21 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-10.718

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00961

Titres et sommaires

SYNDICAT PROFESSIONNEL - Action en justice - Conditions - Intérêt collectif de la profession - Atteinte - Applications diverses - Règlement intérieur - Défaut de consultation préalable des institutions représentatives du personnel - Action en référé tendant à la suspension du règlement intérieur - Portée

Il résulte des articles L. 1321-4 et L. 2132-3 du code du travail qu'un syndicat est recevable à demander en référé que soit suspendu le règlement intérieur d'une entreprise en raison du défaut d'accomplissement par l'employeur des formalités substantielles tenant à la consultation des institutions représentatives du personnel, en l'absence desquelles le règlement intérieur ne peut être introduit, dès lors que le non-respect de ces formalités porte un préjudice à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente. En revanche, un syndicat n'est pas recevable à demander au tribunal judiciaire par voie d'action au fond la nullité de l'ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité à tous les salariés de l'entreprise, en raison du défaut d'accomplissement par l'employeur des formalités substantielles tenant à la consultation des institutions représentatives du personnel

SYNDICAT PROFESSIONNEL - Action en justice - Conditions - Intérêt collectif de la profession - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Règlement intérieur - Défaut de consultation préalable des institutions représentatives du personnel - Action au fond tendant à la nullité ou à l'inopposabilité du règlement intérieur - Portée

TRAVAIL REGLEMENTATION, CONTROLE DE L'APPLICATION DE LA LEGISLATION - Règlement intérieur - Formalités légales - Consultations préalables des représentants du personnel - Inobservation par l'employeur - Action en justice - Action exercée par un syndicat - Recevabilité - Conditions - Détermination - Portée

Texte de la décision

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 septembre 2022




Rejet


M. CATHALA, président



Arrêt n° 961 B+R

Pourvoi n° J 21-10.718




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 SEPTEMBRE 2022

Le syndicat SUD Autoroute APRR, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-10.718 contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2020 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Autoroute Paris Rhin Rhône, (APRR), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du syndicat SUD Autoroute APRR, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Autoroute Paris Rhin Rhône, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 juin 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Sommé, Agostini, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 10 décembre 2020), la société Autoroute Paris Rhin Rhône APRR (la société) a engagé, fin 2007, une procédure de modification de son règlement intérieur datant du 27 novembre 2006.

2. Le 20 mars 2018, le syndicat Sud autoroute APRR (le syndicat) a fait assigner selon la procédure à jour fixe la société, en demandant au tribunal, notamment, d'annuler le règlement intérieur devant entrer en vigueur le 16 avril 2018 à raison de l'absence de consultation des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et des comités d'établissement.

Examen des moyens

Sur le second moyen et sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexés


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable à agir en contestation de la validité, ou de l'opposabilité aux salariés de l'entreprise APRR, du règlement intérieur modifié d'entreprise de 2018, en raison de l'irrespect des procédures de consultation des comités d'établissement et CHSCT et de le débouter, en conséquence, de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour le préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession et d'indemnité pour frais irrépétibles, alors « que si les institutions représentatives du personnel sont habilitées à défendre en justice leurs propres intérêts concernant les modalités concrètes suivant lesquelles s'organisent leurs relations avec l'employeur, les syndicats professionnels gardent le monopole de la défense des intérêts collectifs de la profession lesquels sont atteints à chaque fois qu'est méconnue une disposition d'ordre public social, notamment, en cas de défaut de réunion, d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel lors de l'élaboration du règlement intérieur applicable à la collectivité des salariés d'une entreprise ; qu'en jugeant que les comités d'établissement et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société APRR n'ayant pas eux-mêmes sollicité devant le juge judiciaire l'annulation ou l'inopposabilité du règlement intérieur modifié de l'entreprise APRR, le syndicat Sud Autoroutes APRR serait irrecevable à agir de manière autonome en contestation de la validité du règlement intérieur pour défaut de consultation préalable des institutions représentatives du personnel, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 1321-4 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, le règlement intérieur ne peut être introduit qu'après avoir été soumis à l'avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

6. Il résulte de ce texte que le règlement intérieur ne peut entrer en vigueur dans une entreprise et être opposé à un salarié dans un litige individuel que si l'employeur a accompli les diligences prévues par l'article L. 1321-4 du code du travail qui constituent des formalités substantielles protectrices de l'intérêt des salariés.

7. Aux termes de l'article L. 2132-3 du même code, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

8. Il s'ensuit qu'un syndicat est recevable à demander en référé que soit suspendu le règlement intérieur d'une entreprise en raison du défaut d'accomplissement par l'employeur des formalités substantielles tenant à la consultation des institutions représentatives du personnel, en l'absence desquelles le règlement intérieur ne peut être introduit, dès lors que le non-respect de ces formalités porte un préjudice à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente. En revanche, un syndicat n'est pas recevable à demander au tribunal judiciaire par voie d'action au fond la nullité de l'ensemble du règlement intérieur ou son inopposabilité à tous les salariés de l'entreprise, en raison du défaut d'accomplissement par l'employeur des formalités substantielles tenant à la consultation des institutions représentatives du personnel.

9. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le syndicat Sud autoroute APRR aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Huglo conseiller doyen, en ayant délibéré, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat aux Conseils, pour le syndicat SUD Autoroute APRR

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le syndicat Sud Autoroute APRR fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déclaré irrecevable à agir en contestation de la validité, ou de l'opposabilité aux salariés de l'entreprise APRR, du règlement intérieur modifié d'entreprise de 2018, en raison de l'irrespect des procédures de consultation des comités d'établissement et CHSCT et de l'avoir débouté, en conséquence, de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour le préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession et d'indemnité pour frais irrépétibles ;

1°) que si les institutions représentatives du personnel sont habilitées à défendre en justice leurs propres intérêts concernant les modalités concrètes suivant lesquelles s'organisent leurs relations avec l'employeur, les syndicats professionnels gardent le monopole de la défense des intérêts collectifs de la profession lesquels sont atteints à chaque fois qu'est méconnue une disposition d'ordre public social, notamment, en cas de défaut de réunion, d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel lors de l'élaboration du règlement intérieur applicable à la collectivités des salariés d'une entreprise ; qu'en jugeant que les comités d'établissement et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société APRR n'ayant pas eux-mêmes sollicité devant le juge judiciaire l'annulation ou l'inopposabilité du règlement intérieur modifié de l'entreprise APRR, le syndicat Sud Autoroutes APRR serait irrecevable à agir de manière autonome en contestation de la validité du règlement intérieur pour défaut de consultation préalable des institutions représentatives du personnel, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail ;

2°) que seul le syndicat professionnel est habilité à contester devant le juge judiciaire les conditions concrètes d'application d'un accord ou d'une convention collective de travail ; qu'en jugeant irrecevable l'action du syndicat Sud Autoroutes APRR en contestation de la validité ou de l'opposabilité du règlement intérieur modifié de la société APRR, sans avoir répondu au moyen des conclusions d'appel du syndicat qui faisait valoir que le règlement intérieur avait été adopté en violation de l'accord collectif d'entreprise n° 2007-4 du 18 juin 2007 qui imposait la consultation préalable des comités d'établissement, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La syndicat Sud Autoroute APRR fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande en annulation de l'article III B du règlement intérieur modifié de 2018, de sa demande en paiement de dommages-intérêts en raison du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession et de sa demande d'indemnité au titre des frais irrépétibles ;

1°) que l'article 43 de la convention collective des sociétés d'économie mixte d'autoroutes du 1er juin 1979 prévoit que « tout déclassement d'un agent ne peut intervenir qu'à la suite de sanctions disciplinaires prises après avis d'un conseil de discipline » ; qu'en jugeant que la convention collective des sociétés d'économie mixte d'autoroutes du 1er juin 1979 « ne contenait pas de dispositions relatives à l'existence d'un conseil de discipline » de sorte que la société APRR n'était pas tenue de le mettre en place dans l'entreprise, quand la convention collective imposait aux entreprises qui entrent dans son champ d'application la saisine préalable d'un conseil de discipline pour un certain type de sanctions disciplinaires, ce dont il résultait qu'elle en avait bien prévu l'existence tout en laissant à chaque entreprise le soin de d'établir, dans son règlement intérieur, ses modalités de création et de fonctionnement, la cour d'appel a violé l'article 43 de la convention collective des sociétés d'économie mixte d'autoroutes du 1er juin 1979 ;

2°) que l'obligation instituée par la convention collective de travail de solliciter pour avis un conseil de discipline préalablement à la notification au salarié d'une certaine sanction disciplinaire, s'applique à tout projet de sanction, quel que soit son intitulé, qui correspond a minima au même niveau sur l'échelle des sanctions disciplinaires arrêté par le règlement intérieur de l'entreprise, que celui de la sanction visée par ladite convention collective ; qu'en jugeant que l'article 43 de la convention collective imposait la saisine d'un conseil de discipline uniquement lorsqu'une sanction de déclassement était envisagée de sorte qu'en supprimant cette sanction de l'échelle des sanctions prévues par le règlement intérieur de la société APRR, l'employeur était libéré de l'obligation de prévoir les modalités de recours à un conseil de discipline quand, dès lors qu'elle imposait le recours à un conseil de discipline pour une sanction correspondant au 3e degré sur l'échelle des sanctions prévues par le règlement intérieur, la procédure conventionnelle avait nécessairement vocation à s'appliquer pour toute sanction disciplinaire correspondant, a minima, au même degré de gravité, la cour d'appel a violé l'article 43 de la convention collective des sociétés d'économie mixte d'autoroute du 1er juin 1979 et les articles L. 1321-1 et L. 1321-3 du code du travail ;

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