15 septembre 2022
Cour d'appel d'Amiens
RG n° 21/03030

TARIFICATION

Texte de la décision

ARRET

N°130





S.A.S. [6]





C/



CARSAT RHONE-ALPES







JR





COUR D'APPEL D'AMIENS



TARIFICATION





ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2022



*************************************************************



N° RG 21/03030 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IECI



DECISION DE LA CARSAT RHONE-ALPES EN DATE DU 26 avril 2021





PARTIES EN CAUSE :





DEMANDEUR





S.A.S. [6] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Salariée : Madame [I] [M]

[Adresse 2]

[Localité 3]





Représentée et plaidant par Me Virginie GAY-JACQUET, avocat au barreau de BORDEAUX











ET :





DÉFENDEUR





CARSAT RHONE-ALPES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée et plaidant par M. [N] [K] dûment mandaté















DÉBATS :



A l'audience publique du 17 Décembre 2021, devant Mme Jocelyne RUBANTEL, Président assisté de M. FOLIARD et M. HASSANI, assesseurs, nommés par ordonnance rendue par Madame la Première Présidente de la Cour d'appel d'Amiens en date du 21 janvier 2019.



Jocelyne RUBANTEL a avisé les parties que l'arrêt sera prononcé le 11 février 2022 par mise à disposition au greffe de la copie dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.



GREFFIER LORS DES DÉBATS : Pierre DELATTRE



PRONONCÉ :



Le 11 février 2022, le délibéré a été prorogé au 15 septembre 2022



Le 15 Septembre 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Jocelyne RUBANTEL, Président et Blanche THARAUD, Greffier.




*

* *



DECISION



La société [6] est spécialisée dans le secteur d'activité des agences de travail temporaire.



Le 23 mars 2018, Mme [I] [M], intérimaire mise à disposition de la société [7] par la société [6] de septembre 2015 à février 2016 en qualité d'agent de fabrication, a souscrit une déclaration de maladie professionnelle référencée au tableau n°57 des maladies professionnelles au titre d'une épicondylite du coude droit.



La décision de prise en charge de cette pathologie au titre de la législation professionnelle a été notifiée à la société [5], dernier employeur de Mme [I] [M] chez qui elle exerçait la profession d'hôtesse de caisse, et les conséquences financières y afférentes ont été imputées sur le compte employeur de la société [6].



A la réception de son taux de cotisation AT/MP 2021 et par courrier du 26 février 2021, la société [6] a sollicité auprès de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Rhône-Alpes (ci-après la CARSAT) qu'elle retire de son compte employeur les conséquences financières de la pathologie de Mme [I] [M], demande rejetée le 16 avril 2021.



Par acte d'huissier de justice délivré le 31 mai 2021 et visé au greffe le 14 juin 2021, la société [6] a fait assigner la CARSAT devant la cour d'appel d'Amiens à l'audience du 17 décembre 2021.



Par dernières conclusions communiquées au greffe le 25 novembre 2021, lesquelles ont été soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société [6] prie la cour de :



- déclarer son recours bien fondé,

- annuler la décision de la CARSAT du 26 avril 2021,

- dire et juger que les frais relatifs à la maladie déclarée par Mme [I] [M] doivent être retirés de son compte employeur et imputés au compte spécial,

- condamner la CARSAT aux entiers dépens de l'instance.



Par conclusions communiquées au greffe le 22 novembre 2021, lesquelles ont été soutenues oralement à l'audience par son représentant, la CARSAT prie la cour de :



- constater que l'obligation d'instruction et d'information de la CPAM ne concerne pas la société [6], qui n'est pas le dernier employeur de M. [I] [M],

- dire et juger que la société [6] est le dernier employeur ayant exposé Mme [I] [M] au risque de sa maladie,

- confirmer sa décision de maintenir sur le compte employeur de la société [6] les incidences financières de la maladie professionnelle du 2 mars 2018 de Mme [I] [M],

- rejeter le recours de la société [6].



Conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.






MOTIFS



Les parties s'accordent sur la forclusion de la demande de recalcule du taux AT/MP 2020 formulée par la société [6] et sur la recevabilité de sa demande au titre du taux AT/MP 2021.



Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point.





- sur la demande d'inscription au compte spécial



La société [6] soutient dans un premier temps que les conséquences financières de la maladie professionnelle de Mme [I] [M] doivent être inscrites sur le compte du dernier employeur, soit la société [5], car il l'a exposée au risque et que la caisse primaire a instruit la déclaration de maladie professionnelle à son égard.



La CARSAT réplique en soutenant que l'inscription au compte spécial ne peut être solliciter pour ce motif car l'instruction a été menée à l'égard du dernier employeur, soit la société [5] et qu'elle ne devait pas l'être à l'égard de l'éventuel employeur exposant, si celui- ci n'est pas le dernier employeur.



La cour rappelle que la maladie doit être considérée comme contractée au service du dernier employeur chez lequel la victime a été exposée au risque avant sa constatation médicale, sauf à ce que celui-ci en rapporte la preuve contraire.



