14 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-22.923

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00920

Texte de la décision

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 septembre 2022




Rejet


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 920 F-D

Pourvoi n° J 19-22.923




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 SEPTEMBRE 2022

La société France télévisions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], a formé le pourvoi n° J 19-22.923 contre l'arrêt rendu le 11 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à M. [L] [E], domicilié [Adresse 1], [Localité 5] [Localité 5], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor et Périer, avocat de la société France télévisions, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [E], après débats en l'audience publique du 9 juin 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 juin 2019), M. [E] a été engagé par la société France 2, aux droits de laquelle se trouve la société France télévisions, à compter du 12 septembre 1994, en qualité de constructeur en décors-menuisier, suivant quatre cent-seize contrats à durée déterminée d'usage et contrats de remplacement de salariés permanents absents. La relation de travail a pris fin le 14 octobre 2012.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 7 juin 2013.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de renvoyer les parties à faire leurs comptes de rappel de salaire et prime d'ancienneté pour la période du 7 juin 2008 au mois d'octobre 2012 inclus sur la base du salaire minimum conventionnel du groupe de qualification B 9-0 en prenant en considération l'avancement que le salarié aurait dû avoir compte tenu de son ancienneté et déduction faite des salaires perçus au titre de chacune des années, à faire leur calcul du montant de la prime de fin d'année due au salarié sur la même période que ci-dessus et en considération du salaire au 30 juin de l'année au titre de laquelle elle est due, à faire leurs comptes concernant la prime de décors en tenant compte de la requalification du contrat à temps plein et du montant des sommes déjà perçues à ce titre, de le condamner à payer au salarié une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois du dernier salaire qu'il aurait dû percevoir au mois d'octobre 2012 sur la base du salaire minimum conventionnel du groupe de qualification B 9-0 en prenant en considération l'avancement que le salarié aurait dû avoir compte tenu de son ancienneté, outre congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement correspondant à un mois de salaire entre un et douze ans d'ancienneté et trois quarts de mois de rémunération entre douze ans et vingt ans d'ancienneté (l'ancienneté étant de dix-huit ans) sur la base du salaire minimum conventionnel du groupe de qualification B 9-0 en prenant en considération l'avancement que le salarié aurait dû avoir compte tenu de son ancienneté au mois d'octobre 2012, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de vingt-deux mois de salaire sur la base du salaire minimum conventionnel du groupe de qualification B 9-0 en prenant en considération l'avancement que le salarié aurait dû avoir compte tenu de son ancienneté au mois d'octobre 2012 et diverses sommes à valoir sur les sommes dues au titre des condamnations prononcées pour indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, indemnité de licenciement et indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ; que le salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée requalifiés en un contrat à durée indéterminée ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles séparant chaque contrat que lorsqu'il a été contraint de se tenir à la disposition constante de l'employeur, en vue d'effectuer un travail, au cours de celles-ci ; que cette mise à disposition contrainte, qui doit se distinguer d'une simple disponibilité, résulte de la brièveté des périodes interstitielles, de l'impossibilité de prévoir les périodes de travail à venir, et de l'obligation, sous peine de ne plus être recruté, d'accepter la conclusion de contrats très peu de temps avant leur commencement d'exécution ; que pour condamner la société France télévisions à verser à M. [E] des rappels de salaire pour des périodes interstitielles, la cour d'appel s'est bornée à constater que M. [L] [E] devait être disponible pour répondre à toute demande de l'employeur, au risque potentiel de ne plus se voir proposer de contrat s'il répondait souvent ne pas être disponible pour assurer le renfort qui lui était demandé, que cette situation le maintenait dans une dépendance et une nécessité de disponibilité permanente à l'égard de la société France télévisions et qu'il n'était pas dans la possibilité de connaître à l'avance les périodes où il serait fait appel à lui ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que M. [E] était contraint de rester à la disposition de la société France télévisions, dès lors qu'il en résultait qu'il aurait pu refuser quelques contrats sans mettre en cause la relation contractuelle, et sans se prononcer sur la durée des périodes interstitielles, ainsi que sur les conditions dans lesquelles M. [E] acceptait les contrats compte tenu de la date de commencement de leur exécution, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles des articles L. 1221-1, L. 1245-1 et L. 3123-14 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1315 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause ;

