21 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-17.627

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00987

Titres et sommaires

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL - Emploi intermittent - Contrat de travail intermittent - Qualification donnée au contrat - Requalification en contrat de travail à temps complet - Effets - Obligation pour l'employeur de fournir un travail - Preuve - Charge - Détermination - Portée

L'employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition. En cas de requalification d'un contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet, l'employeur doit établir qu'il a satisfait à l'obligation de fournir un travail dont il est débiteur du fait de cette requalification. Il n'est pas tenu au paiement du salaire lorsqu'il démontre que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou ne s'est pas tenu à sa disposition. Encourt la cassation en inversant la charge de la preuve, l'arrêt qui, après avoir requalifié un contrat de travail intermittent en contrat à temps complet retient, pour limiter le montant de la créance de rappel de salaire dû en suite de cette requalification, qu'au vu des absences et indisponibilités de la salariée telles qu'elles ressortent du tableau récapitulatif dressé par l'employeur, la salariée ne démontre pas qu'elle se tenait à la disposition de l'employeur pendant lesdites périodes, sans constater que l'employeur démontrait avoir rempli l'obligation de fournir un travail dont il était débiteur en conséquence de la requalification du contrat de travail en contrat à temps complet et que la salariée avait refusé d'exécuter son travail ou de se tenir à la disposition de l'employeur

TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION - Salaire - Cause - Travail du salarié - Salarié se tenant à la disposition de l'employeur - Preuve - Nécessité - Cas - Requalification d'un contrat intermittent en contrat à temps complet - Portée

PREUVE - Règles générales - Charge - Applications diverses - Contrat de travail - Travail du salarié - Salarié se tenant à la disposition de l'employeur

Texte de la décision

SOC.

CA3



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 septembre 2022




Cassation partielle


M. CATHALA, président



Arrêt n° 987 FS-B

Pourvoi n° Y 20-17.627

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [E].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 16 mars 2020.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022


Mme [R] [E], épouse [M], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 20-17.627 contre l'arrêt rendu le 27 mars 2019 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société GFK ISL Custom Research France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [E], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société GFK ISL Custom Research France, et l'avis de Mme Rémery, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 juin 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Techer, conseillers référendaires, Mme Rémery, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 mars 2019), après avoir été engagée en qualité d'enquêteur par la société GFK ISL, Custom Research France suivant contrats à durée déterminée d'usage du 1er octobre 2008 au 30 juin 2010, Mme [E], épouse [M], a, à compter du 1er juillet 2010, signé un contrat à durée indéterminée de chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle de rémunération, dit CEIGA.

2. La convention collective applicable est la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.

3. Le 19 janvier 2015, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet, d'une demande de rappel de salaire afférent, d'une demande en résiliation judiciaire du contrat et de demandes en conséquence.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'employeur à lui verser une certaine somme à titre de rappel de salaire pour la période de janvier 2012 à décembre 2014 outre congés payés afférents, de la débouter de sa demande de résiliation du contrat de travail et des demandes subséquentes, alors « que l'absence dans le contrat de travail intermittent de mention de la durée annuelle minimale de travail du salarié ou de la répartition des heures de travail à l'intérieur des périodes travaillées fait présumer que le contrat est à temps plein et il appartient alors à l'employeur soutenant qu'il ne l'est pas d'établir, d'une part, la durée annuelle minimale convenue et, d'autre part, que le salarié connaît les jours auxquels il doit travailler et selon quels horaires et qu'il n'est pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en limitant le montant des rappels de salaire alloués au titre de la requalification du contrat, aux motifs que la salariée ne démontrait pas qu'elle s'était tenue à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article L. 3123-33 du code du travail dans sa rédaction en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016, ensemble les articles 1134 et 1315 dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenus 1103 et 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 212-4-8 et L. 212-4-9 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige, l'article 43 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, l'article L. 3123-33 du code du travail dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'article L. 1221-1 du même code et l'article 1315 devenu l'article 1353 du code civil :

5. Le contrat de travail intermittent est un contrat écrit qui mentionne notamment la durée annuelle minimale de travail du salarié. Il en résulte qu'en l'absence de cette mention, le contrat est présumé à temps plein et qu'il appartient alors à l'employeur, qui soutient que le contrat n'est pas à temps plein, d'établir la durée annuelle minimale convenue et que le salarié connaissait les jours auxquels il devait travailler et selon quels horaires, et qu'il n'était pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

6. L'employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition.

7. L'arrêt, après avoir retenu qu'en raison de l'absence de mention de la durée annuelle minimale le contrat devait être présumé à temps plein et fait ressortir que l'employeur échouait à renverser cette présomption, a requalifié le contrat en contrat à temps complet.

