15 septembre 2022
Cour d'appel de Chambéry
RG n° 21/00872

Chbre Sociale Prud'Hommes

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE







ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022



N° RG 21/00872 - N° Portalis DBVY-V-B7F-GV34



[MK] [L]

C/ S.A.S. DORINE prise en la personne de son représentant légal en exercice d

omicilié en cette qualité audit siège



Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNEMASSE en date du 25 Mars 2021, RG F 19/00071



APPELANT :



Monsieur [MK] [L]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par Me Serpil LEVET-TERZIOGLU de l'AARPI QUERE & LEVET AVOCATS, avocat au barreau D'ANNECY





INTIMEE et APPELANTE INCIDENT :



S.A.S. DORINE

dont le siège social est sis [Adresse 3]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal



Représentée par la SELURL BOLLONJEON, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL JURI SOCIAL, avocat plaidant au barreau de LYON





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique le 21 Juin 2022, devant Monsieur Frédéric PARIS, Président désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s'est chargé du rapport, les parties ne s'y étant pas opposées, avec l'assistance de Madame Sophie MESSA, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :

Monsieur Frédéric PARIS, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Elsa LAVERGNE, Conseiller,




********





Faits et procédure



M. [MK] [L] a été embauché par la SAS Dorine le 23 septembre 2014 es qualité d'employé commercial en contrat à durée déterminée, transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 25 janvier 2015.



Dès le 1er janvier 2018, il a bénéficié d'un avenant au poste d'employé commercial niveau IV.



M. [MK] [L] percevait un salaire de 2 305,27 € brut mensuel.



La convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire IDCC 2216 est applicable.



Par courrier remis en main propre du 7 novembre 2018, M. [L] a été convoqué à un entretien préalable à sanction le 15 novembre 2018.



Le 6 décembre 2018, M. [L] s'est vu notifier une mise à pied disciplinaire car plusieurs produits périmés ont été retrouvés dans son rayon.



Le 27 décembre 2018, le gérant du magasin a notifié verbalement à M. [MK] [L] sa mise à pied à titre conservatoire.



Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 décembre 2018, la SAS Dorine a convoqué le salarié à un entretien préalable à licenciement fixé le 8 janvier 2019 et a confirmé sa mise à pied à titre conservatoire.



Le salarié était licencié par lettre du 16 janvier 2019.



Par requête du 17 avril 2019, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes d'Annemasse pour contester les mesures disciplinaires prises à son encontre et son licenciement.



Par jugement en date du 25 mars 2021, le conseil de prud'hommes d'Annemasse :

- se déclare compétent pour statuer sur les prétentions de M. [MK] [L],

- déboute M. [MK] [L] de l'ensemble de ses demandes ;

- laisse à chacune des parties la charge de ses dépens.



Par déclaration reçue au greffe le 21 avril 2021 par le réseau privé virtuel des avocats, M. [L] a interjeté appel de la décision en ce qu'elle l'a débouté de l'ensemble de ses demandes. La SAS Dorine a formé appel incident le 18 octobre 2021.



Dans ses conclusions notifiées le 17 juillet 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, M. [L] demande à la cour de :

- d'annuler le jugement rendu,

Subsidiairement,

- l'infirmer en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,

statuant à nouveau,

- dire et juger que la faute grave n'est pas fondée, ni caractérisée, ni démontrée,

- dire et juger que la mise à pied n'était pas justifiée,

- dire et juger que le licenciement prononcé par la société SAS Dorine est sans cause réelle et sérieuse,

- fixer la moyenne des salaires à 2 305,27 € (moyenne des trois derniers mois),

en conséquence,

- condamner la SAS Dorine à payer à lui payer les sommes suivantes :

* 1 636 € à titre de rappel de salaire (mise à pied conservatoire du 27 décembre 2018 au 17 janvier 2019, dont mise à pied disciplinaire du 7 au 12 janvier 2019),

* 163,60 € à titre d'indemnités de congés payés sur rappel de salaire,

* 4 610,54 € à titre d'indemnité de préavis,

* 461,05 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

* 2489,69 € à titre d'indemnité de licenciement,

* 27 660 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* exécution provisoire sur le tout,

- ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes,

- condamner la société SAS Dorine à payer la somme de 3000 €, à M. [MK] [L] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.



L'obligation de motiver le jugement prévue à l'article 455 du code de procédure civile n'a pas été respectée, il est entaché d'un vice de nullité conformément à ce que prévoient la jurisprudence et l'article 458 du code de procédure civile.