2°/ que la société France télévisions faisait valoir que M. [E] ne pouvait pas être considéré comme étant resté à sa disposition permanente durant les périodes interstitielles séparant ses contrats à durée déterminée puisqu'il exerçait, durant celles-ci, les fonctions de gérant de la société SCI Cadrixel, au titre d'une entraide familiale ; que pour retenir que M. [E] établissait être à la disposition permanente de la société France télévisions malgré l'exercice de ces fonctions, la cour d'appel s'est bornée à relever que l'expert-comptable assurait qu'en tant qu'associé de la SCI Cadrixel, M. [E] n'avait pas perçu de revenus fonciers, la société devant rembourser l'emprunt souscrit pour l'acquisition de l'immeuble et que M. [E] ne percevait aucun revenu à quelque titre que ce soit dans cette société ; qu'en se déterminant ainsi, cependant qu'il était indifférent, quant au fait de savoir si M. [E] était contraint de rester à la disposition de la société France télévisions durant les périodes interstitielles, que l'activité qu'il avait pu exercer durant lesdites périodes fût rémunérée ou non, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1221-1, L. 1245-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1315 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause ;

3°/ que la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail pendant les périodes effectivement travaillées ; qu'en cas de requalification de contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée à temps complet, le salarié ne peut obtenir de rappel de salaires pour les périodes interstitielles qu'à la condition de prouver qu'il a été contraint de rester, durant ces périodes, à la disposition de l'employeur ; qu'au cas présent, après avoir affirmé que la société France télévisions ne parvenait pas à rapporter différents éléments de preuve, la cour d'appel a simplement retenu que M. [E] établissait, d'une part, que la société France télévisions faisait appel à lui chaque mois pour une durée inconnue à l'avance, ce dont il résultait que M. [E] se trouvait dans l'impossibilité de connaître à l'avance le rythme de ses jours de travail dans le mois et, d'autre part, qu'il n'avait pas d'autre employeur et ne percevait pas de rémunération pour son activité d'entraide familiale auprès de la SCI Cadrixel ; qu'en statuant de la sorte, cependant que ces deux dernières constatations ne suffisaient pas à démontrer que M. [E] était contraint de se tenir à la disposition de la société France télévisions durant les périodes interstitielles, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles L. 1221-1, L. 1245-1, ensemble l'article 1315 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

4. Appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a constaté, d'une part, que le salarié devait être disponible pour répondre à toute demande de l'employeur, au risque potentiel de ne plus se voir proposer de contrat, et, d'autre part, que cette situation maintenait le salarié dans une dépendance et une nécessité de disponibilité permanente à l'égard de la société France télévisions, dont il est établi qu'elle faisait appel à lui chaque mois pour une durée inconnue à l'avance, de sorte qu'il s'était tenu à la disposition permanente de l'employeur.
5. La cour d'appel, qui en a exactement déduit que le salarié pouvait prétendre à un rappel de salaire pour les périodes interstitielles, a par ces seuls motifs, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants, critiqués par la troisième branche, légalement justifié sa décision.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser au salarié une certaine somme au titre de l'indemnité de requalification, alors « que par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a jugé que M. [E] était contraint de se tenir à la disposition de la société France télévisions durant les périodes interstitielles entraînera par voie de conséquence la cassation de ce même arrêt en ce qu'il a condamné la société France télévisions à verser la somme de 5 000 euros, supérieure au minimum fixé par la loi, au titre de l'indemnité de requalification, dès lors que le montant de cette somme a été calculé en considération de la durée de la relation pendant laquelle le salarié a été privé des avantages liés au statut d'un salarié permanent. »

Réponse de la Cour

7. Le rejet du premier moyen prive de portée le second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société France télévisions aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société France télévisions et la condamne à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société France télévisions