8. Toutefois, pour limiter le montant du rappel de salaire à une certaine somme, l'arrêt retient qu'au vu des bulletins de salaire communiqués et des absences et indisponibilités de la salariée telles qu'elles ressortent du tableau récapitulatif dressé par l'employeur et des copies d'écran du système déclaratif des disponibilités de la salariée, non contredits par la salariée qui ne démontre pas qu'elle se tenait à la disposition de l'employeur pendant lesdites périodes, l'employeur sera condamné à payer à cette dernière une somme de 6 667 euros à titre de rappel de salaire pour la période courant de janvier 2012 à décembre 2014 outre congés payés afférents.

9. En statuant ainsi, sans constater que l'employeur démontrait avoir rempli l'obligation de fournir un travail dont il était débiteur en conséquence de la requalification du contrat de travail à temps complet et que la salariée avait refusé d'exécuter son travail ou de se tenir à sa disposition, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la condamnation de la société GFK ISL, Custom Research France à verser à Mme [E], épouse [M], la somme de 6 667 euros à titre de rappel de salaire pour la période courant de janvier 2012 à décembre 2014, outre congés payés afférents, et en ce qu'il rejette les demandes de Mme [E], épouse [M], tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, à lui faire produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à condamner la société GFK ISL, Custom Research France à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 27 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société GFK ISL, Custom Research France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société GFK ISL, Custom Research France et la condamne à payer à la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;








Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Schamber, conseiller doyen en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [E]


Madame [M] fait grief à l'arrêt attaqué de n'AVOIR condamné l'employeur à lui payer que la somme de 6 667 euros à titre de rappels de salaire pour la période courant de janvier 2012 à décembre 2014, outre la somme de 666,70 euros au titre des congés payés y afférents, et d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de résiliation du contrat de travail et de ses demandes subséquentes.

1° ALORS QUE l'absence dans le contrat de travail intermittent de mention de la durée annuelle minimale de travail du salarié ou de la répartition des heures de travail à l'intérieur des périodes travaillées fait présumer que le contrat est à temps plein et il appartient alors à l'employeur soutenant qu'il ne l'est pas d'établir, d'une part, la durée annuelle minimale convenue et, d'autre part, que le salarié connaît les jours auxquels il doit travailler et selon quels horaires et qu'il n'est pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en limitant le montant des rappels de salaire alloués au titre de la requalification du contrat, aux motifs que la salariée ne démontrait pas qu'elle s'était tenue à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article L. .3123-33 du code du travail dans sa rédaction en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016, ensemble les articles 1134 et 1315 dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenus 1103 et 1353 du code civil.

2° ALORS QUE la circonstance que les plannings tiennent compte de la disponibilité du salarié ne constitue pas à elle seule une preuve de son indisponibilité ; que pour limiter le montant des rappels de salaire, la cour d'appel a retenu que la salariée ne contestait pas les tableaux de ses jours d'indisponibilité ainsi que les copies d'écran du système déclaratif de ses disponibilités produits par l'employeur ; qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d'appel a violé l'article L. 3123-33 du code du travail dans sa rédaction en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016, ensemble les articles 1134 et 1315 dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenus 1103 et 1353 du code civil.

3° ALORS QUE la salarié faisait valoir que, s'agissant de ses jours de disponibilités déclarées, elle n'était pas systématiquement appelée à travailler et qu'en outre, l'envoi tardif des plannings ne lui permettait pas d'organiser une activité professionnelle annexe ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans examiner ces points, comme elle y était pourtant invitée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 3123-33 du code du travail dans sa rédaction en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016, ensemble des articles 1134 et 1315 dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenus 1103 et 1353 du code civil.

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