21 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-11.065

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00521

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 septembre 2022




Cassation partielle


M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 521 F-D

Pourvoi n° M 21-11.065




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 SEPTEMBRE 2022

La société Crédit industriel et commercial (CIC), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 21-11.065 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société EPI Eaupure International, entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société [C] [H], société d'exercice libéral unipersonnelle à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [H] [C], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société EPI Eaupure International,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Crédit industriel et commercial, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Gillis, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 mai 2020), afin de permettre à la société EPI Eaupure International (la société EPI) de répondre à un appel d'offre, la société Banque marocaine du commerce extérieur a émis une garantie de soumission que la société Crédit industriel et commercial (la société CIC) s'est engagée à contre-garantir à première demande. La société EPI n'ayant pu ensuite fournir les autres garanties nécessaires à la signature du marché, la garantie de soumission est restée acquise à l'adjudicateur et la société CIC a payé la somme de 23 680 euros au titre de la contre-garantie.

2. La société CIC ayant assigné la société EPI en remboursement de cette somme, celle-ci lui a opposé sa responsabilité dans la mobilisation de la garantie de soumission.

3. La société EPI a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 19 février 2018.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société CIC fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir dire que la société EPI est redevable à son égard de la somme de 23 680 euros au titre de la contre-garantie, alors « que le garant actionné en paiement par le bénéficiaire d'une garantie à première demande n'a pas à supporter la charge définitive de la dette dont il n'est pas le débiteur principal ; que cette garantie s'analyse entre le garant et le donneur d'ordre en un crédit par signature ; qu'à ce titre l'article 3 de la demande d'émission de la garantie autonome adressée par la société EPI à la société CIC "autorise irrévocablement la banque à débiter notre compte ouvert dans vos livres de la contre-valeur en euros au taux de change en vigueur de tout montant que vous seriez amené à payer en exécution de l'[engagement par signature] émis à notre demande et sous notre responsabilité en ce compris les intérêts, taxes, impôts, frais, frais de justice, commissions, honoraires et accessoires y afférents ; en l'absence d'autorisation expresse de découvert, le défaut de constitution d'une provision suffisante dans les termes ci-dessus à première demande générera la perception d'intérêts au taux contractuel, conformément aux dispositions générales de la convention de compte liant les parties" ; que pour débouter la société CIC de sa demande de remboursement de la somme réglée au bénéficiaire de la garantie, l'arrêt retient que par son refus d'accorder les cautions définitives dans un calendrier qui ne permettait pas à la société EPI de trouver à temps des partenaires financiers, la société CIC a créé les circonstances de la mobilisation de la garantie et n'est pas fondé à lui demander le remboursement des sommes versées à [l'adjudicateur] en raison de la mauvaise foi témoignée dans leurs relations contractuelles à ce titre ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 2321 anciens du code civil, ensemble les règles uniformes aux garanties sur demande RUGD 758. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2321 du code civil :

5. Selon cet article, la garantie autonome est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues.

6. En cas d'appel, le garant est fondé à demander au donneur d'ordre le remboursement de ce qu'il a versé en application de son obligation autonome.

7. Pour rejeter la demande de la société CIC, l'arrêt retient que, si cette dernière n'était tenue d'aucune obligation de garantir la société EPI pour l'ensemble des phases du marché auquel elle concourrait, elle devait mettre celle-ci en situation de pouvoir organiser les autres garanties nécessaires à la signature du marché dans des délais utiles afin qu'elle ne se trouve pas confrontée à la mobilisation de la garantie de soumission.

8. L'arrêt ajoute que, en faisant connaître son refus d'accorder les autres garanties à une date qui ne permettait pas à la société EPI de trouver à temps des partenaires financiers, la société CIC a créé les circonstances de la mobilisation de la garantie de soumission et n'est donc pas fondée à lui demander le remboursement des sommes versées en raison de la mauvaise foi témoignée dans leurs relations contractuelles.

9. En se déterminant par de tels motifs, impropres à exclure l'obligation de restitution de la société EPI au titre de la contre-garantie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il rejette les demandes reconventionnelles de la société EPI Eaupure International, l'arrêt rendu le 28 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

Condamne la Selurl [C] [H], en sa qualité de liquidateur de la société EPI Eaupure International, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour la société Crédit industriel et commercial.

Le CIC fait grief à l'arrêt attaqué de

l'AVOIR débouté de sa demande tendant à voir dire que la société EPI Eaupure International est redevable à son égard de la somme de 23 680 euros au titre de la garantie de soumission.

ALORS D'UNE PART QUE le garant actionné en paiement par le bénéficiaire d'une garantie à première demande n'a pas à supporter la charge définitive de la dette dont il n'est pas le débiteur principal ; que cette garantie s'analyse entre le garant et le donneur d'ordre en un crédit par signature ; qu'à ce titre l'article 3 de la demande d'émission de la garantie autonome adressée par la société EPI au CIC « autorise irrévocablement la banque à débiter notre compte ouvert dans vos livres de la contre-valeur en euros au taux de change en vigueur de tout montant que vous seriez amené à payer en exécution de l'EPS émis à notre demande et sous notre responsabilité en ce compris les intérêts, taxes, impôts, frais, frais de justice, commissions, honoraires et accessoires y afférents ; en l'absence d'autorisation expresse de découvert, le défaut de constitution d'une provision suffisante dans les termes ci-dessus à première demande générera le perception d'intérêts au taux contractuel, conformément aux dispositions générales de la convention de compte liant les parties » ; que pour débouter le CIC de sa demande de remboursement de la somme réglée au bénéficiaire de la garantie, l'arrêt retient que par son refus d'accorder les cautions définitives dans un calendrier qui ne permettait pas à la société EPI de trouver à temps des partenaires financiers, le CIC a créé les circonstances de la mobilisation de la garantie et n'est pas fondé à lui demander le remboursement des sommes versées à l'ONEE en raison de la mauvaise foi témoignée dans leurs relations contractuelles à ce titre ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 2321 anciens du code civil, ensemble les règles uniformes aux garanties sur demande RUGD 758.

ALORS D'AUTRE PART QUE la victime d'une rupture, à la supposer abusive, des négociations ne peut obtenir réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi que sur le fondement de la responsabilité délictuelle ; que pour débouter le CIC de sa demande de remboursement de la somme qu'il avait réglée au bénéficiaire de la garantie à première demande, l'arrêt retient que par son refus d'accorder les cautions définitives dans un calendrier qui ne permettait pas à la société EPI de trouver à temps des partenaires financiers, la banque a créé les circonstances de la mobilisation de la garantie et n'est pas fondée à lui demander le remboursement des sommes versées à l'ONEE en raison de la mauvaise foi témoignée dans leurs relations contractuelles à ce titre ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

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