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR renvoyé les parties à faire leurs comptes de rappel de salaire et prime d'ancienneté pour la période du 7 juin 2008 à octobre 2012 inclus sur la base du salaire minimum conventionnel du groupe de qualification B 9-0 en prenant en considération l'avancement que Monsieur [L] [E] aurait dû avoir compte tenu de son ancienneté et déduction faite des salaires perçus au titre de chacune des années, renvoyé les parties à faire leur calcul du montant de la prime de fin d'année due à Monsieur [L] [E] sur la même période que ci-dessus et en considération du salaire au 30 juin de l'année au titre de laquelle elle est due, renvoyé les parties à faire leurs comptes concernant la prime de décors en tenant compte de la requalification du contrat à temps plein et du montant des sommes déjà perçues à ce titre ; condamné la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Monsieur [L] [E] une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois du dernier salaire qu'il aurait dû percevoir au mois d'octobre 2012 sur la base du salaire minimum conventionnel du groupe de qualification B 9-0 en prenant en considération l'avancement que Monsieur [L] [E] aurait dû avoir compte tenu de son ancienneté, plus 10 % de la dite somme au titre des congés payés afférents ; condamné la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Monsieur [L] [E] une indemnité conventionnelle de licenciement correspondant à un mois de salaire entre 1 et 12 ans d'ancienneté et 3/4 de mois de rémunération entre 12 ans et 20 ans d'ancienneté (l'ancienneté étant de 18 ans) sur la base du salaire minimum conventionnel du groupe de qualification B 9-0 en prenant en considération l'avancement que Monsieur [L] [E] aurait dû avoir compte tenu de son ancienneté au mois d'octobre 2012 ; condamné la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Monsieur [L] [E] à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 22 mois de salaire sur la base du salaire minimum conventionnel du groupe de qualification B 9-0 en prenant en considération l'avancement que Monsieur [L] [E] aurait dû avoir compte tenu de son ancienneté au mois d'octobre 2012 et condamné la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Monsieur [L] [E] à valoir sur les sommes dues au titre des condamnations prononcées par la présente décision, celles de 3310,32 € pour indemnité compensatrice de préavis + 331,03 € pour congés payés afférents, 27.310,14 € sur l'indemnité de licenciement et de 13.000 € sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle.