Le jugement ne répond pas aux demandes et prétentions des parties. Le conseil de prud'hommes a violé le principe de motivation et le droit à un procès équitable.



Subsidiairement, le contrôle effectué le 12 octobre 2018 concernant les produits périmés de son rayon a été effectué dans un contexte de harcèlement au travail, de surmenage des salariés en sous-effectif et lorsqu'il était en arrêt de travail.



Il conteste la liste des reproches et fautes qui lui sont imputées, elle ne fait que témoigner de l'acharnement de l'employeur.



Le salarié était en arrêt de travail en juillet et août 2018.



Le harcèlement et le surmenage qu'il a subi ont affecté son état de santé, ce dont attestent ses proches, son médecin et un psychologue.



Ses collègues attestent des mêmes conditions de travail.



La mise a pied du 6 décembre 2018 est une sanction abusive et infondée dont la procédure est irrégulière.



Ces éléments constituent un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail réprimé par l'article 222-33-2 du code pénal.



Les faits reprochés au salarié ne lui sont pas imputables, ne constituent pas une violation des obligations contractuelles et ne représentent pas une gravité telle que sa présence devenait impossible.



Les circonstances du licenciement, la mise à pied et les propos de l'employeur caractérisent un licenciement vexatoire.



Dans ses conclusions notifiées le 18 octobre 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions, la SAS Dorine demande à la cour de :

- débouter M. [L] de sa demande d'annulation du jugement,

- confirmer intégralement le jugement rendu,

- constater que la sanction de mis à pied est justifiée,

- débouter M. [L] de sa demande de rappel de salaire,

- constater que la faute grave reprochée à M. [L] est justifiée par des éléments objectifs,

- dire et juger que le licenciement n'est pas vexatoire,

- dire et juger que la société Dorine n'est pas redevable des sommes demandées par M. [L],

- en conséquence, débouter M. [L] de ses demandes à ce titre,

- si par extraordinaire la cour estimait devoir faire droit aux demandes de M. [L], elle modifierait les sommes demandées mal calculées :

* 4 285,10 € outre 428,51 euros de congés payés afférents au titre des salaires et indemnités,

* 2 276,49 € au titre de l'indemnité de licenciement,

* 25 710,60 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 6 427,65 € au titre du barème d'indemnisation pour licenciement abusif,

- débouter M. [L] de ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile, si toutefois la cour fait droit à cette demande elle le fera à hauteur de 2 000 €,

- condamner M. [L] au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 code de procédure civile,

- le condamner aux dépens avec ceux d'appel en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjean, Avocat,

en tout état de cause,

- dans l'hypothèse où la cour considérerait que les demandes de dommages et intérêts formulés par M. [L] sont fondées, dire et juger que les dommages et intérêts alloués à ce titre s'entendent comme des sommes brutes avant CSG et CRDS,

- dans l'hypothèse où la cour ferait droit aux demandes à caractère salarial formulées par M. [MK] [L], dire et juger que ces sommes s'entendent de sommes brutes avant précompte de charges sociales.



Elle fait valoir que les moyens des parties ont été rappelés dans le jugement et le conseil de prud'hommes a précisé sa décision au sein du jugement, donc il a suffisamment motivé son jugement et respecte l'article 455 du code de procédure civile.



Le salarié devait contrôler les dates des produits du rayon charcuterie/traiteur, or à plusieurs reprises des produits périmés ont été retrouvés dans son rayon.



M. [B], client du magasin a attesté de la présence de produits périmés.



M. [L] n'avait pas contesté sa mise à pied du 6 décembre 2018.



Il était en arrêt maladie du 26 au 31 octobre 2018 et non lors du contrôle du 12 octobre 2018.



Le salarié abusait en outre de ses temps de pause, il discutait dans les rayons et dérangeait ses collègues.



Les attestations versées par l'appelant proviennent d'anciens salariés ayant des raisons d'être partiaux et d'aller dans son sens.



Le salarié a été sanctionné le 1er novembre 2018 après avoir agressé verbalement la direction suite au refus de sa demande de congés payés tardive.



L'employeur n'avait aucun intérêt à licencier le salarié car il allait partir en congés paternité.



L'employeur a dû faire intervenir un vigile suite à la mise à pied du salarié car il gênait le travail de ses collègues et causait des difficultés.



Les reproches faits à l'encontre du salarié ont été fait dans l'exercice normal du pouvoir de direction de l'employeur et de façon confidentielle, c'est M. [MK] [L] qui en a parlé à ses collègues.



