14 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-13.015

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00922

Texte de la décision

SOC.

OR



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 septembre 2022




Rejet


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 922 F-D

Pourvoi n° F 21-13.015




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 SEPTEMBRE 2022

La société Protec prestige privée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 21-13.015 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6 , chambre 11), dans le litige l'opposant à M. [L] [D], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Protec prestige privée, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [D], après débats en l'audience publique du 9 juin 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 novembre 2020), M. [D] a été engagé à compter du 1er février 2016 par la société Protec prestige privée, en qualité d'agent de sécurité.

2. Le salarié a été élu délégué du personnel suppléant le 17 janvier 2017.

3. Ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail le 1er juin suivant, il a saisi la juridiction prud'homale afin de faire produire à cette rupture les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement illicite et de le condamner, en conséquence, à payer diverses indemnités au salarié, alors :

« 1°/ que si le passage d'un horaire de travail de nuit à un horaire de jour constitue une modification du contrat de travail, requérant l'accord du salarié, une telle modification n'est pas caractérisée lorsque l'intéressé, dont les horaires de travail ne sont pas contractualisés, exerce son activité sur des horaires diversifiés, pour partie le jour et pour partie de nuit, sans que les changements d'horaires décidés par l'employeur ne suppriment cette diversification ; qu'en application de l'article L. 3122-2, alinéa 2, du code du travail, la période de travail de nuit commence au plus tôt à 21 heures et s'achève au plus tard à 7 heures ; qu'en l'espèce, pour estimer que l'employeur aurait imposé au salarié le passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour, et en déduire qu'en cet état la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [D] devait produire les effets d'un licenciement illicite, la cour d'appel a retenu que de février 2016 à septembre 2016, le salarié a travaillé selon des horaires de nuit, tandis qu'à compter du mois de novembre 2016, les plannings de travail de l'intéressé comportaient en majorité des horaires de travail de jour, de sorte que la proportion entre les horaires de nuit et les horaires de jour a été radicalement inversée par l'employeur à compter de cette date, ce qui caractérise le passage d'un horaire de travail de nuit à un horaire de travail de jour ; qu'en statuant ainsi, tout en relevant d'une part que de février à septembre 2016, le salarié travaillait de 19 h à 7 h, d'autre part qu'au mois d'octobre 2016, le salarié travaillait de 20 h à 00 h, de troisième part qu'en décembre 2016, le salarié a travaillé au moins quatre nuits de 20 h à 00 h et de 19 h à 7 h, enfin que de janvier à mars 2017, les plannings de travail comportaient quatre à cinq nuits par mois, outre un horaire de 9 h à 1 h, ce dont il résulte que depuis son embauche, M. [D] n'avait cessé de travailler pour partie de jour et pour partie de nuit, de sorte que les changements d'horaires décidés par l'employeur relevaient de son pouvoir de direction et ne pouvaient caractériser une modification du contrat de travail, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé le texte susvisé ;

2°/ que lorsque les horaires de travail ne sont pas contractualisés et que le salarié exerce son activité sur des plages horaires diversifiées, indifféremment de jour comme de nuit, le changement des horaires par l'employeur ne caractérise pas une modification de son contrat de travail ; qu'en l'espèce, pour estimer que l'employeur avait imposé au salarié le passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour, et en déduire qu'en cet état la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [D] devait produire les effets d'un licenciement illicite, la cour d'appel a retenu que de février à septembre 2016, le salarié a travaillé selon des horaires de nuit, tandis qu'à compter du mois de novembre 2016, les plannings de travail de l'intéressé comportaient en majorité des horaires de travail de jour, de sorte que la proportion entre les horaires de nuit et les horaires de jour a été radicalement inversée par l'employeur à compter de cette date, ce qui caractérise le passage d'un horaire de travail de nuit à un horaire de travail de jour ; qu'en statuant ainsi, tout en relevant d'une part que de février à septembre 2016, le salarié travaillait de 19 h à 7 h, d'autre part qu'au mois d'octobre 2016, le salarié travaillait de 20 h à 00 h, de troisième part qu'en décembre 2016, le salarié a travaillé au moins quatre nuits de 20 h à 00 h et de 19 h à 7 h, enfin que de janvier à mars 2017, les plannings de travail comportaient quatre à cinq nuits par mois, outre un horaire de 9 h à 1 h, ce dont il résulte que depuis son embauche, M. [D], dont les horaires de travail n'avaient pas été contractualisés, travaillait indifféremment de jour comme de nuit, selon des horaires diversifiés et, le plus souvent, pour partie de jour et pour partie de nuit, de sorte que les changements d'horaires décidés par l'employeur relevaient de son pouvoir de direction et ne pouvaient caractériser une modification du contrat de travail, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé l'article L. 3122-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. Ayant retenu, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que le salarié avait travaillé dès son embauche en février 2016 et jusqu'au 30 septembre 2016 selon des horaires de nuit et qu'après une première modification des horaires de travail au mois d'octobre 2016, la proportion entre les horaires de nuit et les horaires de jour avait été radicalement inversée par l'employeur à compter du mois de novembre 2016, la cour d'appel a pu en déduire que le changement par l'employeur des horaires de nuit en horaires de jour constituait une modification du contrat de travail nécessitant l'accord du salarié.