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de requalification des CDD en CDI à temps plein, l'indemnité de requalification et la demande de rappel de salaire ; La société FRANCE TELEVISIONS ne conteste pas la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ordonnée par le Conseil des prud'hommes, il convient de lui en donner acte ; la contestation dont la cour est saisie porte à la fois sur le montant de l'indemnité de requalification ouverte au salarié en application de l'article L 1245-2 § 2 du code du travail qui ne peut être inférieure à un mois de salaire et sur le rejet par le Conseil des prud'hommes de la demande du salarié de requalifier le contrat à durée indéterminée à temps complet. En l'espèce, la cour considère qu'il y a lieu d'allouer au salarié une indemnité de requalification de 5.000 € eu égard notamment à la durée de la relation pendant laquelle le salarié a été privé des avantages liés au statut d'un salarié permanent, ladite somme étant appropriée au préjudice subi. A l'appui de sa demande de requalification du contrat de travail à temps plein, Monsieur [E] invoque l'absence de respect par les contrats à durée déterminée des dispositions de l'article L 3123-14 du code du travail concernant l'obligation pour un contrat de travail à temps partiel de mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine, les semaines du mois et en application duquel doivent être communiquées par écrit au salarié, les modalités des horaires de travail. Pour s'opposer à la demande du salarié et solliciter la confirmation du rejet d'une requalification à temps complet, la société FRANCE TELEVISIONS rétorque que dans le cadre des contrats à durée déterminée Monsieur [E] a toujours été recruté à temps plein pour une ou plusieurs journées et que le temps rémunéré était forfaitairement de 8 heures ramené à 7 heures à compter de l'année 2000 de sorte que ne s'agissant pas d'un recrutement à temps partiel, il ne peut pas lui être reproché de ne pas avoir respecté les dispositions de l'article L 3123-14 du code du travail ; Elle fait valoir par ailleurs et en substance que la requalification de CDD successifs en CDI ne crée pas de plein droit une relation à plein temps, que le salarié ne produit aucun élément démontrant qu'il a été contraint de se tenir à la disposition de la chaîne en dehors des périodes d'activité convenues entre les parties ; elle soutient que Monsieur [E] exerce depuis 2000 une prestation de travail pendant ses périodes d'inter contrats ou de service dans le cadre de l'entraide familiale en invoquant ses pièces 4 à 6 ce qui explique à ses dires le fait qu'il n'a jamais écrit pour solliciter du travail ni fait savoir qu'il se tenait à disposition afin d'être contacté ; elle ajoute qu'il n'était soumis à aucune exclusivité et qu'en sa qualité de collaborateur intermittent il a d'une part perçu des allocations de chômage conséquentes pour les périodes non travaillées ainsi que l'établissent ses avis d'imposition, enfin qu'il ne peut pas invoquer une disponibilité permanente au profit de la chaîne dès lors qu'il était parfaitement informé de l'existence du plafond conventionnel de 140 jours pouvant être travaillés par les collaborateurs en contrat d'usage selon l'article I -1.2 de la convention collective de la communication et de la Production audiovisuelles. Enfin, concernant le montant mensuel du salaire revendiqué par Monsieur [E], la société FRANCE TELEVISIONS fait valoir que le salarié ne pourrait prétendre en cas de requalification à temps complet qu'au montant du salaire conventionnel d'un salarié permanent et non pas au salaire contractuel perçu en qualité d'intermittent rapporté à un temps plein, contrairement à sa demande et aux différents calculs qu'il présente. La société FRANCE TELEVISIONS verse aux débats un récapitulatif annuel non contesté du nombre de jours travaillés par Monsieur [E] dans le cadre de ses contrats à durée déterminée successifs soit : (…) Il ressort de ce tableau que Monsieur [E] travaillait environ et selon les années l'équivalent de plus ou moins trois mois par an pour la société FRANCE TELEVISIONS et que selon bulletins de salaire versés aux débats, il cotisait à la caisse des Congés spectacles ; De son côté, le salarié communique le détail du nombre mensuel de jours travaillés correspondants ; il en ressort que si certains mois il n'avait de contrat que pour un nombre de jours inférieurs à 10 jours dans le mois, d'autres mois il travaillait pour des durées beaucoup plus longues ( à titre d'exemples 16 jours en mai et juin 2000, 21 jours en septembre 2000, 13 jours en octobre et décembre 2000 - au cours de l'année 2001, il a travaillé entre 13 et 16 jours chaque mois de mars à juin inclus ainsi qu'en septembre et octobre - en 2002, il a travaillé entre 12 et 20 jours par mois pendant 6 mois - en 2011, il a travaillé pendant 6 mois entre 10 et 16 jours par mois et entre 1 et 6 jours les autres mois) ; Monsieur [L] [E] se trouvait donc en inter-contrats à de nombreuses reprises et la preuve n'est pas rapportée qu'il avait les moyens de connaître précisément les périodes auxquelles il serait fait appel à lui ; la société FRANCE TELEVISIONS ne communique pas davantage de pièces justifiant que Monsieur [L] [E] faisait connaître ou qu'il lui était demandé de communiquer ses périodes de disponibilité de sorte qu'il doit être retenu que dans les faits, Monsieur [L] [E] devait être disponible pour répondre à toute demande de l'employeur, au risque potentiel de ne plus se voir proposer de contrat s'il répondait souvent ne pas être disponible pour assurer le renfort qui lui était demandé ; ainsi cette situation le maintenait dans une dépendance et une nécessité de disponibilité permanente à l'égard de la société FRANCE TELEVISIONS dont il est établi que chaque mois elle faisait appel à Monsieur [L] [E] pour une durée inconnue à l'avance et par conséquence que le salarié se trouvait dans l'impossibilité de connaître à l'avance le rythme de ses jours de travail dans le mois. Cependant, il est de jurisprudence constante que pour pouvoir prétendre à la requalification de son contrat à temps plein et demander le paiement des périodes dites interstitielles, il appartient au salarié d'établir qu'il se tenait à la disposition de l'employeur à l'encontre de qui il demande le paiement de ces périodes ; En l'espèce, la société FRANCE TELEVISIONS n'invoque ni ne justifie que Monsieur [L] [E] ait refusé certaines propositions de CDD ; Monsieur [L] [E] soutient qu'il n'avait pas d'autre employeur ; il communique ses avis d'impôts dont il ressort uniquement outre la perception des revenus perçus de la société FRANCE TELEVISIONS, la perception des indemnités de chômage. Pour répondre aux arguments de l'intimée qui produit le registre du commerce de la SCI du CADRIXEL dont Monsieur [L] [E] est le gérant depuis février 2000 (pièce 4) et encore le registre du commerce de la société Résidence [4] dont l'épouse de Monsieur [L] [E] est la gérante et dont l'activité est une résidence médicalisée pour personnes âgées (pièce 5-6) , Monsieur [L] [E] produit une attestation de l'expert-comptable (Société STREGO) dont il ressort qu'il n'exerce aucune fonction et ne perçoit aucune rémunération salariée ou non dans la Sarl RESIDENCE [4] et qu'en tant qu'associé de la SCI CADRIXEL, s'agissant des revenus fonciers ils n'ont pas pu être perçus par les associés, la société devant rembourser l'emprunt souscrit pour l'acquisition de l'immeuble ; l'expert comptable ajoute dans son attestation du 14 avril 2014 que Monsieur [L] [E] ne perçoit aucun revenu à quelque titre que ce soit dans cette société ; Ainsi, faute d'éléments contraires, la cour considère qu'elle a les informations nécessaires pour juger que Monsieur [L] [E] rapporte la preuve qu'il se tenait à la disposition de la société FRANCE TELEVISIONS sans possibilité de connaître à l'avance les périodes où il serait fait appel à lui et en conséquence, infirmant le jugement, pour requalifier la succession de CDD en CDI à temps complet » ;

