21 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-13.551

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00938

Texte de la décision

SOC.

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 septembre 2022




Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 938 F-D

Pourvoi n° P 21-13.551

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [T].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 05 octobre 2021.



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022

La société L'Etoile des montagnes, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], a formé le pourvoi n° P 21-13.551 contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à Mme [U] [T], épouse [B], domiciliée [Adresse 1], [Localité 4], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société L'Etoile des montagnes, de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [T], après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 septembre 2020), Mme [B] a été engagée, à compter du 3 novembre 2011, par la société l'Etoile des montagnes (la société), en qualité de serveuse.

2. Licenciée pour faute lourde le 18 février 2017, elle a saisi la juridiction prud'homale, notamment, en contestation de son licenciement.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt attaqué de la débouter de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier résultant de sa perte de revenus, alors « que le défaut de réponse à un moyen pertinent constitue un défaut de motifs ; qu'elle avait
formé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts en réparation du préjudice financier subi par elle et résultant de la vente, au sein de l'établissement, de cigarettes de contrebande par la salariée à l'origine du détournement d'une partie de ses recettes journalières ; qu'en la déboutant de cette demande sans nullement répondre à ces écritures et, partant, sans donner aucun motif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. L'arrêt, en dépit de la formule générale du dispositif qui déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires, n'a pas statué sur le chef de demande relatif à l'indemnisation du préjudice financier invoqué par la société dès lors qu'il ne résulte pas des motifs de la décision que la cour d'appel l'ait examiné.

5. L'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue par l'article 463 du code de procédure civile, le moyen n'est pas recevable.

Mais sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

6. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, alors :

« 1°/ que la lettre de licenciement adressée le 18 février 2017 à la salariée faisait expressément état de ce que celle-ci avait, non seulement, servi des consommations à crédit à des clients sans aucune autorisation et adopté un comportement grossier et même vulgaire à l'égard de certains clients, circonstances constitutives d'une faute grave, mais encore, de ce que la salariée vendait, au sein même de l'établissement, des cigarettes de contrebande, élément de nature à ‘'mettre en péril la pérennité'‘ de l'établissement et, partant, susceptible de caractériser une faute lourde ; que les griefs ainsi énoncés constituaient des motifs précis faisant référence à des faits vérifiables par le juge, notamment au moyen des multiples attestations régulièrement versées aux débats par l'employeur ; qu'en énonçant que ‘' l'employeur n'a pas énoncé dans la lettre de licenciement de la salariée un motif précis et vérifiable comme la loi l'exige'‘, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;

3°/ qu'enfin, la datation, dans la lettre de licenciement, des faits invoqués n'est pas nécessaire ; qu'en retenant qu' ‘'en se bornant, dans la lettre de licenciement, à énoncer des faits non datés, non circonstanciés et non justifiés sur la base d'éléments matériellement vérifiables, la société Etoiles de Neiges (i. e : étoile des Montagnes) n'a pas indiqué le fondement précis permettant au juge d'en apprécier le caractère réel et sérieux, les griefs étant formulés en termes généraux'‘, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1232-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

7. Il résulte de ce texte que si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, la datation des faits invoqués n'est pas nécessaire et l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ces motifs.

8. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement abusif, l'arrêt, après avoir constaté que la lettre de licenciement faisait état de griefs tirés du service de consommations à des clients en leur accordant un paiement à crédit sans en avoir demandé l'autorisation, d'un comportement grossier à la limite de la vulgarité envers des clients, de la vente à la sauvette dans l'établissement de paquets de cigarettes de contrebande, retient que cet énoncé de faits non datés, non circonstanciés, formulé en termes généraux ne constitue pas un motif précis et vérifiable de licenciement.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement énonçait des griefs précis et matériellement vérifiables pouvant être discutés devant les juges du fond, la cour d'appel, à laquelle il appartenait de vérifier le caractère réel et sérieux du licenciement, a violé le texte susvisé.

