14 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-20.819

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00894

Texte de la décision

SOC.

OR



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 septembre 2022




Cassation partielle


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 894 F-D

Pourvoi n° T 20-20.819




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 SEPTEMBRE 2022

Mme [O] [Y], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 20-20.819 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à M. [M] [Z], pris en sa qualité d'héritier de son père, [U] [Z], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de Mme [Y], de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [Z], après débats en l'audience publique du 8 juin 2022 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Capitaine, conseiller rapporteur, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 novembre 2018), Mme [X] a été engagée en qualité d'aide ménagère et gouvernante le 10 novembre 2010 par [U] [Z] et a été licenciée pour faute grave le 11 février 2014.

2. Contestant son licenciement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt de considérer la faute grave caractérisée et de la débouter de toute demande indemnitaire au titre du licenciement, alors « qu'aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée, même pour faute grave, lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes ; que cette période de protection durant laquelle tout licenciement prononcé est nul, est augmentée de la durée de l'état pathologique de la grossesse médicalement constaté ; que la cour d'appel a relevé que Mme [X] qui avait déclaré à son employeur son état de grossesse le 4 novembre 2013, a été en arrêt de travail du 14 janvier 2014 au 31 janvier 2014 puis en prolongation d'arrêt de travail du 31 janvier au 14 février inclus et que le certificat médical de prolongation du 31 janvier 2014 mentionnait expressément ‘'contractions utérines, fatigue'‘ ; que la cour d'appel a aussi constaté que Mme [X] a été licenciée pour faute grave le 11 février 2014 ; que la cour d'appel aurait dû déduire de ses propres énonciations que le licenciement était intervenu alors que le contrat de travail de la salariée se trouvait suspendu en raison de l'état pathologique résultant de sa grossesse et qu'il importait peu que le médecin qui a expressément fait état de ‘'contractions utérines'‘ coche la case ‘'en rapport avec un état pathologique résultant de la grossesse'‘, ce que reconnaissait d'ailleurs la sécurité sociale qui a considéré la salariée en état pathologique, en sorte que le licenciement disciplinaire prononcé durant cette période était nul ; que la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1225-4, L. 1225-21 et L. 1225-71 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 1225-21 du code du travail, lorsqu'un état pathologique est attesté par un certificat médical comme résultant de la grossesse ou de l'accouchement, le congé de maternité est augmenté de la durée de cet état pathologique dans la limite de deux semaines avant la date présumée de l'accouchement et de quatre semaines après la date de celui-ci.

5. La cour d'appel, qui a constaté que l'arrêt de travail pour maladie de la salariée ne mentionnait pas un état pathologique lié à la grossesse, et relevé que l'attestation du médecin traitant indiquant cet état pathologique avait été établie près d'un an et demi après les faits, a souverainement apprécié l'absence de valeur probante de ce document, et a exactement décidé que la salariée ne pouvait prétendre à la protection absolue liée au congé de maternité.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

7. La salariée fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour le harcèlement moral subi, alors « que la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce et qu'elle s'étend à l'ensemble des dispositions de l'arrêt cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir du chef de dispositif de l'arrêt qui a considéré que le licenciement de la salariée était licite et reposait sur une faute grave entraînera, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif de l'arrêt qui a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour le harcèlement moral subi dès lors que Mme [X] épouse [Y] invoquait, au soutien de ce chef de demande, notamment, la crainte de la rupture de son contrat de travail avec une mise à la rue dès la connaissance par son employeur de son état de grossesse, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. Le rejet du premier moyen rend sans portée ce moyen pris d'une cassation par voie de conséquence.






Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

9. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages - intérêts pour circonstances brutales et vexatoires de la rupture du contrat de travail et de la condamner à verser à l'employeur aux droits duquel vient désormais M. [M] [Z], ès qualités d'héritier, une somme à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, alors « que la cassation à intervenir des chefs de dispositif de l'arrêt attaqué qui ont débouté Mme [X] épouse [Y] de ses demandes indemnitaires au titre d'un licenciement nul et de dommages-intérêts pour le harcèlement moral subi, entraînera, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt qui ont débouté Mme [X] épouse [Y] de sa demande de dommages-intérêts pour circonstances brutales et vexatoires de la rupture du contrat de travail et qui l'ont condamnée à verser à [U] [Z] aux droits duquel vient désormais M. [M] [Z] ès qualités d'héritier, la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Le rejet du premier moyen rend sans portée ce moyen pris d'une cassation par voie de conséquence.

Mais sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

11. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que les sommes dues, de nature salariale, porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les intérêts seront capitalisés, alors « que s'agissant d'une créance salariale, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible ; qu'en affirmant que les sommes dues, de nature salariale (heures supplémentaires et congés payés afférents pour la période du 1er octobre 2009 jusqu'au 31 décembre 2013 et rappel de salaire consécutifs à la requalification de la relation de travail du 1er octobre 2009 au 11 février 2014) qui avaient été réclamées dès la saisine du conseil de prud'hommes par la salariée, porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les intérêts seront capitalisés, la cour d'appel a violé l'article 1153 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »




Réponse de la Cour

Vu l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

12. Aux termes de ce texte, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement. Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit.

