14 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-11.937

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00487

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - redressement judiciaire - plan - plan de continuation - bonne exécution - portée - créances déclarées qui n'ont pas été inscrites au plan - droit de poursuite individuelle - exercice - possibilité

Il résulte de l'article L. 621-79 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, que le plan de continuation doit prévoir le règlement de toutes les créances déclarées, même si elles sont contestées. Il en résulte que, lorsque le plan est arrivé à son terme, les créances déclarées qui n'ont pas été inscrites au plan peuvent être recouvrées par l'exercice, par le créancier, de son droit de poursuite individuelle. Par conséquent, doit être approuvée la cour d'appel qui, après avoir relevé, d'une part, que les jugements ayant arrêté puis modifié le plan de continuation, devenus irrévocables, ne pouvaient plus être remis en cause, d'autre part, que la procédure de vérification des créances n'était pas allée jusqu'à son terme, retient que le jugement constatant la bonne exécution du plan n'a pas affecté les droits, pour les créanciers ayant déclaré leurs créances sans que celles-ci aient été inscrites au plan, de faire reconnaître ces dernières et de les faire payer, de sorte qu'est irrecevable, faute d'intérêt, la tierce opposition formée par ces créanciers contre ce dernier jugement

Texte de la décision

COMM.

FB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 septembre 2022




Rejet


M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 487 F-B

Pourvoi n° J 21-11.937



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 SEPTEMBRE 2022

1°/ La Société d'expansion du spectacle (SES), société anonyme,

2°/ la société Euro vidéo international (EVI), société anonyme,

3°/ la société Cinéma Napoléon, société anonyme,

4°/ la société Ciné spectacles, société anonyme,

ayant toutes quatre leur siège [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° J 21-11.937 contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 8), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [O] [S], domiciliée [Adresse 2],

2°/ à M. [T] [H], domicilié [Adresse 4],

3°/ à la société Audifilm, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],

4°/ à la société [Z]-Lavoir, dont le siège est [Adresse 11], en la personne de M. [Y] [Z], prise en qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan des sociétés défenderesses au pourvoi,

5°/ à la société Brouard-Daudé, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 9], prise en qualité de mandataire judiciaire des sociétés défenderesses au pourvoi,

6°/ à la Société d'exploitation cinématographique de Bethune (SECB), société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],

7°/ à la société Les Cinémas de l'Odet, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

8°/ à la société Les Films de la basse-cour, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8], exerçant sous l'enseigne Cinéma Alhambra,

9°/ à la société Groupement cinématographique [H] et associés (GCOA), société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],

10°/ à la société Les Cinémas Bertrand, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], anciennement dénommée société Cinéma Sainte-Cécile, prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'actionnaire unique de la société Sovalexci, d'associé unique de la société Ciné Tourcoing exploitation et d'actionnaire unique de la société Cinéma Sainte-Cécile,

11°/ à la société Leca, société anonyme, dont le siège est [Adresse 10], exerçant sous l'enseigne Le Palace I,

12°/ à la société L'Etoile, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7], exerçant sous l'enseigne STARS,

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la Société d'expansion du spectacle et des sociétés Euro vidéo international, Cinéma Napoléon, Ciné spectacles, de la SCP Marc Lévis, avocat de Mme [S], de M. [H], des sociétés Audifilm, Les Cinémas de l'Odet, Groupement cinématographique [H] et associés, Les Cinémas Bertrand, Leca, L'Etoile et de la Société d'exploitation cinématographique de Bethune, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 juin 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 novembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 8 septembre 2015, pourvoi n° Y 14-11.393), la société Groupement cinématographique [H] et associés et ses dix filiales ont été mises en redressement judiciaire le 14 novembre 2002. Un plan de continuation, établi sur la base du passif excluant les créances faisant l'objet d'instances en cours, a été arrêté par jugement du 3 août 2004. Sur requête du commissaire à l'exécution du plan, le tribunal a, par jugement du 7 juin 2011, constaté la bonne exécution du plan de continuation et mis fin à la mission du commissaire à l'exécution du plan. Les sociétés Société d'expansion du spectacle, Euro vidéo international, Cinéma Napoléon, Ciné spectacles (les sociétés tierce opposantes), dont les créances déclarées faisaient l'objet d'instances toujours en cours, ont formé tierce opposition.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches, ci-après annexé


