14 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-12.175

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00921

Texte de la décision

SOC.

OR



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 septembre 2022




Cassation partielle


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 921 F-D

Pourvoi n° T 21-12.175




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 SEPTEMBRE 2022

Mme [T] [S], épouse [U], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-12.175 contre l'arrêt rendu le 21 décembre 2020 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige l'opposant à la société La Poste, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [S], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société La Poste, après débats en l'audience publique du 9 juin 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 21 décembre 2020), Mme [S], épouse [U], a été engagée à compter du 25 août 1990 par la société La Poste. Dans le dernier état de la relation contractuelle, elle occupait le poste d'agent rouleur distribution.

2. Licenciée le 17 novembre 2015, la salariée a saisi la juridiction prud'homale le 9 août 2017 pour contester cette mesure.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors :

« 2°/ que le salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement doit soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de la caractériser et qu'il incombe ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme [U] de sa demande au titre d'une inégalité de traitement, résultant de ce qu'elle était classée I-2 tandis que Mme [R], au même poste, bénéficiait de la classification I-3, supérieure, la cour d'appel a énoncé que l'employeur ne contestait pas que Mme [R] bénéficiait de la classification évoquée avec une ancienneté au 9 décembre 1993 et indiquait que sur les quatre salariés au poste de rouleur, les trois autres relevaient de la même classification que Mme [U] et que seule Mme [R] avait un diplôme, Mme [U] ne pouvant utilement reprocher à La Poste de ne pas le justifier par les pièces produites compte tenu de sa propre carence probatoire ; qu'en statuant ainsi, cependant que la salariée ayant caractérisé une inégalité de classification par rapport à Mme [R], l'employeur devait la justifier objectivement, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement ;

3°/ que la seule différence de diplôme ne permet pas de fonder une différence de traitement entre des salariés exerçant les mêmes fonctions, sauf s'il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d'un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l'exercice de la fonction occupée ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme [U] de sa demande au titre d'une inégalité de traitement, résultant de ce qu'elle était classée I-2 tandis que Mme [R], au même poste, bénéficiait d'une classification au I-3, supérieure, la cour d'appel a énoncé que l'employeur ne contestait pas que Mme [R] bénéficiait de cette classification avec une ancienneté au 9 décembre 1993 et indiquait que sur les quatre salariés au poste de rouleur, les trois autres relevaient de la même classification que Mme [U] et que seule Mme [R] avait un diplôme, Mme [U] ne pouvant utilement reprocher à La Poste de ne pas le justifier compte tenu de sa propre carence probatoire ; qu'en statuant sans constater que Mme [R] détenait un diplôme spécifique attestant de connaissances particulières utiles à l'exercice de la fonction occupée, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement. »

Réponse de la Cour

Vu le principe d'égalité de traitement :

5. Il résulte de ce principe que la seule différence de diplômes ne permet pas de fonder une différence de traitement entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions, sauf s'il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d'un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l'exercice de la fonction occupée.

6. Pour débouter la salariée de sa demande en contestation du licenciement, l'arrêt retient que l'intéressée ne produit aucune pièce à l'appui du fait qu'elle invoque pour établir l'inégalité de traitement alors qu'il appartient au salarié qui invoque une inégalité de traitement en matière de salaire de soumettre au juge les éléments de fait permettant de considérer qu'à niveau de qualification et de compétences égales les autres salariés effectuant le même travail perçoivent un salaire supérieur au sien et il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence. Il ajoute que, toutefois, l'employeur ne conteste pas que Mme [R] bénéficiait de la classification évoquée avec une ancienneté au 9 décembre 1993 et indique que sur les quatre salariés au poste de rouleur au moment des faits, les trois autres relevaient de la même classification que Mme [U] et que seule Mme [R] avait un diplôme, l'intéressée ne pouvant utilement faire reproche à l'employeur de ne pas le justifier par les pièces qu'il produit aux débats compte tenu de sa propre carence probatoire.

7. En statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il résultait de ses constatations que l'employeur ne justifiait pas du diplôme de la salariée à laquelle elle se comparait, d'autre part, qu'elle ne constatait pas que ce diplôme attestait de connaissances particulières utiles à l'exercice de la fonction occupée, la cour d'appel a violé le principe susvisé.