L'instruction de l'affaire a été clôturée le 4 mars 2022.




Motifs de la décision



Il ressort du jugement déféré que le conseil des prud'hommes a répondu aux moyens relatifs à la faute grave mais n'a apporté aucune réponse au moyen tenant à l'existence d'un harcèlement moral pourtant expressément soulevé dans les conclusions de première instance du salarié.



Ce jugement est dès lors insuffisamment motivé en violation des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile prévoyant que le jugement doit être motivé.



Il sera annulé.



Néanmoins le juge d'appel demeure saisi du litige et doit statuer au fond.



Le salarié soutenant avoir été harcelé, il convient de rechercher si ce dernier a subi des agissements de harcèlement moral et si ceux-ci sont en lien avec le licenciement.



L'article L 1152-1 du code du travail dispose : 'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'.



En application de l'article L 1154-1 du code du travail cas de litige, il appartient d'abord au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement ; que l'employeur doit ensuite prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étranger à tout harcèlement.



Le juge doit considérer les faits pris dans leur ensemble pour apprécier s'ils permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.



L'article L 1152-2 du même code prévoit notamment qu'aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte 'pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.'.



L'article L 1152-3 dispose que 'toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et L 1152-2 L 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire L 1152-2 est nul.'.



Le salarié produit aux débats une attestation de M. [S] [J] relatant que le salarié avait été sanctionné pour des produits périmés alors qu'il était seul cette semaine là.



Mme [X] épouse du salarié a témoigné que le salarié a connu des difficultés de santé de mai à décembre 2018, ses collègues lui faisaient payer son arrêt maladie.



M. [S] [F] a relaté que le salarié faisait toujours attention à ne pas avoir de produits périmés dans ses rayons, que ses problèmes au sein du magasin l'ont beaucoup affecté, qu'il a été harcelé par M. [Y] et Mme [W] à la fin 2018 comme beaucoup d'autres membres de l'entreprise ; M. [Y] l'a particulièrement harcelé au point de le pousser à l'arrêt de travail.



M. [T] [A] salarié atteste que l'ambiance du magasin a changé avec l'arrivée du nouveau sous-directeur, M. [Y] , plusieurs personnes ont été victimes du harcèlement moral de M. [Y] dont lui même ; il ajoute que le salarié a été sanctionné pour des produits périmés alors qu'il n'était même pas présent ; depuis le système instauré par le sous-directeur, un bon nombre de salariés sont partis.



M. [C] [K] a témoigné avoir constaté sur la personne du salarié un harcèlement, ainsi que sur d'autres salariés conduisant à des abandons de poste et des démissions. La pression du nouveau sous-directeur mettait une mauvaise ambiance au travail. Il a mis en place une stratégie pour licencier le salarié basé sur de fausses accusations.



Le salarié produit un certificat de son médecin traitant en date du 22 juillet 2019 indiquant que l'intéressé présentait un état dépressif, des manifestations anxieuses, en partie attribuées à des difficultés vécues dans le cadre de son activité professionnelle.



Au regard de ces éléments pris dans leur ensemble le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.



Toutefois, l'employeur établit que le salarié a été sanctionné pour des produits périmés en octobre 2018 et qu'il a été licencié pour la même raison en janvier 2019 pour les mêmes faits constatés le 26 décembre 2018. L'employeur justifie que le salarié était présent lors du contrôle d'octobre 2018.



Sur la mise à pied du 6 décembre 2018, l'employeur produit la lettre de convocation du 7 novembre 2018 à l'entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire fixé au 15 novembre 2018.



La lettre de l'employeur prononçant la mise à pied est du 6 décembre 2018.



Le salarié ne conteste pas qu'il connaissait l'objet de la contestation avant l'entretien disciplinaire. Il a été régulièrement convoqué et a pu s'expliquer sur les faits reprochés.



L'employeur produit une attestation de M. [M] [B] relatant que client du magasin, il avait signalé le lundi 8 octobre 2018 la présence d'une quinzaine de produits périmés au rayon charcuterie depuis plusieurs jours ; il ajoute que le mercredi 10 octobre 2018, il a également trouvé plusieurs paquets de jambon périmés, il a laissé les paquets périmés à l'accueil du magasin.



