14 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-13.309

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00907

Texte de la décision

SOC.

CA3



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 septembre 2022




Cassation partielle


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 907 F-D

Pourvoi n° A 21-13.309




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 SEPTEMBRE 2022

La société H&M Logistics GBC France, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 21-13.309 contre l'arrêt rendu le 6 janvier 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant à Mme [I] [G], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pion, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société H&M Logistics GBC France, après débats en l'audience publique du 8 juin 2022 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pion, conseiller rapporteur, M. Ricour, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 janvier 2021), Mme [G], engagée en qualité de gestionnaire de stock le 2 mai 1998 par la société H&M, a été nommée par avenant du 1er mai 2002 aux fonctions de chef d'équipe, statut cadre, selon la convention collective des maisons à succursales de vente au détail d'habillement du 30 juin 1972.

2. Le contrat de travail de la salariée a été transféré à la société H&M Logistics GBC France.

3. La salariée a été classée, à l'expiration du délai fixé à l'article L. 2261-14 du code du travail, au coefficient 200 L de la grille de classification issue de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 correspondant à un poste de responsable management de la qualité, statut agent de maîtrise.

4. Sollicitant un positionnement correspondant à un statut cadre et le paiement de rappel de salaire y afférent, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée un rappel de salaires pour la période 2014/2017 sur la base de la grille de rémunération conventionnelle des cadres des activités logistiques (positionnement 100 L) de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport outre les congés payés afférents, alors « que si, du fait de l'absence d'accord de substitution, un salarié peut conserver son statut de cadre et la rémunération résultant de la convention collective mise en cause par un transfert d'entreprise jusqu'à la fin du délai de survie de cette convention, il ne peut prétendre au maintien pour l'avenir de ce statut, qui ne résulte que des dispositions de la convention collective qui ne s'applique plus ; qu'en décidant que la salariée avait vocation à obtenir le paiement d'une rémunération correspondant au statut de cadre selon la convention collective des transports routiers, soit le niveau hiérarchique 100 L pour la période 2017/2017 quand bien même la réalité de ses fonctions ne serait pas ou plus en concordance avec la définition du statut cadre résultant de la nouvelle convention collective, cependant que la salariée ne pouvait prétendre au maintien pour l'avenir du statut cadre qui ne résultait que des dispositions de la convention collective des maisons à succursale de vente au détail d'habillement qui ne s'appliquait plus, la cour d'appel a violé l'article L. 2261-14 du code du travail et les articles 1103 et 1104 du code civil, ensemble la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport, et l'accord du 30 juin 2004 et ses annexes I et II relatif aux conditions spécifiques d'emploi des personnels des entreprises exerçant des activités de prestations logistiques. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1224-1, L. 2261-14 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

6. Il résulte du premier de ces textes que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

7. Il résulte du second que lorsque l'application d'une convention ou d'un accord est mise en cause dans une entreprise déterminée en raison notamment d'une fusion, d'une cession, d'une scission ou d'un changement d'activité, cette convention ou cet accord continue de produire effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la convention ou de l'accord qui lui est substitué ou, à défaut, pendant une durée d'un an à compter de l'expiration du délai de préavis prévu à l'article L. 2261-9, sauf clause prévoyant une durée supérieure.

8. Selon le troisième de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

9. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée un rappel de salaire, l'arrêt retient que la salariée s'est vu confier, suivant avenant à son contrat de travail du 1er mai 2002 les fonctions de chef d'équipe, statut cadre, selon la convention collective des maisons à succursales de vente au détail d'habillement du 30 juin 1972, qu'il résulte de cet avenant, intitulé « contrat de travail à durée indéterminée à temps plein Cadre (ni dirigeant ni soumis à un horaire déterminable) », une volonté dépourvue d'ambiguïté de l'employeur de lui conférer, dans le cadre de l'évolution de sa carrière dans l'entreprise, le statut de cadre avec tous les avantages induits par ce positionnement hiérarchique, que le changement de convention collective ne saurait remettre en cause cet engagement étant relevé que selon le rapport de l'expertise, daté du 26 octobre 2016 et sollicité par le CHSCT, il ne peut être concrètement identifié dans l'entreprise « une différence dans les activités des chefs d'équipe ayant le statut cadre ou celui d'agent de maîtrise ».

10. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'avenant du 1er mai 2002 faisait application de la convention collective des maisons à succursales de vente au détail d'habillement du 30 juin 1972, ce dont il se déduisait que la salariée ne pouvait prétendre au maintien pour l'avenir du statut cadre qui résultait des dispositions de cette convention collective qui ne s'appliquait plus, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. L'employeur fait grief à l'arrêt de lui enjoindre de régulariser, à partir du 31 décembre 2017 et jusqu'à la rupture du contrat de travail, la rémunération du salarié sur la base des dispositions de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport, alors « que, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure qui s'attachera au chef de dispositif de l'arrêt attaqué ayant condamné la société H&M Logistics Gbc France à payer à la salariée un rappel de salaire pour la période 2014/2017 sur la base de la grille de rémunération conventionnelle des cadre des activités logistiques (positionnement 100 L) de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport outre les congés payés y afférents, entraînera, par voie de conséquence, en l'état d'un lien de dépendance nécessaire, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt attaqué ayant enjoint l'employeur de régulariser à partir du 31 décembre 2017 la rémunération de la salariée sur la base des dispositions de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

12. La cassation de l'arrêt sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif ayant enjoint à l'employeur de régulariser la rémunération de la salariée sur la base des dispositions conventionnelles susvisées qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

Portée et conséquences de la cassation

13. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt critiquées par le premier moyen entraîne la cassation des chefs de dispositif ayant condamné l'employeur au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.


PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande en dommages-intérêts pour exécution abusive du contrat de travail, l'arrêt rendu le 6 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne Mme [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société H&M Logistics GBC France ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Pion, conseiller le plus ancien, en ayant délibéré en remplacement du président empêché, en l'audience publique du quatorze septembre deux mille vingt-deux, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour la société H&M Logistics GBC France


PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société H&M Logistics Gbc France fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamnée à payer à la salariée un rappel de salaires pour la période 2014/2017 sur la base de la grille de rémunération conventionnelle des cadres des activités logistiques (positionnement 100 L) de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport outre les congés payés y afférents ;

ALORS QUE, d'une part, en cas de différend sur la catégorie professionnelle dont relève la salariée, les juges du fond doivent rechercher la nature de l'emploi qu'elle occupe effectivement et la qualification qu'il requiert ; qu'il leur appartient de rechercher, en fait, quelles sont les fonctions réellement exercées, pour déterminer si la salariée peut bénéficier de la classification revendiquée et si les tâches qui lui sont confiées correspondent à la classification revendiquée ; qu'en énonçant que la salariée avait vocation à obtenir le paiement d'une rémunération correspondant au statut de cadre selon la convention collective des transports routiers, soit le niveau hiérarchique 100 L quand bien même la réalité de ses fonctions ne serait pas ou plus en concordance avec la définition du statut cadre résultant de la nouvelle convention collective, la cour d'appel, qui a constaté que les tâches confiées à la salariée ne correspondaient pas à la classification revendiquée, n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations au regard des articles 1103 et 1104 du code civil, ensemble la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport, ainsi que l'accord du 30 juin 2004 et ses annexes I et II relatif aux conditions spécifiques d'emploi des personnels des entreprises exerçant des activités de prestations logistiques ;

ALORS QUE, d'autre part, les juges du fond ne peuvent se fonder sur les seules définitions de poste résultant du contrat de travail ou de la convention collective ; qu'il leur appartient de rechercher, en fait, quelles sont les fonctions réellement exercées, pour déterminer si la salariée peut bénéficier de la classification revendiquée ; qu'en se fondant sur les seules définitions du contrat de travail et de la convention collective pour en déduire que la salariée avait vocation à obtenir le paiement d'une rémunération correspondant au statut de cadre selon la convention collective des transports routiers, soit le niveau hiérarchique 100 L, sans rechercher, en fait, quelles étaient les fonctions réellement exercées par la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1103 et 1104 du code civil, ensemble la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport, et l'accord du 30 juin 2004 et ses annexes I et II relatif aux conditions spécifiques d'emploi des personnels des entreprises exerçant des activités de prestations logistiques ;

