15 septembre 2022
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 19/01797

2ème CHAMBRE CIVILE

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 15 SEPTEMBRE 2022







F N° RG 19/01797 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K6IB









Monsieur [A] [C] [R] [E]

Madame [J] [Y] [U] épouse [E]





c/



Monsieur [P] [M]



























Nature de la décision : AU FOND























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 07 mars 2019 (R.G. 16/01435) par le Tribunal de Grande Instance d'ANGOULEME suivant déclaration d'appel du 01 avril 2019



APPELANTS :



[A] [C] [R] [E]

né le 28 Avril 1955 à [Localité 4]

de nationalité Française

Retraité, demeurant [Adresse 1]



[J] [Y] [U] épouse [E]

née le 17 Novembre 1954 à [Localité 5]

de nationalité Française

Retraitée, demeurant [Adresse 1]



Représentés par Me Michel PUYBARAUD de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX et assistés de Olivier GUEVENOUX de la SELARL SEMIOS, avocat au barreau de CHARENTE



INTIMÉ :



[P] [M]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]



Représenté par Me Nicolas BRUNEAU de la SCP BRUNEAU-GROLLEAU, avocat au barreau de CHARENTE





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 14 juin 2022 en audience publique, devant la cour composée de :



Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller



qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : Mme Annie BLAZEVIC



ARRÊT :



- contradictoire



- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.


EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE



M. [A] [E] et Mme [J] [U] épouse [E] (M. et Mme [E]) ont signé le 5 mai 2012 un devis d'un montant de 539 887,73 euros établi par l'E.U.R.L Planète Paysage, pour l'aménagement du parc de leur propriété situé dans la commune de [Localité 3], travaux comportant notamment la création d'un aménagement végétalisé et d'un bassin de baignade naturelle.



Dans le cadre de l'élaboration de ce bassin, l'E.U.R.L. Planète Paysage a mis en oeuvre le concept 'Woodeo' de la société Novintiss, consistant en la mise en place d'une structure en bois étanche permettant de délimiter la zone de baignade de la zone de 'lagunage' (lagune de filtration du bassin naturel).



Le montant total du devis a été ramené par la suite à la somme de 508 074,54 euros TTC. M. et Mme [E] ont procédé au règlement de la somme de 484 258,38 euros TTC.



Les propriétaires ont pris possession des lieux le 23 août 2013 à l'occasion d'une réception au cours de laquelle le bassin de nage a été utilisé.



Se plaignant de travaux non achevés et de l'existence de nombreux désordres, notamment au niveau du bassin de baignade, M. et Mme [E] ont fait établir le 28 décembre 2013 un constat d'huissier puis, par acte du 16 mai 2014, saisi le juge des référés du tribunal de grande instance d'Angoulême afin d'obtenir l'instauration d'une mesure d'expertise judiciaire au contradictoire des sociétés Novintiss, Planète Paysage et de son assureur Les Mutuelles du Mans Assurances Iard (la société MMA), venant aux droits de la société Covea Risks.



L'ordonnance du 25 juin 2014 a fait droit à leur demande et désigné M. [A] [Z].



Ce dernier a rendu son rapport le 30 juillet 2015.



Il ressort de ce rapport d'expertise que la réalisation du bassin de baignade par l'E.U.R.L.

Planète Paysage n'est pas conforme aux règles de l'art et que de nombreux désordres sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination et que quelques désordres ont été relevé concernant l'aménagement végétalisé.



L'expert évalue le coût des travaux propres à remédier aux désordres affectant le bassin de baignade à la somme de 194 770,76 euros TTC et celui des désordres concernant le bassin végétalisé à la somme de 1 403,80 euros TTC, ce qui représente un montant total de 196 174,56 euros TTC.



Par actes d'huissier des 14 et 15 juin 2016, M. et Mme [E] ont assigné la E.U.R.L. Planète Paysage, son ancien gérant M. [P] [M] et M. [I] [G], son nouveau gérant depuis le 20 juillet 2012, devant le tribunal de grande instance d'Angoulême afin d'obtenir, au visa des articles 1792 et suivants du code civil, L.111-34 du code de la construction, L.241-1 du code des assurances et L.223-22 du code de commerce, l'indemnisation de divers préjudices.



Suivant exploits d'huissier des 12 et 16 janvier 2017, l'E.U.R.L. Planète Paysage a assigné en garantie son assureur MMA et la société Novintiss.



