins sur les six visés ne lui appartenant pas, de sorte que la requête est nulle.



Il apparaît en l'espèce que :



- la requête "aux fins de constat" soumise le 17 juin 2021 au juge des requêtes du tribunal de commerce de Paris indique que plusieurs magasins à l'enseigne Picard auraient repris les caractéristiques d'agencement et de décoration qu'elle avait elle- même élaborés, et cite l'adresse de chacun des magasins concernés,



- la société Glaces Thiriet, dans cette requête, cite bien la société Picard Surgelés dans ses développements mais l'ordonnance rendue mentionne en réalité seulement l'adresse des magasins sous le vocable "boutiques Picard",



- la société Picard Surgelés expose elle-même qu'il s'agit de lieux d'exploitations sous l'enseigne Picard, et par conséquent, très clairement de lieux d'exécution de la mesure même.



A ce titre, la société Picard Surgelés est nécessairement défendeur potentiel à l'action au fond envisagée, quand bien même deux des magasins cités sur six seraient en réalité des franchises et l'omission de l'adresse de son siège social, alors que celle des magasins concernés qui exercent sous son enseigne est expressément citée, ne peut donc en soi entraîner la nullité de la requête, ce d'autant qu'il n'en est résulté pour l'appelante aucune atteinte à ses droits, notamment aux droits de la défense, dans la mesure où elle n'a pu se méprendre sur le fait qu'elle était l'objet avant tout procès de la mesure d'instruction pratiquée et qu'elle ne justifie d'aucun grief, puisqu'elle a agi en rétractation.

Ce moyen sera rejeté.



Sur la rétractation



Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.



L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime, c'est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.



Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.



De plus, si la partie demanderesse dispose d'ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d'instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.



Enfin, ni l'urgence ni l'absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d'application de ce texte.



La société Picard Surgelés, qui se fonde à tort sur "l'absence totale d'urgence", laquelle ne doit pas être retenue au titre des conditions d'application de l'article 145 du code de procédure civile, invoque en outre la nécessité de déroger au principe du contradictoire, outre un défaut "évident"de loyauté, et l'absence de tout motif légitime.



Sur la nécessité de déroger au principe du contradictoire



Le juge doit rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance qui y fait droit. Le risque de dépérissement des preuves, qui suffit à justifier la dérogation à la procédure contradictoire, peut résulter du contexte de l'affaire et d'autres éléments de fait, comme la nature de la preuve et la volonté de dissimuler les faits ; le risque de dépérissement peut aussi résulter de circonstances démontrant que la société refuse la communication spontanée des informations.



Il résulte de l'examen de l'ordonnance rendue dont il est sollicité la rétractation que le juge des requêtes a motivé la nécessité de déroger au principe du contradictoire comme suit :

"

Constatons au vu des justifications produites que le requérant est fondé à ne pas appeler la partie visée dans la requête".



Il apparaît en l'espèce que :



- la société Thiriet fait ici à tout le moins état de ce elle pourrait être victime d'actes de concurrence déloyale, la société Picard Surgelés entendant selon elle créer un risque de confusion entre les deux enseignes, ce risque s'étendant à l'identité visuelle de ces deux enseignes et l'ambiance intérieure de leurs magasins par l'utilisation d'un code couleur et d'un agencement identiques, alors que la société Picard Surgelés dispose d'une taille plus importante que celle de Thiriet et de moyens de communication plus importants ;



- la requête était assortie des pièces suivantes: procès verbal de constat du 17 décembre 2015 concernant la boutique Thiriet d'Epinal, assignation devant le tribunal de commerce d'Aubenas, ordonnance de référé du 10 juin 2021,



- il est de toute évidence justifié d'un contexte très concurrentiel entre les deux enseignes,



- toutefois, force est de constater que pour alléguer les similitudes de l'agencement des magasins "Thiriet" et "Picard" jusque dans leurs codes couleurs, la société Glaces Thiriet a produit un procès-verbal de constat d'ores et déjà établi en ce qui concerne le magasin Thiriet d'Epinal, le décrivant, et indique avoir constaté des caractéristiques similaires dans plusieurs magasins Picard, produisant des photos comparatives insérées dans la requête,



- les magasins concernés sont en accès libres, et il sera observé au surplus que la requête sollicite l'établissement d'un constat à l'intérieur mais aussi à l'extérieur des magasins, extérieur facilement accessible, alors que les éléments d'agencement d'un magasin sont par nature d'une durabilité certaine et ne pouvant être supprimés ou remplacés instantanément,



- la société Picard Surgelés produit elle-même des coupures de presse dont il résulte qu'elle a opéré une campagne de presse s'agissant des agencements de ses propres magasins, agencements qui ont donc été rendu publics, de sorte qu'elle ne dispose pas d'un intérêt certain à dissimuler les preuves du comportement qui lui est reproché.



L'existence alléguée de similitudes d'agencements n'est pas en soi de nature à empêcher le recours à une procédure contradictoire, et l'ensemble des éléments de contexte n'établit pas ici un risque de dépérissement des preuves ni la nécessité d'un effet de surprise.



La requête ne contient pas d'autres explications, justifiant de déroger au principe du contradictoire, que des affirmations de principe selon lesquelles "il n'est pas nécessaire de respecter le principe du contradictoire pour organiser le constat".



En l'état de ces motifs qui sont très généraux, tout d'abord, la requête ne caractérise pas formellement et, in concreto, les circonstances susceptibles de justifier qu'il soit dérogé au principe de la contradiction. L'ordonnance, pour sa part, se borne à viser la requête et les pièces jointes sans faire état de circonstances autres justifiant la dérogation au principe de la contradiction.



C'est donc à tort que la société Glaces Thiriet se contente d'affirmer au surplus qu'il est disproportionné en termes procédural et financier de recourir à une procédure de référé.



De la sorte, il est établi que la société Glaces Thiriet avait à sa disposition d'autres voies procédurales pour des faits similaires à ceux invoqués dans la requête, ce qui prive de pertinence l'argument tiré de la nécessité de préserver un effet de surprise d'une mesure d'instruction.



Les prescriptions de l'article 493 du code de procédure civile n'ont, dès lors, pas été respectées, de sorte que l'ordonnance sur requête encourt la rétractation.



Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, l'ordonnance rendue sera infirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance rendue ainsi qu'en toutes ses autres dispositions.



Compte tenu du sens de cet arrêt,

- il ne sera pas fait droit à la demande de la société Picard Surgelés tendant à se voir allouer la somme de 10.000 euros pour procédure abusive.

-il y a lieu d'ordonner la levée du séquestre.

- la décision rendue sera infirmée quant au sort des dépens et des frais irrépétibles.

L'intimée qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société Picard Surgelés une somme au titre des frais irrépétibles exposés en appel.













PAR CES MOTIFS



Infirme l'ordonnance entreprise, en ce qu'elle a rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance rendue sur requête le 17 juin 2021,



La confirme pour le surplus,



Statuant à nouveau,



Ordonne la rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 17 juin 2021,



Ordonne la levée du séquestre des pièces saisies,



Ordonne aux huissiers instrumentaires de restituer à la société Picard Surgelés tous les documents saisis lors du constat réalisé et de procéder à la destruction de toute copie en leur possession,



Rejette toutes les autres demandes,



Condamne la société Glaces Thiriet aux dépens de première instance et d'appel,



Condamne la société Glaces Thiriet à payer à la société Picard Surgelés la somme de 2.000 euros en première instance et 6.000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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