ALORS QUE, de troisième part, si, du fait de l'absence d'accord de substitution, un salarié peut conserver son statut de cadre et la rémunération résultant de la convention collective mise en cause par un transfert d'entreprise jusqu'à la fin du délai de survie de cette convention, il ne peut prétendre au maintien pour l'avenir de ce statut, qui ne résulte que des dispositions de la convention collective qui ne s'applique plus ; qu'en décidant que la salariée avait vocation à obtenir le paiement d'une rémunération correspondant au statut de cadre selon la convention collective des transports routiers, soit le niveau hiérarchique 100 L pour la période 2017/2017 quand bien même la réalité de ses fonctions ne serait pas ou plus en concordance avec la définition du statut cadre résultant de la nouvelle convention collective, cependant que la salariée ne pouvait prétendre au maintien pour l'avenir du statut cadre qui ne résultait que des dispositions de la convention collective des maisons à succursale de vente au détail d'habillement qui ne s'appliquait plus, la cour d'appel a violé l'article L. 2261-14 du code du travail et les articles 1103 et 1104 du code civil, ensemble la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport, et l'accord du 30 juin 2004 et ses annexes I et II relatif aux conditions spécifiques d'emploi des personnels des entreprises exerçant des activités de prestations logistiques ;

ALORS QU'enfin, les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en énonçant que « le changement de convention collective ne saurait remettre en cause cet engagement de l'employeur quand bien même la réalité des fonctions du salarié ne serait pas ou plus en concordance avec la définition du statut cadre résultant de la nouvelle convention collective, étant surabondamment relevé que selon le rapport de l'expertise, daté du 26 octobre 2016 et sollicité par le CHSCT (page 29), il ne peut être concrètement identifié dans l'entreprise "(…) une différence dans les activités des chefs d'équipe ayant le statut cadre ou celui d'agent de maîtrise (...)" » sans même examiner le rapport réalisé en 2015 par le cabinet AMPW qui avait mené des travaux et analyses par groupes de travail incluant des salariés de chaque catégorie et dont il ressortait la parfaite correspondance entre le métier de chef d'équipe au sein de la société H&M Gdb et celui de chef d'exploitation logistique, au sens de la convention collective transport (Pièce n° 3, page n° 18), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.



SECOND MOYEN DE CASSATION

La société H&M Logistics Gbc France fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de lui avoir enjoint de régulariser, à partir du 31 décembre 2017 et jusqu'à la rupture du contrat de travail, la rémunération du salarié sur la base des dispositions de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport ;

ALORS QUE, d'une part, par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure qui s'attachera au chef de dispositif de l'arrêt attaqué ayant condamné la société H&M Logistics Gbc France à payer à la salariée un rappel de salaire pour la période 2014/2017 sur la base de la grille de rémunération conventionnelle des cadre des activités logistiques (positionnement 100 L) de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport outre les congés payés y afférents, entraînera, par voie de conséquence, en l'état d'un lien de dépendance nécessaire, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt attaqué ayant enjoint l'employeur de régulariser à partir du 31 décembre 2017 la rémunération de la salariée sur la base des dispositions de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transport ;

ALORS QUE, d'autre part, il appartient aux juges du fond, en cas de demande non chiffrée, d'inviter la salariée à chiffrer cette demande ou à solliciter de l'employeur les éléments en sa possession nécessaires au chiffrage de celle-ci ; qu'en énonçant, pour la période postérieure au 31 décembre 2017, qu'il serait enjoint à la société H&M Logistics GBC France de régulariser le salaire de la salariée sur la base de la grille de rémunération des cadres du secteur logistique (positionnement 100 L) de la convention collective des transports routiers, peu important, contrairement à ce que soutient l'employeur, que la réclamation sur ce dernier point ne soit pas chiffrée, la cour d'appel a violé les articles 4, 5 et 12 du code de procédure civile.

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