2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, cinquième et sixième branches

Enoncé du moyen

3. Les sociétés tierce opposantes font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il déclare leur tierce opposition irrecevable, alors :

« 2°/ que l'acte par lequel le tribunal de commerce constate l'exécution du plan de redressement entraîne la clôture consécutive du redressement judiciaire ; qu'en jugeant qu'"en se bornant à constater la bonne exécution du plan, à mettre fin à la mission de la SCP [Z] Lavoir, commissaire à l'exécution du plan, et à ordonner la radiation des mentions au registre du commerce et des sociétés, ce jugement (du 7 juin 2011) n'a pas clôturé la procédure collective", la cour d'appel a violé l'article L. 621-6 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, ensemble les articles 583 et 585 du code de procédure civile ;

3°/ que l'acte par lequel le tribunal de commerce constate l'exécution du plan de redressement entraîne la clôture consécutive du redressement judiciaire ; qu'en jugeant qu'"en se bornant à constater la bonne exécution du plan, à mettre fin à la mission de la SCP [Z] Lavoir, commissaire à l'exécution du plan, et à ordonner la radiation des mentions au registre du commerce et des sociétés, ce jugement (du 7 juin 2011) n'a pas clôturé la procédure collective", la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, aux termes desquelles les mentions relatives à la procédure collective étaient radiées du registre du commerce et des sociétés, a violé l'article L. 621-6 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, les articles 583 et 585 du code de procédure civile ;

5°/ le jugement constatant le bon achèvement du plan prive les titulaires de créances contestées du droit de se prévaloir dudit plan ou de son inexécution ; qu'en jugeant que les droits des sociétés EVI, SES, Cinéma Napoléon et Ciné spectacles ne seraient pas affectées par le jugement ayant constaté à tort le bon achèvement du plan et qu'en conséquence celles-ci n'auraient pas intérêt à former tierce-opposition à son encontre, la cour d'appel a violé les articles 583 et 585 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 621-62 et suivants du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 ;

6°/ le jugement qui met fin aux fonctions du commissaire à l'exécution du plan du fait du constat du bon achèvement de ce dernier met fin à la surveillance du débiteur et à la limitation des pouvoirs de ce dernier ; qu'en jugeant qu'"en se bornant à constater la bonne exécution du plan, à mettre fin à la mission de la SCP [Z] Lavoir, commissaire à l'exécution du plan, et à ordonner la radiation des mentions au registre du commerce et des sociétés, ce jugement (du 7 juin 2011) n'a pas clôturé la procédure collective", que les droits des sociétés EVI, SES, Cinéma Napoléon et Ciné spectacles ne seraient pas affectées par le jugement ayant constaté à tort le bon achèvement du plan et qu'en conséquence celles-ci n'auraient pas intérêt à former tierce-opposition à son encontre, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 583 et 585 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 621-62 et suivants du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article L. 621-79 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, que le plan de continuation doit prévoir le règlement de toutes les créances déclarées, même si elles sont contestées. Il en résulte que, lorsque le plan est arrivé à son terme, les créances déclarées qui n'ont pas été inscrites au plan peuvent être recouvrées par l'exercice par le créancier de son droit de poursuite individuelle.

5. Ayant relevé, d'une part, que les jugements des 3 août 2004 et 24 octobre 2005 ayant arrêté puis modifié le plan étaient passés en force de chose jugée et ne pouvaient plus être remis en cause, et, d'autre part, que la mission du représentant des créanciers n'avait pas pris fin, la procédure de vérification des créances n'étant pas allée jusqu'à son terme, l'arrêt retient que les créanciers sont en mesure de faire admettre leurs créances au passif et ensuite de les recouvrer, le cas échéant.

6. La cour d'appel en a déduit à bon droit que, le jugement constatant la bonne exécution du plan n'ayant pas affecté les droits des sociétés appelantes de faire reconnaître leurs créances et de les faire payer, leur tierce opposition était irrecevable comme dépourvue d'intérêt.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société d'expansion du spectacle et les sociétés Euro vidéo international, Cinéma Napoléon et Ciné spectacles, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du quatorze septembre deux mille vingt-deux et signé par Mme Vaissette, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la Société d'expansion du spectacle et les sociétés Euro vidéo international , Cinéma Napoléon, Ciné spectacles.