Le salarié ne conteste pas la présence de produits périmés dans le rayon dont il avait la charge mais invoque qu'il était en arrêt maladie à l'époque des faits, il ressort toutefois que ses bulletins de paie ne mentionnent pas d'absence maladie le 12 octobre 2018. Elles mentionnent des absences pour arrêts maladie du 5 au 13 juillet 2018, du 1er août au 31 août 2018, du 1er septembre au 3 septembre 2018 et du 26 octobre au 31 octobre 2018. Les avis d'arrêt de travail produits portent sur ces périodes et non sur le 12 octobre 2018. Le salarié ne verse aucune preuve de ce qu'il aurait été absent le 12 octobre 2018.



La lettre de sanction est motivée et fait état précisément de la liste des articles périmés avec la date de péremption, il lui est ainsi reproché la présence dans le rayon de 118 produits périmés sur une période allant du 29 septembre 2018 au 9 octobre 2018, et la présence dans le rayon de 28 produits périmés le 27 octobre 2018.



Il n'est pas discuté que le salarié devait veiller à ce que son rayon ne contienne pas de produits périmés.



Il s'agit d'une faute contractuelle dans l'exécution du contrat de travail.



La mise à pied disciplinaire était dès lors une mesure justifiée reposant sur des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral



Sur le licenciement pour faute grave, le salarié soutenant que son licenciement s'inscrit dans un acharnement à son encontre, il convient de rechercher sur quels faits reposent cette décision.



La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits, imputable au salarié, constituant une violation des obligations s'attachant à son emploi, d'une importance telle qu'il rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.



Le juge doit apprécier si la sanction prononcée est proportionnée à la nature et à la gravité des faits reprochés. La charge de la preuve repose exclusivement sur l'employeur. En application de l'article L 1235-1, le doute profite au salarié.



La lettre de licenciement reproduite intégralement dans les conclusions de l'employeur fixant les limites du litige expose que 'votre contrat de travail fixait vos missions principales dont notamment le respect des règles d'hygiène/qualité sur vos rayons. Or force est de constater que vos engagements n'ont pas été respectés'.



L'employeur cite ensuite une liste de 76 produits périmés (date de limite de consommation dépassée).



'Lors de votre entretien préalable vous vous êtes contenté de contester les faits. Pourtant ce sont les autocontrôles, faits par vos collègues des caisses et des rayons frais libre service mis en place dans le magasin qui ont permis de les sortir de la vente, ceux-ci étant en rayon. Lors de contrôle nous avons également retrouvé dans les conteneurs poubelle des produits ayant encore plusieurs jours de dates et d'autres à la date du jour et non stickés'. La lettre cite 22 articles.



L'employeur rappelle que le salarié a déjà été sanctionné pour le même motif le 6 décembre 2018.



Il fait aussi état que le salarié passe beaucoup de temps dans d'autres rayons pour discuter au lieu de faire son travail. Il ajoute que le salarié passe beaucoup de temps à contrôler les dates de péremption et que malgré tout il en ressortait beaucoup de périmés. Des collègues de travail ont également relevé qu'il ne prenait pas la peine de sticker et solder les DLC du jour mais les passait directement à la poubelle 'ce qui est parfaitement contraire aux pratiques commerciales de l'entreprise.'.



Lors de l'entretien préalable, le salarié s'est contenté de nier tout en disant 'c'est possible si vous le dites, c'est que cela doit être vrai'.



Il est ensuite reproché au salarié de démotiver les équipes et de discréditer la direction.



La lettre de licenciement cite que 'la campagne de dénigrement a vu son apogée et a éclaté le 21 décembre 2018 en relatant les propos tronqués' que le directeur et le sous-directeur auraient eu vis à vis l'un de l'autre'. Elle précisait que 'le propos commun..était : 'de toute façon il me reste un mois et demi avant mon congé parental et je ne reviendrai pas ici, c'est mort.'. Nous vous avons alors demandé...si ce comportement était la mise en exécution de vos menaces verbales du 10 octobre 2018 qui étaient de foutre le bordel et faire un mouvement de grève....



L'employeur relate un épisode du 22 décembre 2018 où le salarié discute avec un collègue de travail, un café à la main, et fait un geste avec le café vers le directeur adjoint, celui -ci a 'clairement identifié ce geste comme 'à votre santé' ceci au centre du magasin et au milieu des clients. Nous qualifions ce geste comme un manque de respect de notre clientèle et votre hiérarchie'.



L'employeur produit plusieurs attestations émanant du directeur du magasin, de collègues de travail travaillant dans le magasin et d'agents de sécurité.