7. Le moyen, qui, au surplus, est inopérant pour la période postérieure au 17 janvier 2017, aucun changement de ses conditions de travail ne pouvant être imposé à un salarié protégé, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Protec prestige privée aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Protec prestige privée et la condamne à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour la société Protec Prestige Privée

PREMIER MOYEN DE CASSATION

LE POURVOI REPROCHE À L'ARRÊT INFIRMATIF ATTAQUE D'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [L] [D] a produit les effets d'un licenciement illicite et d'AVOIR, en conséquence, condamné l'employeur à payer diverses indemnités au salarié ;

1°) ALORS QUE si le passage d'un horaire de travail de nuit à un horaire de jour constitue une modification du contrat de travail, requérant l'accord du salarié, une telle modification n'est pas caractérisée lorsque l'intéressé, dont les horaires de travail ne sont pas contractualisés, exerce son activité sur des horaires diversifiés, pour partie le jour et pour partie de nuit, sans que les changements d'horaires décidés par l'employeur ne suppriment cette diversification ; Qu'en application de l'article L 3122-2 al. 2 du code du travail, la période de travail de nuit commence au plus tôt à 21 heures et s'achève au plus tard à 7 heures ; Qu'en l'espèce, pour estimer que l'employeur aurait imposé au salarié le passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour, et en déduire qu'en cet état la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [D] devait produire les effets d'un licenciement illicite, la cour d'appel a retenu que de février 2016 à septembre 2016, le salarié a travaillé selon des horaires de nuit, tandis qu'à compter du mois de novembre 2016, les plannings de travail de l'intéressé comportaient en majorité des horaires de travail de jour, de sorte que la proportion entre les horaires de nuit et les horaires de jour a été radicalement inversée par l'employeur à compter de cette date, ce qui caractérise le passage d'un horaire de travail de nuit à un horaire de travail de jour ; Qu'en statuant ainsi, tout en relevant d'une part que de février à septembre 2016, le salarié travaillait de 19 h à 7 h, d'autre part qu'au mois d'octobre 2016, le salarié travaillait de 20 h à 00 h, de troisième part qu'en décembre 2016, le salarié a travaillé au moins quatre nuits de 20 h à 00 h et de 19 h à 7 h, enfin que de janvier à mars 2017, les plannings de travail comportaient quatre à cinq nuits par mois, outre un horaire de 9 h à 1 h, ce dont il résulte que depuis son embauche, M. [D] n'avait cessé de travailler pour partie de jour et pour partie de nuit, de sorte que les changements d'horaires décidés par l'employeur relevaient de son pouvoir de direction et ne pouvaient caractériser une modification du contrat de travail, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé le texte susvisé ;

2°) ALORS QUE lorsque les horaires de travail ne sont pas contractualisés et que le salarié exerce son activité sur des plages horaires diversifiées, indifféremment de jour comme de nuit, le changement des horaires par l'employeur ne caractérise pas une modification de son contrat de travail ; Qu'en l'espèce, pour estimer que l'employeur avait imposé au salarié le passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour, et en déduire qu'en cet état la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [D] devait produire les effets d'un licenciement illicite, la cour d'appel a retenu que de février à septembre 2016, le salarié a travaillé selon des horaires de nuit, tandis qu'à compter du mois de novembre 2016, les plannings de travail de l'intéressé comportaient en majorité des horaires de travail de jour, de sorte que la proportion entre les horaires de nuit et les horaires de jour a été radicalement inversée par l'employeur à compter de cette date, ce qui caractérise le passage d'un horaire de travail de nuit à un horaire de travail de jour ; Qu'en statuant ainsi, tout en relevant d'une part que de février à septembre 2016, le salarié travaillait de 19 h à 7 h, d'autre part qu'au mois d'octobre 2016, le salarié travaillait de 20 h à 00 h, de troisième part qu'en décembre 2016, le salarié a travaillé au moins quatre nuits de 20 h à 00 h et de 19 h à 7 h, enfin que de janvier à mars 2017, les plannings de travail comportaient quatre à cinq nuits par mois, outre un horaire de 9 h à 1 h, ce dont il résulte que depuis son embauche, M. [D], dont les horaires de travail n'avaient pas été contractualisés, travaillait indifféremment de jour comme de nuit, selon des horaires diversifiés et, le plus souvent, pour partie de jour et pour partie de nuit, de sorte que les changements d'horaires décidés par l'employeur relevaient de son pouvoir de direction et ne pouvaient caractériser une modification du contrat de travail, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé l'article L 3122-2 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

LE POURVOI REPROCHE À L'ARRÊT INFIRMATIF ATTAQUE D'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [L] [D] a produit les effets d'un licenciement illicite et d'AVOIR, en conséquence, condamné l'employeur à payer diverses indemnités au salarié dont 7 130 euros à titre d'indemnité pour licenciement illicite ;

1°) ALORS QUE le salarié demandait qu'il soit jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets « d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse » et que son employeur soit condamné notamment au paiement d'une somme de 12. 000 euros à titre de « dommages et intérêts pour rupture abusive » (dispositif des conclusions d'appel et arrêt p 2) ; qu'en jugeant que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets « d'un licenciement illicite » et en condamnant l'employeur à payer au salarié une somme de 7. 130 euros à titre « d'indemnité pour licenciement illicite », la cour d'appel a méconnu les termes du litige dont elle était saisis en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge doit en toute circonstance respecter le principe du contradictoire ; qu'à ce titre, il ne peut relever un moyen d'office sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations ; que le salarié demandait qu'il soit jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets « d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse » et que son employeur soit condamné notamment au paiement d'une somme de 12. 000 euros à titre de « dommages et intérêts pour rupture abusive » (dispositif des conclusions d'appel et arrêt p 2) ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail « produit les effets d'un licenciement illicite » et que l'employeur doit être condamné à payer au salarié une somme à titre « d'indemnité pour licenciement illicite », sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur ces qualifications qu'elle a relevées d'office, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

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