Portée et conséquence de la cassation

8. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt ayant confirmé le jugement en ce qu'il a dit que la salariée n'avait pas été victime de harcèlement et débouté cette dernière de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral ainsi que de dommages-intérêts pour remise tardive des documents sociaux de fin de contrat.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement ayant dit que Mme [U] n'a pas été victime de harcèlement et débouté cette dernière de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral ainsi que de dommages-intérêts pour remise tardive des documents sociaux de fin de contrat, l'arrêt rendu le 21 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne la société La Poste aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société La Poste et la condamne à payer à Mme [S], épouse [U], la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme [S]

Mme [U] fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de ses demandes ;

Alors 1°) que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, après avoir jugé matériellement prouvés « le retard dans la réception de l'intégralité de ses tickets restaurants et le défaut de perception de la prime forfaitaire des agents rouleurs », la cour d'appel a retenu que Mme [U] « ne produit aucun document », notamment de nature médicale, ce que ne peuvent constituer les pièces relatives aux accidents du travail des 8 août et 11 septembre 2015, « susceptibles de démontrer que ces deux faits ont été à l'origine, ou ont eu pour objet, d'une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, de sorte qu'à eux seuls ils ne peuvent laisser présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'apprécier si les éléments matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve de l'existence du harcèlement moral sur le seul salarié, a en conséquence violé les articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail ;

Alors 2°) que le salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement doit soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de la caractériser et qu'il incombe ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme [U] de sa demande au titre d'une inégalité de traitement, résultant de ce qu'elle était classée I-2 tandis que Mme [R], au même poste, bénéficiait de la classification I-3, supérieure, la cour d'appel a énoncé que l'employeur ne contestait pas que Mme [R] bénéficiait de la classification évoquée avec une ancienneté au 9 décembre 1993 et indiquait que sur les 4 salariés au poste de rouleur, les trois autres relevaient de la même classification que Mme [U] et que seule Mme [R] avait un diplôme, Mme [U] ne pouvant utilement reprocher à La Poste de ne pas le justifier par les pièces produites compte tenu de sa propre carence probatoire ; qu'en statuant ainsi, cependant que la salariée ayant caractérisé une inégalité de classification par rapport à Mme [R], l'employeur devait la justifier objectivement, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement ;

Alors 3°) que la seule différence de diplôme ne permet pas de fonder une différence de traitement entre des salariés exerçant les mêmes fonctions, sauf s'il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d'un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l'exercice de la fonction occupée ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme [U] de sa demande au titre d'une inégalité de traitement, résultant de ce qu'elle était classée I-2 tandis que Mme [R], au même poste, bénéficiait d'une classification au I-3, supérieure, la cour d'appel a énoncé que l'employeur ne contestait pas que Mme [R] bénéficiait de cette classification avec une ancienneté au 9 décembre 1993 et indiquait que sur les 4 salariés au poste de rouleur, les trois autres relevaient de la même classification que Mme [U] et que seule Mme [R] avait un diplôme, Mme [U] ne pouvant utilement reprocher à La Poste de ne pas le justifier compte tenu de sa propre carence probatoire ; qu'en statuant sans constater que Mme [R] détenait un diplôme spécifique attestant de connaissances particulières utiles à l'exercice de la fonction occupée, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement ;

Alors 4°) qu' en ne répondant pas aux conclusions de la salariée soutenant que présentait un caractère disciplinaire la mise à pied suivie, seulement 7 jours après, de l'engagement d'une procédure de licenciement, dès lors que l'employeur ne pouvait justifier le délai entre la mise à pied et l'engagement de la procédure par la nécessité d'effectuer une enquête disciplinaire qui devait être menée pendant le temps de la procédure disciplinaire et que l'employeur ne justifiait pas de l'impossibilité de l'engager plus tôt, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors 5°) que constitue une garantie de fond dont la violation prive de cause réelle et sérieuse le licenciement, la procédure disciplinaire interne prévoyant que le salarié doit être invité à fournir des explications selon des modalités déterminées, ainsi que la procédure d'enquête préalable à l'engagement de la procédure de licenciement ; qu'en l'espèce, l'article 11 du règlement PX 10 prévoit que, dans le cadre de l'enquête disciplinaire, le salarié doit être invité à fournir des explications par écrit selon un modèle de procès-verbal réglementaire (Procèsverbal 532) ; qu'il est acquis aux débats que Mme [U] n'a pas bénéficié de cette garantie ; qu'en retenant que cette modalité d'exercice des droits du salarié n'était qu'une recommandation dont la violation ne privait pas de cause réelle et sérieuse le licenciement ultérieurement intervenu, la cour d'appel a violé les articles 211 du règlement PX 10, L 1235-3 et 1333-2 du code du travail.

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