M. [E] [R] directeur a attesté que le 21 décembre 2018 le salarié est venu le voir avec un grand sourire, il lui a dit qu'il avait rencontré le sous-directeur pour son comportement au travail, il a dit lui 'en avoir mis plein la tête', qu'il ne faisait rien et ne savait pas gérer, il lui a répondu que lui aussi 'en avait pris pour son grade'. Il lui a demandé pourquoi son comportement avait changé car il passait plus de temps à discuter qu'à travailler. Il a précisé qu'une quantité importante de produits périmés avait été retrouvé le 26 décembre 2018 dans le rayon du salarié par des collègues de travail après qu'il ait effectué lui même un contrôle. Il y avait aussi dans les poubelles des produits 'à date de jour' qu'il aurait dû mettre en vente à - 50 %, et des produits encore valables plusieurs jours. Il a alors décidé de le mettre à pied à titre conservatoire. La liste des produits concernés est jointe à l'attestation.



M. [D] [Y] directeur adjoint a témoigné que le salarié dénigrait le directeur et a essayé de les mettre en ' porte à faux'. Il passait beaucoup de temps à démotiver ses collègues.



M. [G] comptable atteste que le mercredi 26 décembre 2018, il a fouillé avec le directeur adjoint et un agent de sécurité un conteneur poubelle où le salarié avait jeté des articles de son rayon. Ils ont constaté que de nombreux articles étaient périmés depuis plusieurs jours, que des produits encore comestibles avaient été jetés ainsi que des produits à date de jour et non mis en promotion.



M. [N] [P] chef boucher et délégué du personnel atteste que le salarié avait changé en fin d'année 2018, il discutait souvent, il passait un certain temps à contrôler les dates de péremption mais malgré tout des produits périmés ont été retrouvés par ses collègues le 26 décembre 2018.



Mme [U] [V] a également attesté que le salarié ne s'intéressait plus à son travail, qu'il passait son temps à discuter avec des collègues, que des produits périmés avait été retrouvés dans les poubelles le 26 décembre 2018.



Mme [H] [Z], responsable fichier a témoigné que de nombreux produits périmés ont été retrouvés dans le rayon du salarié le 26 décembre 2018.



M. [I] [O], agent de sécurité a confirmé la présence de produits non périmés et de produits à date limite de consommation non soldés dans les poubelles. Il a joint la liste des produits à son attestation.



Ces attestations sont précises et concordantes.



Elles établissent que le salarié a laissé de nombreux produits périmés dans son rayon.



Il avait pourtant été sanctionné d'une mise à pied pour les mêmes faits peu avant les nouveaux faits reprochés.



Là encore ces faits sont objectifs.



Le fait de laisser des produits périmés dans les rayons caractérise la faute grave, cela met en cause l'hygiène et la sécurité des consommateurs, et il s'agit de faits s'étant reproduits dans un court laps de temps.



Dans ces conditions, si l'employeur est mis en cause de manière générale par des témoins sur un harcèlement, sans que les témoins fassent état de faits précis à l'exception des sanctions prises à l'encontre du salarié, les décisions de l'employeur reposaient sur des éléments objectifs et étrangers à tout harcèlement moral.



Le harcèlement sera dès lors écarté, et le licenciement pour faute grave validé sans qu'il soit nécessaire d'apprécier les griefs tenant au discrédit ou au comportement de laissez aller retenus dans la lettre de licenciement.



La demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile formulée par l'intimée sera rejetée en raison de situation économique de l'appelant.





Par ces motifs,



La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;



Annule le jugement en date du 25 mars 2021 rendu par le conseil de prud'hommes d'Annemasse,



Evoquant le fond,



Dit qu'aucun harcèlement moral n'est établi ;



Dit que la sanction disciplinaire de mise à pied notifiée le 6 décembre 2018 est justifiée ;



Dit que le licenciement pour faute grave est justifié ;



en conséquence,



Déboute M. [MK] [L] de ses demandes de rappel de salaire et congés payés sur les périodes de mise à pied prononcées à titre principal, pour celle du 6 décembre 2018 et à titre conservatoire dans le cadre du licenciement pour faute grave, de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif et de paiement de l'indemnité de préavis et congés payés afférents et d'indemnité de licenciement ;



Déboute M. [L] de sa demande de remise de documents conformes ;



Vu l'article 700 du code de procédure civile,



Déboute la société SAS Dorine de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Condamne M. [L] aux dépens de première instance et d'appel.



Ainsi prononcé publiquement le 15 Septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Delphine AVERLANT, faisant fonction de Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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