1) ALORS, D'UNE PART, QUE la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ; que le salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée requalifiés en un contrat à durée indéterminée ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles séparant chaque contrat que lorsqu'il a été contraint de se tenir à la disposition constante de l'employeur, en vue d'effectuer un travail, au cours de celles-ci ; que cette mise à disposition contrainte, qui doit se distinguer d'une simple disponibilité, résulte de la brièveté des périodes interstitielles, de l'impossibilité de prévoir les périodes de travail à venir, et de l'obligation, sous peine de ne plus être recruté, d'accepter la conclusion de contrats très peu de temps avant leur commencement d'exécution ; que pour condamner la Société France TELEVISIONS à verser à Monsieur [E] des rappels de salaire pour des périodes interstitielles, la cour d'appel s'est bornée à constater que Monsieur [L] [E] devait être disponible pour répondre à toute demande de l'employeur, au risque potentiel de ne plus se voir proposer de contrat s'il répondait souvent ne pas être disponible pour assurer le renfort qui lui était demandé, que cette situation le maintenait dans une dépendance et une nécessité de disponibilité permanente à l'égard de la société FRANCE TELEVISIONS et qu'il n'était pas dans la possibilité de connaître à l'avance les périodes où il serait fait appel à lui ; qu'en se prononçant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que Monsieur [E] était contraint de rester à la disposition de la Société France TELEVISIONS, dès lors qu'il en résultait qu'il aurait pu refuser quelques contrats sans mettre en cause la relation contractuelle, et sans se prononcer sur la durée des périodes interstitielles, ainsi que sur les conditions dans lesquelles Monsieur [E] acceptait les contrats compte tenu de la date de commencement de leur exécution, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles des articles L. 1221-1, L. 1245-1 et L. 3123-14 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1315 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause ;