Les deux procédures ont été ultérieurement jointes par mention au dossier.



Par jugement en date du 7 mars 2019, le tribunal a :



- dit que les désordres constatés par l'expert au niveau du bassin biologique et de l'aménagement végétalisé réalisés au domicile des époux [E] sont imputables à la société Planète Paysage et engagent sa responsabilité décennale, sauf en ce qui concerne les désordres suivants qui relèvent de sa responsabilité contractuelle, au vu de leur absence de gravité :

- dalle de travertin fissurée ;

- végétaux morts ;

- dysfonctionnement des détecteurs de présence ;

- constaté que la société MMA est bien fondée à opposer des motifs de non-garantie ;

- condamné l'E.U.R.L. Planète Paysage à payer à M. et Mme [E] les sommes de :

- 196 174,56 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres ;

- 10 000 euros au titre de l'indemnisation de leur préjudice de jouissance ;

- débouté la Société Planète Paysage de ses demandes à l'encontre des sociétés MMA Iard et Novintiss ;

- déclaré le rapport d'expertise judiciaire inopposable à M. [P] [M] ;

- débouté M. et Mme [E] de leurs demandes à l'encontre de messieurs [M] et [G] ;

- débouté M. [M] de ses demandes à l'encontre des époux [E], de M. [G] et de l'E.U.R.L. Planète Paysage ;

- débouté la société MMA Iard de ses demandes à l'encontre de la société Novintiss ;

- condamné l'E.U.R.L. Planète Paysage à payer à :

- M. et Mme [E] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la société Novintiss la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la société MMA Iard la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné l'E.U.R.L. Planète Paysage aux entiers dépens y compris les frais d'expertise ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires au présent dispositif.



Par déclaration électronique du 1er avril 2019, M. et Mme [E] ont relevé appel partiel du jugement en ce qu'il a déclaré le rapport d'expertise judiciaire inopposable à M. [P] [M], les a déboutés de leurs demandes à l'encontre de Messieurs [M] et [G] et a rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires aux dispositifs de leurs conclusions (RG 19/1797).



Suivant une déclaration du 30 avril 2019, l'E.U.R.L. Planète Paysage a également relevé appel partiel du jugement, intimant M. et Mme [E] ainsi que la société MMA (RG 19/2465).







Un accord transactionnel a été par la suite conclu entre M. et Mme [E], l'entrepreneur et son nouveau gérant M. [G].



Par conclusions du 4 octobre 2019, M. et Mme [E] se sont désistés de leur voie de recours à l'encontre de M. [I] [G]. De même, l'E.U.R.L. Planète Paysage a indiqué dans ses écritures du 10 octobre 2019 se désister de son appel. En conséquence, deux ordonnances rendues le 17 octobre 2019 par le conseiller de la mise en état ont constaté ces désistements partiels, prononcé le dessaisissement partiel de la cour et dit que la procédure se poursuivra entre M. et Mme [E] d'une part et M. [P] [M].



M. et Mme [E], dans leurs dernières conclusions d'appelants du 22 octobre 2019, demandent à la cour, de :



- réformer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré inopposable à M. [M] le rapport d'expertise judiciaire ;

- réformer le jugement attaqué en ce qu'il n'a retenu aucune faute à l'encontre de M. [M] et, statuant à nouveau :

- dire et juger que le rapport d'expertise est opposable à M. [M] dès lors qu'il a eu la possibilité d'en discuter les conclusions, qu'il a participé aux opérations et a été entendu par l'expert en ses explications et observations ;

- dire et juger qu'en réalisant un acte de construction susceptible d'engager la responsabilité décennale de la société Planète Paysage bien que n'entrant pas dans l'objet social et sans avoir souscrit l'assurance obligatoire adéquate, M. [M] a au contraire engagé sa responsabilité personnelle sur le fondement de l'article L223-22 alinéa I et 2 du code de commerce ;.

- condamner M. [M] à leur payer les sommes de :

- 55 174,56 euros ;

- 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel qui comprendront les deux précédents référés, le coût du constat d'huissier du 28 décembre 2013 et le coût de l'expertise judiciaire.

- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier et que le montant des sommes retenues par l'huissier en application de l'article A444-32 du code de commerce devra être supporté par M. [P] [M] en supplément de l'article 700 du code de procédure civile.