S'agissant de l'inscription sur un compte employeur d'une maladie professionnelle, il est également rappelé que, conformément aux dispositions de l'article D. 242-6-4 du Code de la sécurité sociale, l'ensemble des dépenses constituant la valeur du risque est pris en compte par les CARSAT dès que ces dépenses leur ont été communiquées par les caisses primaires, sans se faire juge de leur bien fondé.



Ainsi, si l'instruction de la maladie de Mme [I] [M] a, conformément aux dispositions de l'article 441-11 du Code de la sécurité sociale, été menée à l'égard du dernier employeur de la salariée, soit la société [5], cela n'induit pas nécessairement qu'il soit le dernier employeur exposant.



Il doit être déduit des éléments versés aux débats qu'en l'espèce, à l'issue de l'instruction, la caisse primaire a identifié la société [6] comme dernier employeur ayant exposé Mme [M] au risque de sa pathologie, constat communiqué à la CARSAT pour l'imputation sur le compte employeur de ladite société des conséquences financières y afférentes.



La société [6], à qui il incombe de rapporter la preuve contraire, ne verse aux débats aucun élément permettant d'apprécier, d'une part, qu'elle n'a pas exposé sa salariée au risque de sa pathologie et, d'autre part, que cette dernière l'aurait été par la société [5]



Dès lors, ce moyen sera rejeté.



La société [6] soutient dans un second temps, pour justifier de l'existence d'une pluralité d'employeurs exposants, que la CARSAT ne prouve pas qu'elle a elle-même exposée au risque Mme [I] [M] et qu'il est reconnu que le métier d'hôtesse de caisse, qu'elle a exercé pendant 15 ans au sein de la société [5], sollicite les coudes.



La CARSAT réplique en soutenant qu'il appartient au dernier employeur exposant au risque de prouver l'exposition multiple pour justifier de l'application de l'article 2, paragraphe 4, de l'arrêté du 16 octobre 1995. Elle ajoute que cette exposition au risque au sein de la société [6] résulte de l'instruction de la caisse primaire et que ladite société ne rapporte pas la preuve d'une exposition chez d'autres employeurs.



Aux termes des articles D.242-6-5 et D.242-6-7 du Code de la sécurité sociale fixant les règles de tarification des risques des accidents du travail et maladies professionnelles, il est prévu que les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par un arrêté ministériel ne sont pas comprises dans la valeur du risque ou ne sont pas imputées au compte employeur mais inscrites à un compte spécial.



L'article 2, paragraphe 4, de l'arrêté du 16 octobre 1995 dispose que « sont inscrites au compte spécial conformément aux dispositions de l'article D.246-6-5, les dépenses afférentes à des maladies professionnelles constatées ou contractées dans les conditions suivantes : (')

4) La victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie ».



Les articles susvisés imposent à l'employeur de démontrer que le salarié a été exposé au risque chez les employeurs précédents sans qu'il y ait lieu de lui imposer de rapporter la preuve de la non exposition au risque de sa maladie dans son entreprise.



Il ressort donc des articles ci-dessus cités deux conditions cumulatives pour que soit possible l'inscription au compte spécial :

- Le salarié doit avoir été exposé au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes,

- Il est impossible de déterminer l'entreprise au sein de laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie

Dans le cas d'une demande d'inscription au compte spécial, la charge de la preuve de la réunion de ces deux conditions incombe à l'employeur.



La cour constate que la société [6] ne verse aux débats aucun élément, sauf la déclaration de maladie professionnelle, pour soutenir l'allégation selon laquelle Mme [I] [M] aurait été exposée au risque de sa maladie lorsqu'elle était hôtesse de caisse au sein de la société [5]



Il est rappelé en effet que la seule mention des différents emplois d'un salarié, figurant généralement dans la déclaration de maladie professionnelle, ne constitue ni la preuve des conditions de travail réelles qu'il a rencontrées, ni celle de l'exposition au risque chez ses différents employeurs.



En outre, Mme [I] [M] était hôtesse de caisse au sein de la société [5] et agent de fabrication lorsqu'elle était mise à disposition par la société [6]. Il est donc impossible pour la cour d'apprécier une exposition similaire au risque dès lors que ces deux emplois impliquent nécessairement l'existence des conditions de travail différentes.



La société [6] se contente ainsi de dire qu'il existe une exposition au risque de Mme [I] [M] au sein de la société [5], sans toutefois corroborer ses allégations.



Par conséquent, elle échoue à rapporter la preuve qui lui incombe de la réunion des conditions d'application de l'article 2, paragraphe 4, de l'arrêté du 16 octobre 1996.



Le recours est rejeté.



- sur les dépens



Conformément à l'article 696 du Code de procédure civile, la société [6] sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.



PAR CES MOTIFS



LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par sa mise à disposition au greffe, après débats publics, en premier et dernier ressort,



DIT que les conditions d'application de l'article 2, paragraphe 4, de l'arrêté de 16 octobre 1995 ne sont pas réunies,



DIT qu'il y a lieu de maintenir sur le compte employeur de la société [6] les conséquences financières de la maladie professionnelle de M. [I] [M],



CONDAMNE la société [6] aux entiers dépens de l'instance.







Le Greffier,Le Président,

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.