2) ALORS, D'AUTRE PART, QUE la Société France TELEVISIONS faisait valoir que Monsieur [E] ne pouvait pas être considéré comme étant resté à sa disposition permanente durant les périodes interstitielles séparant ses contrats à durée déterminée puisqu'il exerçait, durant celles-ci, les fonctions de gérant de la Société SCI CADRIXEL, au titre d'une entraide familiale ; que pour retenir que Monsieur [E] établissait être à la disposition permanente de la Société France TELEVISIONS malgré l'exercice de ces fonctions, la cour d'appel s'est bornée à relever que l'expert-comptable assurait qu'en tant qu'associé de la SCI CADRIXEL, Monsieur [E] n'avait pas perçu de revenus fonciers, la société devant rembourser l'emprunt souscrit pour l'acquisition de l'immeuble et que Monsieur [E] ne percevait aucun revenu à quelque titre que ce soit dans cette société ; qu'en se déterminant ainsi, cependant qu'il était indifférent, quant au fait de savoir si Monsieur [E] était contraint de rester à la disposition de la Société France TELEVISIONS durant les périodes interstitielles, que l'activité qu'il avait pu exercer durant lesdites périodes fût rémunérée ou non, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1221-1, L. 1245-1 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1315 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause ;

3) ALORS ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT, QUE la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail pendant les périodes effectivement travaillées ; qu'en cas de requalification de contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée à temps complet, le salarié ne peut obtenir de rappel de salaires pour les périodes interstitielles qu'à la condition de prouver qu'il a été contraint de rester, durant ces périodes, à la disposition de l'employeur ; qu'au cas présent, après avoir affirmé que la Société France TELEVISIONS ne parvenait pas à rapporter différents éléments de preuve, la cour d'appel a simplement retenu que Monsieur [E] établissait, d'une part, que la Société France TELEVISIONS faisait appel à lui chaque mois pour une durée inconnue à l'avance, ce dont il résultait que Monsieur [E] se trouvait dans l'impossibilité de connaître à l'avance le rythme de ses jours de travail dans le mois et, d'autre part, qu'il n'avait pas d'autre employeur et ne percevait pas de rémunération pour son activité d'entraide familiale auprès de la SCI CADRIXEL ; qu'en statuant de la sorte, cependant que ces deux dernières constatations ne suffisaient pas à démontrer que Monsieur [E] était contraint de se tenir à la disposition de la Société France TELEVISIONS durant les périodes interstitielles, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles L. 1221-1, L. 1245-1, ensemble l'article 1315 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause.
SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société France TELEVISIONS à verser à Monsieur [E] au titre de l'indemnité de requalification la somme de 5.000 euros ;

AUX MOTIFS QUE « La contestation dont la cour est saisie porte à la fois sur le montant de l'indemnité de requalification ouverte au salarié en application de l'article L 1245-2 § 2 du code du travail qui ne peut être inférieure à un mois de salaire et sur le rejet par le Conseil des prud'hommes de la demande du salarié de requalifier le contrat à durée indéterminée à temps complet. En l'espèce, la cour considère qu'il y a lieu d'allouer au salarié une indemnité de requalification de 5.000 € eu égard notamment à la durée de la relation pendant laquelle le salarié a été privé des avantages liés au statut d'un salarié permanent, ladite somme étant appropriée au préjudice subi » ;

ALORS QUE par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a jugé que Monsieur [E] était contraint de se tenir à la disposition de la Société France TELEVISIONS durant les périodes interstitielles entrainera par voie de conséquence la cassation de ce même arrêt en ce qu'il a condamné la société France TELEVISIONS à verser la somme de 5.000 euros, supérieure au minimum fixé par la loi, au titre de l'indemnité de requalification, dès lors que le montant de cette somme a été calculé en considération de la durée de la relation pendant laquelle le salarié a été privé des avantages liés au statut d'un salarié permanent.

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