M. [M], dans ses dernières conclusions d'intimé du 23 juillet 2019, demande à la cour de :



A titre liminaire :

- constater qu'il n'était pas partie aux procédures de référé ;

- constater qu'il n'a pas été mis en cause dans le cadre des opérations d'expertise ;

- dire et juger que les opérations d'expertise lui seront par conséquent déclarées inopposables, avec toutes conséquences de droit ;



A titre subsidiaire :

- constater qu'il n'était plus gérant ni associé de la société Planète Paysage ni ne faisait partie des effectifs de l'entreprise lorsque celle-ci a engagé puis poursuivi les travaux litigieux, de même qu'il n'a aucunement supervisé la conduite de ces derniers ;

- dire et juger en conséquence qu'il ne peut en aucun cas être tenu pour responsable du dommage prétendument subi par les époux [E] ;

- débouter les époux [E] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement attaqué ;



Y ajoutant :

- condamner solidairement les époux [E] à lui verser la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens de l'instance.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 mai 2022.



A l'audience du 14 juin 2022, les parties ont été invitées, par le biais d'une note en délibéré, à fournir des observations sur l'intérêt à agir de M. et Mme [E] à l'encontre de M. [M] et sur la détermination de la date d'ouverture du chantier.



Les parties ont fourni, via le réseau RPVA de sorte que le principe du contradictoire a été respecté, des éléments en réponse dans les délais impartis par la cour.



Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Il convient, à titre liminaire, de rappeler que les demandes tendant à voir constater un fait ne sont pas des prétentions au sens de l'article 30 du code de procédure civile et sont dépourvues d'effet juridique. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur celles-ci.



- Sur l'opposabilité du rapport d'expertise (et sa valeur probante):



En première instance, M. [M] soulevait déjà l'inopposabilité du rapport d'expertise judiciaire.



Le tribunal a déclaré inopposable à l'ancien gérant de l'E.U.R.L. Planète Paysage le rapport de M. [Z] sans cependant motiver sa décision et rejeté les prétentions formées par M. et Mme [E] à son encontre.



Au soutien de leur demande de condamnation de M. [M], les appelants font essentiellement valoir :



- que le rapport d'expertise judiciaire lui est opposable et ce même il n'a pas participé au déroulement des opérations, dès lors qu'il a la possibilité d'en discuter les conclusions ;

- qu'en tout état de cause, la lecture de la page 14 du rapport d'expertise démontre que celui-ci était présent au jour des opérations et qu'il a été entendu en ses observations.



L'expertise judiciaire ne peut être le seul fondement d'une condamnation à l'encontre d'une partie qui n'y a pas été partie quand bien même celle-ci a pu en discuter les conclusions dans le cadre des débats au fond. Le rapport d'expertise doit être corroboré par d'autres éléments de preuve (Civ. 3ème, 12 novembre 2015, n° 14-15.737).



Les éléments de réponse suivants doivent être apportés :



A la date à laquelle l'E.U.R.L. Planète Paysage a été assignée devant le juge des référés, M. [M] ne disposait effectivement plus de la qualité de gérant de celle-ci. Il n'était d'ailleurs pas partie à l'instance ayant abouti à la désignation de l'expert judiciaire.



Si celui-ci a (cependant) participé aux opérations d'expertise menées par l'expert judiciaire comme le démontre la lecture des pages 14 et 38 de son rapport, ayant pu échanger avec M. [Z], lui faire part de ses observations et répondre aux questions de l'expert, il ne peut cependant en être déduit qu'il disposait de la qualité de partie.



Toutefois, le rapport d'expertise judiciaire a été régulièrement communiqué à M. [M] au cours de la procédure au fond et le (Le) document établi par M. [Z] ne constitue pas le seul élément versé aux débats par M. et Mme [E]. En effet, le constat d'huissier du 28 décembre 2013, régulièrement soumis à la contradiction dans le cadre de la présente instance, énumère les désordres qui ont été repris en des termes identiques par M. [Z], lequel se trouve ainsi suffisamment corroboré.



L'E.U.R.L. Planète Paysage a d'ailleurs reconnu sa responsabilité décennale en signant un protocole d'accord avec ses clients à la suite du prononcé du jugement aux termes duquel elle leur a versé une indemnisation d'un montant de 156 000 euros. Elle s'est désistée par la suite de son appel, acceptant ainsi sa condamnation.