13. Après avoir condamné l'employeur à payer diverses sommes au titre des heures supplémentaires effectuées entre le 1er octobre 2009 et le 31 décembre 2013 et de rappels de salaires consécutifs à la requalification à temps plein du contrat de travail pour la période du 1er ctobre 2009 au 11 février 2014 en ceux compris les 10 % de congés payés, l'arrêt retient que les sommes dues, de nature salariale, porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt et que les intérêts seront capitalisés.

14. En statuant ainsi, alors que le juge ne faisant que constater de telles créances, les intérêts légaux courent de plein droit à compter de la date de la demande valant mise en demeure, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquence de la cassation

15. La cassation prononcée sur le quatrième moyen n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt relatifs aux dépens et aux frais irrépétibles, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de chacune des parties et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les sommes dues, de nature salariale, porteront intérêts au taux légal à compter de son prononcé et que les intérêts seront capitalisés, l'arrêt rendu le 14 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par Mme Capitaine, conseiller le plus ancien, en ayant délibéré en remplacement du président empêché, en l'audience publique du quatorze septembre deux mille vingt-deux, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Le Prado - Gilbert, avocat aux Conseils, pour Mme [Y]

PREMIER MOYEN CASSATION

Mme [X] épouse [Y] reproche à l'arrêt attaqué,
D'AVOIR considéré la faute grave caractérisée et débouté Mme [X] épouse [Y] de toute demande indemnitaire au titre du licenciement ;

ALORS QU' aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée, même pour faute grave, lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration de ces périodes ; que cette période de protection durant laquelle tout licenciement prononcé est nul, est augmentée de la durée de l'état pathologique de la grossesse médicalement constaté ; que la cour d'appel a relevé que Mme [X] qui avait déclaré à son employeur son état de grossesse le 4 novembre 2013, a été en arrêt de travail du 14 janvier 2014 au 31 janvier 2014 puis en prolongation d'arrêt de travail du 31 janvier au 14 février inclus et que le certificat médical de prolongation du 31 janvier 2014 mentionnait expressément « contractions utérines, fatigue » (arrêt, p. 14) ; que la cour d'appel a aussi constaté que Mme [X] a été licenciée pour faute grave le 11 février 2014 (arrêt, p. 14) ; que la cour d'appel aurait dû déduire de ses propres énonciations que le licenciement était intervenu alors que le contrat de travail de la salariée se trouvait suspendu en raison de l'état pathologique résultant de sa grossesse et qu'il importait peu que le médecin qui a expressément fait état de « contractions utérines » (pièce n° 30 de la salariée) coche la case « en rapport avec un état pathologique résultant de la grossesse », ce que reconnaissait d'ailleurs la sécurité sociale qui a considéré la salariée en état pathologique (pièce n° 31 de la salariée), en sorte que le licenciement disciplinaire prononcé durant cette période était nul ; que la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1225-4, L. 1225-21 et L. 1225-71 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige.

DEUXIEME MOYEN CASSATION

Mme [X] épouse [Y] reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR confirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [X] épouse [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour le harcèlement moral subi ;

ALORS QUE la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce et qu'elle s'étend à l'ensemble des dispositions de l'arrêt cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir du chef de dispositif de l'arrêt qui a considéré que le licenciement de la salariée était licite et reposait sur une faute grave entrainera, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif de l'arrêt qui a débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour le harcèlement moral subi dès lors que Mme [X] épouse [Y] invoquait, au soutien de ce chef de demande, notamment, la crainte de la rupture de son contrat de travail avec une mise à la rue dès la connaissance par son employeur de son état de grossesse (conclusions de la salariée, p. 55 à 57), en application de l'article 624 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN CASSATION

Mme [X] épouse [Y] reproche à l'arrêt attaqué,
DE L'AVOIR déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour circonstances brutales et vexatoires de la rupture du contrat de travail et condamnée à verser à M. [U] [Z] aux droits duquel vient désormais [M] [Z] ès qualités d'héritier, la somme de 5. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

ALORS QUE la cassation à intervenir des chefs de dispositif de l'arrêt attaqué qui ont débouté Mme [X] épouse [Y] de ses demandes indemnitaires au titre d'un licenciement nul et de dommages et intérêts pour le harcèlement moral subi, entrainera, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt qui ont débouté Mme [X] épouse [Y] de sa demande de dommages et intérêts pour circonstances brutales et vexatoires de la rupture du contrat de travail et qui l'ont condamnée à verser à M. [U] [Z] aux droits duquel vient désormais [M] [Z] ès qualités d'héritier, la somme de 5. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, en application de l'article 624 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Mme [X] épouse [Y] reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR dit que les sommes dues, de nature salariale, porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt et que les intérêts seront capitalisés ;

ALORS QUE s'agissant d'une créance salariale, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible ; qu'en affirmant que les sommes dues, de nature salariale (heures supplémentaires et congés payés afférents pour la période du 1er octobre 2009 jusqu'au 31 décembre 2013 et rappel de salaire consécutifs à la requalification de la relation de travail du 1er octobre 2009 au 11 février 2014) qui avaient été réclamées dès la saisine du conseil de prud'hommes par la salariée, porteront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt et que les intérêts seront capitalisés, la cour d'appel a violé l'article 1153 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

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