Et sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

10. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée certaines sommes au titre de l'indemnité légale de licenciement, à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, à titre d'indemnité de préavis et des congés payés afférents, alors « que la cassation d'un chef de décision entraîne la cassation par voie de conséquence de tous les autres chefs de décision qui en sont la suite nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen dirigé contre la disposition de l'arrêt ayant jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et ayant condamné la société l'Etoile des Montagnes à verser à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement abusif entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné la société l'Etoile des Montagnes à payer à la salariée diverses autres sommes. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

11. La cassation prononcée sur le premier moyen des dispositions de l'arrêt condamnant l'employeur à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail entraîne la cassation, par voie de conséquence, des chefs de dispositif critiqués par le second moyen, condamnant l'employeur au paiement de sommes au titre des indemnités de rupture, de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, qui s'y rattachent par un lien de dépendance suffisant.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société l'Etoile des montagnes à payer à Mme [B] les sommes de 2 933,30 euros, de 293,33 euros et de 1 466,65 euros à titre d'indemnités compensatrices de préavis, de congés payés sur préavis et de licenciement, de 1 015,35 euros et de 101,53 euros à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire et des congés payés afférents et celle de 4 398 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, l'arrêt rendu le 30 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne Mme [B] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat aux Conseils, pour la société L'Etoile des montagnes

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société l'Etoile des Montagnes fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à Mme [B] la somme de 4 398 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

1°) ALORS QUE la lettre de licenciement adressée le 18 février 2017 à Mme [B] faisait expressément état de ce que celle-ci avait, non seulement, servi des consommations à crédit à des clients sans aucune autorisation et adopté un comportement grossier et même vulgaire à l'égard de certains clients, circonstances constitutives d'une faute grave, mais encore, de ce que la salariée vendait, au sein même de l'établissement, des cigarettes de contrebande, élément de nature à « mettre en péril la pérennité » de l'établissement et, partant, susceptible de caractériser une faute lourde ; que les griefs ainsi énoncés constituaient des motifs précis faisant référence à des faits vérifiables par le juge, notamment au moyen des multiples attestations régulièrement versées aux débats par l'employeur ; qu'en énonçant que « l'employeur n'a pas énoncé dans la lettre de licenciement de Mme [B] un motif précis et vérifiable comme la loi l'exige », la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l'employeur est en droit, en cas de contestation, d'invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, quand la lettre de licenciement invoquait la vente par la salariée de cigarettes de contrebande -dûment constatée par un officier de police judiciaire- et qu'il incombait, en conséquence, à la cour d'appel de se prononcer sur les éléments avancés par l'employeur pour en justifier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail ;

3°) ALORS QU'enfin, la datation, dans la lettre de licenciement, des faits invoqués n'est pas nécessaire ; qu'en retenant qu'« en se bornant, dans la lettre de licenciement, à énoncer des faits non datés, non circonstanciés et non justifiés sur la base d'éléments matériellement vérifiables, la société Etoiles de Neiges (i. e : étoile des Montagnes) n'a pas indiqué le fondement précis permettant au juge d'en apprécier le caractère réel et sérieux, les griefs étant formulés en termes généraux », la cour d'appel a derechef violé les articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

La société l'Etoile des Montagnes fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à payer à Mme [B] les sommes de 1 466,65 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, celle 1 015,35 euros à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire du 3 au 18 février 2017 outre 101,53 euros à titre de congés payés afférents et enfin celle de 2 933,30 euros à titre d'indemnité de préavis et 293,33 euros pour les congés payés afférents

ALORS QUE la cassation d'un chef de décision entraîne la cassation par voie de conséquence de tous les autres chefs de décision qui en sont la suite nécessaire, en application de l'article 624 du code de procédure civile ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen dirigé contre la disposition de l'arrêt ayant jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et ayant condamné la société l'Etoile des Montagne à verser à Mme [B] des dommages-intérêts pour licenciement abusif entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt en ce qu'il a condamné la société l'Etoile des Montagnes à payer à Mme [B] diverses autres sommes.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

La société l'Etoile des Montagnes fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande reconventionnelle tendant à voir condamner Mme [B] à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice financier résultant de sa perte de revenus ;

ALORS QUE le défaut de réponse à un moyen pertinent constitue un défaut de motifs ; que la société l'Etoile des Montagnes avait formé une demande reconventionnelle en dommages-intérêts en réparation du préjudice financier subi par elle et résultant de la vente, au sein de l'établissement, de cigarettes de contrebande par Mme [B], à l'origine du détournement d'une partie des recettes journalières de la société (conclusions d'appel p. 6) ; qu'en la déboutant de cette demande sans nullement répondre à ces écritures et, partant, sans donner aucun motif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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