Ces éléments permettent de déclarer opposable à M. [M] le rapport d'expertise judiciaire et d'en retenir sa valeur probante. Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.



- Sur la responsabilité de M. [M]



Aux termes du premier alinéa de l'article L.223-22 du code de commerce, 'Les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion'.



En réponse à la suite d'une note en délibéré, M. [M] ne conteste pas l'intérêt à agir de M. et Mme [E].



Le tribunal a considéré qu'il n'y avait pas lieu de retenir la responsabilité personnelle de ce dernier à l'encontre duquel il ne peut être relevée aucune faute intentionnelle en lien direct avec le défaut d'assurance.



En appel, M. et Mme [E] reprochent à nouveau à M. [M] trois manquements, en l'occurrence :

- l'absence de souscription par M. [M], alors qu'il était gérant de l'E.U.R.L. Planète Paysage, d'une assurance décennale couvrant l'activité de construction de piscines ce qui n'a pas permis à l'assureur MMA de garantir le paiement du montant des travaux réparatoires ;





- l'acceptation par sa société de la construction d'une piscine en dehors de toute compétence spécifique, activité étrangère à son objet social ;

- la déprogrammation de la formation technique qui devait être assurée le 18 décembre 2012 par la société Novintiss, concepteur du procédé pour la première fois mis en 'uvre, de sorte que M. [G], en sa qualité de nouveau gérant de l'E.U.R.L, ne disposait pas des compétences techniques suffisantes pour réaliser le chantier. .



Suivant ses dernières conclusions, l'intimé conclut au rejet des prétentions des appelants et à la confirmation du jugement attaqué.



Sur la déprogrammation de la journée de formation



Il ne peut être reproché à M. [M] d'avoir omis de reprogrammer la journée de formation pratique qui devait être dispensée sur le chantier de M. et Mme [E] par la société Novintiss à la suite de son annulation survenue au mois de décembre 2012 pour cause d'intempéries. En effet, celui-ci avait cessé ses fonctions de gérant à cette date de sorte qu'il ne disposait plus de l'autorité pour prendre une décision engageant l'E.U.R.L. Sa responsabilité ne saurait dès lors être recherchée.



Sur les deux autres griefs



Par application du premier alinéa de l'article L.241-1 du code des assurances 'Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance'.



L'article L111-34 du code de la construction prévoit que quiconque contrevient aux dispositions des articles L241-1 à L242-1 du code des assurances sera puni d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 75000 euros ou l'une de ces deux peines.



A la date de l'établissement du devis pour le compte des appelants, soit le 5 mai 2012, M. [M] disposait de la qualité de gérant de la société Planète Paysage. Il n'y a donc pas lieu de tenir compte du changement de statuts et de gérant intervenu le 20 juillet 2012.



Bien qu'aucune DROC n'ait été formalisée, il apparaît que le chantier a débuté au début du mois de juin 2012, soit à une date à laquelle il était toujours le responsable légal de l'E.U.R.L.



Lors des opérations expertales à laquelle il a participé sans cependant disposer encore de la qualité de partie à la procédure, M. [M] a indiqué à M. [Z] avoir suivi les travaux entrepris pour le compte de M. et Mme [E] jusqu'au mois de janvier 2013 (rapport p6).



Le jugement de première instance a justement fait application des conditions particulières du contrat d'assurance souscrit par l'E.U.R.L. Planète Piscine prévoyant 'qu'en aucun cas, le souscripteur ne peut intervenir dans l'installation de piscine, d'étang et d'ouvrage de soutènement' et estimé dès lors que la garantie décennale souscrite auprès de la société MMA n'avait pas vocation à être mobilisée dans la mesure où l'ouvrage réalisé sur la propriété de M. et Mme [E] ne pouvait être analysé en un simple bassin d'agrément mais consistait, compte-tenu de ses larges dimensions et de sa destination, en la construction d'une véritable piscine.



Dès lors, M. [M], qui ne critique pas la mise hors de cause de l'assureur désormais définitive, ne peut par conséquent soutenir que l'expert judiciaire n'a pas expressément qualifié de piscine la construction réalisée au profit des appelants. Il ne peut dès lors considérer d'une part que la police d'assurance souscrite par l'E.U.R.L. Planète Paysage auprès de la société MMA a vocation à s'appliquer et d'autre part que le chantier réalisé au profit de M. et Mme [E] s'inscrivait bien dans les activités de sa société.