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit les sociétés EVI, SES, CINEMA NAPOLEON et CINESPECTACLES irrecevables en leur tierce opposition ;

ALORS en premier lieu QUE le jugement du 7 juin 2011 étant susceptible d'affecter les droits des créanciers en ce qu'il constate la bonne exécution du plan peut faire l'objet d'une tierce opposition ; qu'en jugeant que « leurs droits n'étant pas affectés par le jugement du 7 juin 2011, les sociétés appelantes n'ont pas d'intérêt à former tierce opposition à son encontre » (arrêt, p.7), la cour d'appel a violé les articles 583 et 585 du code de procédure civile ;

ALORS en deuxième lieu QUE l'acte par lequel le tribunal de commerce constate l'exécution du plan de redressement entraîne la clôture consécutive du redressement judiciaire ; qu'en jugeant qu'« en se bornant à constater la bonne exécution du plan, à mettre fin à la mission de la SCP [Z] Lavoir, commissaire à l'exécution du plan, et à ordonner la radiation des mentions au registre du commerce et des sociétés, ce jugement (du 7 juin 2011) n'a pas clôturé la procédure collective », la cour d'appel a violé l'article L. 621-6 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005, ensemble les articles 583 et 585 du code de procédure civile ;

ALORS en troisième lieu QUE l'acte par lequel le tribunal de commerce constate l'exécution du plan de redressement entraîne la clôture consécutive du redressement judiciaire ; qu'en jugeant qu'« en se bornant à constater la bonne exécution du plan, à mettre fin à la mission de la SCP [Z] Lavoir, commissaire à l'exécution du plan, et à ordonner la radiation des mentions au registre du commerce et des sociétés, ce jugement (du 7 juin 2011) n'a pas clôturé la procédure collective » (arrêt, p.6), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, aux termes desquelles les mentions relatives à la procédure collective étaient radiées du registre du commerce et des sociétés, a violé l'article L. 621-6 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005, les articles 583 et 585 du code de procédure civile ;

ALORS en quatrième lieu QUE le créancier qui affirme ne pas avoir été payé au cours du plan, en dépit du jugement constatant son bon achèvement, supporte la charge de la preuve du non-paiement ; qu'en jugeant que les droits des sociétés EVI, SES, CINEMA NAPOLEON et CINESPECTACLES ne seraient pas affectées par le jugement ayant constaté à tort le bon achèvement du plan et qu'en conséquence celles-ci n'auraient pas intérêt à former tierce-opposition à son encontre, la cour d'appel a violé les articles 583 et 585 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 621-62 et suivants du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 ;

ALORS en cinquième lieu QUE le jugement constatant le bon achèvement du plan prive les titulaires de créances contestées du droit de se prévaloir dudit plan ou de son inexécution ; qu'en jugeant que les droits des sociétés EVI, SES, CINEMA NAPOLEON et CINESPECTACLES ne seraient pas affectées par le jugement ayant constaté à tort le bon achèvement du plan et qu'en conséquence celles-ci n'auraient pas intérêt à former tierce-opposition à son encontre, la cour d'appel a violé les articles 583 et 585 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 621-62 et suivants du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 ;

ALORS en sixième lieu QUE le jugement qui met fin aux fonctions du commissaire à l'exécution du plan du fait du constat du bon achèvement de ce dernier met fin à la surveillance du débiteur et à la limitation des pouvoirs de ce dernier ; qu'en jugeant qu'« en se bornant à constater la bonne exécution du plan, à mettre fin à la mission de la SCP [Z] Lavoir, commissaire à l'exécution du plan, et à ordonner la radiation des mentions au registre du commerce et des sociétés, ce jugement (du 7 juin 2011) n'a pas clôturé la procédure collective » (arrêt, p.6), que les droits des sociétés EVI, SES, CINEMA NAPOLEON et CINESPECTACLES ne seraient pas affectées par le jugement ayant constaté à tort le bon achèvement du plan et qu'en conséquence celles-ci n'auraient pas intérêt à former tierce-opposition à son encontre, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 583 et 585 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 621-62 et suivants du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005.

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