Le gérant d'une société de construction qui ne souscrit pas d'assurance décennale commet une faute intentionnelle constitutive d'une infraction pénale et séparable de ses fonctions sociales. Il engage ainsi sa responsabilité personnelle (Civ. 3ème, 10 mars 2016, n° 14-15.326 et 14 décembre 2017, n° 16-24.492).



Il est également établi que le défaut de souscription des assurances obligatoires de dommages et de responsabilité, constitue une faute séparable des fonctions, dès lors que le gérant a sciemment accepté d'ouvrir un chantier sans que la société soit couverte par une assurance (Com. 28 septembre 2010, n° 09-66.255).



Il apparaît ainsi que M. [M], en sa qualité de gérant de l'E.U.R.L. Planète Paysage, a sciemment accepté le 5 mai 2012 de réaliser la construction d'une véritable piscine tout en ayant connaissance de l'absence de souscription d'une garantie décennale pour cette activité spécifique. De même, il a consenti à ce que la société dont il était le gérant exécute des travaux qui n'entraient pas dans le véritable objet social de celle-ci, s'agissant de la mise en oeuvre pour la première fois du procédé technique mis au point par la société Novintiss.



En agissant ainsi, il n'a pas permis à M. et Mme [E] de bénéficier d'une indemnisation par de la société MMA des désordres de nature décennale et a en conséquence engagé sa responsabilité personnelle.



Le jugement de première instance sera dès lors infirmé sur ce point.



Sur le montant du préjudice de M. et Mme [E]



M. et Mme [E] réclament l'indemnisation de leur préjudice chiffré à 55 174,56 euros, précisant que ce montant correspond à la différence entre la somme versée par l'E.U.R.L. Planète Paysage en exécution du protocole transactionnel et celles accordées par le tribunal de grande instance (196 174,56 + 10 000+ 5 000 -156 000).



M. [M] fait justement observer en réponse qu'il n'est pas l'auteur des désordres et autres malfaçons découlant des travaux réalisés par l'E.U.R.L. Planète Paysage.



En conséquence, seule sa faute consistant en acceptant, en sa qualité de gérant, de réaliser des travaux différents de ceux régulièrement entrepris par sa société et sans avoir procédé à une déclaration de cette activité nouvelle à son assureur MMA afin de garantir sa responsabilité décennale, doit être prise en considération.



Cette situation a incontestablement causé un préjudice financier à M. et Mme [E].



En application du principe de réparation intégrale du préjudice subi par des tiers, il y a lieu de chiffrer à la somme de 40 174,56 euros (196 174,56-156 000) le préjudice des appelants, montant qui représente la perte financière réelle tirée de l'absence de garantie par l'assureur décennal des désordres résultant des travaux entrepris par l'E.U.R.L. Planète Paysage.



Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens



Si la décision de première instance doit être confirmée, Il y a lieu en cause d'appel de mettre à la charge de M. [M] le versement à M. et Mme [E], ensemble, d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres prétentions de ce chef.



M. [M] sera condamné, in solidum avec l'E.U.R.L. Planète Paysage, aux dépens de première instance comprenant les frais d'expertise judiciaire. Les dépens d'appel seront mis à la charge de M. [M].



PAR CES MOTIFS



Confirme, dans les limites de l'appel, le jugement rendu le 7 mars 2019 par le tribunal de grande instance d'Angoulème en ce qu'il a rejeté la demande présentée par M. [A] [E] et Mme [J] [U] épouse [E] à l'encontre de M. [P] [M] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau :



- Condamne M. [P] [M] à payer à M. [A] [E] et Mme [J] [U] épouse [E], ensemble, la somme de 40 174,56 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de souscription d'une couverture assurantielle décennale par la société Planète Paysage dont il était le gérant et de son acceptation fautive de procéder à la réalisation par cette société d'une activité étrangère à son objet social ;



- Condamne M. [P] [M], in solidum avec la société Planète Paysage, au paiement des dépens de première instance comprenant les frais d'expertise judiciaire;



Y ajoutant ;



- Condamne M. [P] [M] à verser à M. [A] [E] et Mme [J] [U] épouse [E], ensemble, une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



- Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;



- Condamne M. [P] [M] au paiement des dépens d'appel.



La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Annie BLAZEVIC, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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